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Décisions

CA Paris, Pôle 1 - ch. 11, 10 février 2025, n° 25/00718

PARIS

Ordonnance

Autre

CA Paris n° 25/00718

10 février 2025

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 1 - Chambre 11

L. 743-22 du Code de l'entrée et du séjour

des étrangers et du droit d'asile

ORDONNANCE DU 10 FEVRIER 2025

(1 pages)

Numéro d'inscription au numéro général et de décision : B N° RG 25/00718 - N° Portalis 35L7-V-B7J-CKYM4

Décision déférée : ordonnance rendue le 08 février 2025, à 11h03, par le magistrat du siège du tribunal judiciaire de Paris

Nous, Marie-Sygne Bunot-Rouillard, conseillère, à la cour d'appel de Paris, agissant par délégation du premier président de cette cour, assistée de Marie Bounaix, greffière aux débats et au prononcé de l'ordonnance,

APPELANTS :

1°) LE PROCUREUR DE LA RÉPUBLIQUE PRÈS LE TRIBUNAL JUDICIAIRE DE PARIS,

MINISTÈRE PUBLIC, en la personne de Mme Sylvie Schlanger, avocat général,

2°) LE PRÉFET DE POLICE,

représenté par Me représenté par Me Sophie Schwilden du groupement Gabet / Schwilden, avocats au barreau de Seine-Saint-Denis

INTIMÉ:

M. [J] [Y]

né le 11 Juin 1992 à [Localité 2], de nationalité algérienne

RETENU au centre de rétention de [Localité 3]

assisté de Me Ruben Garcia, avocat au barreau de Paris,

présent en salle d'audience au centre de rétention administrative du [1], plaidant par visioconférence

ORDONNANCE :

- contradictoire,

- prononcée en audience publique,

- Vu le décret n° 2024-799 du 2 juillet 2024 pris pour l'application du titre VII de la loi n° 2024-42 du 26 janvier 2024 pour contrôler l'immigration, améliorer l'intégration, relatif à la simplification des règles du contentieux ;

Constatant qu'aucune salle d'audience attribuée au ministère de la justice spécialement aménagée à proximité immédiate du lieu de rétention n'est disponible pour l'audience de ce jour ;

- Vu l'ordonnance du 08 février 2025, à 11h03 du magistrat du siège du tribunal judiciaire de Paris constatant l'irrégularité de la procédure, disant n'y avoir lieu à mesure de surveillance et de contrôle, et rappelant à l'intéressé qu'il a l'obligation de quitter le territoire national ;

- Vu l'appel de ladite ordonnance interjeté le 08 février 2025 à 19h28 par le procureur de la République pres le tribunal judiciaire de Paris, avec demande d'effet suspensif ;

- Vu l'appel de ladite ordonnance, interjeté le 08 février 2025, à 18h38, par le préfet de police ;

- Vu l'ordonnance du dimanche 09 février 2025 conférant un caractère suspensif au recours du procureur de la République ;

- Vu la décision de jonction, par mention au dossier, des deux appels ;

- Vu les conclusions et pièces du conseil de M. [J] [Y] reçues le 10 février 2025 à 06h35 et 06h46 ;

Le conseil de M. [J] [Y] indique renoncer aux moyens soulevés dans ses écritures tenant au défaut de notification de l'appel suspensif et de l'ordonnace y faisant droit ;

L'irrecevabilité de l'appel du procureur de la République est soulevée et plaidée in limine litis par le conseil de M. [J] [Y], l'avocat général et le conseil de la préfecture entendus, l'incident est joint au fond ;

- Vu les observations :

- de l'avocat général tendant à la recevabilité de la déclaration d'appel du procureur de la République et à l'infirmation de l'ordonnance ;

- du conseil de la préfecture lequel, s'associant à l'argumentation développée par le ministère public, qui demande d'infirmer l'ordonnance et de prolonger la rétention pour une durée de 30 jours ;

- de M. [J] [Y], assisté de son conseil qui soulève in limine litis l'irrecevabilité de l'appel du procureur de la République et sollicite la confirmation de l'ordonnance ;

SUR QUOI,

Sur les conclusions d'incidents et la recevabilité des appels :

S'il est exact que la motivation de l'appel du procureur de la République ne conteste pas l'argument d'irrecevabilité de la requête préfectorale retenu par le premier juge et n'invoque que la réalité des diligences requises en sorte qu'il est irrecevable pour défaut de motivation au sens de l'article R.743-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, il s'avère que l'appel du préfet est recevable comme argumenté sur le moyen retenu par le premier juge et reçu dans le délai de 24 heures imparti.

Sur l'irrecevabilité de la requête du préfet tenant au défaut d'actualisation du registre faute de mention de l'ordonnance rectificative du juge de Paris du 15 janvier 2025 :

L'article L 744-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dispose que : " Il est tenu, dans tous les lieux de rétention, un registre mentionnant l'état civil des personnes retenues, ainsi que les conditions de leur placement ou de leur maintien en rétention. Le registre mentionne également l'état civil des enfants mineurs accompagnant ces personnes ainsi que les conditions de leur accueil. L'autorité administrative tient à la disposition des personnes qui en font la demande les éléments d'information concernant les date et heure du début du placement de chaque étranger en rétention, le lieu exact de celle-ci ainsi que les date et heure des décisions de prolongation ".

L'article R. 743-2 du même Code prévoit que : " A peine d'irrecevabilité, la requête est motivée, datée et signée, selon le cas, par l'étranger ou son représentant ou par l'autorité administrative qui a ordonné le placement en rétention. Lorsque la requête est formée par l'autorité administrative, elle est accompagnée de toutes pièces justificatives utiles, notamment une copie du registre prévu à l'article L. 744-2. Lorsque la requête est formée par l'étranger ou son représentant, la décision attaquée est produite par l'administration. Il en est de même, sur la demande du juge (...), de la copie du registre ".

Il résulte de la lecture combinée de ces textes avec celles de l'article L.743-9 que le juge s'assure, lors de l'examen de chaque demande de prolongation d'une mesure de rétention, que, depuis la précédente présentation, la personne retenue a été placée en mesure de faire valoir ses droits, notamment d'après les mentions de ce registre prévu par l'article L.744-2, qui doit être émargé par l'intéressé, et que toute requête en prolongation de la rétention administrative d'un étranger doit, à peine d'irrecevabilité, être accompagnée d'une copie de ce registre.

Il s'en déduit que le registre doit être actualisé et émargé et que la non-production d'une copie actualisée, permettant plus particulièrement un contrôle de l'effectivité de l'exercice des droits reconnus à l'étranger au cours de la mesure de rétention, constitue une fin de non-recevoir pouvant être accueillie sans que celui qui l'invoque ait à justifier d'un grief (Civ.1ère - 4 septembre 2024, n°23-12.550).

Il ne peut être suppléé à son absence par sa seule communication à l'audience, sauf s'il est justifié de l'impossibilité de la joindre à la requête (1re Civ., 26 octobre 2022, pourvoi n° 21-19.352).

Par ailleurs, un registre actualisé doit s'entendre comme étant un document retraçant l'intégralité de l'historique de la mesure de rétention, depuis l'entrée, communiqué à chaque nouvelle saisine du juge et permettant, au surplus, à toute personne pouvant y avoir accès de visualiser immédiatement les différents événements.

La production d'une copie actualisée du registre a en effet pour but de permettre au juge de contrôler l'effectivité de l'exercice des droits reconnus au retenu au cours de la mesure de rétention et pour fondement la volonté de pallier la difficulté, voire l'impossibilité, pour la personne retenue de rapporter la double preuve, d'une part, de la réalité d'une demande portant sur l'exercice de l'un des droits lui étant reconnus et, d'autre part, du refus opposé à cette demande, qui constitue un fait négatif. L'exigence d'actualisation au titre des mesures privatives ne concerne toutefois pas exclusivement le juge mais aussi la garantie apportée à l'intéressé d'un contrôle extérieur effectif et immédiat de sa privation de liberté, confié à diverses instances extérieures à l'autorité judiciaire.

Enfin, en ce domaine, il appartient au juge de vérifier, in concreto et dans chaque espèce, qu'il dispose des informations utiles au contrôle qu'il doit exercer sans imposer, pour autant, un formalisme excessif à l'administration.

S'agissant des informations devant être contenues dans le registre, il n'existe aucune liste ni dans la partie législative ni dans la partie réglementaire du Code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. En revanche, il doit être rappelé que l'arrêté du 6 mars 2018 portant autorisation du registre de rétention prévu à l'article L. 553-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et d'un traitement automatisé de données à caractère personnel dénommé « logiciel de gestion individualisée des centres de rétention administrative » (LOGICRA) en son article 2 dispose que :

« Le registre et le traitement mentionnés à l'article 1er enregistrent des données à caractère personnel et informations, figurant en annexe du présent arrêté, et relatives :

- à l'étranger placé en rétention administrative et, le cas échéant, aux enfants mineurs l'accompagnant ;

- à la procédure administrative de placement en rétention administrative ;

- aux procédures juridictionnelles mises en 'uvre au cours de la rétention ;

- à la fin de la rétention et à l'éloignement. »

et son annexe (données à caractère personnel et informations enregistrées dans les traitements) en son III 2° prévoit que figurent « Concernant les procédures juridictionnelles mises en 'uvre au cours de la rétention :

Contentieux judiciaire : présentation devant le juge des libertés et de la détention (JLD) et saisine du JLD par le retenu, date de présentation, décision, appel, date d'audience de la cour d'appel, résultat, motif d'annulation ; »

Sauf à distinguer là où la loi ne distingue pas entre les décisions rendues portant sur la rétention et en permettant la prolongation et alors que le dernier texte précité, opposable à l'administration, est clair, il ne peut qu'être retenu que faute de mention de la décision rendue le 15 janvier 2025, statuant sur la rectification de l'erreur matérielle entachant la date de la fin de période de rétention autorisée en y retranchant un jour, la copie du registre jointe à la requête n'était pas dûment actualisée, en sorte que la requête du préfet doit être déclarée irrecevable et l'ordonnance confirmée.

PAR CES MOTIFS

DECLARONS l'appel du ministère public irrecevable,

RECEVONS le préfet en son appel,

CONFIRMONS l'ordonnance,

RAPPELONS à l'intéressé qu'il a l'obligation de quitter le territoire national,

ORDONNONS la remise immédiate au procureur général d'une expédition de la présente ordonnance.

Fait à Paris le 10 février 2025 à

LE GREFFIER, LE PRÉSIDENT,

REÇU NOTIFICATION DE L'ORDONNANCE ET DE L'EXERCICE DES VOIES DE RECOURS :

Pour information :

L'ordonnance n'est pas susceptible d'opposition.

Le pourvoi en cassation est ouvert à l'étranger, à l'autorité administrative qui a prononcé le maintien en zone d'attente ou la rétention et au ministère public.

Le délai de pourvoi en cassation est de deux mois à compter de la notification.

Le pourvoi est formé par déclaration écrite remise au secrétariat greffe de la Cour de cassation par l'avocat au Conseil d'Etat et à la Cour de cassation constitué par le demandeur.

Le préfet ou son représentant L'avocat de l'intéressé L'avocat général L'intéressé

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