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Décisions

CA Versailles, ch. com. 3-1, 12 février 2025, n° 24/03759

VERSAILLES

Arrêt

Autre

CA Versailles n° 24/03759

12 février 2025

COUR D'APPEL

DE

VERSAILLES

Code nac : 30Z

Chambre commerciale 3-1

ARRET N°

CONTRADICTOIRE

DU 12 FEVRIER 2025

N° RG 24/03759 - N° Portalis DBV3-V-B7I-WS2F

AFFAIRE :

[E] [R]

...

C/

SCI [N]

[D] [P]

Décision déférée à la cour : Jugement rendu le 19 Octobre 2020 par le tribunal judiciaire de NANTERRE

N° Chambre : 8

N° RG : 17/09612

Expéditions exécutoires

Expéditions

Copies

délivrées le :

à :

Me Kazim KAYA

Me Fabrice HONGRE- BOYELDIEU

TJ [Localité 5]

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

LE DOUZE FEVRIER DEUX MILLE VINGT CINQ,

La cour d'appel de VERSAILLES, a rendu l'arrêt suivant dans l'affaire entre :

DEMANDEURS devant la cour d'appel de Versailles saisie comme cour de renvoi, en exécution d'un arrêt de la 3ème chambre civile de la Cour de cassation du 30 mai 2024 cassant et annulant l'arrêt rendu par la 12ème chambre de la cour d'appel de Versailles le 15 septembre 2022.

Monsieur [E] [R], avocat associé de l'association [R] - [P] ASSOCIES - [Adresse 1]

S.E.L.A.R.L. [P] ASSOCIES venant aux droits de la S.C.P. [P] ASSOCIÉS, associée de l'Association [R] - [P] ASSOCIES - [Adresse 1]

Représentés par Me Kazim KAYA, avocat au barreau des HAUTS-DE-SEINE, vestiaire : 574

****************

DEFENDERESSE DEVANT LA COUR DE RENVOI

SCI [Adresse 7] - RCS Paris n° 379 730 609 - [Adresse 2]

[Localité 4]

Représentée par Me Fabrice HONGRE-BOYELDIEU de l'ASSOCIATION AVOCALYS, Postulant, avocat au barreau de VERSAILLES, vestiaire : 620 et Me Gabriel NEU-JANICKI de la SELARL CABINET NEU-JANICKI, Plaidant, avocat au barreau de Paris

****************

INTERVENANTE VOLONTAIRE

Madame [D] [P], avocat associé de la SELARL [P] ASSOCIES - [Adresse 1]

Représentée par Me Kazim KAYA, avocat au barreau des HAUTS-DE-SEINE, vestiaire : 574

****************

Composition de la cour :

L'affaire a été débattue à l'audience publique du 10 Décembre 2024, Madame Bérangère MEURANT, conseillère, ayant été entendue en son rapport, devant la cour composée de :

Madame Florence DUBOIS-STEVANT, Présidente,

Madame Nathalie GAUTRON-AUDIC, Conseillère,

Madame Bérangère MEURANT, Conseillère,

qui en ont délibéré,

Greffier, lors des débats : M. Hugo BELLANCOURT

EXPOSE DES FAITS

Par acte sous seing privé du 22 juillet 2005, à effet au 1er septembre 2005, la SCI Previmmo, aux droits de laquelle vient la SCI [Adresse 7], a donné à bail à la SCP [P] associés, devenue la SELARL [P] associés, des locaux à usage de bureaux situés [Adresse 3] à Paris, pour un loyer annuel de 95.000 euros hors taxes, soit 23.750 euros hors taxes par trimestre.

Les parties ont convenu de soumettre le bail à certaines dispositions du statut des baux commerciaux.

A compter du 1er septembre 2014, le bail s'est poursuivi tacitement.

Par lettre recommandée du 28 juillet 2017, l'association [R] [P] associés a mis en demeure la bailleresse de lui restituer une somme de 229.199,73 euros au titre d'un trop-perçu de loyer, en raison de l'illicéité de la clause d'indexation ne prévoyant une variation du loyer qu'à la hausse.

Par acte du 16 août 2017, l'association [R] [P] associés a fait assigner les SCI [Adresse 7] et Previmmo devant le tribunal de grande instance de Nanterre aux fins de voir réputée non écrite la clause d'indexation et condamner in solidum ces dernières à lui restituer une somme de 230.219,61 euros au titre du trop-perçu de loyers, outre diverses charges.

Le 26 octobre 2017, la SCP [P] associés et l'association [R] [P] ont notifié à la bailleresse un congé à effet au 31 janvier 2018 en se prévalant d'un préavis contractuel de 3 mois.

Par acte extrajudiciaire du 13 février 2018, la SCI [Adresse 7] a répondu qu'en application de l'article L.145-9 alinéa 2 du code de commerce, le congé devait être donné au moins six mois à l'avance pour le dernier jour du trimestre civil et que, par conséquent, la date d'effet de son congé était reportée au 30 juin 2018.

Par courrier réceptionné le 25 mai 2018, l'association [R] [P] associés a restitué les clés et à la même date, un état des lieux de sortie non contradictoire a été dressé par huissier de justice à la demande de la locataire.

Le 30 mai 2018, la société SCI [Adresse 7] a rendu les clés à la SCP [P] associés et lui a indiqué qu'un état des lieux de sortie se déroulerait le 2 juillet 2018. Il a été dressé contradictoirement par huissier de justice à cette date.

Par courrier recommandé du 4 juillet 2018, la SCP [P] associés a mis en demeure la bailleresse de lui restituer le dépôt de garantie d'un montant de 30.112,88 euros.

Dans le cadre de l'instance pendante devant le tribunal de grande instance de Nanterre, l'association [R] [P] associés a sollicité du juge de la mise en état le remboursement du dépôt de garantie et les SCI [Adresse 7] et Previmmo ont contesté la recevabilité de l'action de cette dernière, tierce au contrat de bail. Les parties ont été déboutées (sic) de leurs demandes par ordonnance du 16 décembre 2019.

M. [R] et la SCP [P] associés, puis ultérieurement la SELARL [P] associés sont intervenus volontairement à l'instance.

Par jugement mixte du 19 octobre 2020, le tribunal a :

- ordonné la mise hors de cause de la SCI Previmmo ;

- constaté l'intervention volontaire à l'instance de M. [R], de la SCP [P] associés et de la SELARL [P] associés ;

- déclaré l'association [R] [P] associés, M. [R] et la SELARL [P] associés irrecevables en leurs demandes ;

- réputé non écrites les mentions de la clause figurant dans le paragraphe « loyer » du bail du 22 juillet 2005 et relatives à l'indexation, soit les mentions suivantes « Il sera révisable au 1er septembre de chaque année suivant l'évolution de l'indice INSEE du coût de la construction et pour la première fois le 1er septembre 2006. Cette révision n'interviendra en tout état de cause qu'à la hausse. Il sera retenu pour indice de base celui du 4ème trimestre 2004 (1269) et pour indice d'échéance celui du 4ème trimestre de l'année précédant celle de la révision. En cas de modification ou de remplacement des indices de l'INSEE, les nouveaux indices seront substitués de plein droit aux anciens, dans les conditions et selon les coefficients de raccordement mentionnés par l'INSEE » ;

- débouté la SCI [Adresse 7] de ses demandes fondées sur la théorie de l'imprévision et les dispositions de l'article 1195 nouveau du code civil ;

- débouté la SCP [P] associés de ses demandes tendant à être exonérée du paiement des charges de l'année 2017 et de la taxe foncière 2017 ;

- dit que la SCI [Adresse 7] aura droit au paiement de l'intérêt défini à l'article du loyer (alinéa 3) du bail commercial, si les comptes entre les parties font apparaître que le loyer et ses accessoires n'ont pas été réglés à bonne date par la locataire ;

- condamné la SCI Villa Laferrière à payer à la SCP [P] associés la somme de 30.112,88 euros au titre du dépôt de garantie ;

- constaté en tant que de besoin la compensation des créances réciproques des parties ;

et, sur le surplus,

- avant dire droit sur les comptes entre les parties, ordonné une expertise et commis pour y procéder Mme [E];

- sursis à statuer jusqu'au dépôt du rapport d'expertise ;

- ordonné l'exécution provisoire.

Par déclarations des 9 novembre et 7 décembre 2020, M. [R] et la SELARL [P] associés, venant aux droits de la SCP [P] associés, d'une part, les SCI [Adresse 7] et Previmmo, d'autre part, ont interjeté appel du jugement.

Le conseiller de la mise en état a joint les deux instances et par arrêt du 15 septembre 2022, la cour a :

- confirmé le jugement, sauf en ce qu'il a déclaré la SELARL [P] associés irrecevable, en ce qu'il a prononcé la nullité de l'ensemble de la clause relative au loyer, et en ce qu'il n'a pas fait droit à la demande d'intérêts assortissant la restitution de la somme due au titre du dépôt de garantie ;

statuant à nouveau sur ces points,

- déclaré la SELARL [P] associés recevable en ses demandes ;

- dit que dans le paragraphe « loyer » du bail, seule la mention « Cette révision n'interviendra en tout état de cause qu'à la hausse » sera déclarée non écrite ;

- dit que la somme de 30.112,88 euros due au titre du dépôt de garantie est assortie d'un intérêt au taux légal à compter du 4 juillet 2018 ;

y ajoutant,

- dit que le terme du bail est le 30 juin 2018 ;

- dit que le point de départ de la prescription est le 7 avril 2015 ;

- précisé qu'il reviendra notamment à l'expert de déterminer, pour la période commençant le 7 avril 2015, le montant du loyer applicable et de dresser les comptes entre les parties au vu des sommes réglées par le preneur ;

- dit que les intérêts au taux légal seront fixés à compter du jugement ;

- débouté les parties de leurs autres demandes ;

- laissé à chaque partie la charge de ses dépens.

M. [R] et la SELARL Meldelsohn associés ont formé un pourvoi contre cet arrêt en ce qu'il a rejeté leur demande en restitution de charges indument payées et fait droit à la demande de la société [Adresse 7] en paiement de l'intérêt défini à l'article relatif au loyer.

Par acte du 5 décembre 2022, la SCI Villa Laferrière a fait assigner Mme [D] [P] en intervention forcée devant le tribunal judiciaire de Nanterre, aux fins de la voir condamner, après jonction avec l'instance pendante, au paiement de la somme de 151.873,92 euros TTC à parfaire au titre des loyers, charges, impôts, taxes et redevances et intérêts arrêtés au 25 septembre 2022, outre celle de 78.214,93 euros à parfaire au titre des intérêts. Par ordonnance du 23 octobre 2023, le juge de la mise en état a ordonné la jonction de cette instance avec celle engagée par l'association [R] [P] associés le 16 août 2017 et, faisant droit à la demande fondée sur l'article 47 du code de procédure civile, a renvoyé l'affaire devant le tribunal judiciaire de Senlis.

Par arrêt du 30 mai 2024, la Cour de cassation a cassé et annulé l'arrêt de la cour d'appel, mais seulement en ce qu'il a rejeté la demande de la SELARL [P] associés en restitution de charges et en ce qu'il a dit que la société [Adresse 7] aura droit au paiement de l'intérêt défini à l'article relatif au loyer, alinéa 3, du bail commercial, si les comptes entre les parties font apparaître que le loyer et ses accessoires n'ont pas été réglés à bonne date par la locataire.

Par déclaration du 13 juin 2024, M. [R] et la SELARL [P] associés ont saisi la présente cour de renvoi.

Mme [P] est intervenue volontairement à l'instance devant la cour de renvoi.

Par dernières conclusions remises au greffe et notifiées par rpva le 8 août 2024, M. [R] et la SELARL [P] associés demandent à la cour de recevoir Mme [P] en son intervention volontaire, renvoyer la présente instance devant la cour d'appel d'Amiens, déclarer qu'il sera fait application des dispositions de l'article 82 du code de procédure civile, déclarer que les dépens de la présente instance suivront ceux de l'instance devant la juridiction amiénoise de renvoi, qui statuera aussi sur les demandes de condamnation formées par les parties en application de l'article 700 du code de procédure civile.

Ils demandent ensuite à la cour d'appel d'Amiens d'infirmer le jugement en ce qu'il les a déboutés de leur demande tendant à être exonérés du paiement des charges de l'année 2017 et de la taxe foncière 2017 et dit que la SCI [Adresse 7] aura droit au paiement de l'intérêt défini à l'article du loyer (alinéa 3) du bail commercial, si les comptes entre les parties font apparaître que le loyer et ses accessoires n'ont pas été réglés à bonne date par la locataire et statuant à nouveau, de :

- condamner la SCI Villa Laferrière à rembourser à la locataire la somme de 36.649,64 euros au titre de la restitution des charges, dépenses et taxes illicitement appréhendées, à titre principal, avec intérêts au taux légal et capitalisation à compter de la date de chaque paiement indu, subsidiairement, avec compensation avec les créances locatives du bailleur les plus anciennes et plus subsidiairement, avec intérêts au taux légal à compter du 7 avril 2015 et capitalisation ;

- déclarer nulle la clause d'intérêts moratoires du bail en raison de l'indétermination du taux et défaut d'indication de la base annuelle rendant impossible le calcul d'intérêt et subsidiairement, la moduler pour être manifestement excessive, et la ramener à l'intérêt légal annuel, décompté selon la formule « nombre de jours exacts de la période considérée / nombre de jours exacts de l'année » ;

- dire qu'aucun intérêt moratoire n'est dû dès lors que la SCI [Adresse 7] a délibérément laissé les bureaux dont s'agit vacants durant 5 ans après le départ de la locataire ;

- dire que l'intérêt légal, s'il est dû, commencera à courir, à compter du jugement à intervenir du tribunal judiciaire de Senlis, subsidiairement, des écritures du bailleur en ouverture de rapport, plus subsidiairement, à compter de sa mise en demeure du 13 février 2018 pour les seules créances, nettes des restitutions revenant à la locataire, échues à cette date et à compter des conclusions du bailleur du 24 janvier 2020 pour les autres créances ;

- dire que l'assiette de calcul des intérêts devra exclure la TVA, la somme de 36.649,64 euros correspondant aux charges à restituer à la locataire, la somme de 42.729,18 euros correspondant aux sommes qui auraient dû revenir en droit positif à la locataire en l'absence de revirement de jurisprudence ;

- dire que des créances locatives échues en principal au 17 juillet 2023 devra être déduite la somme de 100.196 euros correspondant à l'offre de Mme [P], que des créances locatives échues en principal depuis le 1er février 2018 devra être déduite la somme de 50.188,13 euros correspondant aux loyers postérieurs au 31 janvier 2018 ;

- dire qu'à la suite de l'infirmation du jugement de première instance à intervenir, la mission de l'expert se lira comme suit :

4ème paragraphe de la mission :

« Déterminer le montant exact des sommes dues par la SCP [P] associés à la société SCI Villa Laferrière au titre des seuls loyers jusqu'au terme du bail, sous déduction des restitutions de charges dépenses et taxes ordonnées par l'arrêt de la cour de renvoi du --, et selon les modalités qu'il fixe »

et ajouter, le cas échéant, le 5ème paragraphe suivant :

Déterminer dus (sic) selon les modalités fixées par l'arrêt de la cour d'appel de renvoi du --» ;

- débouter la SCI [Adresse 7] de toutes ses demandes et la déclarer irrecevable en ses demandes et/ou mal fondée (sic) ;

- la condamner au paiement de la somme de 10.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux dépens.

Par dernières conclusions remises au greffe et notifiées par rpva le 23 septembre 2024, la SCI Villa Laferrière, venant aux droits de la SCI Previmmo, demande à la cour de débouter Mme [P], M. [R] et la SELARL [P] associés de l'ensemble de leurs demandes et les condamner in solidum à lui payer la somme de 1.500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

La clôture de l'instruction a été prononcée le 24 octobre 2024.

MOTIFS

Sur la demande de renvoi de l'affaire devant la cour d'appel d'Amiens :

M. [R], la SELARL [P] associés et Mme [P] exposent à titre liminaire qu'en application de l'article 1037-1 du code de procédure civile, seule la cour est compétente pour statuer sur leur demande de renvoi de l'affaire devant la cour d'appel d'Amiens, à l'exclusion du président de la chambre ou du magistrat désigné par le premier président.

In limine litis, les appelants soulèvent le privilège de juridiction tiré des dispositions de l'article 47 du code de procédure civile et sollicitent le renvoi de l'affaire devant la cour d'appel d'Amiens, juridiction située dans un ressort limitrophe et dans lequel se situe le tribunal judiciaire de Senlis en charge désormais du litige de première instance. Ils expliquent que Mme [P] est avocate inscrite au barreau de Paris et a la possibilité, en application de l'article 5-1 de la loi n° 71-1130 du 31 décembre 1971, de postuler devant la cour d'appel de Versailles après avoir postulé devant le tribunal judiciaire de Nanterre. Ils estiment que Mme [P] est une « partie en cause d'appel » au sens de l'article 47 alinéa 2 du code de procédure civile, à la suite de son intervention volontaire et, par conséquent, est en droit de solliciter le dépaysement de l'affaire. Ils soulignent que le privilège de juridiction de l'article 47 est de droit, y compris devant la juridiction désignée comme cour d'appel de renvoi par la Cour de cassation.

La société [Adresse 7] s'en rapporte s'agissant de la recevabilité et du bien-fondé de l'intervention volontaire de Mme [P]. La bailleresse soutient en revanche que Mme [P], M. [R] et la SELARL [P] associés, avocats au barreau de Paris, sont uniquement en mesure de postuler devant les juridictions de Bobigny, Créteil, Paris et devant le tribunal judiciaire de Nanterre et que la cour d'appel de Versailles étant située dans un ressort limitrophe, elle est compétente pour statuer sur les demandes formulées par les parties. Elle estime que la demande de dépaysement n'a pour but que de retarder leur condamnation et traduit leur défiance à l'égard de la cour.

- Sur l'intervention volontaire de Mme [P]

Selon l'article 325 du code de procédure civile, l'intervention n'est recevable que si elle se rattache aux prétentions des parties par un lien suffisant.

Par ailleurs, l'article 554 du code précité énonce que : « Peuvent intervenir en cause d'appel dès lors qu'elles y ont intérêt les personnes qui n'ont été ni parties ni représentées en première instance ou qui y ont figuré en une autre qualité ».

En application de ces dispositions, l'intervention volontaire en cause d'appel est subordonnée à l'existence d'un intérêt à agir pour celui qui la forme et d'un lien suffisant avec les prétentions originaires. L'appréciation de l'intérêt à agir de l'intervenant et du lien suffisant entre ses demandes et les prétentions originaires relève du pouvoir souverain des juges du fond.

Il est constant que Mme [P] n'a pas été partie au jugement déféré. En effet, le tribunal a rendu son jugement le 19 octobre 2020 alors que Mme [P] n'a été assignée en intervention forcée devant le tribunal judiciaire de Nanterre par la SCI [Adresse 7] que par acte du 5 décembre 2022.

Par ailleurs, aux termes de cette assignation, la bailleresse sollicite sa condamnation, après jonction avec l'instance pendante, au paiement de la somme de 151.873,92 euros TTC à parfaire au titre des loyers, charges, impôts, taxes et redevances et intérêts arrêtés au 25 septembre 2022, outre celle de 78.214,93 euros à parfaire au titre des intérêts.

Or, à la suite de l'arrêt rendu par la Cour de cassation, la cour d'appel de renvoi doit statuer sur la demande d'infirmation du jugement en ce qu'il a :

« - débouté la SCP [P] associés de ses demandes tendant à être exonérée du paiement des charges de l'année 2017 et de la taxe foncière 2017 ;

- dit que la SCI [Adresse 7] aura droit au paiement de l'intérêt défini à l'article du loyer (alinéa 3) du bail commercial ».

En outre, le jugement déféré a, avant dire droit sur les comptes entre les parties, ordonné une expertise, dont les appelants demandent à la cour de renvoi de modifier la mission.

Dès lors que les demandes de Mme [P] aux termes de ses conclusions se rapportent au paiement des loyers et des charges, des intérêts revendiqués par la bailleresse, ainsi qu'à la mesure d'expertise ordonnée par le jugement déféré, elle dispose d'un intérêt à agir dans le cadre de cette instance et il est établi que ses demandes présentent un lien suffisant avec les prétentions originaires.

L'intervention volontaire de Mme [P] doit par conséquent être déclarée recevable.

- Sur la demande de renvoi devant la cour d'appel d'Amiens

En application combinée de l'article 1037-1 du code de procédure civile et de l'article 905 auquel le premier texte renvoie, il appartient à la cour de statuer sur la demande de renvoi présentée par M. [R], la SELARL [P] associés et Mme [P] sur le fondement de l'article 47 dudit code, ce point n'étant au demeurant pas discuté par la SCI [Adresse 7].

L'article 47 dispose que :

« Lorsqu'un magistrat ou un auxiliaire de justice est partie à un litige qui relève de la compétence d'une juridiction dans le ressort de laquelle celui-ci exerce ses fonctions, le demandeur peut saisir une juridiction située dans un ressort limitrophe.

Le défendeur ou toutes les parties en cause d'appel peuvent demander le renvoi devant une juridiction choisie dans les mêmes conditions. À peine d'irrecevabilité, la demande est présentée dès que son auteur a connaissance de la cause de renvoi.

En cas de renvoi, il est procédé comme il est dit à l'article 82 ».

Selon l'art. 5-1 alinéa 1er modifié de la loi n° 71-1130 du 31 décembre 1971 :

« Par dérogation au deuxième alinéa de l'article 5, les avocats inscrits au barreau de l'un des tribunaux judiciaires de Paris, Bobigny, Créteil et Nanterre peuvent postuler auprès de chacune de ces juridictions.

Ils peuvent postuler auprès de la cour d'appel de Paris quand ils ont postulé devant l'un des tribunaux judiciaires de Paris, Bobigny et Créteil, et auprès de la cour d'appel de Versailles quand ils ont postulé devant le tribunal judiciaire de Nanterre ».

Mme [P] justifie être avocate et inscrite à l'Ordre des avocats au barreau de Paris (sa pièce n°42). Elle a donc la faculté de postuler devant la cour d'appel de [6].

Cette simple possibilité est suffisante à légitimer la demande de dépaysement de l'affaire qui est de droit.

Le ressort de la cour d'appel d'Amiens est limitrophe à celui de la cour d'appel de Versailles.

En outre, par ordonnance du 23 octobre 2023, le juge de la mise en état du tribunal judiciaire de Nanterre a ordonné la jonction de l'instance procédant de l'assignation en intervention forcée de Mme [P] à celle engagée par l'association [R] [P] associés le 16 août 2017 et demeurant pendante à la suite du jugement mixte déféré et, faisant droit à la demande de M. [R], la SELARL [P] associés et Mme [P] fondée sur l'article 47 du code de procédure civile, a renvoyé l'affaire devant le tribunal judiciaire de Senlis.

Par conséquent, il convient de faire droit à la demande de dépaysement et de renvoyer l'affaire à la connaissance de la cour d'appel d'Amiens à laquelle le dossier sera adressé par les soins du greffe dans les conditions de l'article 82 du code de procédure civile.

L'ensemble des demandes des parties est réservé.

Sur les dépens et l'article 700 du code de procédure civile

Au regard de la décision, les dépens et les demandes formulées par les parties au titre des frais irrépétibles sont réservés.

PAR CES MOTIFS

La cour statuant par arrêt contradictoire,

Déclare recevable l'intervention volontaire de Mme [D] [P] ;

Fait droit à la demande de renvoi fondée sur l'article 47 du code de procédure civile ;

Ordonne le renvoi de l'affaire à la cour d'appel d'Amiens ;

Dit que le dossier lui sera adressé par le greffe dans les conditions de l'article 82 du code de procédure civile ;

Réserve l'ensemble des demandes formulées par les parties, y compris celles formées au titre des dépens exposés dans le cadre de la demande de dépaysement et des frais irrépétibles y afférents.

Prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

Signé par Madame Florence DUBOIS-STEVANT, Présidente, et par M. BELLANCOURT, Greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

Le Greffier La Présidente

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