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Décisions

CA Poitiers, 2e ch., 11 février 2025, n° 23/02864

POITIERS

Arrêt

Confirmation

PARTIES

Défendeur :

GFA de la Fossere

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Pascot

Vice-président :

Mme Marquer

Conseiller :

M. Lecler

Avocats :

Me Emeriau, Me Allain, Me Cabrol

TJ La Roche-sur-Yon, du 26 sept. 2023

26 septembre 2023

EXPOSÉ DU LITIGE

Par acte authentique du 21 juin 2000, Messieurs [U], [J] et [L] [B] ont constitué le Groupement foncier agricole de la [Localité 11] (GFA [Localité 14]) sis lieudit '[Localité 14]' sur la commune de [Localité 16] (85) au capital de 67 500 euros, divisé en 3375 parts sociales. Ils en sont associés à parts égales (1.125 parts chacun) et ont été désignés par les statuts en qualité de co-gérants.

Le GFA de [Localité 14] est propriétaire de terres situées sur le site de la Fossère, exploitées par le Groupement Agricole d'Exploitation en Commun Le [Adresse 10] (GAEC [Adresse 21]) suivant bail rural verbal.

Les consorts [B] étaient également associés à parts égales du GAEC [Adresse 21].

Par jugement du 24 août 2018, rectifié le 18 décembre 2018, le tribunal de grande instance de La Roche-sur-Yon a ordonné la dissolution du GAEC [Adresse 21] en raison d'une mésentente entre associés et a désigné Monsieur [P] [E] en qualité d'administrateur provisoire et liquidateur du GAEC.

Par acte d'huissier du 28 mai 2020, M. [U] [B] a attrait le GFA de [Localité 14] et Messieurs [J] et [L] [B] devant le tribunal judiciaire de La Roche-sur-Yon aux fins de voir ordonner la liquidation du GFA de [Localité 14] et de voir désigner Monsieur [E] comme liquidateur avec pour mission de réaliser l'actif du GFA et de procéder au partage des biens ou du boni de liquidation en fonction des droits des associés.

Par jugement en date du 26 septembre 2023, le tribunal judiciaire de La Roche-sur-Yon a statué ainsi :

- Rejette l'intégralité des demandes,

- Condamne M. [U] [B] aux entiers dépens de l'instance,

- Rappelle que la présente décision est de plein droit exécutoire par provision.

Par déclaration en date du 28 décembre 2023, M. [U] [B] a relevé appel de cette décision en visant ses chefs expressément critiqués et en intimant Messieurs [L] et [J] [B] ainsi que le GFA de [Localité 14].

M. [U] [B], par dernières conclusions transmises le 8 février 2024, demande à la cour de :

- Infirmer le jugement du 26 septembre 2023 en ce qu'il :

- rejeté l'intégralité des demandes,

- condamné M. [U] [B] aux entiers dépens de l'instance,

Et statuant à nouveau,

- Débouter Messieurs [J] et [L] [B] de l'ensemble de leurs demandes, fins et conclusions comme étant tant irrecevables que mal fondées,

- Prononcer la dissolution du GFA de [Localité 14] et désigner Maître [E] (ou toute autre personne compétente) en qualité de liquidateur avec pour mission de réaliser l'actif du GFA et de procéder au partage des biens ou du boni de la liquidation en fonction des droits des associés,

- Fixer la rémunération du liquidateur,

- Dire et juger que le liquidateur devra notamment :

- Réaliser les formalités de publication de dissolution

- Mettre en vente les parcelles de terre et généralement tous les biens appartenant au GFA

- Pendant la période transitoire, consentir des droits temporaires d'exploitation en lien avec la liquidation du GAEC [Adresse 21] dont il est le liquidateur

- Condamner in solidum Messieurs [L] et [J] [B] à régler à Monsieur [U] [B] 5.000 euros en application de l'article 700 du Code de procédure civile,

- Condamner les mêmes aux dépens dont distraction au profit de Ouest avocat conseil, Avocat aux offres de droit par application des dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.

Le GFA de [Localité 14] ainsi que Messieurs [L] et [J] [B], par dernières conclusions transmises le 17 novembre 2024, demandent à la cour de :

- Débouter M. [U] [B] de son appel et confirmer le jugement dont appel,

- Condamner M. [U] [B] à payer à Messieurs [J] et [L] [B] la somme de 10.000 euros couvrant les frais irrépétibles de première instance et d'appel au titre de l'article 700 du CPC,

- Le condamner aux entiers de l'instance dont distraction au profite de Maître Guillaume Allain avocat postulant sur ses offres de droit et en application des dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.

Conformément aux dispositions de l'article 455 du code de procédure civile, la cour renvoie expressément aux dernières conclusions précitées pour plus ample exposé des prétentions et moyens des parties.

L'ordonnance de clôture a été rendue le 18 novembre 2024.

MOTIVATION

Sur la demande de révocation de l'ordonnance de clôture

L'article 803 du code de procédure civile prévoit que l'ordonnance de clôture ne peut être révoquée que s'il se révèle une cause grave depuis qu'elle a été rendue ; la constitution d'avocat postérieurement à la clôture ne constitue pas, en soi, une cause de révocation et que l'ordonnance de clôture peut être révoquée, d'office ou à la demande des parties, soit par ordonnance motivée du juge de la mise en état, soit, après l'ouverture des débats, par décision du tribunal.

En l'espèce, M. [U] [B] ne démontre pas en quoi les conclusions et pièces n° 2 imposaient une réponse de sa part et qu'ainsi, le délai très court qui lui était laissé pour le faire avant l'ordonnance de clôture serait une atteinte au principe du contradictoire.

En conséquence, la demande de révocation de l'ordonnance de clôture sera rejetée, les conclusions n° 3 de M. [U] [B] déclarées irrecevables comme ayant été déposées après l'ordonnance de clôture et la demande de M. [U] [B] tendant à voir les conclusions n° 2 des intimés écartées sera également rejetée.

Sur la dissolution anticipée du GAEC

Aux termes de l'article 1844-7 5°, la société prend fin par la dissolution anticipée prononcée par le tribunal à la demande d'un associé pour justes motifs, notamment en cas d'inexécution de ses obligations par un associé, ou de mésentente entre associés paralysant le fonctionnement de la société.

La mésentente entre associés n'est une cause de dissolution anticipée que dans la mesure où elle a pour effet de paralyser le fonctionnement de la société ; ayant relevé qu'une telle paralysie n'était pas démontrée, les juges du fond, qui ne pouvaient retenir comme seul motif de la dissolution la mésentente entre associés, fussent-ils associés à parts égales, justifient leur refus de la prononcer (Cass com 21 octobre 1997).

Par un arrêt du 9 janvier 2019, la chambre commerciale de la Cour de cassation (com. 9 janvier 2019, n° 17-10.656), statuant sur un arrêt d'une cour d'appel qui pour prononcer la dissolution du GFA retient que M. X, désigné premier gérant de celui-ci lors de sa constitution en 1990, ne démontre pas avoir tenu d'assemblée générale entre cette date et 2004, ni avoir soumis aux associés un rapport sur les opérations et les comptes de la société, un bilan ou des projets de résolution, ni encore avoir dressé un inventaire annuel du passif et de l'actif, seules les déclarations relatives aux revenus perçus par le GFA au cours des années 2014 et 2015 étant versées au débat ; qu'il relève que, lors de l'assemblée générale du 8 juillet 2005, le gérant n'a pas été reconduit dans ses fonctions, faute de majorité ; qu'il ajoute que cette situation est inextricable, chaque branche de la famille possédant la moitié des parts sociales ;

a jugé qu'en se déterminant ainsi, par des motifs impropres à établir que la mésentente entre les associés paralysait le fonctionnement de la société, la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision.

De même l'inexécution de ses obligations par un associé ne permet, en application de l'article 1844-7, 5°, du code civil, le prononcé judiciaire de la dissolution anticipée de la société pour juste motif qu'à la condition qu'elle paralyse le fonctionnement de la société.

En l'espèce, M. [U] [B] soutient que dès lors que le retrait des associés ne peut être obtenu que sur décision unanime des autres associés, la seule solution de sortie possible est la dissolution du GFA.

Cependant, il apparaît que ses deux frères avaient sollicité son retrait du GFA et que le tribunal de commerce a du les en débouter au motif que seul l'intéressé pouvait en faire la demande, M. [U] [B] n'en ayant pas fait la demande ni à ses co-associés ni au tribunal, étant précisé que 'l'article 12 des statuts autorise un associé à se retirer avec l'accord de ses co-associés, pris en la forme d'une décision collective extraordinaire et dans le cadre d'une assemblée'.

Ceci étant, même s'il avait en réalité une possibilité de demander son retrait, il est autorisé à solliciter la dissolution du GFA pour justes motifs en application des dispositions précitées de l'article 1844-7 (Civ 1ère, 18 juillet 1995).

Pour justifier sa demande de dissolution du GFA, M. [U] [B] invoque une imbrication entre la situation du Groupement Foncier Agricole dont l'objet social est la propriété, l'administration et jouissance des immeubles à destination agricole et leur gestion en les donnant à bail et celle du Groupement Agricole d'Exploitation en Commun, société civile agricole qui leur a permis de s'associer en vue de réaliser des travaux en commun, groupement en liquidation, en indiquant que le défaut de résiliation du bail rural liant le GAEC et le GFA et le refus de MM. [J] et [L] [B] de vendre les terres et bâtiments agricoles à des tiers qui ont fait des propositions d'achat sont contraires à l'objet social du GFA qui est de gérer les terres dont il est propriétaire en les donnant à bail.

Il soutient en outre que ses associés commettent un abus de droit car ils ont sous-loué des terres à une SCEA [K] sans l'autorisation de la collectivité des associés et ils ont permis à [L] [B] d'exploiter en direct en contradiction avec l'article 2 des statuts et donc à exploiter les terres du GFA et profiter des récoltes pour son profit personnel.

À cela, MM. [J] et [L] [B] et le GFA répondent que le sort du GFA et celui du GAEC n'ont pas à être traités de façon identique, la dissolution du GAEC pour cause de mésentente entre associés n'entraînant pas nécessairement la dissolution du GFA, la mésentente entre les associés n'entraînant pas la paralysie de celui-ci.

Selon eux, la location à la SCEA [K] de terres situées à [Adresse 19] est sans emport dans la mesure où il porte sur des terres qui n'appartiennent pas au GFA et s'ils ne contestent pas que M. [L] [B] exploite des terres du GFA, ils considèrent que cela n'est pas illicite car celui-ci dispose d'une autorisation préfectorale et bénéficie d'un bail à ferme verbal, les intimés soutenant en outre que ce n'est pas contraire à l'intérêt du GFA puisque [L] [B] verse des fermages à celui-ci.

Enfin, M. [U] [B] se plaint de l'absence de tenue d'assemblée générale, notamment pour l'approbation des comptes et d'absence de gouvernance du GFA, ce à quoi MM. [B] [J] et [L] répondent qu'il appartient à leur frère d'utiliser ses droits d'associés et de solliciter la convocation d'une assemblée générale et que la gérance du GFA n'est pas bloquée, les co-gérants ayant des pouvoirs étendus dans les limites posées par l'article 20 des statuts.

Réponse de la cour d'appel :

M. [U] [B] sur lequel pèse la charge de la preuve ne démontre pas que la mésentente au sein du GFA entraîne une paralysie de celui-ci ni qu'un abus de leurs droits par les associés entraîne une paralysie du fonctionnement du GFA et un fonctionnement contraire aux intérêts de celui-ci, l'absence de réunion d'assemblées générales et le fait de ne pas avoir adressé les comptes du GFA à M. [H] [B] depuis plusieurs années étant insuffisants à l'établir.

Le fait que la répartition des pouvoirs des trois associés qui sont également les trois co-gérants du GFA a pour conséquence que M. [U] [B] sera nécessairement en minorité s'il fait le choix de recourir à ses droits d'associés pour faire examiner des résolutions à l'assemblée des associés n'est pas non plus de nature à entraîner une paralysie du fonctionnement du GFA et ne peut donc justifier une dissolution anticipée pour justes motifs.

M. [U] [B] ne démontre pas davantage en quoi le fait que son frère [L] exploite les terres du GFA après autorisation préfectorale et verse des fermages au GFA serait contraire aux intérêts de celui-ci (le fait que cela soit contraire aux intérêts du GAEC [Adresse 21] est ici indifférent) ni en quoi le bail consenti à M. [K] sur des terres du site de [Localité 18] qui appartiennent au GAEC du [Adresse 10] et non au GFA de [Localité 14] serait contraire aux intérêts de ce dernier.

C'est donc à bon droit que le tribunal judiciaire de La Roche-sur-Yon a rejeté l'intégralité des demandes formées devant lui par M. [U] [B] et l'a condamné aux entiers dépens.

Sur les demandes sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile et les dépens

Il apparaît contraire à l'équité de laisser à la charge du GFA de [Localité 14] et de messieurs [L] et [J] [B] les frais qu'ils ont exposés pour faire valoir leurs droits qui ne sont pas compris dans les dépens.

Il convient donc de condamner M. [U] [B] à leur verser ensemble la somme de 5 000 euros sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.

M. [H] [B], partie perdante au sens des dispositions de l'article 696 du code de procédure civile, sera condamné aux entiers dépens d'appel.

PAR CES MOTIFS

La cour d'appel, statuant publiquement, par arrêt contradictoire, après en avoir délibéré conformément à la loi,

Rejette la demande de révocation d l'ordonnance de clôture ;

Déclare irrecevables les conclusions n° 3 déposées par M. [U] [B] le 9 décembre 20224 ;

Rejette la demande tendant à voir écarter les conclusions n° 2 transmises par Messieurs [L] et [J] [B] et la GFA de [Localité 14] le 17 novembre 2024 ;

Confirme le jugement déféré ;

Et y ajoutant,

Déboute M. [U] [B] de sa demande sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ;

Condamne M. [U] [B] à verser au GFA de [Localité 14] et à messieurs [L] et [J] [B] pris ensemble la somme de 5 000 euros sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile;

Condamne M. [U] [B] aux entiers dépens d'appel, dont distraction au profit de Maître Guillaume Allain avocat postulant sur ses offres de droit et en application de l'article 696 du code de procédure civile.

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