Cass. 3e civ., 13 février 2025, n° 23-16.130
COUR DE CASSATION
Arrêt
Rejet
PARTIES
Défendeur :
Mutuelle des architectes français, Syndicat des copropriétaires de la résidence (Sté), Smac eurofaçade (SAS), Sogea sud bâtiment (SAS), Generali IARD (SA), Socotec construction (SAS), MMA IARD (SA), MMA IARD assurances mutuelles (Sté), Languedoc ascenseurs (SARL), Manes et fils (SARL), Pierre-Henri Frontil (Sté)
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
Mme Teiller
Rapporteur :
Mme Bironneau
Avocat général :
M. Boyer
Avocats :
SCP Françoise Fabiani-François Pinatel, SAS Boulloche, Colin, Stoclet et Associés, SARL Cabinet Munier-Apaire, SARL Le Prado-Gilbert, SARL Matuchansky, Poupot, Valdelièvre et Rameix, SCP Rocheteau, Uzan-Sarano et Goulet
Faits et procédure
1. Selon l'arrêt attaqué (Montpellier,16 mars 2023) et les productions, la société civile immobilière [Adresse 15] (la SCI) a réalisé un programme immobilier collectif sous le régime de la vente en l'état futur d'achèvement, sous la maîtrise d'oeuvre de Mmes [N] et [H], assurées auprès de la Mutuelle des architectes français (la MAF).
2. Une assurance dommages-ouvrage a été souscrite auprès de la société Covea Risks, aux droits de laquelle viennent les sociétés MMA IARD et MMA IARD assurances mutuelles (les sociétés MMA).
3. Se plaignant de désordres, le syndicat des copropriétaires de la résidence [Adresse 15] (le syndicat des copropriétaires) a assigné, après expertise, la SCI en réparation de ses préjudices. Différents intervenants à l'acte de construire et leurs assureurs ont été appelés en garantie.
Examen des moyens
Sur le premier moyen du pourvoi principal
Enoncé du moyen
4. La SCI fait grief à l'arrêt de la condamner à payer au syndicat des copropriétaires certaines sommes au titre des désordres de nature décennale et au titre de la façade de l'immeuble, alors « que le juge doit en toute circonstance faire observer et observer lui-même le principe de la contradiction ; que pour juger que l'analyse de la non-conformité respectait le principe de la contradiction au seul motif que le compte rendu de l'expert mentionnait spécifiquement "il semblerait que les représentants de la SCI [Adresse 15] n'aient pas noté ce point qui est loin d'être une anecdote" sans rechercher si les parties, et spécialement la SCI [Adresse 15], avaient eu la possibilité de débattre contradictoirement de ces non-conformités alléguées et de formuler des observations avant le dépôt du rapport, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 16 du code de procédure civile. »
Réponse de la Cour
5. La cour d'appel, procédant à la recherche prétendument omise, a relevé que l'expert avait évoqué la non-conformité concernant la façade dans son compte-rendu n° 3, faisant ainsi ressortir que cette non-conformité avait été soumise à la contradiction des parties.
6. Elle a ainsi légalement justifié sa décision.
Sur le second moyen du pourvoi principal
Enoncé du moyen
7. La SCI fait le même grief à l'arrêt, alors :
« 1°/ que les non-conformités contractuelles relèvent du régime des vices de la construction ; qu'en jugeant que la demande relative à la non-conformité de la façade litigieuse était fondée sur les dispositions de l'article 1134 du code civil et R. 261-1 du code de la construction et de l'habitat quand c'est au contraire le régime des vices de construction tel que prévu par les articles 1642-1, 1648 du code civil et L. 261-5 du code de la construction et de l'habitat qui était applicable, la cour d'appel a violé ces articles 1642-1, 1648 du code civil et de l'article L. 261-5 du code de la construction et de l'habitat par refus d'application ;
2°/ qu'en jugeant que la demande relative à la non-conformité de la façade litigieuse était fondée sur les dispositions de l'article 1134 du code civil et R. 261-1 du code de la construction et de l'habitat et qu'elle était donc recevable et non prescrite dès lors que la prescription trentenaire s'appliquait, sans rechercher si les conditions des articles 1642-1 et 1648 du code civil étaient réunies, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles 1642-1, 1648 du code civil et de l'article L. 261-5 du code de la construction et de l'habitat ;
3°/ qu'en ne répondant pas au moyen des conclusions de l'exposante tiré de l'application des articles 1642-1, 1648 du code civil et de l'article L. 261-5 du code de la construction et de l'habitat la cour d'appel a entaché sa décision d'un défaut de réponse à conclusions en violation de l'article 455 du code de procédure civile. »
Réponse de la Cour
8. Ayant relevé que la façade d'un bâtiment n'avait pas été traitée à la chaux contrairement à ce que prévoyait la notice descriptive sommaire et que le ravalement insuffisant était intervenu après la livraison, la cour d'appel en a exactement déduit, procédant à la recherche prétendument omise et répondant en les écartant aux conclusions prétendument délaissées, que l'action engagée par le syndicat des copropriétaires, au titre du coût de la réfection dudit ravalement, sur le fondement de la responsabilité contractuelle de droit commun devait être accueillie.
9. Elle a ainsi légalement justifié sa décision.
Sur le moyen du pourvoi incident
Enoncé du moyen
10. Mmes [N] et [H] et la MAF font grief à l'arrêt de les condamner solidairement à payer à la SCI la somme de 17 106 euros et de les condamner in solidum à garantir les sociétés MMA pour la somme de 13 848 euros, alors :
« 1°/ que nul ne peut être tenu à réparer deux fois le même dommage; qu'adoptant les conclusions de l'expert judiciaire sur ce point, la cour d'appel a chiffré le coût des travaux de reprise de la cage d'ascenseur à la somme totale de 17 106 euros TTC ; qu'en condamnant tout à la fois les exposantes in solidum à verser à la SCI [Adresse 15] la somme de 17 106 euros TTC et à garantir les MMA pour la somme de 13 848 euros TTC au titre de la cage d'ascenseur, la cour d'appel, qui a condamné les exposantes à verser une somme totale de 30 954 euros en réparation des désordres relatifs à la cage d'ascenseur et ainsi à réparer deux fois le même dommage, a violé l'article 1792 du code civil, ensemble le principe de réparation intégrale du dommage ;
2°/ que pour condamner in solidum Mme [N], Mme [H] et la MAF à payer à la SCI [Adresse 15] la somme de 17 106 euros TTC au titre de la cage d'ascenseur, la cour d'appel a pris des motifs relatifs à "l'appel incident de la SARL Languedoc Ascenseur et de Mme [K] en qualité de liquidateur amiable de la société Languedoc Ascenseur" ; qu'en statuant ainsi, par des motifs étrangers aux demandes de la SCI [Adresse 15] envers les exposantes, la cour d'appel a entaché sa décision d'un défaut de motif, en violation de l'article 455 du code de procédure civile. »
Réponse de la Cour
11. La cour d'appel a infirmé le jugement en ce qu'il avait condamné, in solidum avec d'autres, la société MMA IARD, en sa qualité d'assureur dommages-ouvrage, à indemniser certains préjudices du syndicat des copropriétaires, a constaté que celui-ci ne formait, en appel, aucune demande contre l'assureur dommages-ouvrage et a déclaré irrecevables les demandes formées contre lui par la SCI, de sorte qu'aucune condamnation n'a été prononcée contre la société MMA IARD au profit de quiconque.
12. Il en résulte que, la condamnation à garantie prononcée à l'encontre de Mmes [N] et [H] et la MAF pour les sommes dues au titre de la cage d'ascenseur étant sans portée, la cour d'appel n'a pas indemnisé deux fois le même préjudice.
13. Le moyen n'est donc pas fondé.
PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur le pourvoi provoqué qui n'est qu'éventuel, la Cour :
REJETTE les pourvois ;
Condamne la société civile immobilière [Adresse 15] aux dépens ;
En application de l'article 700 du code de procédure civile, condamne la société civile immobilière [Adresse 15] à payer au syndicat des copropriétaires de la résidence [Adresse 15] la somme de 3 000 euros et rejette les autres demandes ;