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Décisions

CA Pau, 2e ch. sect. 1, 11 février 2025, n° 24/01650

PAU

Arrêt

Autre

PARTIES

Défendeur :

Macadam Caffe (SARL), MJPA (SELARL)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

Mme Pellefigues

Conseillers :

Mme Baylaucq, M. Darracq

CA Pau n° 24/01650

10 février 2025

SUR CE

Par jugement du 27 février 2022, le tribunal de commerce de Bayonne a ouvert au bénéfice de la société MACADAM CAFFE, une procédure de redressement judiciaire.

[V] [C] a déclaré une créance dans le cadre de cette procédure à hauteur de 11 800 €.

Cette créance a été contestée par la SARL MACADAM CAFFE pour la somme de 7200 €.

La contestation porte sur des loyers relatifs à la location de deux caves en sous-sol.

Aucun bail n'ayant été signé entre les parties pour l'occupation de celles-ci, le juge-commissaire a estimé que les paiements épars de 600 € apparaissant sur le relevé bancaire de la SCI ELS'AUL ne sauraient caractériser l'existence d'un bail verbal entre les parties notamment sur un loyer mensuel de 600 €.Considérant que le créancier ne produisait pas d'éléments suffisants établissant la réalité de sa créance, il a admis celle-ci pour 4600 € à titre privilégié échu et l'a rejetée pour 7200 €.

[V] [C] expose être propriétaire de caves situées dans l'immeuble au [Adresse 6] à [Localité 14].

Monsieur et Madame [C] sont également associés au sein d'une SCI ELS'[V] laquelle est propriétaire d'un local commercial situé à la même adresse. Ce local a été loué au terme d'un bail commercial du 26 décembre 2018 à la société MACADAM CAFFE moyennant un loyer principal annuel de 33 600 , TVA non comprise.

La SARL MACADAM CAFFE a souhaité pouvoir louer les caves appartenant à l'indivision [C] et il a été dès lors conclu oralement un bail sur ces caves moyennant un loyer mensuel de 600 €. Ce bail verbal n'est pas contesté par le mandataire qui reconnaît une occupation des lieux par la société. Il a en effet adressé au mandataire dans le cadre de la contestation de créance des relevés bancaires démontre le règlement de loyer ainsi que des photographies démontrant l'occupation des lieux.

[V] [C] précise que ce bail verbal a débuté au mois d'août 2020 et un virement de 3348 € est intervenu le 4 août 2020 correspondant au loyer du local commercial et un virement concomitant de 600 € est également intervenu. Au mois de septembre 2020 on retrouve un virement de 3348 € et un virement de 600 € le même jour. Le relevé bancaire fait également apparaître deux virements l'un de 3348 € et l'autre de 600 €. La régularité des règlements au moment du début de la relation locative démontre clairement que le bail était de 600 €. Ce n'est que postérieurement et à compter de 2021 que les règlements sont sporadiques en relation d'une part avec le grave conflit entre les associés et les difficultés financières subies. Le Juge-commissaire notera que des règlements de 600 € sont bien intervenus en mars juin juillet août novembre 2021.

Il rappelle les dispositions de l'article 1716 du Code civil suivant lesquelles lorsqu'il y a contestation sur le prix du bail verbal dont l'exécution a commencé et qu'il n'existe pas de quittance, le propriétaire sera cru sur son serment. Le débiteur ne peut donc soutenir l'existence d'un bail et d'autre part n'avoir aucun loyer à régler. S'agissant du montant du loyer il correspond à la mise à disposition de trois caves et les parties sont libres de fixer le montant du loyer convenu.

La SARL MACADAM CAFFE affirme n'avoir jamais reconnu utiliser les caves sauf de façon exceptionnelle et marginale et soutient que [V] [C] ne justifie de sa créance ni dans son principe ni dans son montant. Elle conteste l'avis du mandataire judiciaire dont se prévaut [V] [C] alors que le mandataire se fonde uniquement sur des photographies faites par [V] [C] lui-même.

S'agissant des versements épars, ils peuvent correspondre à des avances sur le paiement du loyer ce qui n'est absolument pas interdit par les charges et conditions du bail commercial conclu entre les parties.

Aux termes de l'article L624-1du code de commerce, dans le délai fixé par le tribunal, le mandataire judiciaire établit, après avoir sollicité les observations du débiteur, la liste des créances déclarées avec ses propositions d'admission, de rejet ou de renvoi devant la juridiction compétente. Il transmet cette liste au juge-commissaire.

L'article L624-2 du code de commerce dispose qu'au vu des propositions du mandataire judiciaire, le juge-commissaire, si la demande d'admission est recevable, décide de l'admission ou du rejet des créances' ou constate soit qu'une instance est en cours, soit que la contestation ne relève pas de sa compétence. En L'absence de contestation sérieuse, le juge-commissaire a également compétence dans les limites de la compétence matérielle de la juridiction qui l'a désigné, pour statuer sur tout moyen opposé à la demande d'admission.

La procédure de vérification des créances n'a pour objet que de déterminer l'existence, le montant ou la nature de la créance déclarée.

Il appartient au créancier dont l'existence de la créance est contestée de rapporter la preuve de son admission au passif de son débiteur.

Le juge-commissaire a compétence exclusive et est dans son pouvoir juridictionnel lorsqu'il statue sur la régularité de la déclaration de créance. Cependant le juge-commissaire et à sa suite la cour d'appel sont dépourvus de pouvoir juridictionnel pour statuer en présence d'une contestation sur le principe même de la créance.

En l'espèce, le bail verbal portant sur les caves est contesté ainsi que le montant de la créance. Le juge-commissaire ne peut statuer qu'en juge de l'évidence sur le fond de sa créance déclarée et en présence de cette contestation qui doit être qualifiée de sérieuse puisque susceptible d'avoir une influence sur l'existence et le montant de la créance, il y a lieu de surseoir à statuer sur l'admission de la créance jusqu'à ce que le juge « compétent» ait statué sur la défense au fond.

S'agissant d'une exception d'incompétence, elle doit être relevée d'office dans les conditions prévues par l'article R624-5 du code de commerce qui dispose que lorsque le juge-commissaire se déclare incompétent ou constate l'existence d'une contestation sérieuse, il renvoie, par ordonnance spécialement motivée, les parties à mieux se pourvoir et invite, selon le cas, le créancier, le débiteur ou le mandataire judiciaire à saisir la juridiction compétente dans un délai d'un mois à compter de la notification ou de la réception de l'avis délivré à cette fin à peine de forclusion à moins d'appel dans les cas où cette voie de recours est ouverte.

Il y a donc lieu de constater l'existence d'une contestation sérieuse concernant la créance déclarée par [V] [C] excédant les pouvoirs juridictionnels du juge-commissaire.

Il convient d'inviter [V] [C] à saisir la juridiction compétente dans le délai d'un mois à compter de la notification du présent arrêt par le greffe et de surseoir à statuer sur l'admission ou le rejet de la créance contestée dans l'attente de la décision définitive qui sera rendue par le tribunal saisi au fond.

Les demandes fondées sur l'article 700 du code de procédure civile seront rejetées.

PAR CES MOTIFS

La cour, après en avoir délibéré,statuant par arrêt mis à disposition au greffe, contradictoirement et en dernier ressort,

Constate l'existence d'une contestation sérieuse excédant les pouvoirs juridictionnels du juge-commissaire

Invite [V] [C] à saisir la juridiction compétente dans le délai d'un mois à compter de la notification du présent arrêt par le greffe.

Sursoit à statuer sur l'admission ou le rejet de la créance contestée dans l'attente de la décision définitive qui sera rendue par le tribunal saisi au fond.

Renvoie l'affaire et les parties devant le juge-commissaire saisi de la déclaration de créance à charge pour les parties de reprendre l'instance aux termes du sursis.

Dit que le présent arrêt sera notifié aux parties par le greffe étant rappelé que cette notification constituera le point de départ du délai d'un mois dans lequel [V] [C] devra saisir la juridiction compétente à peine de forclusion en application de l'article R624-5 du code de commerce.

Déboute les parties de leurs demandes fondées sur l'article 700 du code de procédure civile au titre des frais irrépétibles d'appel.

Dit que les dépens d'appel seront employés en frais de procédure collective

Le présent arrêt a été signé par Madame PELLEFIGUES, Présidente, et par Madame Catherine SAYOUS, greffier suivant les dispositions de l'article 456 du Code de Procédure Civile.

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