CA Rennes, 5e ch., 19 février 2025, n° 22/03713
RENNES
Arrêt
Confirmation
PARTIES
Demandeur :
EPG (SARL)
Défendeur :
EPG (SARL)
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
Mme Parent
Vice-président :
Mme Le Champion
Conseiller :
Mme Hauet
Par actes sous seing privé en date des 1er décembre 2010, 16 mai 2011 et 1er juin 2011, la société [T] et M. [L] ont régularisé un nouveau bail qualifié de 'bail commercial renouvelé' pour la période du 1er janvier 2010 au 31 décembre 2018.
La société EPG est venue aux droits de la société [T] à l'occasion de la cession du fonds de commerce, matérialisée aux termes d'un acte notarié en date du 8 mai 2016.
Aux termes d'un exploit d'huissier du 27 décembre 2018, la société EPG a signifié à M. [C] [L] une demande de renouvellement du bail commercial avec effet au 1er janvier 2019 à des conditions contractuelles identiques.
Le 22 janvier 2019, la société EPG s'est vue délivrer un commandement d'huissier visant la clause résolutoire et mise en demeure préalable à refus de renouvellement.
M. [C] [L] a fait délivrer à la société EPG, par acte extrajudiciaire du 26 février 2019, un refus de renouvellement du bail commercial.
Par exploit introductif d'instance, en date du 26 mars 2019, la société EPG a assigné M. [C] [L] devant le tribunal de grande instance de Saint-Nazaire.
Par jugement en date du 12 mai 2022, le tribunal judiciaire de Saint-Nazaire a :
- dit que le refus de renouvellement du bail commercial donné par M. [C] [L] à la société EPG le 26 février 2019 est valable,
- débouté la société EPG de sa demande d'indemnité d'éviction,
- dit que la société EPG devra libérer les locaux loués à M. [C] [L] [Adresse 2] dans les deux mois de la signification du jugement,
- dit qu'à défaut de libération des locaux loués dans ce délai, il sera procédé à son expulsion, comprenant les biens et personnes occupants de son chef, avec au besoin l'assistance de la force publique et d'un serrurier, sous peine d'astreinte de 500 euros par jour de retard pendant 3 mois,
- dit que jusqu'à la libération des lieux la société EPG est redevable d'une indemnité d'occupation qui est fixée au moment du loyer du bail non renouvelé, charges comprises, outre indexation telle que fixée dans ce bail,
- condamné la société EPG aux dépens de l'instance, en ce compris les dépens du commandement de faire du 22 janvier 2019,
- condamné la société EPG à verser à M. [C] [L] 2 500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,
- dit n'y avoir lieu à ordonner l'exécution provisoire.
Le 15 juin 2022, la société EPG a interjeté appel de cette décision et aux termes de ses dernières écritures notifiées le 3 décembre 2024, elle demande à la cour de :
- infirmer le jugement entrepris en toutes ses dispositions,
Et, statuant à nouveau :
À titre principal :
- condamner M. [C] [L] à lui payer une indemnité d'éviction à hauteur de 540 000 euros,
À titre subsidiaire :
- ordonner, avant-dire droit, une expertise aux fins d'évaluer le montant de l'indemnité d'éviction en désignant tel expert qu'il lui plaira avec la mission suivante :
* se rendre sur les lieux sis [Adresse 2],
* se faire remettre tous documents et pièces utiles à l'accomplissement de sa mission,
* rechercher, en tenant compte de l'activité professionnelle autorisée par le bail, de la situation et de l'état des locaux, tous éléments permettant de déterminer le montant de l'indemnité d'éviction selon les critères de l'article L.145-14 du code de commerce et les exposer,
- dans le cas d'une perte de fonds,
- dans le cas de la possibilité d'un transfert de fonds,
* dire si l'éviction causera la perte du fonds ou son transfert,
* faire rapport à la cour en cas de conciliation en cours d'expertise,
En tout état de cause :
- débouter M. [C] [L] de l'ensemble de ses demandes,
- dire et juger qu'elle est maintenue dans les locaux aux clauses et conditions du bail expiré jusqu'au versement de l'indemnité d'éviction,
- condamner M. [C] [L] à lui payer une somme de 7 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
- condamner M. [C] [L] à supporter les entiers dépens.
Par dernières conclusions notifiées le 4 décembre 2024, M. [C] [L] demande à la cour de :
- 1) débouter EPG de l'ensemble de ses demandes, fins et conclusions,
- confirmer le jugement en ce qu'il a :
* dit que le refus de renouvellement du bail commercial donné par lui à la société EPG le 26 février 2019 est valable,
* débouté la société EPG de sa demande d'indemnité d'éviction,
* dit que la société EPG devra libérer les locaux loués dans les deux mois de la signification du jugement,
* dit qu'à défaut de libération des locaux loués dans ce délai, il sera procédé à son expulsion, comprenant les biens et personnes occupants de son chef, avec au besoin l'assistance de la force publique et d'un serrurier, sous peine
d'astreinte de 500 euros par jour de retard pendant trois mois,
* dit que jusqu'à la libération des lieux, la société EPG est redevable d'une
indemnité d'occupation qui est fixée au montant du loyer du bail non renouvelé, charges comprises, outre indexation telle que fixée dans ce bail,
* condamné la société EPG aux dépens de l'instance, en ce compris les dépens du commandement de faire du 22 janvier 2019,
* condamné la société EPG à lui verser 2 500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.
- 2) Subsidiairement, constater la résiliation de plein droit du « bail résiduel » par l'effet de la clause résolutoire à compter du 22 février 2019,
- Encore plus subsidiairement, prononcer la résiliation du bail pour faute grave,
- juger en conséquence que la société EPG est privée de tout droit à indemnité d'éviction,
- débouter la société EPG de l'ensemble de ses demandes, fins et conclusions,
- constater que la société EPG est occupante sans droit ni titre depuis le 22 février 2019,
- En conséquence, prononcer l'expulsion de la société EPG et de tous occupants de son chef tant de sa personne que de ses biens, et de tous occupants de son chef, avec au besoin l'assistance de la force publique et d'un serrurier sous astreinte de 1 000 euros par jour de retard à compter de la signification de la décision à intervenir,
- condamner la société EPG à lui payer une indemnité d'occupation équivalente au montant du loyer et des charges jusqu'à parfaite libération des lieux,
- 3) Très subsidiairement :
- ordonner, au visa de l'article 204 du code de procédure civile, une enquête avec audition en qualité de témoin de la société Carat transactions, agent immobilier intermédiaire dans le cadre de la cession du fonds de commerce de 2016, à l'effet de recueillir son témoignage sur les informations demandées et celles données sur l'assiette du bail à l'occasion de la cession du fonds de commerce,
- surseoir à statuer dans l'attente de l'audition,
- 4) Encore plus subsidiairement, condamner la société EPG à libérer totalement l'occupation de la cave B, à laisser libre l'accès à la cave B, particulièrement en supprimant le système d'alarme qui en interdit l'accès, à libérer le passage situé à l'arrière du local donnant accès aux caves et aux bouteilles de gaz en enlevant dudit passage le frigo, congélateur et appareils électroménagers qu'ils obstruent et à libérer le jardin en enlevant tout mobilier et le grillage le tout sous astreinte de 1 000 euros par jour de retard à compter de la signification de la décision à intervenir,
- 5) Condamner la société EPG à lui payer la somme de 7 500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,
- condamner la même en tous les dépens en ce compris le coût du commandement de faire et dire que les dépens d'appel seront recouvrés conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile,
- rejeter toutes demandes, fins et conclusions autres ou contraires aux présentes.
L'ordonnance de clôture est intervenue le 5 décembre 2024.
MOTIFS DE LA DÉCISION
La société EPG s'en remet à l'appréciation des premiers juges qui ont relevé que le bail s'était tacitement prorogé à compter du 1er janvier 2019 de sorte que le commandement de faire et mise en demeure préalable au refus de renouvellement devait être considéré comme ayant été signifié au cours du bail, respectant ainsi les conditions de forme et de délai de l'article L.145-17 du code de commerce.
En revanche, elle conteste avoir commis la moindre inexécution contractuelle de nature à justifier l'acquisition de la clause résolutoire ou la résiliation judiciaire du bail ou à constituer un motif grave et légitime permettant au bailleur de refuser le renouvellement du bail sans versement d'une indemnité d'éviction.
Elle rappelle que le bailleur est tenu de délivrer des locaux et accessoires permettant au preneur d'exercer effectivement l'activité prévue au bail. Elle cite des jurisprudences de cours d'appel selon lesquelles un local commercial ne pouvait servir à l'usage de restaurant s'il ne disposait pas d'un local à poubelles extérieur. Elle ajoute que pour que le restaurant puisse être exploité, la configuration des locaux donnés à bail implique nécessairement l'occupation des surfaces considérées comme annexes au regard des stipulations expresses du bail, ce dont le bailleur avait parfaitement conscience. Elle considère que le bailleur a invoqué, en toute mauvaise foi, et pour la première fois en 2018 alors que le local était occupé depuis 40 ans, une violation de l'assiette du bail tirée de l'occupation de la cave B, de la privation d'accès à la cave B par un système d'alarme, de l'occupation à l'arrière du local avec présence de systèmes frigorifiques et l'occupation du jardin.
Elle fait valoir que :
- s'agissant du grillage posé dans le jardin que le bailleur lui reproche de ne pas avoir enlevé suite à commandement, cette clôture était déjà présente lors de sa prise de possession des lieux en mars 2016, ce que le bailleur savait. Elle demande de confirmer le jugement qui n'a retenu aucune infraction au bail à ce titre.
- s'agissant de l'accès à la cave B, la configuration est particulière. Elle expose que le bail initial listait une cave et que le bail rectificatif du 27 mars 2022 a précisé qu'il s'agissait de la cave A en indiquant que la division matérielle de la cave en deux parties A et B nécessitait la réalisation de travaux de la part du bailleur pour isoler les deux caves indépendantes et closes avec des accès distincts grâce à un couloir commun. Or elle indique que le bailleur n'a jamais fait procéder à ces travaux et qu'il est impossible d'accéder à la cave A sans passer par la cave B et donc de sécuriser la cave A indépendamment de la cave B. Elle en déduit que le bailleur n'ayant pas fait réaliser les travaux d'aménagement de la cave en deux caves distinctes et aux accès indépendants, il est lui-même responsable du trouble à la jouissance des autres occupants qu'il lui attribue.
- s'agissant de l'occupation de la cave B et du passage à l'arrière du local, elle affirme que le bailleur a toujours toléré cette occupation car il sait qu'à défaut, le restaurant ne peut être exploité.
Elle précise que M. [L] n'a jamais émis la moindre contestation à ce sujet lorsque le fonds était exploité dans les mêmes conditions pendant 15 ans par la société [T] ni lors de son entrée en possession en mars 2016. Elle dit produire des attestations en ce sens. Elle affirme que lors de renouvellement du bail en 2011, M. [L] avait indiqué à Mme [T] qu'il sollicitait une augmentation de loyer de 300 euros par mois en contrepartie de l'usage de ces zones. Elle reproche à M. [L] d'avoir réalisé l'état des lieux de sortie qui ne porte ni sur la cave ni sur le passage ni sur le jardin sans la présence du cédant et du cessionnaire et ce à dessein.
Elle ajoute que l'utilisation de ces espaces à usage de stockage est indispensable à l'exploitation du restaurant et que la cave et le passage vers cette dernière sont les seuls espaces utilisables aux fins de stockage des denrées alimentaires et du nécessaire de dressage des tables et du matériel de cuisine et de stockage des vides et ordures. Elle expose que la jouissance du passage à l'arrière du local est indispensable pour respecter les normes sanitaires, les poubelles devant être situées à l'extérieur des cuisines et du restaurant.
Elle en déduit que ces zones litigieuses doivent être considérées comme inclues dans l'assiette du bail et dès lors qu'elle n'a jamais exécuté de manière fautive le bail consenti par M. [L].
Elle sollicite de condamner M. [L] à lui payer une indemnité d'éviction de 540 000 euros au vu des pièces comptables qu'elle produit. À titre subsidiaire, elle sollicite la désignation d'une expertise judiciaire avant-dire droit sur le quantum de cette indemnité d'éviction.
En réponse, M. [L] rappelle que l'assiette du bail ne comporte qu'une seule cave et ne concerne pas le jardin ni la terrasse. Il fait valoir que le bail renouvelé par acte du 1er décembre 2010 et 16 mai 2011 a réaffirmé que l'assiette du bail portait sur une seule cave, en l'occurrence la cave A outre un droit de passage sur l'arrière du local pour accéder à la cave et aux bouteilles de gaz et non un droit d'usage.
Il prend acte de ce que l'appelante abandonne sa demande de nullité de la mise en demeure préalable au refus de renouvellement.
Il reproche au preneur des inexécutions constitutives de motifs graves et légitimes en ce qu'il ne respecte pas l'assiette du bail tel que précisé au bail initial et renouvelé et au contraire de ce qu'il revendique l'occupation irrégulière de la cave B, du passage et du jardin sans tenir compte des rappels qu'il lui a délivrés.
S'agissant du grillage et du jardin, il s'oppose au droit d'usage invoqué par le preneur qui y entrepose divers tables et matériels tel que cela résulte des constats d'huissier qu'il a fait dresser et conteste toute convention verbale de jouissance gratuite. Il considère que l'infraction est établie, le débat sur l'auteur de la pose du grillage étant sans incidence.
S'agissant de la cave B, il rappelle que le bail vise uniquement la cave A sans conditions de séparation matérielle et soutient que, même sans la réalisation des travaux, la délimitation des deux caves était existante, un mur les séparant au milieu tel que cela résulte du plan annexé au bail renouvelé. Il indique si la société EPG était légitime à mettre en place une alarme à l'entrée des deux caves sous réserve d'avoir obtenu son accord et celui du deuxième locataire, elle ne pouvait annexer la 2ème cave, ce qui constitue une 2ème infraction.
M. [L] conteste tout manquement à son obligation de délivrance et le caractère impropre des locaux à leur destination. S'agissant des poubelles, il relève que le preneur ne démontre pas que la réglementation interdit tout stockage à l'intérieur de l'établissement et qu'il appartient à ce dernier d'affecter une partie du local, et notamment une des deux pièces à l'arrière, à usage spécifique de local poubelle. Il considère que les jurisprudences versées ne sont pas transposables au cas d'espèce. Il ajoute que les travaux de mise aux normes sont à la charge du preneur.
S'agissant de l'espace de stockage, il indique également qu'il appartient au preneur d'affecter une partie des locaux donnés à bail à cet effet et ne rend pas le local impropre à sa destination.
S'agissant de la prétendue extension tacite de l'assiette du bail, il conteste avoir fait dresser un état des lieux de sortie avec la société [T] en écartant la société EPG. Au contraire, il affirme que cette dernière a refusé de participer à cet état des lieux. Il ajoute que l'état des lieux porte sur l'assiette du bail, ni plus ni moins.
Il critique les témoignages produits par l'appelant et demande à la cour, en cas de doute, d'ordonner une enquête avec audition de l'agent immobilier intermédiaire dans le cadre de la cession du fonds de commerce de 2016. Il conteste toute augmentation de loyer en contrepartie de l'augmentation de l'assiette affirmée par Mme [T] dans l'attestation produite par l'appelante.
En tout état de cause, il soutient qu'une prétendue tolérance silencieuse n'est pas créatrice de droit et produit de la jurisprudence en ce sens.
Il déduit de l'ensemble de ces éléments que le refus de renouvellement est valable et demande de confirmer le jugement.
A titre très subsidiaire, M. [L] s'en remet à justice sur la désignation d'un expert judiciaire pour chiffrer le montant de l'indemnité d'éviction sollicité par l'appelante.
Aux termes de l'article L. 145-14 du code de commerce, le bailleur peut refuser le renouvellement du bail. Toutefois, il doit, sauf exceptions prévues aux articles L. 145-17 et suivants, payer au locataire évincé une indemnité dite d'éviction égale au préjudice causé par le défaut de renouvellement.
L'article L. 145-17 du code de commerce dispose que le bailleur peut refuser le renouvellement du bail sans être tenu au paiement d'aucune indemnité s'il justifie d'un motif grave et légitime à l'encontre du locataire sortant. Toutefois, s'il s'agit de l'inexécution d'une obligation, l'infraction commise par le preneur ne peut être invoquée que si elle s'est poursuivie ou renouvelée plus d'un mois après mise en demeure du bailleur d'avoir à la faire cesser. Cette mise en demeure doit, à peine de nullité, être effectuée par acte extrajudiciaire, préciser le motif invoqué et reproduire les termes du présent alinéa.
Constitue un motif grave et légitime, tout manquement aux obligations nées des clauses du bail d'une gravité telle que le bailleur est en droit de ne pas vouloir poursuivre les relations contractuelles.
Il est de principe que le bailleur ne peut invoquer en cours de procédure d'autres motifs que ceux visés dans l'acte de refus de renouvellement, à moins que ceux-ci soient nés ou aient été découverts après la signification de l'acte.
Suivant acte d'huissier signifié le 22 janvier 2019, M. [L] a mis en demeure la société EPG de :
- 'libérer totalement l'occupation de la cave B,
- laisser cette cave libre d'accès, notamment en supprimant le système d'alarme,
- libérer le passage situé à l'arrière du local donnant accès aux caves et aux bouteilles de gaz en enlevant les frigos congélateurs et appareils électro-ménagers qui s'y trouvent,
- libérer le jardin en enlevant tout mobilier et le grillage,
et ce avec un délai pour régulariser la situation sous peine de le voir se prévaloir de la clause résolutoire du bail et sous peine de voir refuser le renouvellement du bail sans offre d'indemnité d'éviction. L'acte reproduit la clause résolutoire et l'intégralité de l'article L.145-17 du code de commerce'.
Le bail commercial initial du 15 décembre 2000 consenti à la société [T] vise une boutique à usage de crêperie et de snack-bar au rez-de-chaussée comprenant une entrée, une pièce aspectant l'[Adresse 3], et deux pièces en arrière, wc et toilette et cave. Par acte notarié rectificatif du 27 mars 2002, il est mentionné que la partie commerciale comprenant notamment une cave A et que la partie habitation comprend une cave B. Il est précisé à l'acte rectificatif que 'M. [L] déclare :
A) qu'il a été omis de comprendre à l'acte de bail d'habitation sus-énoncé du 15 décembre 2000 au paragraphe désignation une cave.
B) que cette cave, qui communique, actuellement avec la cave de la partie commerciale de l'immeuble, doit bien être comprise dans la partie habitation, sous réserve que des travaux de séparation soit effectués, selon plan ci-annexé, dès que la partie commerciale et la partie habitation seront occupées par des locataires différents, la disposition actuelle de la cave étant maintenue jusqu'à cette date.
Les travaux de séparation des deux caves seront pris en charge par M. [L], propriétaire bailleur.'
Le bail commercial renouvelé des 1er décembre 2010 et 16 mai 2011 désigne : 'une boutique à usage de crêperie et de snack-bar glacier, crêpes à emporter sise au rez-de-chaussée comprenant : entrée, une pièce aspectant l'[Adresse 3], et deux pièces en arrière, wc et toilette et cave A avec un droit de passage sur l'arrière du local commercial pour accéder à la cave et aux bouteilles de gaz pour leur changement'.
- Sur la cave B
Il est acquis que seule la cave A est visée dans le bail commercial et que M. [L] n'a pas fait effectuer les travaux de séparation qui étaient mentionnés dans l'acte rectificatif. Il résulte du plan annexé à cet acte rectificatif qu'en l'absence des travaux, l'accès à la cave A n'est possible, depuis les parties communes, qu'en traversant la cave B de sorte qu'il ne peut être reproché à la société EPG d'emprunter la cave B pour se rendre dans la cave A donnée à bail. Il ne peut être non plus opposé au preneur comme infraction au bail d'avoir installé un système d'alarme au niveau des escaliers pour sécuriser la cave A dans la mesure où il est impossible de sécuriser uniquement la cave A indépendamment de la cave B.
S'agissant de l'occupation de la cave B, la cour relève que le preneur reconnaît cette occupation et affirme que le bailleur a toujours toléré cette occupation en arguant que l'exploitation du restaurant ne serait pas possible sans cette occupation. La société EPG produit l'attestation de la précédente exploitante Mme [T] qui indique avoir toujours utilisé les réserves en sous-sol et celles de deux de ses anciennes employées, Mmes [R] et [W] qui indiquent avoir toujours eu accès à la cave. Or la cour relève que ces attestations ne sont pas précises et ne permettent pas d'affirmer que la cave B était effectivement utilisée contrairement à ce que soutient l'appelante. En tout état de cause, les premiers juges ont justement rappelé qu'à supposer que cette tolérance du bailleur ait effectivement existé, il est constant qu'elle ne crée pas de droits au profit du preneur commercial actuel. De plus, la société EPG ne démontre pas que l'exploitation du restaurant est impossible sans l'utilisation de la cave B comme réserve, le bailleur faisant justement remarquer le preneur dispose de deux pièces en arrière aux termes du bail qui pourraient remplir cet office de sorte qu'il ne peut être reproché au bailleur de manquer à son obligation de délivrance. Ainsi, il est établi que l'occupation de la cave B, qui ne figure pas dans l'assiette du bail de la société EPG, malgré une mise en demeure constitue une infraction au bail.
- Sur le passage à l'arrière du local
Il sera rappelé que le bail renouvelé prévoit un droit de passage sur l'arrière du local commercial pour accéder à la cave et aux bouteilles de gaz pour leur changement. Or il résulte du procès-verbal de constat du 20 août 2018 que sont notamment entreposés une armoire réfrigérée et un congélateur. La présence de ce matériel frigorifique a été, à nouveau, constatée par procès-verbal d'huissier dressé le 26 février 2019 soit plus d'un mois après la mise en demeure par sommation d'huissier d'y mettre fin adressée au preneur.
La cour relève que la société EPG n'a pas apporté d'explication sur la présence du matériel frigorifique à l'arrière du local dans ses écritures. Elle n'a conclu que sur la présence des poubelles qui n'est pas visée par le bailleur comme un des motifs de non renouvellement du bail.
Le détournement du droit de passage à l'arrière du local en l'utilisant comme espace de stockage pour du matériel frigorifique malgré une mise en demeure constitue également une infraction au bail.
- Sur le jardin
Il est acquis que le jardin ne figure pas dans l'assiette du bail commercial. Or il résulte du procès-verbal de constat du 20 août 2018 qu'un grillage entoure le jardin et empêche l'accès aux caves situées derrière l'escalier au rez-de-chaussée, que des tables et des chaises sont entreposées ainsi que des meubles de rangement, des casiers à bouteilles et des bouteilles.
Le fait que le grillage aurait été mis en place par un précédent locataire est sans incidence pour caractériser une infraction au bail dans la mesure où la société EPG n'a pas régularisé la situation dans le délai d'un mois qui lui avait été laissé dans le cadre de la mise en demeure tel que cela résulte des constatations du procès-verbal d'huissier dressé le 26 février 2019. La persistance du mobilier dans le jardin a été constatée par le même procès-verbal, ce qui constitue également une infraction au bail.
L'utilisation du jardin par le preneur, alors qu'il ne figure pas dans l'assiette du bail malgré une mise en demeure, constitue une autre infraction au bail.
Au vu de ces éléments, c'est à bon droit que les premiers juges ont considéré que cela causait une atteinte aux droits des tiers et à ceux du bailleur ainsi qu'à l'intérêt du bailleur de percevoir un loyer correspondant au bail concédé au preneur.
Ces trois violations contractuelles constituent un motif grave et légitime justifiant qu'il soit fait exception au principe de l'indemnité d'éviction due au preneur d'un local commercial en cas de refus de renouvellement.
Le jugement sera ainsi confirmé en ce qu'il a débouté la société EPG de sa demande d'indemnité d'éviction, en ce qu'il a fixé une indemnité d'occupation correspondant au montant du loyer du bail, charges comprises outre indexation à compter du 22 février 2019 et en ce qu'il a ordonné son expulsion sous astreinte de 500 euros par jour de retard pendant trois mois, ces demandes n'étant pas discutées par les parties.
M. [L] ayant sollicité la confirmation du jugement à titre principal et la cour ayant confirmé la décision en toutes ses dispositions, il n'y a pas lieu d'examiner ses demandes présentées à titre subsidiaire.
- Sur les frais irrépétibles et les dépens
Succombant en son appel, la société EPG sera condamnée à verser la somme de 3 000 euros à M. [L] au titre des frais irrépétibles en cause d'appel et aux entiers dépens qui seront recouvrés conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile. Les dispositions du jugement entrepris relatives aux frais irrépétibles et aux dépens seront confirmées.
PAR CES MOTIFS
La cour, statuant publiquement, par arrêt contradictoire et par mise à disposition au greffe,
Confirme le jugement en toutes ses dispositions ;
Y ajoutant,
Déboute la société EPG de toutes ses demandes, fins et conclusions ;
Condamne la société EPG à verser à M. [C] [L] la somme de
3 000 euros au titre des frais irrépétibles en cause d'appel ;
Condamne la société EPG aux entiers dépens qui seront recouvrés conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.