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Décisions

CA Paris, Pôle 5 - ch. 10, 17 février 2025, n° 22/12757

PARIS

Arrêt

Autre

CA Paris n° 22/12757

17 février 2025

Copies exécutoires RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

délivrées aux parties le : AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 5 - Chambre 10

ARRÊT DU 17 FÉVRIER 2025

(n° , 9 pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 22/12757 - N° Portalis 35L7-V-B7G-CGDZ3

Décision déférée à la Cour : Jugement du 16 Juin 2022 - TJ de BOBIGNY - RG n° 20/02482

APPELANT

Monsieur [O]-[E] [I]

[Adresse 3]

[Localité 9] (Luxembourg)

né le [Date naissance 1] 1957 à [Localité 11]

représenté par Me Belgin PELIT-JUMEL de la SELEURL BELGIN PELIT-JUMEL AVOCAT, avocat au barreau de PARIS, toque : D1119,

assisté par Me Vincent FORESTIER, avocat au barreau de HAUTS-DE-SEINE, toque : 1701

INTIME

LE DIRECTEUR RÉGIONAL DES FINANCES PUBLIQUES D'ILE DE FRANCE Le Directeur Régional des Finances Publiques d'Ile de France et du département de Paris

en ses bureaux du Pôle Fiscal Parisien 1

[Adresse 2]

[Localité 7]

représenté par Me Guillaume MIGAUD de la SELARL ABM DROIT ET CONSEIL AVOCATS E.BOCCALINI & MIGAUD, avocat au barreau de VAL-DE-MARNE, toque : PC129

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions des articles 805 et 907 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 09 Décembre 2024, en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant Monsieur Xavier BLANC, président, chargé du rapport en présence de Madame Solène LORANS, Conseillère.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :

Monsieur Xavier BLANC, Président

Madame Solène LORANS, Conseillère

Monsieur Edouard LOOS, Magistrat honoraire exerçant des fonctions juridictionnelles

Greffier, lors des débats : Madame Sylvie MOLLÉ

ARRÊT :

- contradictoire

- par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

- signé par Xavier BLANC, et par Sylvie MOLLÉ, Greffier, présent lors de la mise à disposition.

EXPOSÉ DES FAITS ET DE LA PROCÉDURE

1. Les déclarations d'impôt de solidarité sur la fortune (ISF) souscrites par M. [O]-[E] [I] au titre des années 2012 et 2013, ainsi que sa déclaration de contribution exceptionnelle sur la fortune (CEF) de l'année 2012, ont fait l'objet d'un contrôle sur pièces.

2. A l'issue de ce contrôle, par une proposition de rectification du 22 octobre 2015, l'administration fiscale a remis en cause les réductions d'impôt pratiquées par M. [I], sur le fondement de l'article 885-0 V bis du code général des impôts, au titre d'apports réalisés au profit de la société Baobab.

3. Les impositions supplémentaires en résultant s'établissaient à :

- 21 782 euros en droits, outre 3 485 euros d'intérêts de retard, au titre de l'ISF de l'année 2012,

- 30 000 euros en droits, outre 24 000 euros de majoration pour man'uvres frauduleuses et 6 485 euros d'intérêts de retard, au titre de l'ISF 2013,

soit un total de 82 627 euros.

4. Par un avis du 16 novembre 2016, l'administration fiscale a mis cette somme en recouvrement.

5. Par une réclamation du 29 mars 2017, M. [I] a demandé à être déchargé de la totalité des impositions et pénalités ainsi mises en recouvrement, en soutenant que la procédure de rectification était irrégulière, faute pour l'administration fiscale de lui avoir notifié la proposition de rectification à l'adresse au Luxembourg qu'il avait pourtant déclarée et, en tout état de cause, de justifier d'une notification régulière à son ancienne adresse en Belgique.

6. En l'absence de réponse de l'administration fiscale à cette réclamation dans le délai prévu à l'article R*. 198-10 du livre des procédures fiscales, il a assignée celle-ci aux mêmes fins devant le tribunal judiciaire de Bobigny.

7. Par un jugement du 16 juin 2022, le tribunal a statué comme suit :

« - DÉBOUTE Monsieur [I] de ses demandes ;

- CONDAMNE Monsieur [I] aux dépens. »

8. Par une déclaration du 7 juillet 2022, M. [I] a fait appel de ce jugement.

9. Aux termes de ses dernières conclusions remises au greffe le 22 août 2023, M. [I] demande à la cour d'appel de :

« - donner acte à Monsieur [I] de ce que son prénom est '[O]-[E]' ;

- d'annuler ou à tout le moins réformer le jugement du Tribunal judiciaire de Bobigny du 16 juin 2022 en ce qu'il :

- déboute Monsieur [I] de ses demandes aux fins notamment :

- de l'annulation de la décision implicite de rejet ;

- du dégrèvement de l'impôt sur la fortune 2012 et 2013 complémentaire, ainsi que des majorations y afférentes ;

- de la condamnation de l'administration aux dépens et aux frais irrépétibles.

- condamne Monsieur [I] aux dépens.

STATUANT A NOUVEAU :

- de se saisir du litige sur lequel la Direction Générale des Finances Publiques n'a pas statué dans le délai imparti ;

- d'annuler la décision implicite de rejet de la Direction Générale des Finances Publiques ;

- d'accorder le dégrèvement de l'imposition et des majorations contestées ;

- Débouter la Direction Générale des Finances Publiques de toutes ses demandes, fins et conclusions ;

- de condamner la Direction Générale des Finances Publiques aux dépens et à rembourser au requérant les dépens mentionnés à l'article R* 207-1 du Livre des procédures fiscales, ainsi que, au titre de l'article 700 du Code de procédure civile une somme de 10.000 euros, représentant les frais non compris dans les dépens. »

10. Aux termes de ses dernières conclusions remises au greffe le 2 mars 2023, l'administration fiscale demande à la cour d'appel de :

« - de dire et juger M. [I] mal fondés en leur appel du jugement attaqué ;

- de confirmer le jugement en son intégralité ;

- de confirmer la décision contentieuse tacite de rejet de l'administration ;

- de confirmer les rappels effectués par l'administration ;

- de débouter M. [I] de toutes ses demandes, fins et prétentions ;

- de condamner M. [I] en tous les dépens de première instance et d'appel ainsi qu'à la somme de 3 000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

- De condamner l'appelant aux entiers dépens. »

11. La clôture a été prononcée par une ordonnance du 4 novembre 2024.

12. En application des dispositions de l'article 455 du code de procédure civile, il est fait expressément référence aux conclusions des parties visées ci-dessus quant à l'exposé du surplus de leurs prétentions et de leurs moyens.

MOTIFS DE LA DECISION

13. Devant la cour, M. [I] soutient à titre principal, comme il l'a fait devant le tribunal, que la procédure de rectification est irrégulière du fait des conditions de notification de la proposition de rectification et ajoute, à titre subsidiaire, que les rappels d'impôt et les pénalités mis à sa charge ne sont pas fondés.

Sur la régularité de la procédure de rectification

14. L'article L. 57 du livre des procédures fiscales dispose :

« L'administration adresse au contribuable une proposition de rectification qui doit être motivée de manière à lui permettre de formuler ses observations ou de faire connaître son acceptation. »

15. En application de l'article L. 11 de ce livre, la notification de la proposition de rectification constitue le point de départ du délai de trente jours dont dispose le contribuable pour formuler ses observations.

16. Par ailleurs, les articles 180, alinéa 1, et 189 du même livre, relatifs à la prescription du droit de reprise de l'administration, disposent, dans leurs versions applicables au litige :

- article 180 :

« Pour les droits d'enregistrement [...], ainsi que les [...] autres impositions assimilées, le droit de reprise de l'administration s'exerce jusqu'à l'expiration de la troisième année suivant celle de l'enregistrement [...] d'une déclaration [...]. »

- article L. 189 :

« La prescription est interrompue par la notification d'une proposition de rectification [...] ».

17. La notification de la proposition de rectification peut être effectuée par voie postale au moyen d'une lettre recommandée avec avis de réception. Toutefois, lorsque le pli contenant la proposition de rectification n'a pas été distribué, une telle notification ne produit les effets qui lui sont attachés par les textes précités, s'agissant de la mise en 'uvre du débat contradictoire avec le contribuable et de l'interruption du délai de reprise, qu'à la condition que la proposition de rectification ait été envoyée à l'adresse donnée par le contribuable et qu'un avis de mise en instance y ait été déposé.

18. En l'espèce, il résulte de la copie de l'enveloppe produite par l'administration fiscale que celle-ci a envoyé la proposition de rectification du 22 octobre 2015 destinée à M. [I] au [Adresse 5] à [Localité 13], en Belgique.

19. M. [I] soutient que cette notification est irrégulière dans la mesure où il avait informé l'administration dès le mois de juin 2015 qu'il demeurerait à compter du 1er juillet 2015 au [Adresse 6] à [Localité 12], au Luxembourg et où, en tout état de cause, la preuve n'est pas rapportée qu'un avis de mise en instance ait été déposé à l'adresse d'envoi de la proposition de rectification.

20. Cela étant, en premier lieu, M. [I] admet qu'au 15 juin 2015, il demeurait encore au [Adresse 5] à [Localité 13], comme il l'a encore indiqué dans la déclaration de suivi d' « exit tax » de l'année 2014 qu'il a adressée à cette date à l'administration fiscale.

21. M. [I] soutient avoir joint à cet envoi un document manuscrit, portant sous son nom la mention « Pièce jointe exit-tax 2014 », et rédigé en ces termes :

« Monsieur,

Je vous informe qu'à partir du 1er juillet 2015, mon adresse sera :

[Adresse 6]

[Localité 12]

Luxemboug ».

22. Cependant, M. [I] ne justifie pas que ce document manuscrit, au demeurant non daté et sur lequel aucun destinataire n'est mentionné, était joint, comme il le soutient, à la déclaration de suivi d' « exit tax » qu'il a adressée le 15 juin 2015 à l'administration fiscale.

23. A cet égard, dès lors que M. [I] admet que le pli qu'il a envoyé à l'administration fiscale à cette date contenait cette déclaration, laquelle ne faisait elle-même aucune référence au document manuscrit qu'il prétend avoir joint à cet envoi, il ne peut utilement soutenir qu'il appartiendrait à l'administration fiscale de rapporter la preuve que ce document n'y était en réalité pas joint en justifiant, notamment, « des diligences qu'elle aurait vainement effectuées » auprès de lui. Tel ne serait le cas, en effet, que dans l'hypothèse où le pli reçu par l'administration fiscale n'aurait contenu aucun document ou dans l'hypothèse où il aurait été fait référence, dans un document dont il serait acquis qu'il était contenu dans le pli reçu par l'administration fiscale, à l'annexion d'un document dont l'administration fiscale aurait constaté l'absence.

24. Contrairement à ce que soutient M. [I], statuer ainsi n'emporte aucun renversement de la charge de la preuve et ne met pas à sa charge une preuve impossible, dès lors qu'il était en mesure, pour se préconstituer la preuve de la communication à l'administration fiscale de son changement d'adresse, soit de porter une mention en ce sens sur sa déclaration de suivi d' « exit tax », soit d'effectuer deux envois distincts.

25. Ensuite, si M. [I] soutient qu'il a adressé à l'administration fiscale le 15 octobre 2015 un certificat de radiation des registres de la commune d'[Localité 13], sur lequel figurait sa nouvelle adresse au Luxembourg, il ne justifie ni de l'envoi de ce document ni, a fortiori, de sa réception par l'administration.

26. Enfin, le fait que M. [I] ait mentionné, dans sa déclaration de suivi d' « exit tax » de l'année 2015 reçue par l'administration fiscale le 21 juillet 2016, sa nouvelle adresse au Luxembourg et qu'il y ait indiqué qu'il avait quitté [Localité 13] le 15 juin 2015, ne permet pas d'établir que l'administration fiscale en ait été informée à la date de l'envoi de la proposition de rectification du 22 octobre 2015.

27. De la même manière, le fait que, même après le mois de juillet 2016, l'administration fiscale ait tardé à prendre en compte le changement d'adresse, dont elle avait pourtant été informée par M. [I], n'est pas de nature à établir qu'elle ait été informée de ce changement d'adresse, sans déjà le prendre en compte, à la date de l'envoi de la proposition de rectification.

28. C'est donc à juste titre que le tribunal a retenu que la proposition de rectification avait été envoyée à la dernière adresse donnée par M. [I] à l'administration fiscale.

29. En second lieu, l'enveloppe contenant la proposition de rectification a été retournée à l'administration fiscale par les services postaux belges après apposition de deux étiquettes, l'une portant la mention « Bureau de poste [Localité 13] Vanderkindere / Avis déposé le 04.11.15 / Retour le 20.11.15 » et l'autre « Non réclamé ».

30. Ces mentions suffisent à établir que le pli a été présenté à l'adresse de son destinataire et qu'un avis de mise en instance y a été déposé le 4 novembre 2015, peu important que le motif de non-distribution n'y soit pas précisé. Les considérations, d'ordre général, relatives à d'éventuelles carence du service de distribution du courrier en Belgique, de même que la comparaison avec d'autres mentions, plus détaillées, apposées sur d'autres envois, ne permettent pas de remettre en cause la valeur probante de ces mentions apposées par les services postaux belges sur l'enveloppe d'envoi de la proposition de rectification.

31. C'est donc encore à juste titre que le tribunal a retenu que la preuve était rapportée du dépôt d'un avis de mise en instance de ce pli au domicile belge de M. [I].

32. Par conséquent, le jugement sera confirmé en ce qu'il écarte le moyen tiré d'une irrégularité de la notification de la proposition de rectification du 22 octobre 2015.

Sur le bien-fondé des rappels d'impositions et des pénalités mis à la charge de M. [I]

33. En premier lieu, l'article 885-0 V bis , du code général des impôts, dans ses rédactions applicables au 1er janvier 2012 et au 1er janvier 2013, dispose :

« I.-1. Le redevable peut imputer sur l'impôt de solidarité sur la fortune 50 % des versements effectués au titre de souscriptions au capital initial ou aux augmentations de capital de sociétés, en numéraire ou en nature par apport de biens nécessaires à l'exercice de l'activité, à l'exception des actifs immobiliers et des valeurs mobilières, [...]. Cet avantage fiscal ne peut être supérieur à 45 000 €.

La société bénéficiaire des versements mentionnée au premier alinéa doit satisfaire aux conditions suivantes :

a) Etre une petite et moyenne entreprise au sens de l'annexe I au règlement (CE) n° 800/2008 de la Commission du 6 août 2008 déclarant certaines catégories d'aides compatibles avec le marché commun en application des articles 87 et 88 du traité (Règlement général d'exemption par catégorie) ;

b) Exercer exclusivement une activité industrielle, commerciale, artisanale, agricole ou libérale, [...] ;

c) Avoir son siège de direction effective dans un Etat membre de l'Union européenne ou dans un autre Etat partie à l'accord sur l'Espace économique européen ayant conclu avec la France une convention d'assistance administrative en vue de lutter contre la fraude et l'évasion fiscales ;

d) Ses titres ne sont pas admis aux négociations sur un marché réglementé français ou étranger ;

e) Etre soumise à l'impôt sur les bénéfices dans les conditions de droit commun ou y être soumise dans les mêmes conditions si l'activité était exercée en France ;

e bis) Compter au moins deux salariés à la clôture de l'exercice qui suit la souscription ayant ouvert droit à la présente réduction, ou un salarié si elle est soumise à l'obligation de s'inscrire à la chambre de métiers et de l'artisanat ;[...]

II.-1. Le bénéfice de l'avantage fiscal prévu au I est subordonné à la conservation par le redevable des titres reçus en contrepartie de sa souscription au capital de la société jusqu'au 31 décembre de la cinquième année suivant celle de la souscription. [...]

« VI.-Le bénéfice des I à III est subordonné au respect, selon le cas par les sociétés bénéficiaires des versements mentionnées au 1 du I [...] du règlement (CE) n° 1998/2006 de la Commission, du 15 décembre 2006, concernant l'application des articles 87 et 88 du traité CE aux aides de minimis [...]. Toutefois, cette disposition n'est pas applicable lorsque les conditions suivantes sont cumulativement satisfaites par les sociétés mentionnées à la phrase précédente :

a) La société répond à la condition prévue au a du 1 du I ;

b) La société bénéficiaire est en phase d'amorçage, de démarrage ou d'expansion au sens des lignes directrices communautaires concernant les aides d'Etat visant à promouvoir les investissements en capital-investissement dans les petites et moyennes entreprises (2006/ C 194/02) ; [...] »

34. La doctrine administrative prise pour l'application de ces dispositions, publiée sous la référence BOI-PAT-ISF-40-30-10-30, énonce, ainsi que le relève M. [I] :

« 20. La société bénéficiaire des versements doit être en phase d'amorçage, de démarrage ou d'expansion au sens des lignes directrices 2006/C 194/02 (point 2.2.). [...]

1. Sociétés en phase d'amorçage

30. Le capital d'amorçage est défini par les lignes directrices comme : « le financement fourni pour étudier, évaluer et développer un concept de base préalablement à la phase de ».

Pour l'application des dispositions de l'article 885-0 V bis du CGI, cette phase correspond à la période au cours de laquelle l'entreprise n'est qu'au stade de projet et n'est donc pas encore constituée juridiquement. La société est donc en phase de formation.

Les versements effectués pendant cette période par des personnes physiques ne peuvent être éligibles à la réduction d'ISF avant la constitution de la société, dans la mesure où, jusqu'à cette date, ils n'ont pas pour contrepartie l'octroi de droits sociaux.

En revanche, dès lors qu'ils bénéficient à des sociétés éligibles, ces versements sont susceptibles d'être éligibles au bénéfice de la réduction d'ISF, sans qu'il soit fait application de la réglementation relative aux aides de minimis, dès que la société est définitivement constituée.

La date de constitution de la société s'entend de la date de signature des statuts de la société, qui matérialise l'échange des consentements entre les associés. »

35. Contrairement à ce que soutient M. [I], c'est à juste titre, et sans se contredire, que cette doctrine énonce que les versements effectués pendant la phase d'amorçage de la société, avant que celle-ci ne soit constituée, ne deviennent éligibles au bénéfice de la réduction d'ISF prévue par les dispositions précitées qu'à compter de sa constitution, définie comme la signature des statuts par ses associés. En effet, avant cette date, d'une part, ces versements ne peuvent être considérés, au sens de ces dispositions, comme des souscriptions au capital de la société, alors seulement en formation, et, d'autre part et surtout, cette société, non encore constituée, ne peut satisfaire aux conditions prévues par ces dispositions.

36. En l'espèce, il résulte des explications fournies par M. [I] dans sa réponse du 12 mars 2015 à la demande de justifications que lui avait adressée l'administration fiscale le 15 janvier 2015, qu'au cours de l'année 2012, il avait décidé de développer une application pour téléphone mobile permettant aux petites entreprises d'être en contact permanent avec leurs clients, que les coûts de développement évalués initialement à 500 000 euros avaient « explosé » et qu'il avait donc consacré une grande partie de son temps, en 2012 et 2013, à réunir les fonds nécessaires. M. [I] précisait que, dans ce cadre, la société Baobab avait été créée avec un capital de 44 000 euros, puis que, le 15 mai 2013, dans le cadre d'une négociation avec d'éventuels partenaires, ce capital avait été augmenté de 60 000 euros par un apport en industrie « correspondant à tout le travail de recherche de partenaires techniques et commerciaux ». M. [I] ajoutait qu' « afin de limiter au maximum les frais de la société », celle-ci était « restée en formation tant que la capital nécessaire à son développement n'était pas réuni » et que, « malheureusement », au quatrième trimestre 2013, il avait dû se rendre à l'évidence et prendre la décision de « stopper ce projet », faute d'avoir réussi « à convaincre les futurs partenaires financiers ».

37. M. [I] a joint à cette lettre une « attestation de blocage de capital social » établie le 13 juin 2012 par l'agence de [Localité 10] de la société Caisse régionale de crédit agricole mutuel Brie Picardie, selon laquelle cet établissement bancaire détenait « sous un compte au nom de la société SAS Baobab dont le siège social est au [Adresse 4] [Localité 8], une somme de 44.000,00 euros, correspondant à la libération du capital social de ladite société actuellement en cours de formation, versée à concurrence de : - Vingt deux mille euros (22.000,00 euros) par Mme [F] [L] [I] / - Vingt deux mille euros (22.000,00 euros) par Mr [O] [E] [I] ».

38. En cet état, dès lors qu'en définitive, la société Baobab n'a jamais été constituée, les versements effectués par M. et Mme [I] dans sa phase d'amorçage pour un montant de 44 000 euros n'étaient pas éligibles à la réduction d'impôt que M. [I] a pourtant pratiquée au titre de l'année 2012 pour un montant de 22 000 euros, correspondant à 50 % de ces versements. C'est donc à juste titre que, compte tenu du montant de l'ISF dû par M. [I], au titre de cette année, soit 21 782 euros, l'administration fiscale a procédé à un rappel de droits de ce montant.

39. Pour ce qui concerne l'année 2013, c'est encore à juste titre que l'administration fiscale a procédé à un rappel de droits d'un montant de 30 000 euros égal à la réduction d'impôt pratiquée par M. [I] au titre d'un apport en industrie évalué, selon ce dernier, à 60 000 euros, dans la mesure où, d'abord, la société n'était pas plus constituée en 2013 et où, ensuite et en tout état de cause, l'article 885-0 V bis du code général des impôts réserve aux seuls apports en numéraire ou en nature, et non en industrie, le bénéfice de la réduction d'impôt qu'il prévoit.

40. En second lieu, l'article 1729 du code général des impôts dispose :

« Les inexactitudes ou les omissions relevées dans une déclaration ou un acte comportant l'indication d'éléments à retenir pour l'assiette ou la liquidation de l'impôt ainsi que la restitution d'une créance de nature fiscale dont le versement a été indûment obtenu de l'Etat entraînent l'application d'une majoration de : [...]

c. 80 % en cas de man'uvres frauduleuses [...]. »

41. En l'espèce, M. [I] a annexé à sa déclaration d'ISF de l'année 2013 un état individuel de souscription au capital de la société Baobab, qu'il a lui-même établi en qualité de « président directeur général » de cette société, laquelle était présentée comme une « SAS au capital de 104 000 € » avec pour objet la « réalisation de toutes études nécessaires à l'exploitation d'une entreprise ; exploitation de cette entreprise ». M [I] y attestait, d'une part, que cette société satisfaisait aux conditions mentionnées au I de l'article 885-0 V bis du code général des impôts et, d'autre part, qu'il avait personnellement souscrit 60 000 titres le 15 mai 2013 en contrepartie d'un « versement » d'un montant de 60 000 euros effectué le même jour.

42. Ce n'est qu'en réponse à la demande de justifications que lui a adressée l'administration fiscale le 15 janvier 2015 que M. [I] a indiqué que ce « versement » de 60 000 euros correspondait à un apport en industrie résultant du « travail de recherche de partenaires techniques et commerciaux » qu'il avait réalisé dans le cadre de la mise en 'uvre de son projet.

43. Ainsi, en établissant une attestation aux termes de laquelle la société Baobab n'apparaissait pas comme étant en formation mais comme étant déjà constituée, en s'y présentant comme le président directeur général de cette société, pourtant non encore constituée, en y mentionnant un « versement » d'un montant de 60 000 euros, incompatible avec la justification qu'il en a donné ultérieurement, soit un apport en industrie évalué par ses soins à ce montant sans justifier, au demeurant, des travaux préparatoires dont il se prévaut, et alors même qu'il résulte des dispositions de l'article 885-0 V bis du code général des impôts que le régime de faveur que ce texte édicte est expressément réservé aux apports en numéraire ou en nature, M. [I], qui avait ainsi nécessairement conscience d'éluder l'impôt en pratiquant une réduction d'un montant de 30 000 euros sur le fondement de dispositions pourtant inapplicables, a créé une apparence de nature à égarer l'administration fiscale dans l'exercice de ses pouvoirs de contrôle.

44. C'est donc à juste qu'a été appliquée la pénalité prévue à l'article 1729, c, du code général des impôts aux droits éludés au titre de l'ISF de l'année 2013.

45. Compte tenu de l'ensemble des développements qui précèdent, le jugement sera confirmé en ce qu'il déboute M. [I] de ses demandes tendant à la décharge des impositions supplémentaires et des pénalités mises en recouvrement le 16 novembre 2016.

Sur les dépens et l'application de l'article 700 du code de procédure civile

46. Les articles 696 et 700 du code de procédure civile disposent :

- article 696 :

« La partie perdante est condamnée aux dépens, à moins que le juge, par décision motivée, n'en mette la totalité ou une fraction à la charge d'une autre partie. [...] »

- article 700 :

« Le juge condamne la partie tenue aux dépens ou qui perd son procès à payer :

1° A l'autre partie la somme qu'il détermine, au titre des frais exposés et non compris dans les dépens ; [...]

Dans tous les cas, le juge tient compte de l'équité ou de la situation économique de la partie condamnée. Il peut, même d'office, pour des raisons tirées des mêmes considérations, dire qu'il n'y a pas lieu à ces condamnations. [...] »

47. En application du premier de ces textes, compte tenu du sens de la présente décision, le jugement sera confirmé en ce qu'il condamne M. [I] aux dépens de la procédure de première instance et il sera condamné aux dépens de la procédure d'appel.

48. En application du second, le jugement sera confirmé en ce qu'il déboute M. [I] de sa demande de remboursement des frais exposés dans le cadre de la procédure de première instance et non compris dans les dépens, M. [I] sera débouté de sa demande de remboursement de tels frais exposés dans le cadre de la procédure d'appel et il sera condamné, à ce titre, à payer à l'Etat la somme de 3 000 euros.

PAR CES MOTIFS, la cour d'appel :

Confirme le jugement en toutes ses dispositions ;

Y ajoutant,

Condamne M. [O]-[E] [I] aux dépens de la procédure d'appel ;

Déboute M. [O]-[E] [I] de sa demande formée sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile et le condamne, sur ce fondement, à payer à l'Etat la somme de 3 000 euros au titre des frais exposés dans le cadre de la procédure d'appel et non compris dans les dépens ;

Rejette le surplus des demandes.

LE GREFFIER LE PRÉSIDENT

S.MOLLÉ X.BLANC

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