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Décisions

CA Lyon, jurid. premier président, 17 février 2025, n° 24/00193

LYON

Ordonnance

Autre

CA Lyon n° 24/00193

17 février 2025

N° R.G. Cour : N° RG 24/00193 - N° Portalis DBVX-V-B7I-P43D

COUR D'APPEL DE LYON

JURIDICTION DU PREMIER PRESIDENT

ORDONNANCE DE REFERE

DU 17 Février 2025

DEMANDERESSES :

S.A.S. FOOD DEAL prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés

en cette qualité audit siège

[Adresse 2]

[Localité 5]

avocat postulant : la SELARL LX LYON, avocats au barreau de LYON (toque 938)

avocat plaidant : Me Etienne GARNIER substituant

Me Damien MONTIBELLER (AARPI SQUAIR), avocat au barreau de LYON (toque 2632)

S.A.S. MAISON MALARTRE prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés

en cette qualité audit siège

[Adresse 6]

[Localité 4]

avocat postulant : la SELARL LX LYON, avocat au barreau de LYON (toque 938)

avocat plaidant : Me Etienne GARNIER substituant

Me Damien MONTIBELLER (AARPI SQUAIR), avocat au barreau de LYON (toque 2632)

DEFENDEURS :

M. [X] [C]

[Adresse 1]

[Localité 3]

Représenté par Me Julien DURAND-ZORZI de la SELAS SEIGLE. SOUILAH. DURAND-ZORZI, avocat au barreau de LYON (toque 2183)

S.A.R.L. AVEC

[Adresse 1]

[Localité 3]

Représenté par Me Julien DURAND-ZORZI de la SELAS SEIGLE. SOUILAH. DURAND-ZORZI, avocat au barreau de LYON (toque 2183)

Audience de plaidoiries du 03 Février 2025

DEBATS : audience publique du 03 Février 2025 tenue par Pierre BARDOUX, Conseiller à la cour d'appel de Lyon, délégataire du Premier Président dans les fonctions qui lui sont spécialement attribuées selon ordonnance du 31 décembre 2024, assisté de Sylvie NICOT, Greffier.

ORDONNANCE : contradictoire

prononcée le 17 Février 2025 par mise à disposition de l'ordonnance au greffe de la cour, les parties ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile;

signée par Pierre BARDOUX, Conseiller et Sylvie NICOT, Greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

''''

EXPOSE DU LITIGE

La S.A.S. Maison [D] ayant comme actionnaires la famille [G] (16,71%), la S.A.R.L. Avec ayant pour dirigeant M. [X] [C] (53,68%) et la société d'investissement Audacia (29,61%), des pourparlers se sont engagés en 2019 en vue de son rachat par la S.A.S. Food deal dont M. [T] [N] était le dirigeant.

En parallèle, des discussions ont été également entamées avec le groupe Bontout.

Par acte du 26 juillet 2021, la société Maison [D] a été cédée à la S.A.S. Food deal et deux conventions ont été signées le même jour prévoyant :

- un accompagnement entre les sociétés Food deal et Avec pour une durée ferme et irrévocable de 20 mois, du 1er septembre 2021 au 30 avril 2023 moyennant une redevance mensuelle forfaitaire de 6 500 € HT, soit 7 800 TTC,

- des prestations de service entre les sociétés Avec et Maison [D] conclue pour une durée ferme de 20 mois, du 1er septembre 2021 au 30 avril 2023 moyennant une redevance forfaitaire de 6 000 € HT, soit 7 200 € TTC.

Le 2 mars 2022, la société Food deal a adressé un courrier de réclamation à la société Avec dénonçant un ensemble de manquements de nature à entraîner la mise en jeu de la garantie de passif de l'acte de cession pour un montant de dommages estimé à 700 000 € portant sur la surestimation des stocks et le fait que le vendeur aurait mené des négociations avec un concurrent, le groupe Bontout, en violation de la période d'exclusivité qu'il devait à la société Food deal.

Par acte du 20 mai 2022, la société Avec a assigné les sociétés Food deal et Maison [D] devant le tribunal de commerce de Lyon afin d'obtenir leur condamnation au paiement des factures échues et de sommes réclamées au titre de la résiliation anticipée des contrats.

Le 30 août 2022, les sociétés Food deal et Maison [D] ont résilié unilatéralement le contrat d'accompagnement et la convention de prestations de service.

Le 7 septembre 2022, la société Avec a été autorisée par le juge de l'exécution à pratiquer des saisies-conservatoires à l'encontre des sociétés Food deal et Maison [D] et ce juge ensuite saisi d'une contestation contre ces mesures a confirmé cette autorisation dans son ordonnance du 13 juin 2023.

Par acte du 9 novembre 2022, la société Food deal a assigné la société Avec devant le tribunal de commerce de Lyon.

Par acte du 25 avril 2023, les sociétés Food deal et Maison [D] ont fait assigner M. [C] afin d'obtenir sa condamnation solidaire avec la société Avec.

Par jugement contradictoire du 8 juillet 2024, cette juridiction a notamment :

- condamné la société Food deal à payer à la société Avec au titre du contrat d'accompagnement :

' au titre des factures échues, la somme principale de 70 800 €, outre intérêts au taux d'intérêt appliqué par la Banque Centrale Européenne (BCE) à son opération de refinancement la plus récente majoré de 10 points de pourcentage, à effet du 28 avril 2022,

' la somme principale de 62 400 € au titre de la résiliation anticipée du contrat d'accompagnement, outre intérêts au taux d'intérêt appliqué par la BCE à son opération de refinancement la plus récente majoré de 10 points, à effet du jugement,

- condamné la société Maison [D] à payer à la société Avec au titre du contrat de prestations de services :

' au titre des factures échues, la somme principale de 50 400 €, outre intérêts au taux d'intérêt appliqué par la BCE à son opération de refinancement la plus récente majoré de 10 points, à effet du 28 avril 2022,

' la somme principale de 57 600 € au titre de la résiliation anticipée de la convention de prestation de service, outre intérêts au taux d'intérêt appliqué par la BCE à son opération de refinancement la plus récente majoré de 10 points, à effet du jugement,

- ordonné pour chacune de ces condamnations, la capitalisation des intérêts par année entière,

- condamné solidairement les sociétés Food deal et Maison [D] aux entiers dépens et à payer la somme de 5 000 € à la société Avec et la somme de 1 000 € à M. [C] au titre de l'article 700 du code de procédure.

Les sociétés Food deal et Maison [D] ont interjeté appel de ce jugement le 15 juillet 2024.

Par actes des 10 et 17 septembre 2024, les sociétés Food deal et Maison [D] ont assigné en référé la société Avec et M. [C] devant le premier président aux fins d'obtenir l'arrêt de l'exécution provisoire et la condamnation des défendeurs à la somme de 2 500 € au titre de l'article 700 du Code de procédure civile.

A l'audience du 3 février 2025 devant le délégué du premier président, les parties, régulièrement représentées, s'en sont remises à leurs écritures, qu'elles ont soutenues oralement.

Dans leur assignation, les sociétés Food deal et Maison [D] soutiennent au visa de l'article 514-3 du Code de procédure civile l'existence de moyens sérieux de réformation tenant à ce que le tribunal de commerce a appliqué un raisonnement erroné en énonçant que les conventions signées le 26 juillet 2021 avec la société Avec ne prévoyaient pas de possible résiliation ni de fautes qui entraîneraient la rupture de la convention.

Elles estiment également que les premiers juges ont inversé la charge de la preuve en retenant qu'elles n'avaient pas apporté la preuve d'un échange sur l'inexécution des missions prévues dans les conventions.

En outre, elles considèrent que le tribunal a mal apprécié le préjudice de la société Avec en retenant qu'il était constitué de l'intégralité des prestations prévues jusqu'au terme des contrats alors que ces derniers ont été résiliés unilatéralement le 30 août 2022, soit près de 8 mois avant leur terme.

Enfin, elles soutiennent que le tribunal de commerce n'a pas apprécié le manquement contractuel propre à l'acte de cession du 26 juillet 2021 mais s'est fondé uniquement sur la caducité de la période d'exclusivité prévue dans la lettre d'intention du 11 mars 2021 pour rejeter tout manquement contractuel à l'acte de cession du 26 juillet 2021.

Les sociétés Food deal et Maison [D] affirment que l'exécution provisoire du jugement aura des conséquences manifestement excessives, leur équilibre financier se trouvant être totalement remis en cause en raison du jugement. Elles indiquent que l'exécution provisoire entraînera l'ouverture d'une procédure de liquidation judiciaire à leur encontre.

Par ailleurs, elles font valoir que la société Avec sera dans l'incapacité de rembourser les sommes perçues en cas de réformation de la décision car celle-ci n'a plus aucune activité et ne dépose plus ses comptes.

Dans leurs dernières conclusions déposées au greffe par RPVA le 3 février 2025, la société Avec et M. [C] demandent au délégué du premier président, à titre principal, de déclarer irrecevable la demande d'arrêt de l'exécution provisoire formée par les sociétés Food Deal et Maison [D], à titre subsidiaire de les débouter de leurs demandes, et en tout état de cause de rejeter toutes les prétentions des parties adverses et de condamner solidairement les sociétés Food Deal et Maison [D] à payer la somme de 3 000 € à la SARL Avec au titre des frais irrépétibles, et la somme de 1 000 € à M. [C] au titre de l'article 700 du Code de procédure civile.

Ils font valoir que les actes introductifs de première instance datent des 20 et 24 mai 2022, et qu'il convient d'appliquer l'article 514-3 du code de procédure civile dans sa rédaction issue du décret du 11 décembre 2019 qui impose dans son alinéa 2, à peine d'irrecevabilité de demande d'arrêt de l'exécution provisoire à l'appelant de faire valoir des observations sur l'exécution provisoire lors de la première instance.

Ils font valoir que les appelantes n'ont pas développé d'observations sur ce point dans le cadre de la première instance et qu'il n'existe pas de circonstances révélées postérieurement à la décision de première instance puisque les appelantes se prévalent de faits connus avant le jugement contesté.

Ils considèrent que l'argument opposé par les demanderesses tiré de la publication des comptes de la société Avec le 19 décembre 2024 est inopérant, car la recevabilité de la demande d'arrêt de l'exécution provisoire ne peut dépendre de circonstances postérieures à l'assignation et surtout en ce qu'elles ont fait état de leurs craintes sur les capacités de restitution de la société Avec dans cette assignation, confirmant que cette situation leur était déjà connue.

Ils relèvent que les appelantes échouent à démontrer que l'exécution de la décision contestée aurait à leur égard des conséquences irrémédiables et disproportionnées, ou que la société Avec serait dans l'incapacité de restituer les sommes dues en cas d'infirmation du jugement entrepris, car les demanderesses ne justifient pas de leur situation financière récente, ce que ne suffit pas à démontrer une note de leur expert comptable.

Ils ajoutent qu'elles ne produisent pas les documents comptables sur lesquels l'expert-comptable se fonde pour rédiger sa note, ce qui fait obstacle à une discussion contradictoire.

Concernant la société Maison [D], ils soulignent qu'elle ne transmet aucune situation de trésorerie récente, ce qui fait obstacle à la preuve de conséquences manifestement excessives à l'exécution du jugement et pour la société Food Deal, qu'elle ne produit aucune pièce comptable, ni aucune situation de trésorerie ou de l'actif disponible de la société. Ils relèvent au contraire une amélioration significative de la situation financière de la société qui aurait connu un apport en numéraire de 234 375 € par décision du 3 juin 2024.

Ils ajoutent que les sociétés demanderesses ne produisent aucune pièce justificative tendant à démontrer que la société Avec présenterait des difficultés à restituer les sommes en cas d'infirmation du jugement querellé.

Concernant les moyens de réformation, les défendeurs considèrent que ceux qui sont invoqués ne sont pas sérieux.

Dans leurs conclusions déposées au greffe par RPVA le 31 janvier 2025,les sociétés Food deal et Maison [D] maintiennent les demandes contenues dans leur assignation.

Elles réitèrent de plus fort leurs arguments et moyens destinés à obtenir une réformation du jugement dont appel et répliquent à leurs adversaires concernant le sérieux de ces moyens.

Elles affirment l'existence de conséquences manifestement excessives survenues postérieurement à la décision du tribunal de commerce, tenant à la publication récente intervenue le 19 décembre 2024 des comptes de la société Avec qui indiquait auparavant être parfaitement solvable. Elles ajoutent qu'une note comptable a été rédigée postérieurement au jugement concernant la société Maison [D] et contestent l'actualité des déclarations faites devant le juge de l'exécution au cours de l'année 2023.

S'agissant de la société Food deal, elles discutent des tenants et aboutissants d'une augmentation de son capital.

Pour satisfaire aux dispositions de l'article 455 du Code de procédure civile, il est expressément renvoyé, pour plus de précisions sur les faits, prétentions et arguments des parties, à la décision déférée, aux conclusions régulièrement déposées et ci-dessus visées, comme pour l'exposé des moyens à l'énoncé qui en sera fait ci-dessous dans les motifs.

MOTIFS

Attendu que l'article 514-3 du Code de procédure civile dispose dans son alinéa 1er que «En cas d'appel, le premier président peut être saisi afin d'arrêter l'exécution provisoire de la décision lorsqu'il existe un moyen sérieux d'annulation ou de réformation et que l'exécution risque d'entraîner des conséquences manifestement excessives.» ;

Que ce texte est clairement visé dans l'assignation des demanderesses ;

Attendu qu'aux termes de l'alinéa 2 de ce texte, la demande d'arrêt de l'exécution provisoire présentée par la partie qui a comparu en première instance sans faire valoir d'observations sur l'exécution provisoire n'est recevable que si, outre l'existence d'un moyen sérieux d'annulation ou de réformation, l'exécution provisoire risque d'entraîner des conséquences manifestement excessives qui se sont révélées postérieurement à la décision de première instance ;

Attendu que M. [C] et la société Avec relèvent au visa de ce texte que les demanderesses, qui n'ont pas présenté d'observations sur l'exécution provisoire devant le tribunal judiciaire, défaillent à établir des conséquences manifestement excessives révélées postérieurement à sa décision ;

Attendu que les sociétés Food deal et Maison [D] n'ont pas contesté être demeurées silencieuses sur l'exécution provisoire devant le tribunal de commerce de Lyon et il ne ressort pas de sa décision que de telles observations auraient été présentées ;

Que pour être recevables en leurs demandes d'arrêt de l'exécution provisoire, il appartient aux sociétés demanderesses d'établir les conséquences manifestement excessives qui leur ont été révélées postérieurement à la décision dont appel ;

Attendu que contrairement à ce que soutiennent leurs adversaires, il est indifférent qu'elles en aient fait état dans leur assignation en arrêt de l'exécution provisoire et il leur est laissé la possibilité de faire valoir les événements ou informations portés à leur connaissance y compris au cours de la présente instance ;

Attendu qu'en réponse à la fin de non-recevoir relevée par leurs adversaires, les demanderesses invoquent uniquement le risque de non restitution des condamnations par la société Avec, dont elles affirment l'existence d'une situation financière considérablement dégradée qui leur aurait été révélée par la publication de ses comptes annuels de l'exercice 2023, tout en soulignant qu'elle ne déposait plus ses comptes depuis 2021 ;

Attendu que les défendeurs relèvent que les sociétés Food deal et Maison [D] étaient informées auparavant de la santé financière de la société Avec, et qu'elles l'ont invoquée dans leur assignation en arrêt de l'exécution provisoire en indiquant qu'elle «sera dans l'incapacité de rembourser les sommes perçues en cas de réformation de la décision» et qu'elle «n'a plus aucune activité»; qu'ils ajoutent qu'elles connaissaient sa seule activité de holding et de celle postérieure à la cession de la filiale Maison [D] uniquement d'accompagnement du cessionnaire ;

Que les sociétés demanderesses demeurent taisantes dans leurs écritures sur cette connaissance d'une telle activité limitée de la société Avec, et ne produisent pas les comptes de l'année 2021 qu'elles indiquent comme ayant été déposés, particulièrement utiles à réaliser avec les exercices 2022 et 2023 relatés dans les comptes publiés en décembre 2024 ;

Attendu que les demanderesses sont ainsi mal fondées à soutenir qu'elles ont été informées postérieurement au jugement dont appel des capacités financières de remboursement de la société Avec ; qu'elles procèdent d'ailleurs par allégation s'agissant d'une information fournie auparavant par cette société tendant à soutenir une «parfaite solvabilité» ;

Attendu que les sociétés demanderesses ne peuvent se prévaloir des saisies-attributions infructueuses postérieures ou des conversions des saisies conservatoires antérieures au jugement pour soutenir qu'elles ont alors découvert leur éventuelle incapacité à supporter le paiement des condamnations réclamées par la société Avec ; que la société Maison [D] fait elle-même état de la survenance de difficultés au cours des années 2022 et 2023 ;

Que la note comptable du 18 juillet 2024 dont elles se prévalent est d'ailleurs contemporaine du jugement dont appel et se réfèrent à des éléments chiffrés remontant au 31 décembre 2023 qui étaient alors connus ;

Attendu qu'il convient de retenir que les sociétés Food deal et Maison [D] défaillent à caractériser l'existence d'un risque de conséquences manifestement excessives révélé depuis le jugement du tribunal de commerce de Lyon du 8 juillet 2024, ce qui conduit à les rendre irrecevables en leur demande d'arrêt de l'exécution provisoire ;

Attendu que les sociétés demanderesses succombent et doivent supporter in solidum les dépens de la présente instance en référé et indemniser leurs adversaires des frais irrépétibles engagés pour assurer leur défense ;

PAR CES MOTIFS

Nous, Pierre Bardoux, délégué du premier président, statuant publiquement, en référé,

par ordonnance contradictoire,

Vu la déclaration d'appel du 15 juillet 2024,

Déclarons les S.A.S. Maison [D] et Food deal irrecevables en leur demande d'arrêt de l'exécution provisoire,

Condamnons les S.A.S. Maison [D] et Food deal in soIidum aux dépens de ce référé et à verser à la S.A.R.L. Avec et M. [X] [C] à chacun une indemnité de 800 € au titre de l'article 700 du Code de procédure civile.

LE GREFFIER LE MAGISTRAT DELEGUE

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