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Décisions

CA Versailles, ch. com. 3-1, 12 février 2025, n° 23/00229

VERSAILLES

Arrêt

Autre

CA Versailles n° 23/00229

12 février 2025

COUR D'APPEL

DE

VERSAILLES

Code nac : 50C

Chambre commerciale 3-1

ARRET N°

CONTRADICTOIRE

DU 12 FEVRIER 2025

N° RG 23/00229 - N° Portalis DBV3-V-B7H-VTZI

AFFAIRE :

S.A.S. J.M.A

C/

S.A.S. DAIMIER BUSES FRANCE

Décision déférée à la cour : Jugement rendu le 29 Novembre 2022 par le Tribunal de Commerce de PONTOISE

N° Chambre : 4

N° RG : 2021F00278

Expéditions exécutoires

Expéditions

Copies

délivrées le :

à :

Me Anne-Laure DUMEAU

Me Christophe DEBRAY

TC PONTOISE

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

LE DOUZE FEVRIER DEUX MILLE VINGT CINQ,

La cour d'appel de Versailles a rendu l'arrêt suivant dans l'affaire entre :

S.A.S. J.M.A

RCS Albi n° 497 844 274

[Adresse 1]

[Localité 3]

Représentée par Me Anne-Laure DUMEAU de la SELAS ANNE-LAURE DUMEAU & CLAIRE RICARD, Postulant, avocat au barreau de VERSAILLES, vestiaire : 628 et Me Christophe CABANES D'AURIBEAU de la SELARL CCDA AVOCATS, Plaidant, avocat au barreau d'Albi

APPELANTE

****************

S.A.S. DAIMLER BUSES FRANCE anciennement dénommée EVOBUS

RCS Pontoise n° 662 018 068

[Adresse 2]

[Localité 4]

Représentée par Me Christophe DEBRAY, Postulant, avocat au barreau de VERSAILLES, vestiaire : 627 et Me Gabriel AOUIZERAT substituant à l'audience Me Daniel ROTA de la société d'avocats FIDAL, Plaidant, avocat au barreau des Hauts de Seine

INTIMEE

****************

Composition de la cour :

En application des dispositions de l'article 805 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue à l'audience publique du 18 Novembre 2024 les avocats des parties ne s'y étant pas opposés, devant Monsieur Patrice DUSAUSOY, Magistrat honoraire exerçant des fonctions juridictionnelles chargé du rapport.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :

Madame Florence DUBOIS-STEVANT, Présidente,

Madame Bérangère MEURANT, Conseillère,

Monsieur Patrice DUSAUSOY, Magistrat honoraire exerçant des fonctions juridictionnelles ,

Greffier, lors des débats : M. Hugo BELLANCOURT,

EXPOSE DES FAITS

Dans le cadre d'un contrat d'intermédiaire commercial passé le 23 mars 2007, complété d'avenants (le Contrat), la société EvoBus, devenue la société Daimler Buses France (ci-après la société Daimler), spécialisée dans la production et la commercialisation de véhicules de transports de personnes (sous les marques Merced-Benz et Setra), a confié à M. [U] la commercialisation de véhicules en France ; les droits et obligations dont était investi M. [U] au titre du Contrat ont été par la suite transférés à la société JMA dont M. [U] est président.

A la suite de dissensions, les parties ont signé un protocole d'accord transactionnel le 11 avril 2019 (le Protocole) prévoyant les modalités de rupture des relations au 31 décembre 2019, avec, notamment, versement d'une indemnité transactionnelle au profit de la société JMA et un engagement de non-concurrence de M. [U]. La société JMA a perçu la somme de 1.713.305,04 euros au titre de l'indemnité transactionnelle et M. [U] 200.000 euros HT en contrepartie d'un engagement de non-concurrence.

La société JMA réclame désormais certaines commissions en application du Contrat et du Protocole et, en conséquence, la réévaluation de l'indemnité transactionnelle.

Par acte du 1er avril 2021, elle a ainsi assigné la société EvoBus devant le tribunal de commerce de Pontoise en homologation du Protocole et paiement au titre de commissions et d'un solde d'indemnité transactionnelle.

La société EvoBus a opposé l'irrecevabilité de la demande d'homologation du Protocole pour défaut d'intérêt à agir, demandé le rejet des demandes de la société JAM et sa condamnation à une amende civile et à des dommages et intérêts.

Par jugement du 29 novembre 2022, le tribunal a :

déclaré la société JMA irrecevable en sa demande d'homologation du protocole transactionnel du 11 avril 2019 et l'en a déboutée,

déclaré la société JMA recevable mais mal fondée en toutes ses demandes, l'en a déboutée,

déclaré la société EvoBus, devenue Daimler, recevable mais mal fondée en ses demandes d'amende civile et de dommages et intérêts et l'en a déboutée,

condamné la société JMA aux dépens et à payer à la société EvoBus devenue Daimler la somme de 5.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

Par déclaration du 10 janvier 2023, la société JMA a interjeté appel de ce jugement en ce qu'il l'a déclarée irrecevable en sa demande d'homologation du Protocole, l'a déboutée de ses demandes et l'a condamnée aux dépens et au paiement de la somme de 5.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

PRETENTIONS DES PARTIES

Par dernières conclusions remises au greffe et notifiées par RPVA le 8 octobre 2024, la société JMA sollicite de la cour de réformer le jugement entrepris en ce qu'il l'a déclarée recevable mais mal fondée en toutes ses demandes, et l'en a déboutée ; l'a condamnée à payer une somme de 5.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile et aux dépens.

Elle demande à la cour, statuant à nouveau, de débouter la société Daimler de l'ensemble de ses demandes et de la condamner à lui verser, d'une part, la somme de 186.912 euros au titre des commissions dues sur les ventes effectuées auprès du client Transdev en 2019, avec réintégration dans le calcul de l'indemnité forfaitaire transactionnelle, d'autre part, la somme de 97.795,37 euros au titre de commissions dues sur l'exercice 2019, dont 8.400 euros HT de commissions « oubliées », avec également prise en compte de ce montant dans l'indemnité forfaitaire transactionnelle, conduisant au paiement d'un solde de 284.707,37 euros au titre de cette indemnité à la suite de cette double réévaluation.

Elle sollicite la condamnation de la société Daimler aux dépens et à lui payer une indemnité de 5.000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

La société JMA invoque les dispositions du Contrat, de ses avenants et du Protocole mettant un terme au Contrat moyennant le versement d'une indemnité équivalente aux commissions versées sur les années 2018 et 2019.

Elle soutient que le mandant a une obligation de payer les commissions et, pour ce faire, de fournir à l'agent tous les éléments nécessaires à leur détermination et que tel n'a pas été le cas s'agissant du client Transdev alors qu'elle disposait sur son secteur géographique d'une exclusivité avec ce client de sorte qu'elle est fondée à réclamer les commissions qui ne lui ont pas été versées au titre des ventes effectuées auprès de ce client (186.912 euros).

Elle soutient être également fondée à réclamer un solde de commissions (97.795,37euros), en exécution des dispositions du Contrat et du Protocole, au titre des ventes effectuées sur l'exercice 2019, peu important qu'une partie de celles-ci ait été encaissée en 2020. Elle fait valoir que le taux de commission est déterminé en fonction du volume de ventes réalisé au cours de l'année 2019 et non en fonction de l'année d'encaissement de celles-ci, ce qui conduit à appliquer un taux de 2% et non le taux inférieur de 1%, appliqué par la société Daimler résultant d'une scission injustifiée des ventes réalisées en 2019 entre l'exercice 2019 et 2020 alors qu'il convient de faire masse, en un seul compte, des ventes de l'année 2019 avec le taux appliqué en 2019.

En conséquence, elle sollicite un complément d'indemnité transactionnelle (284.707,37 euros) intégrant ces soldes de commissions (186.912 euros + 97 795,37 euros).

Par dernières conclusions remises au greffe et notifiées par RPVA le 30 septembre 2024, la société Daimler demande à la cour de confirmer le jugement entrepris en ce qu'il a déclaré la société JMA irrecevable en sa demande d'homologation du Protocole et mal fondée en toutes ses demandes.

Elle sollicite de la cour l'infirmation pour le surplus, et, statuant à nouveau, de déclarer la société JMA irrecevable en sa demande de rappel de commissions d'un montant de 8.400 euros H.T comme étant nouvelle, de la condamner à lui régler la somme de 100.000 euros en réparation du préjudice moral subi en raison de l'atteinte à son image et à sa réputation ainsi qu'au règlement d'une amende civile d'un montant de 10.000 euros.

En toute hypothèse, elle sollicite le rejet de toutes prétentions adverses et la condamnation de la société JMA à lui payer la somme de 20.000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux dépens de première instance et d'appel avec application des dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.

La société Daimler s'oppose aux réclamations financières de la société JMA en se fondant également sur les dispositions du Contrat et du Protocole.

À titre liminaire, elle soulève l'irrecevabilité de la prétention, comme étant nouvelle en cause d'appel, de la société JMA tendant à obtenir le paiement d'une commission de 8.400 euros HT pour les clients SPL et CARS SARRO intégrée dans le solde de commissions (97.795,37 euros) qu'elle réclame.

S'agissant de l'application du taux de commission, elle fait valoir le principe de l'estoppel, la société JMA s'étant contredite sur le montant de ce taux, à plusieurs reprises, au long de la procédure de sorte que cette imprécision constitue un motif légitime du rejet de la prétention de la société JMA. Elle soutient avoir appliqué le taux convenu s'agissant des ventes encaissées au cours de l'exercice 2020 au regard des conditions annuelles de ventes («Vertriebskonditionen ») qui déterminent le taux applicable aux commissions en fonction d'un indice de rentabilité, dénommé « Facteur-K », ainsi qu'il en a toujours été au cours de l'exécution du Contrat. Elle fait valoir que c'est donc à tort que la société JMA tente de réintégrer les ventes facturées sur l'exercice 2020 dans le décompte des ventes facturées sur l'exercice 2019 alors que le droit à commissions n'est acquis qu'au lendemain de l'encaissement des factures.

À propos des ventes réalisées avec le client Transdev, elle soutient en application de l'article L.134-6 du code de commerce et de la jurisprudence applicable, qu'elle peut exclure conventionnellement les commissions de l'agent s'agissant des ventes réalisées sur le secteur de la société JMA sans l'intermédiation de cette dernière.

Elle soutient enfin que l'action de la société JMA a dégénéré en abus de droit caractérisant plusieurs fautes civiles délictuelles justifiant sa demande de condamnation de la société JMA à ce titre.

La clôture de l'instruction a été prononcée le 10 octobre 2024

Pour un exposé complet des faits et de la procédure, la cour renvoie expressément au jugement déféré et aux écritures des parties ainsi que cela est prescrit par l'article 455 du code de procédure civile.

MOTIFS

À titre liminaire, la cour, tenue par le seul dispositif des conclusions, rappelle qu'il n'y a pas lieu de statuer sur les demandes des parties tendant à « donner acte », « constater », « dire et juger », dans la mesure où elles ne constituent pas des prétentions au sens de l'article 4 du code de procédure civile.

Sur la saisine de la cour

L'appel porte sur le tout par l'effet (i) de l'appel principal, limité à l'irrecevabilité de la demande d'homologation du Protocole, au débouté des demandes de la société JMA et aux condamnations prononcées contre elle, et (ii) de l'appel incident portant sur le débouté par les premiers juges des demandes de condamnation formées par la société Daimler en application des articles 32 -1 du code de procédure civile et 1240 du code civil pour abus de droit et atteinte à sa réputation.

Sur la recevabilité de la demande d'homologation du Protocole

Si la société JMA a fait appel de ce chef du jugement, elle n'en demande pas l'infirmation dans le dispositif de ses conclusions de sorte que la cour ne peut que confirmer le jugement sur ce point.

Sur la recevabilité de la demande en paiement de la somme de 8.400 euros HT

L'article 564 du code de procédure civile dispose qu'« à peine d'irrecevabilité relevée d'office, les parties ne peuvent soumettre à la cour de nouvelles prétentions si ce n'est pour opposer compensation, faire écarter les prétentions adverses ou faire juger les questions nées de l'intervention d'un tiers, ou de la survenance ou de la révélation d'un fait. ».

Les articles 565 et 566 précisent, d'une part, que « les prétentions ne sont pas nouvelles dès lors qu'elles tendent aux mêmes fins que celles soumises au premier juge, même si leur fondement juridique est différent » et, d'autre part, que « les parties ne peuvent ajouter aux prétentions soumises au premier juge que les demandes qui en sont l'accessoire, la conséquence ou le complément nécessaire. »

La prétention de la société JMA tendant à obtenir le paiement d'une commission de 8.400 euros HT pour les clients SPL et CARS SARRO devant être en outre intégrée dans le solde de commissions qu'elle réclame n'est pas nouvelle en ce qu'elle tend à obtenir, en application du Contrat, la régularisation de commissions déjà sollicitée en première instance. Elle en est en outre un complément nécessaire.

La fin de non-recevoir soulevée par la société Daimler sera donc rejetée.

Sur les demandes de la société JMA

L'article 1134, alinéa premier, ancien du code civil prévoit que : « Les conventions légalement formées tiennent lieu de loi à ceux qui les ont faites. ».

L'article 1315 ancien du même code dispose que « Celui qui réclame l'exécution d'une obligation doit la prouver. Réciproquement, celui qui se prétend libéré doit justifier le paiement ou le fait qui a produit l'extinction de son obligation. ».

Sur la commission de 186.912 euros au titre du client Transdev

Chacune des parties s'appuie sur les dispositions du Contrat, l'une pour réclamer des commissions, l'autre pour les contester.

Selon la société JMA, le montant de 186 .912 euros correspond à une commission sur la vente à la société Transdev de 59 autobus effectuée en 2019 (sa pièce 7) au tarif unitaire de 158.400 euros (soit un taux de commission de 2 %) en application de l'article 6.1 du Contrat qui dispose que : « l'intermédiaire acquiert un droit à commission pour toutes les affaires qu'il aura présentées à EvoBus pendant la durée du contrat, notamment celles en cours de négociation et prêtes à être conclues, dont EvoBus prend la commande ferme et définitive. Il ne pourra pas prétendre à une commission lorsqu'il n'était pas habilité à intervenir comme intermédiaire dans l'affaire considérée (article 1.2.2, article 2). ».

La société Daimler fait valoir que la société JMA ne rapporte pas la preuve de son intermédiation à propos de cette vente. Elle invoque également les dispositions des articles 2.1, 7.1 et 12.2 du Contrat qui disposent :

- en son article 2.1 : « Pour les ventes aux membres de grands groupes, la commission est acquise à l'intermédiaire commercial dans les conditions de l'article 7.1 du présent contrat. » ;

- en son article 7.1 modifié par l'avenant n°3 du1er août 2014 : « Le droit à commission de l'intermédiaire commercial est acquis le lendemain du jour de l'encaissement par EvoBus France de la totalité des sommes dues par le client sur l'affaire réalisée. » ;

- en son article 12.2 : « La résiliation ordinaire peut avoir lieu à la fin d'un trimestre civil, en respectant un délai de préavis de 12 mois respectivement par chaque partie. Sans considérer de qui émane la rupture, EvoBus se réserve le droit de vendre elle-même la marchandise contractuelle correspondant au chiffre d'affaires des 12 derniers mois avant la fin du contrat, sur le secteur de l'intermédiaire ou de faire assurer la vente par d'autres intermédiaires commerciaux, sans avoir à payer de rémunération à ce titre à l'intermédiaire partant. ».

Par avenant n° 3 au Contrat du 1er août 2014 déjà cité, les stipulations des articles 6.2 et 7.1 du Contrat (23 mars 2007) ont été modifiées.

L'article 6.2 du Contrat initialement rédigé ainsi : « Le droit à commission est acquis selon l'article 7 du présent contrat, si EvoBus exécute ou aurait dû exécuter la commande », devient : « le droit à commission est acquis selon l'article 7.1 du présent contrat, si EvoBus exécute ou aurait dû exécuter la commande. » (souligné par la cour).

L'article 7.1 intitulé « Acquisition de plein droit à commission » du Contrat était à l'origine formulé ainsi : « le droit à commission de l'intermédiaire est acquis lorsque EvoBus réalise l'affaire ou aurait dû la réaliser selon les accords contractuels avec le client. Si la réalisation de l'affaire n'intervient pas, le droit à commission devient caduc seulement si les conditions de l'article 8 sont remplies », l'article 8 visant le cas d'une exécution impossible de l'affaire sans que cela soit imputable à EvoBus. Dans sa nouvelle version, cet article 7.1 devient : « Le droit à commission de l'intermédiaire commercial est acquis le lendemain du jour de l'encaissement par EvoBus France de la totalité des sommes dues par le client sur l'affaire réalisée ».

Ainsi, selon la convention des parties, le droit à commission naît d'une double condition : d'une part, la présentation d'affaires sur le point d'être conclues (art. 6.1 du Contrat), d'autre part, l'encaissement par la société Daimler de la totalité des sommes dues par le client sur l'affaire réalisée (articles 6.2 et 7.1 du Contrat modifiés par l'Avenant n° 3).

Il appartient à la société JMA de justifier de son droit à commission sur la vente de 59 autobus à la société Transdev en 2019 et, le cas échéant, à la société Daimler de justifier du refus d'accorder ce droit.

En application du Contrat tel que modifié par son avenant n° 3, la société JMA doit, en premier lieu, démontrer qu'elle a « présenté » des affaires à la société Daimler, notamment celles en «cours de négociation et prêtes à être conclues » générant, au cas particulier, la vente de 59 autobus à la société Transdev en 2019, puis de justifier que celles-ci ont fait l'objet d'un règlement intégral, ce qui suppose qu'elle ont été facturées préalablement, afin de prétendre à des commissions sur ces ventes, étant relevé qu'il n'est pas contesté qu'elles sont intervenues sur le territoire concédé à la société JMA.

La société JMA verse aux débats une attestation du 16 novembre 2021, dactylographiée, émanant de M. [D] [B], se déclarant « sans emploi » et se présentant comme «chef de projet Transdev Occitanie sur l'appel d'offre HT34 de l'Hérault», indiquant avoir « fait appel comme d'habitude à Mr [O] [U] pour l'achat des véhicules pour l'année 2019 d'une 60 (sic) d'autocars pour le marché de Hérault Transport. Mr [U] a toujours suivi ce projet avec attention comme chaque fois que l'on fait aapel (sic) à ses services ».

Or, la société JMA ne produit aucun élément susceptible de documenter une quelconque présentation, en 2019, d'une affaire relative à la vente de 59 autobus à la société Transdev ou de justifier d'actes préparatoires à la prise de commandes de ces véhicules (ex : échanges sur le type de véhicules, la quantité, la marque ou le prix) avec notamment M. [B] comme interlocuteur, alors, d'une part, que ce dernier a été sommé par la société Daimler (sa pièce n°19) de « produire l'intégralité des échanges écrits de toute nature, intervenus entre vous-même relatifs aux négociations de l'appel d'offres (AO 34) de 2019 ayant pour objet l'acquisition par TRANSDEV OCCITANIE de 59 autocars » et que, d'autre part, la société JMA ne rapporte pas la preuve que M. [B] a apporté une quelconque réponse à cette sommation, son statut de « sans emploi » ne l'empêchant pas de fournir celle-ci afin d'apporter des précisions sur son attestation au demeurant peu circonstanciée (absence de mention de la date de l'appel d'offre, de la réponse à celui-ci, des échanges, des bons de commandes, etc).

Les échanges de courriels de juin 2019 (pièce 4 ' JMA) versés aux débats par la société JMA ne permettent pas d'établir que cette dernière a joué un rôle d'intermédiaire entre la société Transdev et la société Daimler en vue de la vente de 59 autobus. Ils mettent en lumière l'interprétation du Contrat suivie par la société JMA selon laquelle son droit à commission résulte du seul fait que la vente se réalise sur son secteur, ce qui ne correspond pas aux dispositions contractuelles qui supposent la présentation, par la société JMA à la société Daimler, d'affaires, « en cours de négociation et prêtes à être conclues » dont la démonstration fait défaut en l'espèce.

La société JMA doit, en second lieu, justifier de l'encaissement des affaires réalisées en 2019 auprès du client Transdev, ce qui suppose une facturation préalable de ces affaires.

La production de factures de commissions émises par la société JMA ou de relevé de comptes bancaires en 2017 ou 2018 (pièce 5 et 5 bis ' JMA) mentionnant la société Transdev OC (ndlc : Occitanie) est inopérante s'agissant d'affaires passées.

La seule présentation par la société JMA d'un prospect (Transdev) à la société Daimler sans la démonstration d'affaires prêtes à être conclues ou la seule réalisation d'une vente ' sans l'intermédiaire de la société JMA - sur le territoire concédé à cette dernière ne suffisent pas à ouvrir un droit à commission à son profit au regard des accords passés entre les parties.

A supposer que la condition d'ouverture d'un droit à commissions soit remplie, il résulte des dispositions de l'article 12.2 du Contrat, non remises en cause par le Protocole, que la société Daimler peut dans les douze mois précédant l'expiration du Contrat (31 décembre 2019 selon le Protocole) reprendre en direct la vente sur le territoire concédé sans avoir à rémunérer la société JMA, ce qu'elle a fait savoir dans son courriel du 6 juin 2019 à la société JMA (pièce 4 ' JMA).

La société JMA ne peut ainsi prétendre à une commission sur la vente en 2019 de 59 autobus par la société Daimler à la société Transdev de sorte que l'indemnité transactionnelle prévue au Protocole ne doit pas être modifiée de ce chef.

Le jugement sera confirmé sur ce point.

Sur la commission de 97.795,37 euros dues au titre de l'exercice 2019

Selon la société Daimler, la société JMA se serait à plusieurs reprises contredite à propos du montant de sa demande de régularisation de commissions, de l'application de l'indice de rentabilité (K-Factor), du volume des ventes encaissées sur l'exercice 2020. Elle oppose, ainsi, à la demande de la société JMA une fin de non-recevoir fondée sur l'estoppel (« Nul ne peut se contredire au détriment d'autrui ») sans toutefois la reprendre au dispositif de ses écritures de sorte que la cour ne peut en connaître, étant rappelé que la constatation d'une contradiction ne suffit pas à accueillir l'estoppel laquelle suppose que cette contradiction induise en erreur l'adversaire sur ses intentions réelles, ce qui n'est pas démontré en l'espèce.

La cour comprend que la société JMA reproche à la société Daimler de ne pas avoir « fait masse des ventes de l'année 2019 sur un seul et même compte » afin d'appliquer un taux de commission moins favorable (1 %), alors que le volume des ventes doit être, selon elle, globalisé pour l'exercice 2019.

Ainsi, selon la société JMA, la somme de 97.795,37 euros résulte de commissions restant dues au titre de ventes réalisées en 2019 pour un montant de 89.395,37 euros, calculées selon un taux de 2 %, complétées par une commission « oubliée » de 8.400 euros HT, soit un total 97.795,37 euros.

En première instance, la société JMA réclamait, au même titre, une somme de 98.995,73 euros HT (au lieu de 89.395,37 euros en appel) résultant du seul montant de commissions sur les ventes facturées en 2020 (259.334,74 euros), diminuée des règlements reçus (160.339,01euros) soit : 259.334,74 -160.339,01 = 98.995,73. Les modalités de calcul de cette commission sont ainsi imprécises.

Au-delà de cette observation, la cour constate que le « montant et le système du calcul de la commission » sont déterminés par les dispositions de l'Annexe 7 du Contrat par renvoi de son article 9 dont il résulte que le taux de « base » de 2 % de commission peut varier, à la hausse comme à la baisse, en fonction du nombre et de la marque des véhicules vendus et des remises accordées (indice de rentabilité dénommé « Facteur-K » déjà évoqué).

Le taux de la commission qui varie ainsi en fonction de ce Facteur-K est déterminé par ailleurs en fonction du nombre de ventes facturées pour une année donnée ainsi que les premiers juges l'ont relevé et que cela résulte des termes du Contrat (page 23 et 24 du Contrat, pièces 3 et 14 ' Daimler).

Les modalités de calcul de la commission sont revues chaque année d'un commun accord (« Vertriebskonditionen ») entre les parties en fonction des objectifs de la société Daimler.

Pour l'exercice 2019, l'actualisation des taux de commissions a fait l'objet de deux accords entre les parties le 14 février 2019, l'un pour les véhicules de marque Mercedes-Benz, l'autre pour ceux de la marque Setra (pièce 14 ' Daimler), dont il résulte une grille de taux de commission en fonction du nombre de véhicules vendus et de l'application du « K-Facteur ». Ainsi, par exemple, pour les véhicules de marque Setra, le taux de commission peut évoluer de 1,50 % à 4 % pour moins de 40 véhicules, de 1,75 % à 4,50 % pour la tranche de 40 à 60 véhicules, et de 2 % à 5% au-delà de 60 véhicules. Cet accord annuel précise que l'actualisation porte sur les « facturations 2019 ».

Par ailleurs, le droit à commission n'est acquis qu'un jour après l'encaissement de la totalité des sommes dues sur l'affaire réalisée comme il a été dit précédemment (article 7.1 du Contrat révisé par son avenant n° 3).

Enfin, l'indemnité transactionnelle prévue au Protocole, dont la société JMA demande la régularisation par inclusion d'une commission complémentaire, est calculée en fonction des « commissions versées » lesquelles supposent un encaissement préalable, lui-même précédé d'une facturation, et non en fonction des ventes réalisées non encore encaissées.

Il s'en déduit que les ventes seulement facturées en 2020 ne peuvent entrer en compte dans la détermination du taux de commission pour l'exercice 2019 contrairement à ce que soutient la société JMA pour obtenir la somme complémentaire de 89.395,37 euros.

Par ailleurs, la société JMA réclame la somme de 8.400 euros HT au titre de deux cars « oubliés » dont elle ne justifie pas.

Le jugement sera donc confirmé en ce qu'il a débouté la société JMA de sa demande de paiement de commissions et de régularisation subséquente de l'indemnité transactionnelle.

Sur les demandes fondées sur les articles 32-1 et 1240 du code civil de la société Daimler

La société Daimler soutient que l'action initiée par la société JMA est dilatoire parce qu'elle tente d'obtenir l'application d'un taux de commission indifférencié alors qu'elle a signé des accords prévoyant la variabilité de ce taux en application du « Facteur-K », qu'elle a modifié sa demande entre la première instance et l'appel, que la vente des 59 véhicules destinés à la société Transdev est intervenue sans son intermédiaire, qu'elle produit une attestation d'une portée limitée de sorte que son action relève de l'abus de droit notamment au regard des montants exorbitants qu'elle a déjà perçus.

Elle soutient que le démarchage défavorable effectué par la société JMA auprès des salariés de la société Transdev a porté atteinte à sa réputation auprès de l'un de ses plus importants clients.

La société JMA réplique qu'elle a saisi la juridiction de première instance et la cour en raison de la déloyauté manifestée par la société Daimler afin de se soustraire à l'exécution du Protocole et que cette dernière ne démontre pas l'existence d'un préjudice.

L'appréciation inexacte qu'une partie fait de ses droits n'est pas en soi constitutive d'une faute et l'abus de droit ne saurait être déduit de l'échec dans l'exercice d'une voie de droit.

Ainsi, en l'absence de faits de nature à faire dégénérer en abus l'exercice du droit d'agir en justice, la société Daimler sera déboutée de sa demande de condamnation à une amende civile pour procédure abusive.

Elle sera également déboutée de sa demande de réparation d'un préjudice moral au titre d'une atteinte à sa réputation qu'elle ne justifie pas.

Le jugement sera confirmé sur ce point.

Sur les dépens et l'article 700 du code de procédure civile

Le jugement sera confirmé en ses dispositions relatives aux dépens et à l'indemnité de procédure.

Les dépens d'appel seront supportés par la société JMA.

La société JMA sera condamnée à verser une indemnité de 10.000 euros, en appel, en application de l'article 700 du code de procédure civile.

La société JMA sera déboutée de sa demande aux mêmes fins.

PAR CES MOTIFS

La Cour, statuant par arrêt contradictoire,

Rejette la fin de non-recevoir soulevée par la SAS Daimler Buses France tirée d'une demande prétendument nouvelle de la SAS JMA relative au paiement d'une commission de 8.400 euros HT,

Confirme, en toutes ses dispositions, le jugement du tribunal de commerce de Pontoise du 29 novembre 2022,

Y ajoutant,

Condamne la SAS JMA aux dépens d'appel, avec distraction, conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile,

Condamne la SAS JMA à verser à la SAS Daimler Buses France une indemnité de 10.000 euros en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile au titre des frais irrépétibles exposés en cause d'appel,

Déboute, en conséquence, la SAS JMA de sa demande au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

Prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

Signé par Madame Florence DUBOIS-STEVANT, Présidente, et par M. BELLANCOURT, Greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

Le Greffier La Présidente

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