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Décisions

CA Paris, Pôle 6 - ch. 13, 7 février 2025, n° 22/06471

PARIS

Arrêt

Autre

CA Paris n° 22/06471

7 février 2025

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 6 - Chambre 13

ARRÊT DU 07 Février 2025

(n° , 20 pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : S N° RG 22/06471 - N° Portalis 35L7-V-B7G-CGA6S

Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 21 Avril 2022 par le Pole social du TJ de PARIS RG n° 19/07070

APPELANTE

UNION DE RECOUVREMENT DE SECURITE SOCIALE ET D'ALLOCATIONS

[Adresse 4]

[Adresse 4]

[Localité 1]

représentée par Mme [R] [O] [M] en vertu d'un pouvoir général

INTIME

Monsieur [P] [K] [L]

[Adresse 3]

[Localité 2]

représenté par Me Xavier COLARD, avocat au barreau de PARIS

COMPOSITION DE LA COUR :

L'affaire a été débattue le 12 Décembre 2024, en audience publique, devant la Cour composée de :

M. Raoul CARBONARO, Président de chambre

Mme Sophie COUPET, Conseillère

M. Gilles REVELLES, Conseiller

qui en ont délibéré

Greffier : Madame Agnès IKLOUFI, lors des débats

ARRÊT :

- CONTRADICTOIRE

- prononcé

par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

- signé par M. Raoul CARBONARO, Président de chambre et Madame Fatma DEVECI à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

La cour statue sur l'appel interjeté par l'union pour le recouvrement des cotisations de sécurité sociale et d'allocations familiales (Urssaf) Centre - Val-de-Loire d'un jugement rendu le 21 avril 2022 par le tribunal judiciaire de Paris dans un litige l'opposant à M. [P] [K] [L].

FAITS, PROCÉDURE, PRÉTENTIONS ET MOYENS DES PARTIES :

Les circonstances de la cause ayant été correctement rapportées par le tribunal dans son jugement au contenu duquel la cour entend se référer pour un plus ample exposé, il suffit de préciser que M. [P] [K] [L] a saisi la commission de recours amiable de l'Urssaf par courrier du 21 septembre 2018, afin de contester l'avis de l'Urssaf lui réclamant la somme de 6 072 euros au titre de la cotisation subsidiaire maladie calculé sur ses revenus de l'année 2016. Par décision du 13 décembre 2018, la commission de recours amiable a rejeté son recours.

Par courrier recommandé expédié le 13 février 2019, M. [K] [L] a saisi le pôle social du tribunal de grande instance de Paris, afin de contester la décision de la commission de recours amiable.

Par jugement en date du 21 avril 2022, le tribunal judiciaire de Paris :

Déclare M. [P] [K] [L] recevable en son recours ;

Dit que le seul caractère tardif de l'appel à cotisation subsidiaire maladie en date du 15 décembre 2017 n'entache pas ce dernier d'irrégularité ;

Déclare en revanche irrégulier ce même appel à cotisation du 15 décembre 2017 en raison de la compétence territoriale de l'Urssaf Centre - Val-de-Loire, du fait de l'absence de publicité antérieure de l'approbation de la convention de délégation entre l'Urssaf d'Île-de-France et l'Urssaf Centre - Val-de-Loire par le directeur de l'ACOSS ;

Annule en conséquence l'appel à cotisation subsidiaire maladie en date du 15 décembre 2017 ;

Prononce le dégrèvement de la somme de 6 072 euros réclamée au titre de la cotisation subsidiaire maladie afférente à l'année 2016 ;

Déboute l'Urssaf Centre - Val-de-Loire de l'ensemble de ses prétentions ;

Condamne l'Urssaf Centre - Val-de-Loire à verser à M. [P] [K] [L] la somme de 500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;

Condamne l'Urssaf Centre - Val-de-Loire aux dépens ;

Dit n'y avoir lieu de prononcer l'exécution provisoire de la décision.

Le jugement a été notifié par lettre recommandée avec demande d'accusé de réception remise le 29 avril 2022 à l'Urssaf Centre - Val-de-Loire qui en a interjeté appel par lettre recommandée avec demande d'accusé de réception adressée le 12 mai 2022.

Par conclusions écrites visées par le greffe et développées oralement à l'audience par son représentant, l'Urssaf Centre - Val-de-Loire demande à la cour de :

Infirmer le jugement rendu par le tribunal judiciaire de Paris dans toutes ses dispositions et confirmer la décision explicite de rejet de la commission de recours amiable du 13 décembre 2018, notifiée le 28 décembre 2018 ;

Condamner M. [P] [K] [L] au paiement de la cotisation subsidiaire maladie au titre de l'année 2016 d'un montant de 6 072 euros ;

Valider la mise en demeure du 19 avril 2019 notifiée le 20 avril 2019 ;

Valider l'appel de cotisation subsidiaire maladie du 15 décembre 2017 pour son montant de 6 072 euros ;

Confirmer la décision de la commission de recours amiable du 13 décembre 2018, notifiée le 28 décembre 2018 ;

Rejeter toutes les demandes de M. [P] [K] [L] ;

Condamner M. [P] [K] [L] aux dépens.

Par conclusions visées par le greffe et reprises oralement à l'audience, M. [K] [L], représenté par son conseil, demande à la cour de :

Débouter l'Urssaf Centre - Val-de-Loire de son appel et en tout cas, le déclarer mal fondée ;

Confirmer le jugement rendu le 21 avril 2022 par le tribunal judiciaire de Paris ;

Infirmer partiellement le jugement rendu le 21 avril 2022 par le tribunal judiciaire de Paris en sa disposition relative au caractère tardif ;

en tout état de cause,

Rejeter les demandes de l'Urssaf Centre - Val-de-Loire ;

Prononcer le dégrèvement de la somme de 6 072 euros due au titre de la cotisation subsidiaire maladie ;

Condamner la partie appelante à prendre en charge l'ensemble des frais irrépétibles engagés pour assurer la défense de l'intimé ;

Condamner la partie appelante à allouer à l'intimé la somme de 5 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

Pour un exposé complet des prétentions et moyens des parties, la cour, par application de l'article 455 du code de procédure civile, renvoie à leurs conclusions écrites visées par le greffe à l'audience du 12 décembre 2024.

A l'issue de l'audience, les parties ont été informées que la décision serait mise à disposition le 7 février 2025.

SUR CE

Sur la régularité de l'appel à cotisation au regard de sa tardiveté :

Moyens des parties :

M. [K] [L] expose que l'article R. 380-4 du code de la sécurité sociale prévoit que l'appel à cotisation de la CSM doit être adressé au plus tard le dernier jour du mois de novembre l'année suivant celle au titre de laquelle la cotisation est due. Il précise que ce texte de nature réglementaire fixe un délai de forclusion au-delà duquel il n'est plus possible de réclamer la cotisation et qui ne doit pas être confondu avec le délai de prescription triennale : l'Urssaf dispose de trois années pour recouvrer la CSM, sous réserve que celle-ci ait été appelée dans les délais légaux prévus. Il précise que même si on considère que le délai prévu à l'article R. 380-4 du code de la sécurité sociale est un délai de prescription et non de forclusion, le fait de considérer qu'il n'est assorti d'aucune sanction reviendrait à rendre la cotisation imprescriptible.

M. [K] [L] précise que ce délai est impératif et qu'il ne peut pas être écarté pour des motifs purement administratifs ou des difficultés d'organisation interne de l'Urssaf.

Il indique également que l'appel de cotisations de l'Urssaf est daté du 15 décembre 2017, mais qu'il ne l'a jamais reçu. Il précise qu'il a reçu une notification après la relance téléphonique qu'il a effectuée le 31 mai 2018. Il souligne également que la lettre informative qu'il a reçue au cours du mois de novembre 2017, ayant pour seul objectif de présenter la cotisation et ses modalités de recouvrement et ne contenant aucune information personnelle, ne peut être considéré comme un appel à cotisations. M. [K] [L] cite plusieurs décisions de jurisprudence (tribunal judiciaire de Lille, cour d'appel de Paris) retenant la tardiveté de l'appel à cotisation envoyé postérieurement au dernier jour ouvré du mois de novembre et ce, après les arrêts de la Cour de cassation en date du 28 janvier 2021.

En défense, l'Urssaf Centre - Val-de-Loire expose que l'article R. 380-4 du code de la sécurité sociale n'est assorti d'aucune sanction et qu'en conséquence, le tribunal ne peut pas prononcer de sanction en raison de la tardiveté de l'appel si une telle sanction n'est pas prévue par les textes. Elle rappelle la jurisprudence de la Cour de cassation du 28 janvier 2021 selon laquelle le non-respect par l'organisme de recouvrement de la date limite mentionnée par l'article R. 380-4 du code de la sécurité sociale ne peut avoir d'autre effet que le report du délai au terme duquel la cotisation devient exigible et donc ne peut en aucun cas être sanctionné par la nullité de l'appel de cotisation ou avoir pour effet d'entraîner l'annulation de cet appel. L'Urssaf Centre - Val-de-Loire rappelle que l'appel à cotisations n'est pas un acte administratif faisant grief, puisqu'il ne modifie pas la situation personnelle du requérant, qui est d'ailleurs expressément invité à se manifester s'il n'est pas d'accord avec les éléments retenus.

Réponse de la cour :

L'alinéa 1er de l'article R. 380-4 du code de la sécurité sociale dispose :

La cotisation mentionnée à l'article L. 380-2 est appelée au plus tard le dernier jour ouvré du mois de novembre de l'année suivant celle au titre de laquelle elle est due. Elle est exigible dans les trente jours suivant la date à laquelle elle est appelée.

L'article L. 244-3 du code de la sécurité sociale dispose que :

Les cotisations et contributions sociales se prescrivent par trois ans à compter de la fin de l'année civile au titre de laquelle elles sont dues. Pour les cotisations et contributions sociales dont sont redevables les travailleurs indépendants, cette durée s'apprécie à compter du 30 juin de l'année qui suit l'année au titre de laquelle elles sont dues.

L'article L. 244-8-1 du code de la sécurité sociale dispose que :

Le délai de prescription de l'action civile en recouvrement des cotisations ou des majorations de retard, intentée indépendamment ou après extinction de l'action publique, est de trois ans à compter de l'expiration du délai imparti par les avertissements ou mises en demeure prévus aux articles L. 244-2 et L. 244-3.

Le non-respect par l'organisme de recouvrement de la date limite mentionnée par l'article R. 380-4 a pour seul effet de reporter le délai au terme duquel la cotisation devient exigible (2e Civ., 28 janvier 2021, pourvoi n° 19-22.255 ; 2e Civ., 6 janvier 2022, pourvoi n° 20-16.379), étant rappelé qu'aucune sanction de nullité n'est prévue en cas de non-respect du délai. Dès lors, le dépassement du délai prévu entraîne uniquement le report de l'exigibilité et du point de départ de calcul des majorations de retard.

Le report de l'exigibilité de la cotisation n'entraîne pas son imprescriptibilité. En effet, il convient de distinguer, d'une part, la prescription de la dette et d'autre part, la prescription de l'action en recouvrement. En application de l'article L. 244-3 du code de la sécurité sociale, quelle que soit la date de l'appel à cotisation, la dette de cotisation de M. [K] [L] se prescrit par trois ans à compter de la fin de l'année civile au titre de laquelle elle est due. Un décalage de l'appel à cotisation sera donc sans effet sur le cours de la prescription de la dette, qui commence toujours à courir le 31 décembre de l'année au titre de laquelle elle est due. En revanche, le report de l'exigibilité influe sur la prescription de l'action en recouvrement qui ne pourra courir qu'à compter de la délivrance de la mise en demeure; un décalage de l'appel à cotisation retardera donc le point de départ de la prescription de l'action en recouvrement, qui est sans autre effet sur le cotisant que d'allonger le délai de paiement, étant précisé que si l'appel à cotisation intervient après le délai triennal de prescription de la dette, l'Urssaf Centre - Val-de-Loire ne pourra plus réclamer aucune somme.

Ainsi, même en considérant que M. [K] [L] a reçu l'appel à cotisation le 31 mai 2018 comme il l'allègue, cet appel à cotisations a été délivré dans le délai triennal de prescription. La mise en demeure a été reçue par le cotisant le 20 avril 2019 et l'Urssaf a formé, devant le pôle social du tribunal de grande instance de Paris, saisi de la décision de rejet de la commission de recours amiable, une demande reconventionnelle en paiement d'un montant de 6 072 euros, par conclusions déposées le 12 novembre 2019.

Ainsi, les délais de prescription ont été respectés par l'Urssaf et aucune tardiveté ne peut être invoquée.

Ce moyen sera en conséquence rejeté.

Sur la régularité de l'appel à cotisations émis sur le fondement d'un texte réglementaire contraire à la réserve d'interprétation du Conseil constitutionnel du 27 septembre 2018 :

M. [K] [L] explique que les dispositions initiales fixant le montant de la CSM (article D. 380-1 du code de la sécurité sociale) en fixant un taux élevé sans prévoir de plafonnement engendraient une rupture d'égalité devant les charges publiques. Il précise que le Conseil constitutionnel, uniquement en charge de la constitutionnalité de la loi à l'exclusion des dispositions réglementaires, a voulu remédier à cette anomalie : ne pouvant sanctionner que les dispositions législatives, alors que les modalités de cette cotisation sociale sont fixées par les dispositions réglementaires, il a émis une réserve d'interprétation pour encadrer les dispositions réglementaires, qui permet de conclure que les dispositions de l'article D. 380-1 du code de la sécurité sociale, telles qu'elles existent au jour de la décision du Conseil constitutionnel, ne garantissent pas l'absence de rupture caractérisée d'égalité devant les charges publiques. M. [K] [L] justifie cette analyse en relevant qu'à la différence des précédentes réserves d'interprétation, le Conseil constitutionnel utilise le présent de l'indicatif et non le futur. En marquant sa réprobation par l'intermédiaire d'une réserve d'interprétation, le Conseil constitutionnel, à défaut de pouvoir annuler la norme réglementaire, en paralyse l'exécution et demande au pouvoir réglementaire d'en tirer les conséquences.

M. [K] [L] indique que le pouvoir réglementaire a immédiatement tiré les conséquences de la réserve d'interprétation du Conseil constitutionnel, puisque dans la loi de financement pour la sécurité sociale (LFSS) de 2019, des modifications de l'article L. 380-2 du code de la sécurité sociale ont été votées. Dans l'exposé des motifs, on peut y lire que l'exécutif reconnaît les incohérences et même les défauts de conception de la CSM et qu'il cherche à infléchir les effets de seuil et à plafonner la cotisation, de façon à éviter son caractère confiscatoire. M. [K] [L] indique que, toutefois, la LFSS 2019 n'est pas allée au terme de sa réflexion, puisque les modifications introduites n'ont été prévues que pour l'avenir, ne réglant pas les difficultés pour la CSM appelée pour les années 2017 et 2018, malgré la mise en garde expresse du rapporteur. Il en conclut donc que les modifications introduites dans l'article L. 380-2 du code de la sécurité sociale sont contraires à l'article 62 de la Constitution puisque cet article prévoit que les décisions du Conseil constitutionnel s'imposent aux pouvoirs publics et aux autorités administratives et juridictionnelles. M. [K] [L] demande donc à la cour d'appel, en sa qualité d'autorité judiciaire, de faire application de la réserve d'interprétation du Conseil constitutionnel, en constatant que le pouvoir réglementaire n'a pas adopté en sa faveur les mesures requises par le Conseil constitutionnel. Il précise qu'il ne peut être déduit de la décision du 10 juillet 2019 du Conseil d'Etat que les dispositions réglementaires antérieures à la LFSS 2019 étaient conformes à la Constitution, puisque le Conseil d'Etat, saisi d'un recours pour excès de pouvoir, ne pouvait pas déclarer inconstitutionnelles des dispositions incomplètes, dès lors le moyen dit d'incompétence négative ne constitue pas un cas d'ouverture du recours devant la juridiction administrative. Il en conclut que seul le juge judiciaire peut, par une vision d'ensemble des textes, dire si, au regard du droit existant au jour de la décision du Conseil constitutionnel, le pouvoir réglementaire avait pris les mesures nécessaires pour assurer la réduction du taux et le plafonnement. Il estime que ce n'est pas le cas et qu'il se voit donc appliquer un régime condamné par la réserve d'interprétation du Conseil constitutionnel.

L'Urssaf Centre - Val-de-Loire indique que la décision 2018-735 du Conseil constitutionnel a validé la conformité à la constitution de l'article L. 380-2 du code de la sécurité sociale, sous la réserve du paragraphe 19 de la décision, qui précise qu'il appartient au pouvoir réglementaire de fixer le taux et les modalités prévus à l'article L. 380-2 du code de la sécurité sociale de façon à ce que la cotisation n'entraîne pas de rupture caractérisée de l'égalité devant les charges publiques. L'Urssaf Centre - Val-de-Loire indique qu'il s'agit d'une réserve d'interprétation directive, c'est-à-dire qu'elle donne l'interprétation à retenir et comporte une prescription à l'égard du pouvoir réglementaire chargé de l'application de la loi. Cette seule réserve d'interprétation ne peut donc conduire à écarter purement et simplement l'application des dispositions réglementaires des articles D. 380-1 et D. 380-2 du code de la sécurité sociale. Elle estime que cette réserve d'interprétation ne vaut que pour le pouvoir réglementaire et ne peut donc être invoquée directement par les justiciables à l'appui d'une irrégularité de l'appel à cotisations. Elle rappelle que cette réserve d'interprétation, en date du 27 septembre 2018, ne vaut que pour l'avenir et n'a pas d'effet rétroactif.

L'Urssaf Centre - Val-de-Loire précise que les modifications de l'article L. 380-2 du code de la sécurité sociale, introduites par la loi de financement de la sécurité sociale (LFSS) pour 2019, ne sont pas la conséquence directe de cette réserve d'interprétation mais visaient principalement à répondre aux critiques en lien avec les effets de seuil constatés. L'article 12 de la LFSS 2019 précise expressément que les modifications ne s'appliquent que pour les cotisations appelées au titre des périodes courant à compter du 1er janvier 2019.

L'Urssaf-Centre - Val-de-Loire précise également que le Conseil d'Etat, dans une décision du 10 juillet 2019, a déclaré conforme à la constitution les dispositions réglementaires relatives à la CSM.

Réponse de la cour :

L'article L. 380-2 du code de la sécurité sociale, dans sa version applicable au litige, dispose :

Les personnes mentionnées à l'article ERLINK"https://www.legifrance.gouv.fr/affichCodeArticle.do'cidTexte=LEGITEXT000006073189&idArticle=LEGIARTI000031668865&dateTexte=&categorieLien=cid"\o"Codedelasécuritésociale.-art.L160-1(V)"L. 160-1 sont redevables d'une cotisation annuelle lorsqu'elles remplissent les conditions suivantes :

1° Leurs revenus tirés, au cours de l'année considérée, d'activités professionnelles exercées en France sont inférieurs à un seuil fixé par décret. En outre, lorsqu'elles sont mariées ou liées à un partenaire par un pacte civil de solidarité, les revenus tirés d'activités professionnelles exercées en France de l'autre membre du couple sont également inférieurs à ce seuil ;

2° Elles n'ont perçu ni pension de retraite, ni rente, ni aucun montant d'allocation de chômage au cours de l'année considérée. Il en est de même, lorsqu'elles sont mariées ou liées à un partenaire par un pacte civil de solidarité, pour l'autre membre du couple.

Cette cotisation est fixée en pourcentage du montant des revenus fonciers, de capitaux mobiliers, des plus-values de cession à titre onéreux de biens ou de droits de toute nature, des bénéfices industriels et commerciaux non professionnels et des bénéfices des professions non commerciales non professionnels, définis selon les modalités fixées au IV de l'article 1417 du code général des impôts, qui dépasse un plafond fixé par décret. Servent également au calcul de l'assiette de la cotisation, lorsqu'ils ne sont pas pris en compte en application du IV de l'article 1417 du code général des impôts, l'ensemble des moyens d'existence et des éléments de train de vie, notamment les avantages en nature et les revenus procurés par des biens mobiliers et immobiliers, dont le bénéficiaire de la couverture maladie universelle a disposé, en quelque lieu que ce soit, en France ou à l'étranger, et à quelque titre que ce soit. Ces éléments de train de vie font l'objet d'une évaluation dont les modalités sont fixées par décret en Conseil d'Etat. Un décret détermine le taux et les modalités de calcul de cette cotisation ainsi que les obligations déclaratives incombant aux assujettis.

Lorsque les revenus d'activité mentionnés au 1° sont inférieurs au seuil défini au même 1° mais supérieurs à la moitié de ce seuil, l'assiette de la cotisation fait l'objet d'un abattement dans des conditions fixées par décret. Cet abattement croît à proportion des revenus d'activité, pour atteindre 100 % à hauteur du seuil défini audit 1°.

La cotisation est recouvrée l'année qui suit l'année considérée, mentionnée aux 1° et 2° du présent article, selon les dispositions des sections 2 à 4 du chapitre III et du chapitre IV du titre IV du livre II du présent code, sous réserve des adaptations prévues par décret du Conseil d'Etat.

L'article D. 380-1 du code de la sécurité sociale, dans sa version applicable, prévoit :

I.-Le montant de la cotisation mentionné à l'article L. 380-2 due par les assurés dont les revenus tirés d'activitésprofessionnelles sont inférieurs à un seuil fixé à 10 % du plafond annuel de la sécurité sociale est déterminé selon les formules suivantes :

1° Si les revenus tirés d'activités professionnelles sont inférieurs à 5 % du plafond annuel de la sécurité sociale :

Montant de la cotisation = 8 % × (A-D)

Où :

A est l'assiette des revenus définie au quatrième alinéa de l'article L. 380-2 ;

D, qui correspond au plafond mentionné au quatrième alinéa du même article, est égal à 25 % du plafond annuel de la sécurité sociale ;

2° Si les revenus tirés d'activités professionnelles sont compris entre 5 % et 10 % du plafond annuel de la sécurité sociale :

Montant de la cotisation = 8 % × (A-D) × 2 × (1-R/ S)

Où :

R est le montant des revenus tirés d'activités professionnelles ;

S, qui correspond au seuil des revenus tirés d'activités professionnelles mentionné au deuxième alinéa de l'article L. 380-2, est égal à 10 % du plafond annuel de la sécurité sociale.

II.-Lorsque le redevable de cette cotisation ne remplit les conditions mentionnées à l'article L. 160-1 que pour une partie de l'année civile, le montant de la cotisation due est calculé au prorata de cette partie de l'année.

III.- Si, au titre d'une période donnée, l'assuré est redevable de la cotisation prévue à l'article L. 380-3-1, il ne peut être redevable de la cotisation prévue à l'article L. 380-2 pour la même période. Le montant de celle-ci est alors calculé dans les conditions prévues au II.

Le Conseil constitutionnel, dans sa décision QPC n°2018-735 du 27 septembre 2018, a déclaré l'article L. 380-2 du code de la sécurité sociale instituant la cotisation subsidiaire maladie conforme à la Constitution, sous la réserve d'interprétation énoncée au paragraphe 19, aux termes duquel la seule absence de plafonnement d'une cotisation dont les modalités de détermination de l'assiette ainsi que le taux sont fixés par voie réglementaire n'est pas, en elle-même, constitutive d'une rupture caractérisée de l'égalité devant les charges publiques. Le Conseil constitutionnel précise toutefois qu'il appartient au pouvoir réglementaire de fixer ce taux et ces modalités de façon à ce que la cotisation n'entraîne pas de rupture caractérisée de l'égalité devant les charges publiques. Le Conseil constitutionnel a donc validé l'article L. 380-2 du code de la sécurité sociale, dans sa rédaction applicable à l'espèce, et a donc validé l'existence d'un seuil d'assujettissement.

L'article D. 380-1 du code de la sécurité sociale fait partie des dispositions réglementaires prises en application de l'article L. 380-2 du code de la sécurité sociale et visées par la réserve d'interprétation du Conseil constitutionnel.

Saisi d'un recours pour excès de pouvoir de la décision par laquelle le Premier ministre a implicitement rejeté la demande d'un requérant tendant à l'adoption de nouvelles mesures réglementaires d'application de l'article L. 380-2 du code de la sécurité sociale pour les cotisations dues sur les revenus antérieurs au 1er janvier 2019, à la suite de la décision du Conseil constitutionnel n° 2018-735 QPC du 27 septembre 2018, le Conseil d'Etat a statué sur la constitutionnalité des dispositions réglementaires prises en application de l'article L. 380-2 du code de la sécurité sociale, telles que rédigées à la suite du décret du 19 juillet 2016, dans un arrêt de la première chambre du 29 juillet 2020 (CE, 29 juillet 2020, n° 430326). Il a ainsi décidé « qu'en fixant, dans le cadre déterminé par les dispositions de l'article L. 380-2 précité, le seuil de revenus professionnels prévu au deuxième alinéa de cet article, en deçà duquel la cotisation est due, à 10 % du plafond annuel de la sécurité sociale, soit 3 922,80 euros en 2017, le montant des revenus du patrimoine mentionné au quatrième alinéa du même article, au-delà duquel s'applique le prélèvement, à 25 % de ce même plafond, soit 9 807 euros en 2017, et le taux de la cotisation en cause à 8 %, le pouvoir réglementaire a défini les modalités de calcul de cette cotisation dans des conditions qui n'entraînent pas de rupture caractérisée de l'égalité devant les charges publiques. Il s'en suit que l'article D. 380-1 du code de la sécurité sociale, dans sa rédaction issue du décret du 19 juillet 2016 précité, ne méconnaît pas le principe d'égalité devant les charges publiques garanti par l'article 13 de la Déclaration des droits de l'Homme et des citoyens de 1789, pas plus que les dispositions de l'article L. 380-2 du code de la sécurité sociale telles qu'interprétées par le Conseil constitutionnel dans sa décision n° 2018-735 QPC du 27 septembre 2018, qui, contrairement à ce qui est soutenu, n'impliquait pas l'adoption de mesures réglementaires pour le passé. »

Il résulte de cet arrêt que M. [K] [L] n'est pas fondé à soutenir que le pouvoir réglementaire était tenu de modifier les mesures réglementaires d'application des dispositions de l'article L. 380-2 du code de la sécurité sociale relatives à la cotisation subsidiaire maladie pour les périodes d'assujettissement antérieures au 1er janvier 2019. L'article D. 380-1 du code de la sécurité sociale, tel que rédigé pour l'appel de la CSM 2016, est donc conforme à la Constitution. Il appartient donc au juge judiciaire, dans les litiges relatifs à la CSM pour la période antérieure au 1er janvier 2019, de faire application de ces dispositions, étant rappelé, surabondamment, que le juge judiciaire, qui n'est pas juge de la constitutionnalité des dispositions réglementaires, ne peut, sans enfreindre la dualité des ordres de juridictions, écarter de lui-même, directement dans un jugement, une norme réglementaire au motif qu'il l'estimerait contraire à la Constitution.

En conséquence, l'appel à cotisations délivrée par l'Urssaf Centre - Val-de-Loire à M. [K] [L] sera déclaré régulier au regard de la réserve d'interprétation du Conseil constitutionnel en date du 27 septembre 2018.

Sur la régularité de l'appel à cotisation au regard de la compétence de l'Urssaf Centre - Val-de-Loire :

Moyens des parties :

M. [K] [L] explique qu'en application de l'article D. 213-1 du code de la sécurité sociale, les Urssaf ont une compétence territoriale et qu'en conséquence, l'Urssaf Centre - Val-de-Loire n'est pas compétente pour calculer et recouvrer les cotisations de redevables vivant à [Localité 5]. Il précise que la convention invoquée par l'Urssaf pour justifier de sa compétence n'est pas versée aux débats et qu'elle est introuvable. En tout état de cause, la convention alléguée a été publiée au Boss du 15 janvier 2018 et ne peut donc être entrée en vigueur qu'à compter du 16 janvier 2018. Il en déduit qu'avant cette date, l'Urssaf Centre - Val-de-Loire n'avait pas compétence pour établir l'appel de cotisations du 15 décembre 2017.

L'Urssaf Centre - Val-de-Loire expose qu'il résulte de l'article L. 122-7 du code de la sécurité sociale que la convention de délégation, conclue entre l'Urssaf Île-de-France et l'Urssaf Centre - Val-de-Loire concernant la centralisation du recouvrement de la cotisation d'assurance maladie visée à l'article L. 380-2 du code de la sécurité sociale datée du 1er décembre 2017, prend effet après approbation par le directeur de l'Acoss, prise ici le 11 décembre 2017. L'Urssaf estime donc que la convention de mutualisation est donc devenue applicable et opposable au cotisant à compter de cette date, ainsi que la Cour de cassation l'a rappelé dans un arrêt du 16 novembre 2023.

Réponse de la cour :

L'alinéa 9 de l'article L. 380-2 du code de la sécurité sociale relatif à la cotisation subsidiaire maladie dispose que :

La cotisation est recouvrée l'année qui suit l'année considérée, mentionnée aux 1° et 2° du présent article, selon les dispositions des sections 2 à 4 du chapitre III et du chapitre IV du titre IV du livre II du présent code, sous réserve des adaptations prévues par décret en Conseil d'Etat.

Le livre I du code de la sécurité sociale est intitulé 'Livre I : Généralités - Dispositions communes à tout ou partie des régimes de base (Articles L. 111-1 à L. 184-1)'. Il a donc vocation à s'appliquer à tous les organismes de sécurité sociale et à toutes les cotisations, dès lors qu'aucune disposition spécifique n'est prévue dans les livres suivants. Les chapitres III et IV du titre IV du livre II du code de la sécurité sociale, visés par l'article L. 380-2 du code de la sécurité sociale susvisé, ne comportent aucune disposition spécifique dérogatoire au livre I en matière de délégation entre organismes. Dès lors, l'article L. 122-7 du code de la sécurité sociale, compris dans le livre I susvisé, trouve application pour le recouvrement de la cotisation subsidiaire maladie.

L'alinéa 1 de l'article L. 122-7 du code de la sécurité sociale, dans sa version modifiée par la loi n° 2016-1827 du 23 décembre 2016 prévoit :

Le directeur d'un organisme local ou régional peut déléguer à un organisme local ou régional la réalisation des missions ou activités liées à la gestion des organismes, au service des prestations, au recouvrement et à la gestion des activités de trésorerie, par une convention qui prend effet après approbation par le directeur de l'organisme national de chaque branche concernée.

Lorsque la mutualisation inclut des activités comptables, financières ou de contrôle relevant de l'agent comptable, la convention est également signée par les agents comptables des organismes concernés.

En l'espèce, la convention relative à la centralisation du recouvrement de la cotisation d'assurance maladie visée à l'article L. 380-2 du code de la sécurité sociale, communiquée par l'Urssaf en pièce 10, a été signée le 1er décembre 2017 entre, notamment, les directeurs des Urssaf d'Ile-de-France et Centre - Val-de-Loire ainsi que par les agents comptables de ces Urssaf.

Elle stipule que « la présente convention est applicable à compter de la décision d'approbation du Directeur de l'Acoss et conclue pour une durée indéterminée » (article 2), que « les Urssaf délégantes transfèrent à l'Urssaf délégataire l'ensemble des droits et obligations afférents à l'exercice des missions de recouvrement résultant des articles R. 380-3 et suivants du code de la sécurité sociale sur le champ de la cotisation d'assurance maladie visée à l'article L. 380-2 du code de la sécurité sociale » (article 3) et enfin que « l'Urssaf délégataire assure l'encaissement centralisé et la gestion du recouvrement de la cotisation visée à l'article L. 380-2 du code de la sécurité sociale, dont le contrôle et les suites amiables et judiciaires des contestations soulevées par les cotisants » (article 4).

Par décision du 11 décembre 2017 (pièce 9 de l'Urssaf) prise par le directeur de l'ACOSS en application de l'article L. 122-7 du code de la sécurité sociale et relative au recouvrement des cotisations dues en application de l'article L. 380-2 du code de la sécurité sociale, « sont approuvées les conventions de mutualisation interrégionales, prises en application de l'article L. 122-7 du code de la sécurité sociale et conclues entre les Urssaf aux fins de délégation de calcul, de l'appel et du recouvrement des cotisations dues en application de l'article L. 380-2 du code de la sécurité sociale, à des Urssaf délégataires conformément à la répartition figurant sur le tableau annexé à la présente décision ».

Dans le tableau annexé, il est précisé que l'Urssaf Île-de-France est « l'Urssaf délégante » et que l'Urssaf Centre, devenue en cours de procédure l'Urssaf Centre - Val-de-Loire, est « l'Urssaf délégataire » de la première.

Il résulte de l'alinéa premier de l'article L. 122-7 du code de la sécurité sociale susvisé que la convention de délégation prend effet dès son approbation par le directeur de l'organisme national de la branche concernée et qu'en conséquence, l'organisme délégataire est habilité à exercer les pouvoirs résultant de cette délégation à compter de la décision d'approbation, sans qu'il n'y ait lieu d'attendre la publication (Cass., Civ. 2e, 16 novembre 2023, n° 21-25.534).

L'Urssaf du Centre - Val-de-Loire était donc territorialement compétente pour calculer, appeler et recouvrer la cotisation subsidiaire maladie des assujettis vivant à [Localité 5] dès le 11 décembre 2017.

L'appel de cotisation émis le 15 décembre 2017 et envoyé ensuite à M. [K] [L] a donc été émis par une Urssaf ayant bénéficié d'une délégation pour calculer, appeler et recouvrer les cotisations subsidiaires maladie au jour de l'appel de cotisation.

Il s'ensuit que le moyen tiré de l'absence de compétence de l'Urssaf ayant émis l'appel de cotisations est inopérant. Le jugement déféré sera donc infirmé sur ce point.

Sur la régularité de l'appel à cotisation en raison de l'incompétence de l'Urssaf Centre - Val-de-Loire pour recevoir et traiter les données personnelles

Moyens des parties :

M. [K] [L] explique que dès lors que la convention de délégation n'a pris effet qu'au 16 janvier 2018, l'Urssaf Centre - Val-de-Loire n'avait pas compétence, avant le mois de novembre 2017 (date à laquelle elle a fait parvenir un courrier présentant au cotisant la CSM et l'informant des modalités de recouvrement) pour collecter les données personnelles le concernant. De plus, il précise que les dispositions du paragraphe V de l'article 1 du décret 2017-1530 du 3 novembre 2017, autorisant la mise en 'uvre d'un traitement des données personnelles destiné au calcul de la CSM, en application de l'article L. 380-2 du code de la sécurité sociale, fixent un principe de territorialité, c'est-à-dire que les droits d'accès et de rectification peuvent s'exercer auprès du directeur de l'Urssaf auquel la personne est rattachée au vu de l'adresse de domicile qu'elle a déclarée à l'administration fiscale. Il note que, dans son avis du 26 octobre 2017, la CNIL a repris ce principe de territorialité, en précisant que les Urssaf ne seront destinataires que des données concernant les cotisants pour lesquels elles seront territorialement compétentes.

L'Urssaf rappelle que l'avis de la CNIL invoqué par le cotisant a pour vocation de protéger les redevables de la CSM d'une utilisation abusive de leurs données à caractère personnel et n'a donc pas vocation à fixer les règles de compétence territoriale des Urssaf ; que cet avis ne peut donc mettre en échec les dispositions relatives à la compétence territoriale des Urssaf. En tout état de cause, l'Urssaf note que l'avis de la CNIL vise « les organismes territorialement compétents », c'est-à-dire non pas l'Urssaf du lieu de résidence du redevable, mais les organismes territorialement compétents par voie de délégation pour recouvrer la CSM, suite aux conventions de mutualisation précitées.

Réponse de la cour :

Dans sa délibération 2017-279 du 26 octobre 2017, la CNIL a indiqué :

« Sur les destinataires des données :

L'article 1er-IV du projet de décret prévoit que seront destinataires des données à caractère personnel, à raison de leurs attributions et du besoin d'en connaître :

- les agents habilités de l'ACOSS ;

- les agents habilités des organismes mentionnés aux articles L. 213-1 et L. 752-2 du code de la sécurité sociale (Urssaf) en charge du calcul, du recouvrement et du contrôle de la cotisation. S'agissant de ces organismes, la commission prend acte de ce qu'ils ne seront destinataires que des données concernant les cotisants pour lesquels ils sont territorialement compétents.

Un tel accès aux données apparaît justifié au regard des finalités du traitement. »

Il a été jugé ci-dessus qu'en raison de la convention de mutualisation qu'elle avait signée avec l'Urssaf Île-de-France, l'Urssaf du Centre - Val-de-Loire était bien, à compter du 11 décembre 2017, l'Urssaf en charge du calcul, du recouvrement et du contrôle de la cotisation subsidiaire maladie des cotisants dont le domicile est situé en Île-de-France.

Les organismes territorialement compétents évoqués dans l'avis de la CNIL du 26 octobre 2017 ne désignent pas l'Urssaf du lieu de résidence du cotisant, mais l'Urssaf en charge du calcul, du recouvrement et du contrôle de la cotisation par voie de délégation, seule Urssaf légitime à recevoir les données personnelles des cotisants soumis à la CSM.

L'article 1 du décret 2017-1530 du 3 novembre 2017, autorisant la mise en 'uvre d'un traitement de données à caractère personnel destiné au calcul de la cotisation prévue à l'article L. 380-2 du code de la sécurité sociale prévoit :

I. - Pour l'application des dispositions de l'article L. 380-2 du code de la sécurité sociale est autorisée la création par l'Agence centrale des organismes de sécurité sociale d'un traitement de données à caractère personnel dénommé « Cotisation spécifique maladie ».

Les finalités de ce traitement sont le calcul et le recouvrement par les organismes mentionnés aux articles L. 213-1 et NK"https://www.legifrance.gouv.fr/affichCodeArticle.do'cidTexte=LEGITEXT000006073189&idArticle=LEGIARTI000006744152&dateTexte=&categorieLien=cid"\o"Codedelasécuritésociale.-art.L752-2(M)"L. 752-2 du code de la sécurité sociale de la cotisation spécifique maladie prévue par l'article L. 380-2 du code de la sécurité sociale.

II. ' (')

III. - Sont destinataires des données à caractère personnel mentionnées au II du présent article, à raison de leurs attributions respectives et dans la limite du besoin d'en connaître :

1° Les agents de l'Agence centrale des organismes de sécurité sociale individuellement habilités par le directeur de l'Agence ;

2° Les agents des organismes mentionnés aux articles L. 213-1 et L. 752-2 du code de la sécurité sociale chargés du calcul, du recouvrement et du contrôle de la cotisation prévue par l'article L. 380-2, individuellement habilités par le directeur de l'organisme concerné.

IV. - Les données à caractère personnel mentionnées au II du présent article sont conservées par l'Agence centrale des organismes de sécurité sociale pendant quatre ans à dater de leur réception.

Ces données sont conservées par les organismes mentionnés aux articles L. 213-1 et L. 752-2 du code de la sécurité sociale pendant quatre ans à compter de leur réception ou jusqu'à expiration des délais de recours en cas de contentieux portant sur la cotisation calculée en application de l'article L. 380-2 à partir des données transmises.

V. - Les droits d'accès et de rectification prévus aux articles 39 et 40 de la loi du 6 janvier 1978 susvisée s'exercent auprès du directeur de l'organisme mentionné aux articles L. 213-1 et L. 752-2 du code de la sécurité sociale auquel la personne est rattachée au vu de l'adresse de domicile qu'elle a déclarée à l'administration fiscale.

Le droit d'opposition prévu par l'article 38 de la même loi ne s'applique pas au traitement dont la création est autorisée par le présent article.

A l'instar de l'avis de la CNIL, le décret prévoit que les données à caractère personnel sont transmises aux Urssaf chargés du calcul, du recouvrement et du contrôle de la cotisation, c'est-à-dire, dans le cas d'espèce, l'Urssaf Centre - Val-de-Loire à compter du 11 décembre 2017. De même, les droits d'accès et de rectification s'exercent auprès du directeur de l'Urssaf auquel la personne est rattachée au vu de l'adresse de domicile qu'elle a déclarée à l'administration fiscale. Par suite de la convention de mutualisation, M. [K] [L], qui a son domicile à [Localité 5], est rattaché, pour la question de la CSM, à l'Urssaf Centre - Val-de-Loire.

Ainsi, l'Urssaf du Centre - Val-de-Loire, compétente pour calculer, appeler et recouvrer les cotisations subsidiaires maladies dont M. [K] [L] était redevable au jour de l'appel de cotisation, était également compétence pour traiter les données informatiques à caractère personnel légalement collectées à cette fin.

En ce qui concerne le courrier d'information qui aurait été envoyé par l'Urssaf au cotisant au cours du mois de novembre 2017 pour l'informer de la CSM, aucune des parties ne produit ce courrier, de telle sorte que la cour n'est pas en mesure de vérifier par quelle Urssaf il a été envoyé. Il sera également relevé que M. [K] [L] reconnaît lui-même dans ses écritures qu'il s'agissait d'un courrier général, ne comportant aucune donnée personnelle. Ce courrier est donc insuffisant pour établir qu'à cette date, l'Urssaf Centre - Val-de-Loire avait déjà reçu des données personnelles le concernant.

Ce moyen d'irrégularité sera donc écarté.

Sur la régularité de l'appel à cotisation en raison de la violation de l'article 27 de la loi Informatique et Liberté :

Moyens des parties :

M. [K] [L] expose que l'Urssaf Centre - Val-de-Loire a violé les dispositions de l'article 27 de la loi du 6 janvier 1978, en traitant un fichier contenant des données personnelles sans en avoir l'autorisation. Il explique que l'article 27 précité prévoit que l'autorisation pour le traitement des données personnelles doit être donnée par décret en Conseil d'Etat. Or, à la fin de l'année 2017, le seul décret en Conseil d'Etat paru concernait le calcul des cotisations par les Urssaf. Le décret autorisant le transfert des données entre l'administration fiscale et l'Accoss n'est paru que le 24 mai 2018, c'est-à-dire postérieurement à l'appel de cotisations. M. [K] [L] souligne l'importance du préjudice que cela lui a causé, puisque l'ensemble de ses données personnelles, non chiffrées, ont été exploitées par l'Urssaf Centre - Val-de-Loire sans autorisation, tandis qu'il ne disposait d'un droit de rectification qu'auprès de l'Urssaf Île-de-France. Il en conclut que l'irrégularité du traitement de ses données entraîne l'irrégularité de l'appel à cotisations.

L'Urssaf explique que le transfert des données de la DGFIP aux Urssaf et le traitement de ces données par les Urssaf sont prévus par les articles L. 380-2, R. 380-3 et D. 380-5 I du code de la sécurité sociale, ainsi que par le décret du 3 novembre 2017. Elle précise que le décret du 24 mai 2018 est venu compléter le dispositif pour le transfert des données entre la DGFIP et l'ACOSS, afin de permettre à la DGFIP, pour la CSM appelée en 2018, d'effectuer un premier traitement des données.

Réponse de la cour :

L'article 27 de la loi n° 78-17 du 6 janvier 1978 relative à l'informatique, aux fichiers et aux libertés dispose :

I.-Sont autorisés par décret en Conseil d'Etat, pris après avis motivé et publié de la Commission nationale de l'informatique et des libertés :

1° Sous réserve du I bis de l'article 22 et du 9° du I de l'article 25, les traitements de données à caractère personnel mis en 'uvre pour le compte de l'Etat, d'une personne morale de droit public ou d'une personne morale de droit privé gérant un service public, qui portent sur des données parmi lesquelles figure le numéro d'inscription des personnes au répertoire national d'identification des personnes physiques ;

2° Les traitements de données à caractère personnel mis en 'uvre pour le compte de l'Etat qui portent sur des données biométriques nécessaires à l'authentification ou au contrôle de l'identité des personnes. (')

L'article 27 précité concerne donc uniquement l'autorisation de traitement de données à caractère personnel et non le transfert des données entre deux administrations.

Le traitement des données à caractère personnel par l'ACCOSS à destination des Urssaf a été autorisé par le décret 2017-1530 du 3 novembre 2017 précité.

Le transfert des données de la DGFIP à l'ACCOSS a, quant à lui, été prévu par l'article L. 380-2, dernier alinéa, du code de la sécurité sociale, qui prévoit :

Les agents des administrations fiscales communiquent aux organismes mentionnés aux articles L. 213-1 et L. 752-2 les informations nominatives déclarées pour l'établissement de l'impôt sur le revenu par les personnes remplissant les conditions mentionnées au premier alinéa de l'article L. 380-2, conformément à l'article L. 152 du livre des procédures fiscales.

Au jour de l'appel à cotisations litigieux, étaient donc prévus :

par une disposition législative, le transfert des données personnelles entre l'administration fiscale et les Urssaf ;

- par un décret en Conseil d'Etat, le traitement des données personnelles par les Urssaf.

Aussi, les données utilisées pour établir l'appel à cotisations du 15 décembre 2017 ont été collectées régulièrement.

Il est vrai que le décret 2018-392 du 24 mai 2018 a prévu l'autorisation d'un traitement automatisé du transfert des données entre la DGFIP et l'ACCOSS ainsi qu'il est dit dans son article 1 :

Pour l'application du dernier alinéa de l'article L. 380-2 du code de la sécurité sociale, est autorisée la mise en 'uvre par la direction générale des finances publiques d'un traitement automatisé de transfert de données à caractère personnel à destination de l'agence centrale des organismes de sécurité sociale.

Ce traitement automatisé a pour finalité de communiquer à l'agence centrale des organismes de sécurité sociale les informations nominatives dont dispose l'administration fiscale nécessaires à la détermination de l'assiette et du montant de la cotisation prévue par les dispositions de l'article L. 380-2 du code de la sécurité sociale ci-dessus mentionné.

Le transfert est mis en 'uvre par un service informatique de la direction générale des finances publiques.

Il s'agit de la mise en place d'un traitement automatisé des données au niveau de la DGFIP et non au niveau de l'Urssaf, pour faciliter la transmission des données. Ce traitement automatisé a vocation à se mettre en place pour la CSM 2017 appelée à la fin de l'année 2018. Aucun élément du dossier ne permet de laisser supposer qu'un tel traitement des données au niveau de la DGFIP a été réalisé avant la parution de ce décret, pour la CSM 2016 appelée en 2017. Dès lors, le fait que ce décret soit paru après l'envoi de l'appel à cotisations litigieux est sans incidence sur le litige.

Ce moyen d'irrégularité sera donc écarté.

Sur la régularité de l'appel à cotisation en raison de la violation de l'article 32 de la loi Informatique et Libertés :

Moyens des parties :

M. [K] [L] précise que l'article 32 III de la loi du 6 janvier 1978, repris en substance par l'article 11 de la directive européenne du 24 octobre 1995, prévoit que le responsable du traitement des données doit informer la personne concernée de l'enregistrement ou de la communication des données, au plus tard au moment de la première communication. Il en conclut que l'Urssaf Centre - Val-de-Loire aurait dû l'informer de l'identité du responsable du traitement, de la finalité poursuivie par le traitement et de la durée de conservation des données traitées, de manière claire et explicite. Il précise que l'information sur le site internet de l'Urssaf ou même un courrier d'information générale sont insuffisants pour remplir ce devoir d'information.

L'Urssaf rappelle que M. [K] [L] a été informé du transfert des informations par la promulgation de la loi et par l'appel de cotisations lui-même. En tout état de cause, elle estime que le défaut d'information n'est pas de nature à entraîner la nullité de l'appel à cotisations, cet appel à cotisations étant susceptible d'être contesté et de donner lieu à la communication de l'ensemble des pièces. L'Urssaf indique que le cotisant ne peut se prévaloir de la directive du 24 octobre 1995 et de la jurisprudence de la CJUE, dès lors que cette directive a été transposée en droit français dans la loi 78/17 Informatique et Liberté. L'Urssaf précise que le cotisant dispose de la possibilité, sur sa demande, d'être informé de l'utilisation qui sera faite de ses données personnelles et que la bonne utilisation des données est contrôlée par la CNIL, qui seule peut prononcer une sanction pour ce motif.

L'Urssaf précise qu'elle a rempli son obligation d'information, tant par les informations présentées sur son site internet que par les informations précisées sur l'appel de cotisations lui-même. Elle note également que le cotisant a eu connaissance du transfert des données par la promulgation de la loi. Elle rappelle que, par application de l'article R. 112-2 du code de la sécurité sociale, tel qu'apprécié par la Cour de cassation, elle n'est tenue que d'une obligation générale d'information envers ses assurés, qui ne lui impose pas, en l'absence de demande de ceux-ci, de porter à leur connaissance des textes officiels ou de prendre l'initiative de les renseigner sur leurs droits éventuels.

Réponse de la cour :

La directive européenne du 24 octobre 1995 doit se prévaut M. [K] [L] a été transposée en droit interne par la loi n° 2004-801 du 6 août 2004, relative à la protection des personnes physiques à l'égard des traitements de données à caractère personnel, qui a modifié la loi n° 78-17 du 6 janvier 1978 relative à l'informatique, aux fichiers et aux libertés.

L'article 32 de la loi n° 78-17 du 6 janvier 1978 relative à l'informatique, aux fichiers et aux libertés, dans sa version applicable au litige, qui reprend l'article 11 de la directive, prévoit :

I.-La personne auprès de laquelle sont recueillies des données à caractère personnel la concernant est informée, sauf si elle l'a été au préalable, par le responsable du traitement ou son représentant :

1° De l'identité du responsable du traitement et, le cas échéant, de celle de son représentant ;

2° De la finalité poursuivie par le traitement auquel les données sont destinées ;

3° Du caractère obligatoire ou facultatif des réponses ;

4° Des conséquences éventuelles, à son égard, d'un défaut de réponse ;

5° Des destinataires ou catégories de destinataires des données ;

6° Des droits qu'elle tient des dispositions de la section 2 du présent chapitre dont celui de définir des directives relatives au sort de ses données à caractère personnel après sa mort ;

7° Le cas échéant, des transferts de données à caractère personnel envisagés à destination d'un Etat non membre de la Communauté européenne ;

8° De la durée de conservation des catégories de données traitées ou, en cas d'impossibilité, des critères utilisés permettant de déterminer cette durée.

Lorsque de telles données sont recueillies par voie de questionnaires, ceux-ci doivent porter mention des prescriptions figurant aux 1°, 2°, 3° et 6°.

(')

III.-Lorsque les données à caractère personnel n'ont pas été recueillies auprès de la personne concernée, le responsable du traitement ou son représentant doit fournir à cette dernière les informations énumérées au I dès l'enregistrement des données ou, si une communication des données à des tiers est envisagée, au plus tard lors de la première communication des données.

Lorsque les données à caractère personnel ont été initialement recueillies pour un autre objet, les dispositions de l'alinéa précédent ne s'appliquent pas aux traitements nécessaires à la conservation de ces données à des fins historiques, statistiques ou scientifiques, dans les conditions prévues au livre II du code du patrimoine ou à la réutilisation de ces données à des fins statistiques dans les conditions de l'article 7 bis de la loi n° 51-711 du 7 juin 1951 sur l'obligation, la coordination et le secret en matière de statistiques. Ces dispositions ne s'appliquent pas non plus lorsque la personne concernée est déjà informée ou quand son information se révèle impossible ou exige des efforts disproportionnés par rapport à l'intérêt de la démarche. (...)

La Commission nationale informatique et liberté a été saisie pour avis sur le projet de décret autorisant la mise en 'uvre d'un traitement de données à caractère personnel destiné au calcul de la cotisation prévue par l'article L. 380-2 du code de la sécurité sociale (demande d'avis n° 17012620).

Dans sa délibération 2017-279 du 26 octobre 2017, la CNIL a observé, sur « l'information et les droits des personnes », que : « Le projet demeure silencieux sur les modalités d'information des personnes concernées. La commission observe dans le dossier joint à la saisine que le ministère renvoie au décret visant à autoriser le traitement mis en 'uvre par la DGFIP relatif au transfert de données fiscales concernant les redevables de la cotisation annuelle subsidiaire. Elle rappelle toutefois que, si la DGFIP a pour obligation d'informer les personnes en ce qui concerne le traitement automatisé de transfert de données fiscales dont elle est responsable de traitement, l'ACOSS devra également assurer l'information des personnes concernées pour le traitement qu'elle met en 'uvre ».

Il sera, d'une part, relevé que l'obligation d'information a été mise à la charge de l'Acoss, qui n'a pas été appelée à la présente instance, et non, à la charge de l'Urssaf territorialement compétente. D'autre part, les sanctions, en cas de non-respect de l'obligation d'information prévue à l'article 32 de loi 78-17 du 6 janvier 1978 sont prévues aux chapitres VII et VIII de cette même loi dans sa version applicable au litige. Il s'agit de sanctions administratives (avertissement ou injonction), de sanctions pécuniaires ou de sanctions pénales. Le non-respect de l'obligation d'information par l'ACOSS ne peut donc pas être sanctionné par l'annulation de l'appel à cotisations objet du présent litige.

Ce moyen sera donc écarté.

Sur la régularité de l'appel à cotisation en raison de la violation du principe d'égalité :

Moyens des parties :

M. [K] [L] estime que l'appel à cotisation contrevient au principe d'égalité posé aux articles 6, 13 et 16 de la déclaration de 1789, puisque les cotisants au titre des années 2016 à 2018 sont soumis à un taux de 8% tandis que les cotisants au titre de l'année 2019 sont soumis à un taux de 6,5%, cette différence de traitement n'étant pas justifiée par des critères rationnels en fonction des buts recherchés par le législateur. Il estime également que la CSM contrevient à l'article 14 de la Convention de sauvegarde des droits de l'Homme et à l'article 1er du Premier Protocole additionnel à cette convention, qui énoncent la prohibition des discriminations injustifiés, dès lors que la CSM peut revêtir un caractère confiscatoire et discriminatoire dans certains cas.

L'Urssaf rappelle que, dans sa décision du 27 septembre 2018, le Conseil constitutionnel a rappelé que l'absence de plafonnement ne constituait pas, en lui-même, une rupture d'égalité entre les assurés. De plus, elle estime qu'un taux de 8% n'a rien de disproportionné, ni d'exceptionnel. Elle rappelle que le Conseil d'Etat a estimé que l'éventuelle différence de traitement entre les assurés était justifiée par les motifs poursuivis par le législateur.

Réponse de la cour :

Le principe de l'assujettissement à la CSM est prévu par l'article L. 380-2 du code de la sécurité sociale, dans sa version applicable au litige, déjà cité plus haut.

Les modalités de calcul sont fixées par l'article D. 380-1 du code de la sécurité sociale, dans sa version applicable, également cité plus haut.

Sur le principe d'égalité prévu aux articles 6, 13 et 16 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen :

L'article 6 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen prévoit :

La loi est l'expression de la volonté générale. Tous les citoyens ont droit de concourir personnellement, ou par leurs représentants, à sa formation. Elle doit être la même pour tous, soit qu'elle protège, soit qu'elle punisse. Tous les citoyens étant égaux à ses yeux sont également admissibles à toutes dignités, places et emplois publics, selon leur capacité, et sans autre distinction que celle de leurs vertus et de leurs talents.

L'article 13 de cette même déclaration prévoit :

Pour l'entretien de la force publique, et pour les dépenses d'administration, une contribution commune est indispensable : elle doit être également répartie entre tous les citoyens, en raison de leurs facultés.

L'article 16 de cette même déclaration prévoit :

Toute société dans laquelle la garantie des droits n'est pas assurée, ni la séparation des pouvoirs déterminée, n'a point de Constitution.

Le Conseil constitutionnel, dans sa décision QPC n° 2018-735 du 27 septembre 2018, a déclaré l'article L. 380-2 du code de la sécurité conforme à la Constitution, sous la réserve d'interprétation énoncée au paragraphe 19.

Plus particulièrement, au regard des griefs formulés sur le fondement des articles 6 et 13 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen, le Conseil constitutionnel, dans sa décision précitée, indique, en ce qui concerne la première phrase du paragraphe 1° de l'article L. 380-2 du code de la sécurité sociale :

« 15. Toutefois, en adoptant les dispositions contestées, le législateur a entendu faire contribuer à la prise en charge des frais de santé les personnes ne percevant pas de revenus professionnels ou percevant des revenus professionnels insuffisants pour que les cotisations assises sur ces revenus constituent une participation effective à cette prise en charge.

16. Dès lors, en créant une différence de traitement entre les personnes pour la détermination des modalités de leur participation au financement de l'assurance maladie selon le montant de leurs revenus professionnels, le législateur a fondé son appréciation sur des critères objectifs et rationnels en fonction des buts qu'il se proposait. »

En ce qui concerne la deuxième phrase du paragraphe 1° de l'article L. 380-2 du code de la sécurité sociale :

« 22. Le principe d'égalité ne saurait imposer au législateur, lorsqu'il s'efforce, comme en l'espèce, de réduire les disparités de traitement en matière de protection sociale, de remédier concomitamment à l'ensemble des disparités existantes. La différence de traitement entre les personnes bénéficiant de prestations en nature de la branche maladie et maternité de la sécurité sociale selon qu'elles en bénéficient au titre de leur activité professionnelle ou au titre de leur résidence en France est inhérente aux modalités selon lesquelles s'est progressivement développée l'assurance maladie en France.

23. La personne dont les revenus tirés d'activités professionnelles sont inférieurs à un seuil fixé par décret est redevable de la cotisation contestée à la condition, fixée à la seconde phrase du 1 ° de l'article L. 380-2 du code de la sécurité sociale, que, si elle est mariée ou a conclu un pacte civil de solidarité, les revenus professionnels de son conjoint ou partenaire, soient également inférieurs à ce seuil.

24. Ainsi, deux couples disposant de revenus d'activité professionnelle identiques peuvent, selon la répartition de ces revenus au sein du couple, être soumis ou non à la cotisation contestée. Il en résulte une différence de traitement entre les couples selon la distribution des revenus en leur sein.

25. En adoptant ces dispositions, le législateur a voulu maintenir une différence de traitement préexistante. En effet, avant l'instauration de ces dispositions, le conjoint ou le partenaire sans activité professionnelle d'une personne affiliée à un régime de sécurité sociale au titre de son activité professionnelle était affilié en tant qu'ayant-droit, sans avoir à acquitter de cotisation.

26. Dès lors, la différence de traitement instituée entre les personnes bénéficiant des prestations en nature de la branche maladie et maternité de la sécurité sociale, selon les revenus de leur conjoint ou de leur partenaire est inhérente aux modalités selon lesquelles s'est progressivement développée l'assurance maladie en France. Le grief tiré de ce que la seconde phrase du 1 ° de l'article L. 380-2 du code de la sécurité sociale méconnaîtrait le principe d'égalité devant la loi doit donc être écarté. »

Il sera donc considéré que l'article L. 380-2 du code de la sécurité sociale, qui institue la CSM, n'est pas contraire aux articles 6 et 13 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen. Il sera précisé que l'article 16 de cette même déclaration ne concerne pas le principe d'égalité et est donc sans rapport avec le moyen.

Il sera également rappelé, ainsi que précisé plus haut, que le Conseil d'Etat, dans sa décision du 29 juillet 2020 (CE, 29 juillet 2020, n° 430326) a jugé que les dispositions réglementaires prises en application de l'article L. 380-2 du code de la sécurité sociale ne méconnaissent pas le principe d'égalité devant les charges publiques garanti par l'article 13 de la Déclaration des droits de l'homme et des citoyens de 1789.

Sur le fondement de l'article 14 de la Convention de sauvegarde des droits de l'Homme et de l'article 1er du Premier Protocole additionnel de cette convention :

L'article 14 de la Convention de sauvegarde des droits de l'Homme stipule :

« La jouissance des droits et libertés reconnus dans la présente Convention doit être assurée, sans distinction aucune, fondée notamment sur le sexe, la race, la couleur, la langue, la religion, les opinions politiques ou toutes autres opinions, l'origine nationale ou sociale, l'appartenance a une minorité nationale, la fortune, la naissance ou toute autre situation. »

L'article1er du Premier Protocole à cette Convention stipule :

« 1. Toute personne physique ou morale a droit au respect de ses biens. Nul ne peut être prive de sa propriété que pour cause d'utilité publique et dans les conditions prévues par la loi et les principes généraux du droit international ; 2. Les dispositions précédentes ne portent pas atteinte au droit que possèdent les États de mettre en vigueur les lois qu'ils jugent nécessaires pour réglementer l'usage des biens conformément a l'intérêt général ou pour assurer le paiement des impôts ou d'autres contributions ou des amendes. »

Le cotisant conteste les modalités de calcul de la CSM au motif que leur application à son cas particulier est disproportionnée par rapport au but recherché et qu'elles constituent une discrimination. Il demande donc à la cour de contrôler la conventionnalité du calcul de la cotisation pour le cas d'espèce.

Les juridictions ordinaires ont la possibilité d'effectuer ce contrôle de conventionnalité. Dans ce cadre, une mesure prise en application d'une loi dont la conformité aux dispositions constitutionnelles protectrices des droits fondamentaux est établie peut néanmoins être jugée incompatible avec ces mêmes droits tels qu'ils se trouvent garantis par la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'Homme à raison par exemple de son caractère disproportionné dans les circonstances de la cause (CEDH, 16 janvier 2018, n° 22612/15, [N] et autres c./ France, paragraphe 28).

Une distinction entre des personnes placées dans une situation analogue est discriminatoire, au sens des stipulations susvisées de la Convention européenne des droits de l'Homme, si elle n'est pas assortie de justifications objectives et raisonnables, c'est-à-dire si elle ne poursuit pas un objectif d'utilité publique ou si elle n'est pas fondée sur des critères objectifs et rationnels en rapport avec les buts de la loi.

Les dispositions de l'article L. 380-2 du code de la sécurité sociale créent une différence de traitement entre les assurés sociaux redevables de cotisations sociales sur leurs seuls revenus professionnels et ceux qui, dès lors que leur revenu d'activité professionnelle est inférieur au seuil fixé par le pouvoir réglementaire en application du 1° de l'article D. 380-1 susvisé et qu'ils n'ont perçu aucun revenu de remplacement, sont redevables d'une cotisation assise sur l'ensemble de leurs revenus du patrimoine. Toutefois, elles visent à faire contribuer à la prise en charge des frais de santé les personnes qui, tout en bénéficiant de revenus du patrimoine supérieurs à un certain niveau, ne perçoivent pas de revenus professionnels ou perçoivent des revenus professionnels insuffisants pour que les cotisations assises sur ces revenus constituent une participation effective à cette prise en charge. Dans ces conditions, le législateur, en créant une distinction entre les personnes pour la détermination des modalités de leur participation au financement de l'assurance maladie selon le montant de leurs revenus professionnels, a fondé son appréciation sur des critères objectifs et rationnels en rapport avec les buts qu'il se proposait.

M. [K] [L] ne démontre pas, de façon chiffrée, dans ses conclusions, que sa participation au financement de l'assurance maladie est disproportionnée par rapport à celle fournie par un assuré qui aurait des revenus d'un montant comparable aux siens, mais provenant d'une activité professionnelle ou par rapport à celle fournie par un couple dont l'un des conjoints aurait une situation analogue à la sienne.

De plus, s'il résulte des modalités de calcul une distinction entre deux assurés sociaux disposant d'un revenu d'activité professionnelle d'un montant proche, selon que ce revenu est inférieur ou supérieur au seuil prévu par le 1° de l'article L. 380-2, cette différence, inhérente à l'existence d'un seuil, se trouve atténuée par le mécanisme d'abattement d'assiette prévu au cinquième alinéa de cet article, de même que par ses dispositions prévoyant que la cotisation n'est assise que sur la fraction des revenus du patrimoine dépassant un plafond fixé par décret.

Dans ces conditions, le cotisant n'est pas fondé à prétendre que l'article D. 380-1 du code de la sécurité sociale instituerait une discrimination prohibée par l'article 14 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'Homme et des Libertés fondamentales, combiné avec l'article 1er du Premier Protocole additionnel à cette convention.

Par ailleurs, la discrimination ne peut résulter de la comparaison entre la situation des cotisants au titre de l'année 2019 et celle des cotisations au titre des années 2016 à 2018, puisque les cotisations sont dues pour des périodes différentes et donc résultent de dispositions législatives différentes, puisque modifiées par l'article 12 de la loi du 22 décembre 2018 de financement de la sécurité sociale pour 2019.

Le moyen tiré de la discrimination sera en conséquence rejeté.

En conséquence, l'appel à cotisations délivré par l'Urssaf Centre - Val-de-Loire à M. [K] [L] le 15 décembre 2017 sera déclaré régulier et le jugement rendu par le tribunal judiciaire de Paris le 21 avril 2022 sera infirmé.

Sur la demande reconventionnelle en paiement de l'Urssaf Centre - Val-de-Loire :

L'article L. 244-2 du code de la sécurité sociale dispose :

Toute action ou poursuite effectuée en application de l'article précédent ou des articles L. 244-6 et L. 244-8-1 est obligatoirement précédée, si elle a lieu à la requête du ministère public, d'un avertissement par lettre recommandée de l'autorité compétente de l'Etat invitant l'employeur ou le travailleur indépendant à régulariser sa situation dans le mois. Si la poursuite n'a pas lieu à la requête du ministère public, ledit avertissement est remplacé par une mise en demeure adressée par lettre recommandée à l'employeur ou au travailleur indépendant.

Par courrier recommandé reçu le 20 avril 2019 par le cotisant, l'Urssaf a mis en demeure M. [K] [L] de régler la somme de 6 072 euros au titre de la cotisation subsidiaire maladie de l'année 2016.

M. [K] [L] n'a pas réglé les sommes réclamées et ne conteste pas le calcul du montant.

En conséquence, il sera condamné à verser la somme de 6 072 euros à l'Urssaf Centre - Val-de-Loire et sera débouté de sa demande de dégrèvement. Le jugement déféré sera donc infirmé sur ce point.

Sur la demande d'infirmation ou d'annulation de la décision de la commission de recours amiable :

Les décisions des cours et tribunaux se substituent aux décisions des caisses, de telle sorte que la cour d'appel n'est saisie que du fond du litige.

La cour d'appel n'a pas à statuer sur les demandes d'infirmation, de confirmation ou d'annulation des décisions de la commission de recours amiable, qui est une instance purement administrative.

La demande sera donc écartée.

Sur les dépens et les demandes au titre de l'article 700 du code de procédure civile :

M. [K] [L], qui succombe à l'instance, sera condamné aux dépens conformément aux dispositions de l'article 696 du code de procédure civile.

M. [K] [L], tenu aux dépens, sera débouté de sa demande sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS,

LA COUR

DÉCLARE recevable l'appel formé par l'Urssaf Centre - Val-de-Loire ;

INFIRME le jugement rendu le 21 avril 2022 par le tribunal judiciaire de Paris en toutes ses dispositions soumises à la cour ;

STATUANT À NOUVEAU,

VALIDE l'appel à cotisations du 15 décembre 2017 délivré par l'Urssaf Centre - Val-de-Loire à M. [K] [L] au titre de la cotisation subsidiaire maladie de l'année 2016 d'un montant de 6 072 euros ;

VALIDE la mise en demeure en date du 19 avril 2019 et notifiée à M. [K] [L] le 20 avril 2019 ;

CONDAMNE M. [K] [L] à payer à l'Urssaf Centre - Val-de-Loire la somme de six-mille-soixante-douze euros (6 072 euros) au titre de la cotisation subsidiaire maladie calculée sur les revenus de l'année 2016 ;

DIT n'y avoir lieu à confirmer la décision de la commission de recours amiable en date du 13 décembre 2018 ;

DÉBOUTE M. [K] [L] de toutes ses autres demandes ;

CONDAMNE M. [K] [L] aux dépens de première instance et d'appel.

La greffière Le président

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