Livv
Décisions

CA Paris, Pôle 5 ch. 2, 7 février 2025, n° 23/08470

PARIS

Arrêt

Confirmation

PARTIES

Demandeur :

Sofruileg (SA)

Défendeur :

Sofruileg (SA)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

Mme Renard

Vice-président :

Mme Salord

Conseiller :

M. Buffet

Avocats :

Me Bellichach, Me Mendes Constante, MCL Avocats, Me Fertier, JRF & Associés, Me Turchet, PWC Société d'Avocats, Me Maillot

TJ Bordeaux, 5e ch. civ., du 15 déc. 202…

15 décembre 2022

ARRET :

Contradictoire

Par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile

Signé par Mme Véronique RENARD, Présidente de chambre, Présidente, et par Mme Carole TREJAUT, Greffière, présente lors de la mise à disposition.

Vu le jugement rendu le 15 décembre 2022 par le tribunal judiciaire de Bordeaux,

Vu l'appel interjeté par déclaration du 4 mai 2023 par M. [F] [C] [X],

Vu les « conclusions responsives et récapitulatives d'appelant et d'intimé n°2 » notifiées par la voie électronique le 6 septembre 2024 par M. [C] [X],

Vu les « conclusions d'intimée et d'appelante à titre incident n°3 » notifiées par la voie électronique le 16 octobre 2024 par la société Sofruileg,

Vu l'ordonnance de clôture du 14 novembre 2024.

SUR CE, LA COUR,

M. [F] [I] [C] [X] est un entrepreneur spécialisé dans la production et la commercialisation de fruits, d'arbres et d'arbustes tels que les kiwis.

La société Sofruileg est la filiale de la société coopérative agricole d'Amou et des producteurs de kiwifruits France.

La société Sofruileg fait valoir qu'elle est spécialisée dans la recherche, le développement et la protection d'obtentions végétales et qu'elle centralise les relations avec, d'une part, les obtenteurs qui lui consentent des licences sur les obtentions végétales qu'ils ont développées et, d'autre part, les producteurs auxquels elle consent, avec l'accord des obtenteurs, des sous-licences de certificats d'obtention végétales pour la production des fruits concernés.

La société Sofruileg est licenciée des certificats d'obtention végétales enregistrées en Europe Hortgem Tahi : NZ #1927 ; EU CPVO 30080, Hortgem Rua : NZ #2747 ; EU CPVO 24925 ; Hortgem Toru : C3C3 NZ#2746 ; EU CPVO 30083 ; Hortgam Wha K2E5 NZ#2748 et EU CPVO 24926.

Elle est notamment titulaire de la marque verbale de l'Union européenne « NERGI » n°009017311 déposée le 9 avril 2010 et enregistrée dans les classes de produits 29 et 31, dont les fruits et légumes frais dans cette dernière classe.

Le 9 mars 2013, la société Sofruileg a conclu avec M. [F] [I] [C] [X] un contrat de concession de sous-licence de certificats d'obtention végétale pour l'approvisionnement exclusif de licenciés de la marque « NERGI » portant sur 1 008 plants issus de variétés protégées de kiwis Actinidia Arguta Hortgem.

Le 16 mars 2015, les parties ont conclu un nouveau contrat de sous-licence de certificats d'obtention végétale, dans des termes identiques, portant sur 346 plants issus de variétés protégées.

Par courrier recommandé avec demande d'accusé de réception du 1er juillet 2016 de son conseil, M. [F] [I] [C] [X] a résilié ces contrats.

Faisant valoir que M. [F] [I] [C] [X] avait récolté et vendu ses fruits à des entreprises non agréées, la société Sofruileg l'a fait assigner, par exploit d'huissier de justice du 25 novembre 2016, conformément aux dispositions du règlement du Parlement européen et du Conseil du 13 novembre 2007 relatif à la signification et à la notification dans les États membres des actes judiciaires et extrajudiciaires en matière civile ou commerciale, devant le tribunal de grande instance de Bordeaux en paiement d'indemnités dues en exécution des contrats de sous-licence.

Par ordonnance du 10 avril 2018, le juge de la mise en état a, par application des dispositions du règlement Bruxelles I bis n°1215/2012 du 12 décembre 2012 concernant la compétence judiciaire, la reconnaissance et l'exécution des décisions en matière civile et commerciale et de la clause attributive de compétence au profit du tribunal de grande instance de Bordeaux insérée aux contrats litigieux, rejeté la demande de sursis à statuer présentée par M. [F] [I] [C] [X] dans l'attente de la décision de la juridiction portugaise préalablement saisie par lui dans un litige l'opposant à la société Sofruileg.

Par jugement du 11 février 2021, le tribunal judiciaire de Bordeaux s'est déclaré compétent pour statuer sur la demande de la société Sofruileg tendant à la condamnation de M. [F] [I] [C] [X] au paiement d'une indemnité de 100 000 euros au titre d'actes de contrefaçon et s'est déclaré incompétent pour le surplus au profit du tribunal de commerce de Bordeaux.

Par arrêt du 25 novembre 2021, la cour d'appel de Bordeaux a infirmé ce jugement et déclaré irrecevable l'exception d'incompétence au profit du tribunal de commerce de Bordeaux soulevée par M. [F] [I] [C] [X], renvoyant l'affaire devant le tribunal judiciaire de Bordeaux.

Par jugement du 15 décembre 2022, le tribunal judiciaire de Bordeaux a :

- débouté M. [F] [I] [C] [X] de sa demande de nullité des clauses de détermination du prix, des clauses pénales et des clauses de résiliation des contrats de concession de sous-licence d'obtention végétale conclus le 9 mars 2013 et 16 mars 2015 avec la société Sofruileg,

- débouté M. [F] [I] [C] [X] de sa demande en nullité des clauses d'interdiction de vente hors réseau,

- rejeté la demande de versement d'un complément de prix par la société Sofruileg,

- constaté la résiliation des contrats de concession de sous-licence d'obtention végétale conclus les 9 mars 2013 et le 16 mars 2015,

- condamné M. [F] [I] [C] [X] au paiement à la société Sofruileg de la somme de 75 000 euros au titre des actes de contrefaçon,

- condamné M. [F] [I] [C] [X] au paiement à la société Sofruileg de la somme de 288 000 euros au titre de la clause pénale pour les infractions commises en 2016 et 2017,

- condamné M. [F] [I] [C] [X] à l'arrachage et à la destruction de l'ensemble des greffons, plants et arbres objets des contrats résiliés et à la restitution à la société Sofruileg de l'ensemble du matériel et autres outils de support de communication, sous astreinte de 1 500 euros par jour pendant soixante jours courant à compter du quinzième jour suivant la signification de la présente décision,

- dit qu'à défaut d'arrachage et de destruction des greffons, plans et arbres par M. [F] [I] [C] [X] à l'issue de l'astreinte provisoire, la société Sofruileg ou toute personne qu'elle désignera pourra procéder à l'arrachage des plans, greffons ou arbres,

- condamné M. [F] [I] [C] [X] aux dépens,

- condamné M. [F] [I] [C] [X] au paiement à la société Sofruileg de 5 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- rejeté l'exécution provisoire,

- débouté les parties du surplus de leurs demandes.

La cour d'appel de Paris est compétente pour connaître de l'appel de ce jugement, par application combinée des articles L. 442-6 et D. 442-3 du code de commerce.

M. [F] [I] [C] [X] a interjeté appel de ce jugement par déclaration du 4 mai 2023.

Selon ses dernières conclusions notifiées par la voie électronique le 6 septembre 2024, M. [F] [I] [C] [X] demande à la cour de :

- le déclarer recevable et bien-fondé en ses demandes,

- y faire droit,

- infirmer le jugement rendu le 15 décembre 2022 par le tribunal judiciaire de Bordeaux en ce qu'il :

- l'a débouté de sa demande de nullité des clauses de détermination du prix, des clauses pénales et des clauses de résiliation des contrats de concession de sous-licence d'obtention végétale conclus les 9 mars 2013 et 16 mars 2015 avec la société Sofruileg,

- l'a débouté de sa demande en nullité des clauses d'interdiction de vente hors réseau,

- a constaté la résiliation des contrats de concession de sous-licence d'obtention végétale conclus les 9 mars 2013 et 16 mars 2015,

- l'a condamné au paiement à la société Sofruileg de la somme de 75 000 euros au titre des actes de contrefaçon,

- l'a condamné au paiement à la société Sofruileg de la somme de 288 000 euros au titre de la clause pénale pour les infractions commises en 2016 et 2017,

- l'a condamné à l'arrachage et à la destruction de l'ensemble des greffons, plants et arbres objets des contrats résiliés et à la restitution à la société Sofruileg de l'ensemble du matériel et autres outils de support de communication sous astreinte de 1 500 euros par jour pendant soixante jours courant à compter du quinzième jour suivant la signification de la présente décision,

- a dit qu'à défaut d'arrachage et de destruction des greffons, plants et arbres à l'issue de l'astreinte provisoire, la société Sofruileg ou toute personne qu'elle désignera, pourra procéder à l'arrachage des plants, greffons ou arbres,

- l'a condamné aux dépens,

- l'a condamné au versement à la société Sofruileg de la somme de 5 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- a débouté les parties du surplus de leurs demandes.

Et, statuant à nouveau, de :

En premier lieu :

- prononcer la nullité des clauses de détermination du prix, des clauses pénales et des clauses de résiliation des contrats de concession et de vente conclus par M. [X] avec la société Sofruileg,

- prononcer la nullité des clauses d'interdiction de vente hors réseau et « de la nullité des pratiques de discriminations tarifaires de la société Sofruileg »,

En second lieu :

- dire que la société Sofruileg est débitrice d'une dette de règlement d'un complément de prix de vente de la récolte 2015 au bénéfice de M. [X] au titre des engagements souscrits lors de la réunion du 18 janvier 2013,

- dire que les contrats de concession et de vente sont inopposables à M. [X] comme n'étant pas conformes aux dispositions du code rural,

- dire et juger que c'est à bon droit que M. [X] a résilié les contrats de concession et de vente du fait des manquements de la société Sofruileg sans obligation de restituer les plants acquis à la date de ladite résiliation,

- condamner la société Sofruileg à payer à M. [X] un complément de prix de vente de la récolte 2015 d'un montant de 2 211,32 euros,

En toute hypothèse :

- condamner la société Sofruileg à payer la somme de 15 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamner la société Sofruileg aux entiers dépens de première instance et d'appel.

Selon dernières conclusions notifiées par voie électronique le 16 octobre 2024, la société Sofruileg demande à la cour de :

- débouter M. [C] [X] de son appel principal et de ses demandes, fins et conclusions,

- la déclarer bien fondée en son appel incident,

Confirmer le jugement du tribunal judiciaire de Bordeaux du 15 décembre 2022 en ce qu'il a :

- débouté M. [F] [I] [C] [X] de sa demande de nullité des clauses de détermination du prix, des clauses pénales et des clauses de résiliation des contrats de concession de sous-licence d'obtention végétale conclus les 9 mars 2013 et 16 mars 2015 avec la société Sofruileg,

- débouté M. [F] [I] [C] [X] de sa demande en nullité des clauses d'interdiction de vente hors réseau,

- rejeté la demande de versement d'un complément de prix par la société Sofruileg,

- constaté la résiliation des contrats de concession de sous-licence d'obtention végétale conclus les 9 mars 2013 et le 16 mars 2015,

- dit qu'à défaut d'arrachage et de destruction des greffons, plants et arbres par M. [F] [I] [C] [X] à l'issue de l'astreinte provisoire, la société Sofruileg ou toute personne qu'elle désignera pourra procéder à l'arrachage des plants, greffons ou arbres,

- condamné M. [F] [I] [C] [X] aux dépens,

Réformer le jugement du tribunal judiciaire de Bordeaux du 15 décembre 2022 en ce qu'il a :

- limité la condamnation de M. [F] [I] [C] [X] au paiement à la société Sofruileg de la somme de 75 000 euros au titre des actes de contrefaçon,

- limité la condamnation de M. [F] [I] [C] [X] au paiement à la société Sofruileg de la somme de 288 000 euros au titre de la clause pénale pour les infractions commises en 2016 et 2017,

- limité la condamnation de M. [F] [I] [C] [X] à l'arrachage et à la destruction de l'ensemble des greffons, plants et arbres objets des contrats résiliés et à la restitution à la société Sofruileg de l'ensemble du matériel et autres outils de support de communication, sous astreinte de 1 500 euros par jour pendant soixante jours courant à compter du quinzième jour suivant la signification de la présente décision,

- limité la condamnation de M. [F] [I] [C] [X] au paiement à la société Sofruileg de 5 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- débouté les parties du surplus de leurs demandes.

En conséquence, statuant à nouveau et y ajoutant :

- dire et juger que M. [F] [I] [X] [C] a contrefait les certificats d'obtention végétale n°30080 et n°24925,

- condamner M. [F] [I] [X] [C] à payer à la société Sofruileg la somme de 100 000 euros au titre des actes de contrefaçon,

- condamner M. [F] [I] [X] [C] à payer la somme de 250 000 euros et la somme de 42 300 euros à la société Sofruileg correspondant à ses inexécutions contractuelles de l'année 2016,

- condamner M. [F] [I] [X] [C] à payer la somme de 250 000 euros et la somme de 42 300 euros à la société Sofruileg correspondant à ses inexécutions contractuelles de l'année 2017,

- condamner M. [F] [I] [X] [C] au paiement de la somme de 10 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamner M. [F] [I] [X] [C] au paiement des entiers dépens ainsi qu'aux frais d'exécution forcée de la décision à intervenir, en ce compris les sommes retenues par l'huissier instrumentaire au titre de l'article 10 du décret 2001-212 du 8 mars 2001.

L'ordonnance de clôture a été prononcée le 14 novembre 2024.

MOTIFS :

Sur la validité des clauses des contrats de concession de sous-licence de certificats d'obtention végétale :

Sur la soumission :

M. [F] [I] [C] [X] fait valoir que les contrats conclus par la société Sofruileg avec l'ensemble des producteurs portugais sont des contrats d'adhésion ; qu'aux termes de ces contrats, identiques pour tous les producteurs, il s'est vu imposer des obligations exorbitantes telles que l'achat de plantes à un prix particulièrement élevé, le paiement d'une redevance fixe par hectare planté (1000,00 euros/ha), à titre de compensation, le paiement de redevances proportionnelles, soit 10% du montant de la facturation des fruits, et 0,30 €/kg lorsque le prix est inférieur à 3,00 €/kg, l'obligation de livrer les fruits aux opérateurs commerciaux agréés de la marque, lesquels fixent d'autorité le prix à payer, l'acceptation de tous les risques liés à la culture, même si les caractéristiques des plantes très coûteuses et de la future production ne correspondent pas à ce qui a été promis, l'acceptation que si les opérateurs commerciaux agréés ne respectent pas les contrats avec les producteurs, le licencié ne serait jamais tenu responsable, même lorsque le licencié impose ces opérateurs commerciaux, que le licencié délivre lui-même les agréments sur la base de critères opaques, et se réserve le droit d'accepter ou non un nouveau producteur. M. [F] [I] [C] [X] ajoute que les contreparties prévues pour ces producteurs se limitent à l'autorisation de produire des fruits et la garantie de prix de 0,30 euros/kg accordée par les opérateurs commerciaux agréés, afin que la société Sofruileg s'assure du paiement par les producteurs des redevances.

M. [F] [I] [C] [X] en conclut qu'il existe un déséquilibre significatif des droits et obligations des parties au détriment du producteur, lequel ne dispose d'aucune faculté de négociation.

La société Sofruileg réplique que le caractère prérempli des clauses du contrat ne suffit pas à prouver la soumission ou tentative de soumission au sens de l'article L.442-6 I 2° du code de commerce. Elle souligne que la compensation d'un déséquilibre significatif peut se trouver dans les avantages tirés de l'existence du réseau par ses membres, ce déséquilibre devant faire l'objet d'une appréciation in concreto. La société Sofruileg fait valoir que les contrats ont été librement négociés par M. [F] [I] [C] [X] et qu'ils lui permettaient de détenir et cultiver des variétés protégées sous une marque. La société Sofruileg conclut qu'elle n'a pas soumis ou tenté de soumettre M. [F] [I] [C] [X] à un déséquilibre significatif au regard du contexte et de l'économie du contrat.

Réponse de la cour :

Aux termes de l'article L.442-6 I 2° du code de commerce, dans sa rédaction en vigueur, engage la responsabilité de son auteur et l'oblige à réparer le préjudice causé le fait, par tout producteur, commerçant, industriel ou personne immatriculée au répertoire des métiers de soumettre ou de tenter de soumettre un partenaire commercial à des obligations créant un déséquilibre significatif dans les droits et obligations des parties.

Les deux éléments constitutifs de cette pratique restrictive de concurrence sont en premier lieu la soumission ou la tentative de soumission et en second lieu l'existence d'obligations créant un déséquilibre significatif.

Le déséquilibre significatif est le plus souvent caractérisé par une absence de réciprocité des prérogatives contractuelles ou par une disproportion entre les droits et obligations des parties.

Le déséquilibre significatif doit être examiné au regard de l'analyse des clauses imposées dans la convention en tenant compte des contreparties accordées et de l'équilibre économique de l'opération.

L'existence d'obligations créant un déséquilibre significatif peut notamment se déduire d'une absence totale de réciprocité ou de contrepartie à une obligation, ou encore d'une disproportion importante entre les obligations respectives des parties, les effets des pratiques n'ayant en revanche pas à être pris en compte ou recherchés (en ce sens, Com., 3 mars 2015, n°14-10.907). En l'absence de toute présomption légale, la preuve du déséquilibre significatif incombe à l'appelant, tandis que celle d'un éventuel rééquilibrage du contrat par une ou plusieurs autres clauses repose sur la société intimée.

La partie victime d'un déséquilibre significatif au sens de cet article est fondée à solliciter la nullité de la clause du contrat qui crée ce déséquilibre et qui méconnaît les dispositions d'ordre public de ce texte (en ce sens, Com. 30 septembre 2020, n° 18-11.644, solution conforme aux précisions apportées par C Const., n°2011-126 du 13 mai 2011).

M. [F] [I] [C] [X] ne peut utilement se prévaloir de décisions de juridictions portugaises qui sont étrangères à ses relations avec la société Sofruileg et qui ne s'imposent pas au juge français.

M. [F] [I] [C] [X] fait valoir que les contrats litigieux, qui étaient des contrats d'adhésion, étaient exclusifs de toute négociation effective.

Il justifie que les contrats de concession de sous-licence de certificats d'obtention végétale pour l'approvisionnement exclusif des licenciés de marque qu'il a conclus avec la société Sofruileg sont des contrats quasi-identiques à ceux souscrits par d'autres producteurs avec la société Sofruileg, l'appelant produisant, à cet égard, un contrat conclu avec la société Kiwi Fundevila le 7 novembre 2013, rédigé dans des termes très similaires avec des clauses identiques.

Par ailleurs, le document d'information générale Sofruileg et Nergi établi en phase précontractuelle selon les articles L.330-3 et R.330-1 du code de commerce, présente que le contrat de sous-licence proposé impose notamment l'achat de plans, le respect d'un cahier des charges qualité, le versement d'une redevance forfaitaire à l'hectare et une redevance proportionnée sur les kilos de fruits commercialisés, les producteurs s'engageant par ailleurs à ne livrer leur production qu'à des opérateurs commerciaux préalablement licenciés par la société Sofruileg.

Il n'est aucunement justifié d'échanges entre les contractants quant à l'élaboration des accords commerciaux, le contenu des contrats découlant du document d'information générale.

A cet égard, les contrats, dans leur préambule, n'évoquent aucune négociation antérieure à leurs conclusions, se bornant à indiquer que « le producteur déclare avoir reçu, préalablement à la conclusions des présentes, toutes les informations nécessaires lui permettant de s'engager en connaissance de cause et ce, conformément aux dispositions de l'article L.330-3 du code de commerce ».

Par ailleurs, aucune pièce n'est produite de nature à justifier qu'aux termes de la phase précontractuelle, le producteur aurait été en mesure d'émettre des propositions.

Aussi, il y a lieu de retenir que M. [F] [C] [X] s'est trouvé privé de toute possibilité de négociation.

Il appartient donc à la cour de vérifier s'il existe un déséquilibre significatif dans les droits et obligations des parties au préjudice de M. [F] [I] [C] [X] au titre des clauses contestées.

Sur la détermination du prix :

M. [F] [I] [C] [X] fait valoir qu'au regard des articles 2-8 des contrats de concession de sous-licence de certificats d'obtention végétale et 8 du contrat de vente de fruits et légumes, ces clauses créent un déséquilibre dans la détermination du prix au détriment du producteur, ce prix reposant sur un « prix du marché » à géométrie variable en fonction du lieu où est commercialisée la récolte, laissant les producteurs sans latitude de déterminer les prix, étant précisé que, le 30 juin 2015, le directeur général du distributeur acheteur, la société Portprim'land, en cours de constitution, a fixé un prix de 4,00 euros par kilogramme pour la récolte de 2015, sans différenciation entre les fruits standards (vente en vrac) et les fruits premium (vente sous emballage avec tri sélectif) et que cet engagement n'a pas été respecté, la société Portprim'land ayant indiqué, après avoir reçu tous les fruits de la campagne de 2015, que le prix final serait de 2,82 euros par kilogramme pour la classe standard et 3,01 euros pour la classe premium, les producteurs français ayant les concernant bénéficié de prix 30% plus élevés. Par ailleurs, le prix de vente minimum accordé pour la vente de fruits conditionnés correspond précisément à la redevance minimale qu'il doit reverser pour la production des fruits. Enfin, M. [F] [I] [C] [X] fait valoir qu'il était tenu au paiement de redevances portant sur la commercialisation des fruits alors qu'il était possible que la commercialisation voire la récolte des fruits n'était pas terminée. M. [F] [I] [C] [X] conclut que les clauses des contrats de concession de sous licence de certificats d'obtention végétale et de vente de fruits quant aux modalités de détermination et de paiement du prix sont manifestement contraires aux dispositions de l'article L.442-1 I 2° du code de commerce.

La société Sofruileg fait valoir qu'elle n'est liée à M. [F] [I] [C] [X] que par les contrats de concession de sous-licence de certificats d'obtention végétale, qu'elle n'achète pas de fruits et qu'elle n'intervient pas sur la détermination du prix. Elle souligne que la preuve n'est aucunement rapportée qu'elle aurait pris des engagements tarifaires. La société Sofruileg indique que les contrats de concession de sous-licence de certificats d'obtention végétale sont distincts des contrats de vente tandis que la clause relative aux délais de paiement est d'usage courant dans le domaine concerné.

Réponse de la cour :

Si M. [F] [C] [X] se prévaut d'un déséquilibre significatif en raison de la combinaison de l'article 2-8 « redevance » du contrat de concession de sous-licence de certificats d'obtention végétale du 9 mars 2013 avec le contrat de vente de fruits Actinadia Arguta Variétés Hortgem Nergi conclu avec la société Prim'Land (qui est une personne morale distincte de la société Sofruileg) le 15 mai 2013, cette combinaison n'est pas pertinente en ce que ces contrats, qui concernent respectivement l'autorisation de cultiver et de vendre les kiwis faisant l'objet de la protection couverte par les certificats d'obtention végétale, et les modalités de vente des kiwis à un opérateur commercial agréé, ne concernent pas les mêmes parties tandis qu'il n'est pas démontré que la société Sofruileg aurait eu une influence sur la fixation du prix qui relève des relations entre le producteur et cet opérateur.

Ainsi que l'a relevé à juste titre le tribunal, la preuve n'est pas démontrée que la société Sofruileg s'était engagée, lors d'une réunion avec les producteurs tenue le 30 juin 2015, à un prix de 4,00 euros par kilogramme pour la récolte de 2015 sans différenciation entre les fruits standards et les fruits premium, M. [F] [I] [C] [X] ne justifiant d'aucun engagement écrit de la société Sofruileg en ce sens.

A cet égard, le prix de vente minimum est fixé par la société Prim'Land, aux termes du contrat de vente du 15 mai 2013.

Enfin, M. [F] [I] [C] [X] ne justifie pas en quoi le fait que la redevance proportionnelle d'exploitation qui, selon l'article 2-8-2 des contrats de concession de sous-licence de certificats d'obtention végétale, est payée deux fois chaque année, un premier paiement effectué le 15 septembre sur une base de 0,15 euros par kilogramme et calculé sur les tonnages prévisionnels de la récolte de l'année en cours et le solde le 31 décembre, entraine un déséquilibre significatif à son détriment, étant observé que le premier paiement est fixé en fonction d'une production prévisionnelle correspondant à la situation du producteur.

Par conséquent, les clauses de détermination du coût des redevances des contrats de concession de sous-licence de certificats d'obtention végétale n'engendrent pas un déséquilibre significatif des droits et obligations des parties au détriment de M. [F] [I] [C] [X].

Sur la validité des clauses pénales :

M. [F] [I] [C] [X] fait valoir qu'il existe un déséquilibre significatif entre les parties du fait des clauses pénales prévues aux contrats de concession de sous-licence de certificats d'obtention végétale, en leurs articles 2-11 et 2-3.2-2, dès lors qu'en application de l'article 2.5, aucun dédommagement ne peut être alloué au producteur en cas de difficultés avec les opérateurs agréés imposés par le licencié. Il en conclut que le risque d'application automatique d'une pénalité ne pèse que sur lui et non sur la société Sofruileg.

La société Sofruileg réplique que la preuve d'un tel déséquilibre n'est pas établie.

Réponse de la cour :

En vertu de l'article 1231-5 du code civil, lorsque le contrat stipule que celui qui manquera de l'exécuter paiera une certaine somme à titre de dommages et intérêts, il ne peut être alloué à l'autre partie une somme plus forte ni moindre.

Néanmoins, le juge peut, même d'office, modérer ou augmenter la pénalité ainsi convenue si elle est manifestement excessive ou dérisoire.

Aux termes de l'article 2-11 des contrats de concession de sous-licence de certificats d'obtention végétale : « En cas de non-respect des dispositions contenues aux alinéas 2-3.1-2, 2-3.1-3, 2-3.1-4 et 2-3.2-1 des présentes, le Producteur versera au Licencié, à titre de dommages et intérêts forfaitairement fixés, une indemnité par infraction d'un montant de 250.000€, montant qui pourra être revalorisé annuellement suivant la variation de l'indice INSEE, publié en France, des prix fruits IPPAP données CVS, cette variation excèderait-elle de 20% la valeur actuelle prise en référence, à savoir : juillet 2012 indice 151,2 ou tout indice qui lui serait substitué, et qui pourra être exigé, directement ou indirectement par le Licencié ».

« En outre, la clause pénale, contenue à l'article 2-3.2-2, sanctionne le non-respect éventuel des obligations contractuelles visées audit article et s'appliquera spécifiquement audit article ».

L'article 2-3.2-2 stipule que : « A défaut de respecter les engagements du présent paragraphe, il sera dû par le Producteur une indemnité égale au prix de vente hors taxes des Fruits commercialisés ou vendus à l'occasion de la campagne en cours au moment du manquement, même si le prix de ces ventes n'a pas encore été encaissé ».

Ces clauses déterminent de manière précise les pénalités dues par le producteur sous-licencié en cas de manquement à ses obligations contractuelles et M. [F] [I] [C] [X] ne caractérise pas en quoi elles seraient disproportionnées. Ces pénalités sanctionnent tout non-respect du droit qui lui a été consenti d'exploiter des variétés de fruits protégés afin de garantir la pérennité du réseau auquel il s'est affilié, tandis qu'aucune sanction financière ne peut être fixée, en parallèle, à la charge du licencié, en cas de difficulté entre le producteur et les opérateurs commerciaux agréés, dès lors que cette situation lui est étrangère.

Le jugement sera donc confirmé en ce qu'il a débouté M. [F] [I] [C] [X] de sa demande de nullité des clauses pénales, le déséquilibre significatif invoqué n'étant pas caractérisé.

Sur la validité des clauses de résiliation :

M. [F] [I] [C] [X] fait valoir que la clause de résiliation anticipée doit conférer au concédant comme au cessionnaire le même droit de mettre fin au contrat dans les mêmes conditions. Il indique que si les contrats prévoient de manière classique une faculté de résiliation en cas de force majeure ouverte aux deux parties, conformément à l'article 1218 du code civil (article 2-10-1), seule la société Sofruileg a la faculté de résilier les contrats de plein droit en cas de manquement du sous-licencié à ses obligations contractuelles, l'inverse n'étant pas stipulé (articles 2-10-2 et 2-10-3) tandis que le sous-licencié ne dispose que de la possibilité de demander la résiliation amiable du contrat, ce qui suppose l'accord du licencié (article 2-10-4). M. [F] [I] [C] [X] en conclut que l'article 2-10 des contrats de concession caractérise un déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties.

La société Sofruileg réplique que le fait de prévoir une résiliation unilatérale au bénéfice d'une partie ne créé pas de déséquilibre entre les droits et obligations des parties, que l'article 2-10 des contrats est une clause usuelle justifiée par les obligations très strictes de contrôle prises par le licencié vis-à-vis du centre de recherche propriétaire de variétés qui la charge de surveiller de près les producteurs pour veiller à la qualité et au respect des produits issus des certificats d'obtention végétale, qu'enfin, la demande invoquée par M. [F] [I] [C] [X] est sans objet, chaque partie constatant la résiliation du contrat.

Réponse de la cour :

Le principe de la résiliation des contrats de concession de sous-licence de certificats d'obtention végétale, dénoncés par l'appelant le 1er juillet 2016, n'est pas discuté par les parties.

La demande tendant à voir dire disproportionnée les clauses 2-10-1 à 2-10-4 des contrats est donc sans objet, étant ajouté à titre surabondant que le producteur avait toujours la faculté de demander la résiliation des contrats pour tout motif autre que la survenance d'un événement indépendant de la volonté des parties rendant impossible l'exécution des obligations prévues aux contrats ; le licencié ne bénéficiait pas de cette possibilité. Enfin, par application du droit commun des contrats auquel il n'est pas dérogé par les conventions, l'article 1184 du code civil, dans sa rédaction applicable, prévoit que la condition résolutoire est toujours sous-entendue dans les contrats synallagmatiques, pour le cas où l'une des deux parties ne satisfera point à son engagement et qu'il s'ensuit que le producteur pouvait résilier le contrat en cas de manquement du licencié à ses obligations.

La preuve d'un déséquilibre significatif n'est pas plus rapportée.

Le jugement sera donc confirmé en ce qu'il a débouté M. [F] [I] [C] [X] de sa demande de nullité de ces clauses.

Sur la validité des clauses d'interdiction de vente et des pratiques tarifaires :

1 - M. [F] [I] [C] [X] rappelle que les contrats litigieux comprennent une clause de commercialisation sélective des fruits kiwis « NERGI » par l'intermédiaire d'opérateurs agréés ; que cette clause est, en réalité, une clause d'exclusivité ayant pour but d'empêcher les concurrents du groupe Sofruileg-Primland-Scaap Kiwifruits de France d'accéder à la commercialisation des bébés kiwis ; que la moitié des opérateurs commerciaux agréés (Prim'land, Portprim'land) ont des liens capitalistiques avec la société SCAAP Kiwifruits de France, composée essentiellement de coopérateurs producteurs de kiwis français ; que le prétendu « agrément » délivré par la société Sofruileg n'a pour objet que d'évincer de potentiels concurrents du groupe sur la commercialisation du bébé kiwi de marque « NERGI » ; que la société Sofruileg a imposé aux producteurs ses opérateurs commerciaux pour lesquels elle donne son agrément ; que l'appelant n'a pas eu d'autre choix que de contracter avec la société Prim'land, refusant ensuite de conclure avec la société Portprim'land, dans des conditions désavantageuses ; qu'il n'est pas justifié que les bébés kiwis nécessitaient la création d'un réseau de distribution sélective afin de préserver la qualité et d'assurer le bon usage des fruits pas plus que les opérateurs commerciaux concernés ont été agréés sur la base de critères objectifs de nature qualitative, les conditions d'obtention de l'agrément étant opaques ; que les différentes sociétés du groupe ont pour objectif de limiter et restreindre l'activité des producteurs de kiwis, par un effet d'éviction sur la concurrence, du moins au Portugal; que les producteurs ne disposent pas d'un véritable choix pour la vente de leur récolte ; qu'à cet égard, les producteurs n'ont pas d'autre possibilité que de respecter la clause d'exclusivité sous peine de se voir reprocher un non-respect de leurs obligations contractuelles et, de fait, subissent une dégradation des prix, n'étant pas en mesure de négocier les conditions tarifaires qui leur sont opposées; que la pratique tarifaire litigieuse présente donc un caractère abusif et anti-concurrentiel du fait de l'entente occupée par le groupe Sofruileg-Prim'land-Scaap Kiwifruits de France, le réseau constitué n'étant pas conforme aux articles 101 du Traité sur le fonctionnement de l'Union européenne et L.420-1 du code de commerce.

La société Sofruileg réplique que les variétés de fruits, objets des contrats de concession de sous-licence, sont des denrées très périssables nécessitant beaucoup de minutie dans toutes les étapes séparant la cueillette du consommateur final ; qu'il est donc indispensable, dans l'intérêt des consommateurs et des producteurs, que les opérateurs commerciaux soient soumis à un cahier des charges strict et sélectionnés de telle façon que ce cahier des charges soit respecté ; que la société Sofruileg était tenue de respecter des normes précises de production et de commercialisation vis-à-vis de l'obtenteur HortResearch ; que le recours à des opérateurs commerciaux agréés, soumis à des obligations lourdes jusqu'à la vente finale des produits, est donc justifié et proportionné ; que ces opérateurs sont autonomes et fixent librement leurs tarifs ; que la SCCAP, la société Sofruileg et la société Prim'land sont des personnes morales distinctes ; qu'alors qu'il pouvait vendre à d'autres opérateurs agréés que la société Prim'land, M. [F] [I] [C] [X] a choisi de vendre ses fruits à un opérateur qui n'était pas agréé, en violation de ses obligations contractuelles ; que les sociétés Bfruit et Ortofruit, qui avaient la qualité d'opérateurs agréés, n'avaient aucun lien capitalistique avec la société Sofruileg ; que M. [F] [I] [C] [X] pouvait s'engager avec ces sociétés; que l'article 101 &1 du Traité sur le fonctionnement de l'Union européenne ne peut recevoir application dès lors que la nature des produits rend nécessaire un système de distribution sélective, que les critères de sélection des revendeurs sont objectifs et non discriminatoires et que ces critères sont proportionnés à l'objectif poursuivi ; qu'il n'existe en conséquence aucun système de distribution exclusive, celle-ci étant seulement sélective, qui n'a aucune incidence sur la liberté offerte au producteur de choisir ses opérateurs agréés ; que la société Sofruileg n'était pas tenue de communiquer son cahier des charges qui est couvert par le secret des affaires ; qu'enfin, le volume de bébés kiwis est inférieur au seuil de 30% des parts de marché du fournisseur et de l'acheteur de sorte que les accords de distribution sélective bénéficient de l'exemption prévue à l'article 2, paragraphe 1, du règlement (UE) 2022/720.

Réponse de la cour :

Aux termes de l'article L.420-1 du code de commerce, sont prohibées même par l'intermédiaire direct ou indirect d'une société du groupe implantée hors de France, lorsqu'elles ont pour objet ou peuvent avoir pour effet d'empêcher, de restreindre ou de fausser le jeu de la concurrence sur un marché, les actions concertées, conventions, ententes expresses ou tacites ou coalitions, notamment lorsqu'elles tendent à :

1° Limiter l'accès au marché ou le libre exercice de la concurrence par d'autres entreprises ;

2° Faire obstacle à la fixation des prix par le libre jeu du marché en favorisant artificiellement leur hausse ou leur baisse ;

3° Limiter ou contrôler la production, les débouchés, les investissements ou le progrès technique ;

4° Répartir les marchés ou les sources d'approvisionnement.

Selon l'article 101 du Traité sur le fonctionnement de l'Union européenne, sont incompatibles avec le marché intérieur et interdits tous accords entre entreprises, toutes décisions d'associations d'entreprises et toutes pratiques concertées, qui sont susceptibles d'affecter le commerce entre États membres et qui ont pour objet ou pour effet d'empêcher, de restreindre ou de fausser le jeu de la concurrence à l'intérieur du marché intérieur, et notamment ceux qui consistent à :

a) fixer de façon directe ou indirecte les prix d'achat ou de vente ou d'autres conditions de transaction,

b) limiter ou contrôler la production, les débouchés, le développement technique ou les investissements,

c) répartir les marchés ou les sources d'approvisionnement,

d) appliquer, à l'égard de partenaires commerciaux, des conditions inégales à des prestations équivalentes en leur infligeant de ce fait un désavantage dans la concurrence,

e) subordonner la conclusion de contrats à l'acceptation, par les partenaires, de prestations supplémentaires qui, par leur nature ou selon les usages commerciaux, n'ont pas de lien avec l'objet de ces contrats.

Les accords ou décisions interdits en vertu du présent article sont nuls de plein droit.

Toutefois, les dispositions du paragraphe 1 peuvent être déclarées inapplicables :

- à tout accord ou catégorie d'accords entre entreprises,

- à toute décision ou catégorie de décisions d'associations d'entreprises et

- à toute pratique concertée ou catégorie de pratiques concertées qui contribuent à améliorer la production ou la distribution des produits ou à promouvoir le progrès technique ou économique, tout en réservant aux utilisateurs une partie équitable du profit qui en résulte, et sans :

a) imposer aux entreprises intéressées des restrictions qui ne sont pas indispensables pour atteindre ces objectifs,

b) donner à des entreprises la possibilité, pour une partie substantielle des produits en cause, d'éliminer la concurrence.

En premier lieu, il est établi que les variétés de fruits ayant bénéficié des certificats d'obtention végétale donnés à licence à la société Sofruileg nécessitent une attention particulière, rendant nécessaire le recours à des opérateurs agréés, ainsi que le rappelle M. [U], représentant le titulaire de l'obtention végétale, aux termes de son attestation du 16 mars 2020.

A cet égard, il n'est pas discuté que ces fruits sont fragiles et nécessitent des conditions de conservation, de stockage et de conditionnement particulières, afin de garantir toutes les qualités requises au consommateur final, au regard des normes définies par l'obtenteur de l'obtention végétale, rendant nécessaire l'établissement d'un cahier des charges strict.

Il est rappelé que l'article 2 des contrats litigieux prévoit l'obligation pour le producteur de commercialiser la totalité des fruits sous la marque par l'intermédiaire d'opérateurs commerciaux agréés par le licencié et l'interdiction pour le producteur de commercialiser et de confier en vue de la vente pour la première mise sur le marché de tout fruit issu des plants qui lui sont vendus par le licencié à des opérateurs autres que ceux agréés par ce dernier.

M. [F] [I] [C] [X] soutient que, de manière illicite, la société Sofruileg aurait mis en place une clause d'exclusivité au profit de la société Prim'land, opérateur agréé, puis la société Portprim'land pour le Portugal, qui aurait des liens capitalistiques avec la société intimée.

Il est cependant constant qu'il existait d'autres opérateurs agréés, en particulier les sociétés Bfruit et Ortofruit. Il n'est pas discuté que ces sociétés n'ont pas de lien structurel avec la société Sofruileg.

Contrairement à ce qu'il affirme, M. [F] [I] [C] [X] était libre de choisir l'opérateur agréé auprès duquel il désirait vendre sa récolte à des conditions tarifaires différentes.

La société Sofruileg justifie, à cet égard, que la société Kiwi Fundevila Sociedade, qui se trouvait dans une situation identique à celle de l'appelant, avait bénéficié en juin 2019 de propositions d'achat de trois opérateurs commerciaux agréés différents, ainsi que la société intimée le rappelle dans un courrier à cette société du 18 juin 2019.

La société Sofruileg oppose donc à juste titre que les contrats ne prévoyaient pas de clause d'exclusivité et qu'ils s'inscrivaient dans un réseau de distribution sélective avec le recours libre à différents opérateurs agréés au choix des producteurs pouvant présenter des conditions tarifaires différentes, M. [F] [I] [C] [X] ne rapportant pas la preuve d'une quelconque opacité dans la sélection des opérateurs agréés, étant rappelé que la société Sofruileg, en qualité de licencié, est tenue envers le titulaire des certificats d'obtention végétale de garantir la qualité des produits à destination du consommateur final.

Il y a lieu de retenir que M. [F] [I] [C] [X] ne justifie pas d'une quelconque violation des articles L.420-1 du code de commerce et 101-1 du Traité sur le fonctionnement de l'Union européenne, dès lors notamment que les restrictions opposées étaient justifiées compte tenu de la nature particulière des variétés protégées commercialisées et compensées par le droit reconnu aux producteurs de cultiver ces variétés dans des conditions leur laissant la possibilité d'en tirer profit qui n'apparaissent pas de nature à leur infliger un désavantage dans la concurrence.

Le moyen opposé est donc inopérant.

2- M. [F] [I] [C] [X] fait ensuite valoir, se prévalant des articles 102 du Traité sur le fonctionnement de l'Union européenne et 420-2 du code de commerce, que la société Sofruileg est en situation de monopole en Europe sur la marché des fruits « NERGI » du fait du contrat de licence de certificats d'obtention végétale obtenu et qu'elle a abusé de cette position sur le marché. Il soutient que cette société a rémunéré de manière distincte les producteurs portugais et français, favorisant ces derniers et qu'il a été victime d'une discrimination tarifaire.

La société Sofruileg réplique que la définition du marché pertinent est un préalable indispensable avant de pouvoir invoquer l'existence d'un abus de position dominante, que l'appelant ne définit pas ce marché ; que le fait que les bébés kiwis soient commercialisés sous la marque « NERGI » n'est pas de nature à lui seul à faire un marché pertinent.

Réponse de la cour :

Selon l'article 102 du Traité sur le fonctionnement de l'Union européenne, est incompatible avec le marché intérieur et interdit, dans la mesure où le commerce entre États membres est susceptible d'en être affecté, le fait pour une ou plusieurs entreprises d'exploiter de façon abusive une position dominante sur le marché intérieur ou dans une partie substantielle de celui-ci.

Ces pratiques abusives peuvent notamment consister à :

a) imposer de façon directe ou indirecte des prix d'achat ou de vente ou d'autres conditions de transaction non équitables,

b) limiter la production, les débouchés ou le développement technique au préjudice des consommateurs,

c) appliquer à l'égard de partenaires commerciaux des conditions inégales à des prestations équivalentes, en leur infligeant de ce fait un désavantage dans la concurrence,

d) subordonner la conclusion de contrats à l'acceptation, par les partenaires, de prestations supplémentaires qui, par leur nature ou selon les usages commerciaux, n'ont pas de lien avec l'objet de ces contrats.

C'est par de justes motifs que la cour adopte que le tribunal a écarté le moyen tiré d'un abus de position dominante et d'une discrimination tarifaire entre les producteurs français et portugais des kiwis faisant l'objet des certificats d'obtention végétale, dès lors que l'appelant n'établit pas que le bébé kiwi « NERGI » constitue un marché autonome sur lequel la société Sofruileg serait en situation de monopole, en raison de l'existence d'autres variétés de kiwis aux caractéristiques similaires pouvant intégrer ce marché, étant ajouté que la société Sofruileg est titulaire de droit de marque sur la variété protégée dont elle assure le contrôle et qu'il n'est justifié d'aucune discrimination entre les producteurs.

Aussi, le jugement sera confirmé en ce qu'il a débouté M. [F] [I] [C] [X] de sa demande de nullité de la clause des contrats de concession de sous-licence de certificats d'obtention végétale lui imposant de vendre ses récoltes à un opérateur commercial agréé par la société Sofruileg, la demande de « nullité des pratiques de discriminations tarifaires de la société Sofruileg » étant sans effet.

Sur la violation par la société Sofruileg de ses obligations contractuelles :

M. [F] [I] [C] [X] rappelle que les articles 3 et 3.1 du contrat de licence des certificats d'obtention végétale ne permettent à la société Sofruileg de n'accorder des sous-licences qu'à des entreprises qui ne sont pas ses associées ; que, pourtant, en violation du contrat, la société Sofruileg, sous l'influence de la Scapp, qui détient chez elle des participations importantes, a sous-licencié ses associés (Prim'land/Portprim'land) en vue de leur conférer de manière illicite l'agrément pour la commercialisation du bébé kiwi de marque « NERGI » ; que, par conséquent, les conventions d'approvisionnement exclusif passées entre les producteurs et les opérateurs commerciaux agréés sont nulles, de sorte que la société Sofruileg ne peut se prévaloir à l'encontre de l'appelant des contrats, qui lui sont inopposables, en vue de l'application de la clause pénale stipulée à l'article 2.11 et de toute demande indemnitaire additionnelle. M. [F] [I] [C] [X] fait valoir ensuite que les dispositions d'ordre public de l'article L.631-24 du code rural et la pêche maritime n'ont pas été respectées, de sorte que les contrats lui sont encore inopposables.

La société Sofruileg réplique que les contrats ont un effet relatif en application de l'article 1165 du code civil; qu'elle a respecté ses obligations contractuelles ; que l'appelant cherche à pouvoir, sans autorisation, continuer à exploiter sans payer de redevances les espèces fruitières protégées par les certificats d'obtention végétale ; que les contrats de concession de sous-licence de certificats d'obtention végétale ne sont pas des contrats de vente soumis aux dispositions de l'article L.631-24 du code rural et de la pêche maritime.

Réponse de la cour :

En vertu de l'article 1165 du code civil, dans sa rédaction applicable à la date de conclusion des contrats de concession de sous-licence de certificats d'obtention végétale, les conventions n'ont d'effet qu'entre les parties contractantes ; elles ne nuisent point au tiers, et elles ne lui profitent que dans le cas prévu par l'article 1121.

Compte tenu de l'effet relatif des conventions, M. [F] [I] [C] [X] ne peut se prévaloir à son profit de la nullité invoquée de contrats de sous-licence auxquels il est étranger.

Par ailleurs, les dispositions de l'article L.631-24 du code rural et de la pêche maritime ne sont applicables qu'aux contrats de vente de produits agricoles et non aux contrats de concession de sous-licence de certificats d'obtention végétale conclus entre les parties qui ne sont pas des contrats de vente.

Par conséquent, M. [F] [I] [C] [X] ne justifie d'aucune cause de nature à voir écarter les stipulations contractuelles édictées par les conventions litigieuses, ne caractérisant pas par ailleurs que la société Sofruileg aurait manqué à ses obligations.

Enfin, il forme une demande de complément de prix que le tribunal a à bon droit rejetée, dès lors qu'elle ne peut pas être dirigée contre le licencié, la preuve n'étant pas rapportée, en toute hypothèse, d'un engagement de sa part concernant un prix pour la récolte de 2015.

Sur les effets de la résiliation des contrats de concession de sous-licence de certificats d'obtention végétale :

Sur les clauses pénales :

La société Sofruileg sollicite l'application des clauses pénales prévues aux articles 2-3.2-2 et 2-11 des contrats faisant valoir que M. [F] [I] [C] [X] n'a pas, depuis le 1er juillet 2016, arraché les greffons, plants et arbres objets des contrats de sous-licence ni justifié des conditions de leur destruction, et qu'il a vendu les fruits issus des récoltes 2016 et 2017 à une société Schwerin, qui n'est pas un opérateur commercial agréé, sans l'appellation « ACTINIDIA ARGUTA HORTGEM » ni l'apposition de la marque « NERGI », ni justifié des quantités vendues.

M. [F] [I] [C] [X] réplique que la pénalité forfaitaire de 250 000 euros ne sanctionne que le défaut de communication des indications utiles permettant de déterminer les conditions de destruction des plants ou arbres protégés, tandis qu'aucun délai impartissant cette obligation n'est prévu. Il soutient que cette clause ne lui est pas applicable. M. [F] [I] [C] [X] fait valoir que l'indemnité forfaitaire due pour le non-respect des conditions de commercialisation des récoltes des années 2016 et 2017 ne peut qu'être égale au prix de vente hors taxes des fruits commercialisés ou vendus à l'occasion de la campagne en cause. Il ajoute que les chiffres de 15 tonnes par an avancés par la société Sofruileg pour les ventes des années 2016 et 2017 sont excessifs.

Réponse de la cour :

Le principe de la résiliation judiciaire des contrats, dénoncés par M. [F] [I] [C] [X] le 1 er juillet 2016, est acquis. Il n'est pas contesté que la résiliation est intervenue avant la récolte 2016.

L'article 2-3.1-2 des contrats de concession de sous-licence des certificats d'obtention végétale prévoit que le producteur devra : « Communiquer au Licencié, en cas de destruction, d'arrachage, même partiel de la plantation, toutes indications utiles permettant de déterminer les conditions de destruction des Plants ou arbres de ACTINIDIA ARGUTA ».

L'article 2-3-2 de ces contrats stipule que le producteur s'engage à :

- « commercialiser les Fruits en totalité, exclusivement sous l'appellation ACTINIDIA ARGUTA HORTGEM et sous la Marque qui sera déposée par le licencié à cet effet, sans que le licencié lui consente une licence de marque.

En conséquence, le producteur apposera la marque susvisée sur chaque Fruit commercialisé, ainsi que tous les éléments qui seraient éventuellement attachés à cette marque (sigle, logo')

Le Producteur s'interdit tous faits ou agissements, susceptibles d'être qualifiés de contrefaçon conformément aux dispositions de l'article L.713-2 et suivants du code de commerce (sic) » (article 2-3.2-1) ;

- « Commercialiser la totalité des Fruits sous la Marque, exclusivement par l'intermédiaire d'opérateurs commerciaux agrées par le Licencié (') En conséquence, le Producteur s'interdit de commercialiser et de confier en vue de la vente, pour Première mise en marché, tout Fruit issu des Greffons, objet des présentes, à des opérateurs autres que les opérateurs agréés par le Licencié (') A défaut de respecter les engagements du présent paragraphe, il sera dû par le Producteur une indemnité égale au prix de vente hors taxes des Fruits commercialisés ou vendus à l'occasion de la campagne en cours au moment du manquement, même si le prix de ces ventes n'a pas encore été encaissé. » (article 2-3.2-2) ;

L'article 2-11 des contrats prévoit que :

« En cas de non-respect des dispositions contenues aux alinéas 2-3.1-2, 2-3.1-3, 2-3.1-4 et 2-3.2-1 des présentes, le Producteur versera au Licencié à titre de dommages et intérêts forfaitairement fixés, une indemnité par infraction d'un montant de 250.000 €, montant qui pourra être revalorisé annuellement suivant la variation de l'indice INSEE, publié en France, des prix fruits IPPAP données CVS, cette variation excèderait-elle de 20 % la valeur actuelle prise en référence, à savoir : juillet 2013 indice 151,2 ou tout indice qui lui serait substitué, et qui pourra être exigé, directement ou indirectement par le Licencié. En outre, la clause pénale, contenue à l'article 2-3.2-2 sanctionne le non-respect éventuel des obligations contractuelles visées audit article et s'appliquera spécifiquement audit article ».

Il est établi que M. [F] [I] [C] [X] n'a pas, après la résiliation du contrat notifiée le 1er juin 2016, procédé à l'arrachage des plants et arbres des espèces de kiwis protégées par les certificats d'obtention végétale. La société Sofruileg produit un certificat notarial portugais de Me [N] [B] du 18 juillet 2018 aux termes duquel cet officier ministériel a constaté que, dans le site de culture de l'appelant, se trouvait une plantation en tonnelle de petits fruits de couleur verte ayant l'apparence de petits kiwis, une photographie étant annexée au certificat. Enfin, M. [F] [I] [C] [X], dans ses écritures, se prévaut de son droit à conserver les plants qu'il a acquis auprès de la société Sofruileg.

Si l'article 2-3.1-2 des contrats litigieux, dont la violation fait l'objet d'une pénalité de 250 000 euros par application de la clause pénale prévue à l'article 2-11, ne prévoit pas de délai quant à la communication par le sous-licencié des conditions de destruction des plants ou arbres des espèces de fruits protégées, il n'en demeure pas moins que le non-respect de l'article 2-3.1-2 doit être sanctionné au titre de la clause pénale dès lors que le sous-licencié n'a pas manifesté sa volonté de procéder aux mesures de destruction qui s'imposaient à lui.

Apparaissant cependant manifestement excessive dès lors qu'une demande complémentaire est formée au titre de la contrefaçon des certificats d'obtention végétale du fait de la conservation des greffons, plants et arbres, il convient de minorer la clause pénale à 15 000 euros par année, pour les années 2016 et 2017.

La société Sofruileg justifie, par la production de deux factures émises par M. [F] [I] [C] [X] les 30 août 2017, qu'il a vendu à la société de droit allemand Schwerin, opérateur commercial non agréé par la société Sofruileg, une quantité totale de 9 405 kilogrammes de kiwis dénommés « ACTINIDIA ARGUTA » pour un prix global de 45 205,72 euros. M. [F] [I] [C] [X] reconnaît, dans ses écritures d'appel, page 39, avoir vendu à un grossiste allemand des fruits faisant l'objet des certificats d'obtention végétale à l'occasion des récoltes 2016 et 2017, ne soutenant pas que celui-ci faisait partie des opérateurs commerciaux agréés par la société Sofruileg, tandis qu'il résulte des investigations entreprises par la société intimée que les bébés kiwis acquis par la société Schwerin correspondaient à la variété Actinidia Arguta Hortgem Tahi protégée par les certificats d'obtention végétale (rapport d'analyse Eurofins analytics du 18 septembre 2017).

Eu égard au volume de vente réalisé en 2017 par l'appelant auprès de la société Schwerin, il convient de faire droit à la demande de la société Sofruileg tendant à sa condamnation pour un montant de 42 300 euros, à titre de pénalité, par application de l'article 2-3.2-2 des contrats. Si aucun élément probant n'est donné par l'appelant concernant ses chiffres de vente pour l'année 2016, lequel se contente de communiquer un tableau purement indicatif sur des projections de volumes de vente et donc dépourvu de valeur probante, il y a lieu de retenir qu'ils sont identiques à 2017 et donc de fixer pour 2016 une pénalité d'un montant égal de 42 300 euros.

Sur la contrefaçon :

La société Sofruileg soutient que son action en contrefaçon est recevable comme se rattachant aux prétentions originaires par un lien suffisant, que le titulaire des obtentions végétales a donné son accord afin que son licencié engage cette action, qu'alors que les contrats de concession de sous-licence avaient été résiliés le 1er juillet 2016, M. [F] [I] [C] [X] a vendu les fruits à des tiers non agréés, procédant ainsi à une utilisation non autorisée des certificats d'obtention végétale constitutive de contrefaçon, laquelle découle également de la détention des variétés protégées postérieurement à la résiliation des contrats, que l'utilisation incorrecte de la variété ACTINIDIA ARGUTA HORTGEM est encore constitutive de contrefaçon.

M. [F] [I] [C] [X] réplique que la demande en contrefaçon, introduite en cours de procédure en première instance, est irrecevable, faute de lien suffisant avec les demandes initiales, qu'il n'est pas justifié que la société Sofruileg aurait adressé au titulaire des certificats d'obtention végétale une mise en demeure restée sans effet d'exercer l'action en contrefaçon, que la preuve de la détention des plants des espèces protégées n'est pas rapportée, qu'il a acquis légalement les plants et qu'il a donc de manière licite vendu les fruits qui en sont issus ; qu'il n'a pas exploité le nom de la variété faisant l'objet du certificat d'obtention végétale ; que le prétendu non-respect des obligations contractuelles ne relève pas de la contrefaçon.

Réponse de la cour :

1- En vertu de l'article 70 du code de procédure civile, les demandes reconventionnelles ou additionnelles ne sont recevables que si elles se rattachent aux prétentions originaires par un lien suffisant.

Au cas d'espèce, la demande en contrefaçon formée à titre additionnel par la société Sofruileg en première instance se rattache par un lien suffisant à la demande initiale formée en application des clauses pénales prévues aux contrats de concession de sous-licence, ces demandes, bien qu'ayant un fondement différent, contractuel pour la demande initiale et délictuel pour la contrefaçon, tendant à voir sanctionner le non-respect par le producteur de ses obligations dans le cadre de l'exploitation de fruits protégés par les certificats d'obtention végétale. La demande formée au titre de la contrefaçon est donc recevable.

2- L'article L.623-25 du code de la propriété intellectuelle dispose que le titulaire d'une licence d'office visée aux articles L. 623-17 et L. 623-20 et, sauf stipulation contraire, le bénéficiaire d'un droit exclusif d'exploitation, peuvent exercer l'action en responsabilité prévue au premier alinéa ci-dessus si, après une mise en demeure, le titulaire du certificat n'exerce pas cette action.

La société Sofruileg produit une attestation du représentant légal du New Zealand Institute for Plant and Food Research Limited, titulaire des certificats d'obtention végétale, du 28 octobre 2020, aux termes de laquelle il déclare que cet institut a autorisé la société Sofruileg à formuler des demandes au titre de la contrefaçon.

La fin de non-recevoir opposée par M. [F] [I] [C] [X] est donc sans fondement.

3- En vertu de l'article L.623-25 du code de la propriété intellectuelle, toute atteinte portée aux droits du titulaire d'un certificat d'obtention végétale tels qu'ils sont définis à l'article L. 623-4 constitue une contrefaçon engageant la responsabilité civile de son auteur.

L'article L.623-4 dudit code dispose notamment que toute obtention végétale peut faire l'objet d'un titre appelé " certificat d'obtention végétale " qui confère à son titulaire un droit exclusif de produire, reproduire, conditionner aux fins de la reproduction ou de la multiplication, offrir à la vente, vendre ou commercialiser sous toute autre forme, exporter, importer ou détenir à l'une de ces fins du matériel de reproduction ou de multiplication de la variété protégée.

Enfin, l'article L.623-28 du code de la propriété intellectuelle prévoit que, pour fixer les dommages et intérêts, la juridiction prend en considération distinctement :

1° Les conséquences économiques négatives de la contrefaçon, dont le manque à gagner et la perte subis par la partie lésée ;

2° Le préjudice moral causé à cette dernière ;

3° Et les bénéfices réalisés par le contrefacteur, y compris les économies d'investissements intellectuels, matériels et promotionnels que celui-ci a retirées de la contrefaçon.

Toutefois, la juridiction peut, à titre d'alternative et sur demande de la partie lésée, allouer à titre de dommages et intérêts une somme forfaitaire. Cette somme est supérieure au montant des redevances ou droits qui auraient été dus si le contrefacteur avait demandé l'autorisation d'utiliser le droit auquel il a porté atteinte. Cette somme n'est pas exclusive de l'indemnisation du préjudice moral causé à la partie lésée.

M. [F] [I] [C] [X] se prévaut de son droit d'exploiter les plants qu'il a valablement acquis auprès de la société Sofruileg. Il n'est aucunement justifié qu'il aurait procédé à l'arrachage des greffons, plants et arbres. Il résulte au contraire du certificat notarial portugais de Me [N] [B] du 18 juillet 2018, qui n'est pas utilement contesté, que M. [F] [I] [C] [X] continuait à cultiver à cette date des kiwis de petite taille correspondant manifestement aux variétés protégées par les certificats d'obtention végétale.

Si la commercialisation sans autorisation du titulaire auprès d'opérateurs non agréés a déjà été sanctionnée dans le cadre de l'application des clauses pénales des contrats au titre des années 2016 et 2017, il est cependant relevé que les factures émises concernant la société Schwerin en 2017 ne mentionnent pas l'obtention végétale « ACTINIDIA ARGUTA HORTGEM » au titre de la désignation des produits vendus, que les faits de détention des produits faisant l'objet des certificats d'obtention végétale se sont poursuivis après 2017, lesquels ont, selon toute vraisemblance, donné lieu à des ventes auprès d'opérateurs commerciaux.

Les faits de contrefaçon des certificats d'obtention végétale sont donc constitués.

La société Sofruileg sollicitant une indemnisation forfaitaire, il y a lieu de condamner M. [F] [I] [C] [X] à lui payer la somme de 50 000 euros à titre de dommages-intérêts en réparation des actes de contrefaçon, le jugement étant infirmé sur ce point.

Sur l'arrachage

Le jugement sera confirmé du chef de la condamnation de M. [F] [I] [C] [X] à l'arrachage et la destruction des greffons, plans et arbres objets des contrats, la restitution du matériel et supports de communication, sous astreinte et en ce qu'il a dit qu'à l'issue de l'astreinte provisoire de 60 jours, la société Sofruileg ou toute personne qu'elle désignera pourra procéder à l'arrachage des plants, greffons ou arbres.

Sur les demandes accessoires :

Le jugement sera confirmé du chef des dépens et de l'article 700 du code de procédure civile.

Il n'y a pas lieu de faire droit à la demande concernant les frais d'exécution forcée, qui sont des frais futurs.

La société Sofruileg est fondée en sa demande de condamnation de M. [F] [I] [C] [X] aux dépens d'appel et au paiement d'une indemnité au titre de ses frais irrépétibles d'appel.

PAR CES MOTIFS

La cour,

CONFIRME le jugement dont appel en toutes ses dispositions sauf en ce qui concerne le montant des indemnités allouées au titre des clauses pénales pour les infractions commises en 2016 et 2017 et au titre des actes de contrefaçon,

STATUANT à nouveau et Y AJOUTANT :

CONDAMNE M. [F] [I] [C] [X] à payer à la société Sofruileg, par application des clauses pénales prévues aux contrats de concession de sous-licence de certificats d'obtention végétale :

- pour les infractions commises en 2016 : 15 000 euros et 42 300 euros, par application respective des articles 2-11 et 2-3.2-2 des contrats,

- pour les infractions commises en 2017 : 15 000 euros et 42 300 euros, par application respective des articles 2-11 et 2-3.2-2 des contrats,

CONDAMNE M. [F] [I] [C] [X] à payer à la société Sofruileg la somme de 50 000 euros en réparation des actes de contrefaçon des certificats d'obtention végétale,

CONDAMNE M. [F] [I] [C] [X] aux dépens d'appel,

EN APPLICATION de l'article 700 du code de procédure civile à hauteur d'appel, CONDAMNE M. [F] [I] [C] [X] à payer à la société Sofruileg la somme de 10 000 euros et REJETTE la demande formée par M. [F] [I] [C] [X],

REJETTE le surplus des demandes.

© LIVV - 2025

 

[email protected]

CGUCGVMentions légalesPlan du site