Livv
Décisions

Cass. crim., 12 février 2025, n° 24-84.281

COUR DE CASSATION

Autre

Rejet

Cass. crim. n° 24-84.281

12 février 2025

N° F 24-84.281 F-D

N° 00172

RB5
12 FÉVRIER 2025

REJET

M. BONNAL président,

R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
________________________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________

ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE,
DU 12 FÉVRIER 2025

M. [B] [N] a formé un pourvoi contre l'arrêt de la chambre de l'instruction de la cour d'appel de Paris, 2e section, en date du 14 mai 2024, qui, dans la procédure suivie contre lui des chefs, notamment, d'escroquerie aggravée, blanchiment et faux, a prononcé sur sa demande d'annulation de pièces de la procédure.

Par ordonnance du 30 septembre 2024, le président de la chambre criminelle a prescrit l'examen immédiat du pourvoi.

Un mémoire a été produit.

Sur le rapport de M. Michon, conseiller référendaire, les observations de la SCP Célice, Texidor, Périer, avocat de M. [B] [N], et les conclusions de Mme Viriot-Barrial, avocat général, après débats en l'audience publique du 15 janvier 2025 où étaient présents M. Bonnal, président, M. Michon, conseiller rapporteur, Mme de la Lance, conseiller de la chambre, et Mme Boudalia, greffier de chambre,

la chambre criminelle de la Cour de cassation, composée en application de l'article 567-1-1 du code de procédure pénale, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.

Faits et procédure

1. Il résulte de l'arrêt attaqué et des pièces de la procédure ce qui suit.

2. Le 28 mai 2018, la direction nationale d'enquêtes fiscales a transmis, sur le fondement de l'article 40 du code de procédure pénale, au procureur de la République une dénonciation visant deux sociétés qui seraient impliquées dans une escroquerie à la taxe sur la valeur ajoutée.

3. Une enquête préliminaire, puis une information, ont été ouvertes, avant que le procureur européen délégué français ne se saisisse de la procédure.

4. Des perquisitions sans assentiment ont été effectuées, sur autorisation du juge des libertés et de la détention, au mois de juin 2023, notamment dans des locaux utilisés par M. [B] [N].

5. Ce dernier a été mis en examen des chefs de blanchiment et de faux le 16 juin 2023.

6. Le 5 décembre 2023, M. [N] a déposé une requête en nullité d'actes de la procédure.

Examen du moyen

Enoncé du moyen

7. Le moyen critique l'arrêt attaqué en ce qu'il a, au fond, dit la saisine mal fondée, a dit n'y avoir lieu à annulation d'une pièce de la procédure examinée jusqu'à la cote D 1023, a dit qu'il sera fait retour du dossier au procureur européen délégué et a ordonné que le présent arrêt soit exécuté à la diligence du procureur européen délégué, alors :

« 1°/ d'une part, que dans le cadre de poursuites pénales du chef de fraude fiscale, les seules irrégularités affectant les opérations administratives préalables auxdites poursuites susceptibles de conduire à l'annulation de la procédure par le juge judiciaire sont l'omission d'informer le contribuable de son droit d'être assisté d'un conseil et l'absence de débat oral et contradictoire entre le contribuable et le vérificateur ; qu'au cas d'espèce, Monsieur [N], mis en examen des chefs de blanchiment et de faux a notamment fait valoir, devant la Chambre de l'instruction, que l'administration fiscale avait eu recours au droit de communication, en dehors du champ d'application légal de cette mesure, aux fins de caractériser l'établissement de fausses factures ; qu'en retenant, pour refuser d'examiner le moyen d'annulation tiré de ce chef, qu' « il résulte de la jurisprudence de la chambre criminelle que la méconnaissance de l'article L. 47 du livre des procédures fiscales, qui impose que le contribuable soit informé de son droit d'être assisté d'un conseil, et l'absence de débat oral et contradictoire au cours de la vérification fiscale, ayant porté atteinte aux droits de la défense, sont les seules irrégularités affectant les opérations administratives préalables à l'engagement de poursuites pénales pour fraude fiscale pouvant conduire à l'annulation de la procédure par le juge répressif (Crim., 9 octobre 1997, pourvoi n°96-83.681, Bulletin crim. 1997, n°331 ; Crim., 21 juin 2000, pourvoi n°99-84.102, Bull.crim.2000, n°240) » quand l'exposant n'était pas poursuivi du chef de fraude fiscale, mais des chefs de faux et de blanchiment, infractions prévues et réprimées par le droit pénal commun de sorte qu'il appartenait bien au juge pénal de contrôler la régularité des pièces du dossier, et particulièrement la régularité du recours de l'administration au droit de communication, la Chambre de l'instruction a méconnu son office et violé les articles L. 45, L. 80F, L 80H, L.81 du Livre des procédures fiscales et 6 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

2°/ d'autre part, que la décision du juge des libertés et de la détention autorisant une perquisition dans le cadre d'une enquête préliminaire doit, à peine de nullité – et de nullité subséquente de la perquisition – être motivée par référence aux éléments de faits et de droit justifiant que ces opérations sont nécessaires ; que le simple renvoi ou la simple référence à d'autres actes de procédure ne saurait suffire à expliciter, par des motifs circonstanciés et propres, la nécessité de chacune des perquisitions autorisées ; qu'au cas d'espèce, Monsieur [N] faisait valoir que le juge des libertés et de la détention n'avait pas rendu d'ordonnance motivée aux fins d'autoriser les opérations de perquisitions menées le 12 juin 2023 sur un certain nombre de véhicules dans la mesure ou les ordonnances rendues visaient, par voie de référence, les motifs de premières ordonnances en date du 8 juin 2023, ayant autorisé la menée de perquisitions au sein de locaux professionnels ; qu'en retenant, pour rejeter le moyen d'annulation présenté de ce chef, que « les ordonnances du juge des libertés et de la détention du même jour renvoient quant à elles expressément aux autorisations rendues le 8 juin 2023 par la même juridiction, et sont par conséquent fondées sur les mêmes motifs. Elles ne sont donc pas dépourvues de motivation, contrairement à ce qui est allégué dans la requête en nullité » quand la simple référence aux ordonnances du 8 juin 2023, dont l'objet était différent pour autoriser la perquisition de locaux professionnels, ne valait ni adoption, ni transposition, ni incorporation de ses motifs, de sorte que les ordonnances en date du 12 juin 2023 ne comportaient aucune motivation propre, faisant référence de manière circonstanciée aux éléments de fait et de droit du dossier, pour justifier spécifiquement de la nécessité de perquisitionner les véhicules visés, laquelle ne s'infère pas nécessairement de la nécessité de perquisitionner des locaux, la Chambre de l'instruction a violé les articles préliminaire, 76, 591 et 593 du Code de procédure pénale. »

Réponse de la Cour

Sur le moyen, pris en sa première branche

8. Pour écarter le moyen de nullité, selon lequel le signalement de la direction nationale d'enquêtes fiscales était consécutif à un usage irrégulier du droit de communication et des pouvoirs d'enquête de l'administration fiscale, l'arrêt attaqué énonce notamment que les seules irrégularités susceptibles d'avoir une incidence sur la procédure pénale sont celles fondées sur la méconnaissance de l'article L. 47 du livre des procédures fiscales, à savoir l'information sur le droit d'être assisté par un avocat et la tenue d'un débat oral et contradictoire.

9. En statuant ainsi, la chambre de l'instruction a fait l'exacte application des textes visés au moyen.

10. En effet, le contrôle de la régularité de la procédure administrative relève du seul juge de l'impôt, hors les cas où les manquements allégués entraîneraient une atteinte irréversible aux droits de la défense, ce qui n'est pas le cas en l'espèce.

11. Ainsi, le grief doit être écarté.

Sur le moyen, pris en sa seconde branche

12. Pour écarter le moyen de nullité des ordonnances d'autorisation de perquisition des véhicules en date du 12 juin 2023, l'arrêt attaqué énonce que la requête du ministère public tendait à voir préciser que les véhicules visés dans ses précédentes réquisitions étaient également concernés par l'ordonnance d'autorisation, et que les ordonnances du juge des libertés et de la détention renvoyaient expressément aux ordonnances rendues le 8 juin 2023 et n'étaient donc pas dépourvues de motivation.

13. En statuant ainsi, la chambre de l'instruction a fait l'exacte application des textes visés au moyen.

14. En effet, la Cour de cassation, qui a le contrôle des pièces de la procédure, est en mesure de s'assurer que la motivation des ordonnances du 8 juin 2023, qui mentionnaient la présence de véhicules, était suffisante pour justifier de la nécessité de la mesure.

15. Ainsi, le moyen doit être écarté.

16. Par ailleurs l'arrêt est régulier en la forme.

PAR CES MOTIFS, la Cour :

REJETTE le pourvoi ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre criminelle, et prononcé par le président en son audience publique du douze février deux mille vingt-cinq.

© LIVV - 2025

 

[email protected]

CGUCGVMentions légalesPlan du site