CA Paris, Pôle 5 - ch. 6, 19 février 2025, n° 23/01210
PARIS
Arrêt
Autre
RÉPUBLIQUE FRAN'AISE
AU NOM DU PEUPLE FRAN'AIS
COUR D'APPEL DE PARIS
Pôle 5 - Chambre 6
ARRÊT DU 19 FEVRIER 2025
(n° , 11 pages)
Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 23/01210 - N° Portalis 35L7-V-B7H-CG6OS
Décision déférée à la Cour : Jugement du 06 Décembre 2022 - tribunal de commerce de Bobigny 7ème chambre - RG n° 2021F02001
APPELANTE
LE CREDIT LYONNAIS ayant son siège central [Adresse 3]
[Adresse 2]
[Localité 5]
N° SIREN : 954 509 741
agissant poursuites et diligences de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège
Représentée par Me Magali TARDIEU-CONFAVREUX de l'AARPI TARDIEU GALTIER LAURENT DARMON associés, avocat au barreau de Paris, toque : R010
Ayant pour avocat plaidant Me Matthieu CLODOMIR de L'AARPI TARDIEU GALTIER LAURENT DARMON associés, avocat au barreau de Paris
INTIMÉE
Madame [P] [B]
née le [Date naissance 1] 1978 à [Localité 7]
[Adresse 4]
[Localité 6]
Représentée par Me François TEYTAUD de l'AARPI TEYTAUD-SALEH, avocat au barreau de Paris, toque : J125
Ayant pour avocat plaidant Me Charlotte BELLET de la SCP BOURGEON GUILLIN BELLET & ASSOCIES, avocat au barreau de Paris, toque : P0166
COMPOSITION DE LA COUR :
L'affaire a été débattue le 17 Décembre 2024, en audience publique, devant la Cour composée de :
M. Marc BAILLY, président de chambre
M. Vincent BRAUD, président de chambre
Mme Pascale SAPPEY-GUESDON, Conseillère
qui en ont délibéré, un rapport a été présenté à l'audience par Mme Pascale SAPPEY-GUESDON dans les conditions prévues par l'article 804 du code de procédure civile.
Greffier, lors des débats : Mme Mélanie THOMAS
ARRÊT :
- contradictoire
- par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.
- signé par Marc BAILLY, président de chambre et par Mélanie THOMAS, greffier, présent lors de la mise à disposition.
* * * * *
PROCEDURE ET PRETENTIONS DES PARTIES
Par déclaration reçue au greffe de la cour le 4 janvier 2023 la société Le Crédit Lyonnais a interjeté appel du jugement en date du 6 décembre 2022 par lequel le tribunal de commerce de Bobigny saisi par voie d'assignation en date du 22 octobre 2021 délivrée à sa requête à Mme [P] [B], ne faisant que partiellement droit à ses demandes a statué ainsi :
'Reçoit la SA CRÉDIT LYONNAIS en sa demande ;
Condamne Mme [P] [B], ès qualités de caution personnelle et solidaire, à payer à la SA CRÉDIT LYONNAIS la somme de 27 493,65 euros, majorée des intérêts au taux conventionnel de 2,90 % majoré de 3 points à compter du 20 juillet 2021 et jusqu'à parfait paiement ;
Condamne Mme [P] [B], ès qualités de caution personnelle et solidaire, à payer à la SA CRÉDIT LYONNAIS la somme de 27 039,02 euros, majorée des intérêts au taux conventionnel de 2,57 % majoré de 3 points à compter du 20 juillet 2021 et jusqu'à parfait paiement ;
Déboute la SA CRÉDIT LYONNAIS en sa demande de paiement de 69 000 euros au titre de l'acte de caution du 11 octobre 2017 ;
Déboute Mme [P] [B], ès qualités de caution personnelle et solidaire, en toutes ses autres demandes, fins et conclusions ;
Déboute la SA CRÉDIT LYONNAIS en sa demande de capitalisation des intérêts ;
Condamne Mme [P] [B], ès qualités de caution personnelle et solidaire, à payer à la SA CRÉDIT LYONNAIS la somme de 2 000 euros au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile et déboute la SA CRÉDIT LYONNAIS du surplus de sa demande à ce titre ;
Dit que l'exécution provisoire est de droit ;
Condamne Mme [P] [B] aux dépens ;
Liquide les dépens à recouvrer par le Greffe à la somme de 70,91 euros TTC (dont 11,82 euros de TVA).'
***
À l'issue de la procédure d'appel clôturée le 29 octobre 2024 les prétentions des parties s'exposent de la manière suivante.
Au dispositif de ses dernières conclusions, communiquées par voie électronique le 4 septembre 2023, l'appelant
présente, en ces termes, ses demandes à la cour :
'Vu l'ancien article L. 332-1 du code de la consommation,
Vu l'ancien article 2288 du Code civil,
Vu l'article 1103 du Code civil,
Il est demandé à la Cour de :
- INFIRMER le jugement rendu le 6 décembre 2022 par le tribunal de commerce de BOBIGNY en ce qu'il a débouté la SA CREDIT LYONNAIS en sa demande de paiement de 69 000 euros au titre de l'acte de caution du 11 octobre 2017
- DEBOUTER Mme [P] [B] de l'intégralité de ses demandes ;
Et Statuant à nouveau :
- CONDAMNER Mme [P] [B], en qualité de caution personnelle et solidaire, à payer au CREDIT LYONNAIS la somme de 69.000,00 € ;
- CONFIRMER le jugement rendu le 6 décembre 2022 par le tribunal de commerce de BOBIGNY pour le surplus ;
- CONDAMNER Mme [P] [B] au paiement de la somme de 5.000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;
- CONDAMNER Mme [P] [B] au paiement de l'intégralité des dépens.'
Au dispositif de ses dernières conclusions, communiquées par voie électronique le 22 octobre 2024, l'intimé
présente, en ces termes, ses demandes à la cour :
'Vu les articles L. 332-1 et L. 343-4 du Code de la consommation, dans leur rédaction applicable à la cause,
Vu les articles 1004, 1217, 1231-1 et 1231-2 du Code civil,
Vu l'article 514-1 du Code de procédure civile,
Vu l'article 700 du Code de procédure civile,
Vu les pièces versées aux débats,
IL EST DEMANDE A LA COUR DE :
Confirmer le jugement entrepris en ce qu'il a débouté le CREDIT LYONNAIS de sa demande de paiement de 69.000 euros au titre de l'acte de caution du 11 octobre 2017, et de sa demande de capitalisation des intérêts,
L'infirmer pour le surplus, et notamment en ce qu'il a :
- Condamné Madame [P] [B], ès-qualités de caution personnelle et solidaire, à payer au CREDIT LYONNAIS la somme de 27.493,65 euros, majorée des intérêts au taux conventionnel de 2,90 % majoré de 3 points à compter du 20 juillet 2021 et jusqu'à parfait paiement,
- Condamné Madame [P] [B], ès-qualités de caution personnelle et solidaire, à payer au CREDIT LYONNAIS la somme de 27.039,02 euros, majorée des intérêts au taux conventionnel de 2,57 % majoré de 3 points à compter du 20 juillet 2021 et jusqu'à parfait paiement,
- Débouté Madame [P] [B], en sa qualité de caution personnelle et solidaire, de toutes ses autres demandes, fins et conclusions,
- Condamné Madame [P] [B], ès-qualités de caution personnelle et solidaire, à payer au CREDIT LYONNAIS la somme de 2.000 euros au titre des dispositions de l'article 700 du Code de procédure civile,
- Condamné Madame [P] [B] aux dépens,
- Dit que l'exécution provisoire est de droit, ce sans répondre à la demande expresse de Madame [B] tendant à écarter l'exécution provisoire de droit sur le fondement de l'article 514-1 du Code de procédure civile.
Et, statuant à nouveau :
A titre principal :
Juger que les cautionnements d'un montant de 61.500 euros, 47.000 euros et 69.000 euros consentis au CREDIT LYONNAIS par Madame [B] en 2013, 2014 et 2017 étaient manifestement disproportionnés à ses biens et revenus et que Madame [B] ne dispose pas des biens et revenus suffisants pour faire face aujourd'hui à l'appel des garanties par la Banque,
En conséquence,
Prononcer la décharge de l'engagement de caution consenti par Madame [B] le 18 juillet 2013 à hauteur de 61.500 euros, de l'engagement de caution auquel elle a consenti le 7 juillet 2014 à hauteur de 47.000 euros et de l'engagement de caution auquel elle a consenti le 11 octobre 2017 à hauteur de 69.000 euros, sur le fondement des articles L. 332-1 et L. 343-4 du Code de la consommation,
Débouter le CREDIT LYONNAIS de l'ensemble des demandes qu'il forme sur le fondement de ces actes de cautionnement,
A titre subsidiaire :
Condamner le CREDIT LYONNAIS à verser à Madame [B] des dommages-intérêts d'un montant équivalent aux sommes qu'il lui réclame au titre du cautionnement de 69.000 euros consenti le 11 juillet 2017, ce en capital, intérêts, frais, accessoires et pénalités,
Ordonner la compensation entre ces dommages-intérêts et les sommes réclamées par la Banque.
En tout état de cause :
Condamner le CREDIT LYONNAIS à verser à Madame [B] la somme de 15.000 euros de dommages-intérêts,
Débouter le CREDIT LYONNAIS de l'ensemble de ses demandes, fins, moyens et conclusions,
Condamner le CREDIT LYONNAIS à payer à Madame [B] la somme de 10.000 euros au titre des dispositions de l'article 700 du Code de procédure civile,
Condamner le CREDIT LYONNAIS aux entiers dépens.'
Par application des dispositions de l'article 455 du code de procédure civile, il est renvoyé, pour un plus ample exposé des prétentions et moyens des parties, à leurs conclusions précitées.
MOTIFS DE LA DECISION
La société Le Crédit Lyonnais a accordé trois prêts à des sociétés dirigées par Mme [P] [B], pour lesquelles elle s'est portée caution personnelle et solidaire :
1) Selon acte sous seing privé du 18 juillet 2013, un prêt d'un montant de 123 000 euros, consenti à la société L'Univers des Saveurs, destiné à financer des travaux d'aménagement du local accueillant son activité, et au titre duquel Mme [B] s'est portée caution personnelle et solidaire de la société, à hauteur de la somme de 61 500 euros ;
2) Selon acte sous seing privé du 7 juillet 2014, un prêt d'un montant de 94 000 euros, consenti à la société Les 10 Vins, afin de financer son activité, et au titre duquel Mme [B] s'est portée caution personnelle et solidaire de la société, à hauteur de la somme de 47 000 euros ;
3) Selon acte sous seing privé du 11 octobre 2017, un prêt d'un montant de 60 000 euros consenti à la société L'Univers des Saveurs, destiné à financer les travaux d'aménagement de deux établissements secondaires, et au titre duquel Mme [B] s'est portée caution personnelle et solidaire de la société, à hauteur de la somme de 69 000 euros.
Le tribunal de commerce d'Evry a prononcé l'ouverture de la liquidation judiciaire de la société Les 10 Vins, par jugement du 15 janvier 2018 (cessation des paiements anticipée au 23 novembre 2017) puis par jugement du 30 avril 2018, celle de la seconde société de Mme [B], l'Univers des Saveurs (cessation des paiements anticipée au 16 avril 2018).
Ces procédures, qui ont donné lieu à l'établissement d'un certificat d'irrecouvrabilté du 28 octobre 2019 (société L'Univers des Saveurs) et du 24 septembre 2020 (société Les 10 Vins), seront toutes deux clôturées pour insuffisance d'actif, par jugements des 8 janvier 2021 et 26 juin 2020.
La société Le Crédit Lyonnais a déclaré ses créances entre les mains du liquidateur judiciaire :
- le 12 février 2018, pour un montant de 50 565,82 euros au titre du prêt d'un montant initial de 94 000 euros (société Les 10 Vins), pièce 9 ;
- le 4 juillet 2018 (société L'Univers des Saveurs) pour un montant de 46 578,57 euros au titre du prêt d'un montant initial de 123 000 euros, pièce 8, et pour un montant de 63 126,77 euros au titre du prêt d'un montant initial de 60 000 euros (société L'Univers des Saveurs), pièce 10.
Par courriers recommandés avec accusés de réception en date du 13 février 2018 et du 5 juillet 2018 - soit dans les semaines suivant la liquidation judiciaire de l'une puis de l'autre sociétés - la banque a mis Mme [B] en demeure de lui régler en sa qualité de caution les sommes de 25 282,91 euros (société Les 10 Vins), 23 289,28 euros et 60 000 euros (société L'Univers des Saveurs). La société Le Crédit Lyonnais indique que ces mises en demeure sont restées sans réponse, ce que Mme [B] conteste. Elle dit en effet avoir soumis à la banque un compromis, par lequel elle proposait de régler la somme de 46 578,57 euros correspondant à la totalité des fonds qui lui étaient encore disponibles afin de solder la quasi-totalité du montant des deux premiers engagements de caution, le dernier étant disproportionné.
Selon acte de commissaire de justice d'huissier du 9 septembre 2021, la société Le Crédit Lyonnais a fait assigner Mme [B] en paiement de ses trois engagements de caution devant le tribunal de commerce de Bobigny. Mme [B] pour s'opposer à la demande a argué de leur disproportion manifeste eu égard à ses revenus et son patrimoine.
Sur la disproportion
En droit (selon les dispositions de l'article L. 341-4 devenu L. 332-1 du code de la consommation) un créancier professionnel ne peut se prévaloir d'un contrat de cautionnement conclu par une personne physique dont l'engagement était lors de sa conclusion manifestement disproportionné à ses biens et revenus, à moins que le patrimoine de cette caution au moment où celle-ci est appelée ne lui permette de faire face à son obligation.
A) La proportionnalité du cautionnement s'appréciera donc en l'espèce :
' Au 18 juillet 2013, jour de l'engagement de caution solidaire pris par Mme [P] [B] en garantie du prêt d'un montant de 123 000 euros consenti le même jour par la société Le Crédit Lyonnais à la société L'Univers des Saveurs en vue de financer des travaux d'aménagement d'un local commercial. Ce cautionnement a été donné dans la limite de la somme de 61 500 euros couvrant le paiement du principal, des intérêts et le cas échéant des pénalités ou intérêts de retard, et pour la durée de 108 mois. Mme [B] a renoncé au bénéfice de discussion. Son conjoint a déclaré donner son consentement exprès au cautionnement souscrit par son épouse ;
' Puis, considération faite du premier engagement, au 7 juillet 2014 jour de l'engagement de caution solidaire pris par Mme [P] [B] en garantie du prêt d'un montant de 94 000 euros consenti le même jour par la société Le Crédit Lyonnais à la société Les 10 Vins en vue de financer la création d'un magasin sous franchise Cavavin. Ce cautionnement a été donné dans la limite de la somme de 47 000 euros couvrant le paiement du principal, des intérêts et le cas échéant des pénalités ou intérêts de retard, et pour la durée de 108 mois. Mme [B] a renoncé au bénéfice de discussion. Son conjoint a déclaré donner son consentement exprès au cautionnement souscrit par son épouse ;
' Enfin, au 11 octobre 2017 jour de l'engagement de caution solidaire pris par Mme [P] [B] en garantie du prêt d'un montant de 60 000 euros consenti le même jour par la société Le Crédit Lyonnais à la société L'Univers des Saveurs en vue de financer la création de deux établissements secondaires. Ce cautionnement a été donné dans la limite de la somme de 69 000 euros couvrant le paiement du principal, des intérêts et le cas échéant des pénalités ou intérêts de retard, et pour la durée de 108 mois. Mme [B] a renoncé au bénéfice de discussion.
La preuve de la disproportion et de son caractère manifeste incombe alors à la caution, et non pas à la banque.
À ces fins probatoires Mme [B] produit comme éléments contemporains de la signature de ses engagements :
- trois 'prêts d'honneur' [du 2 août 2013 d'un montant de 15 000 euros et d'une durée de 60 mois remboursable par mensualités de 250 euros ; du 28 août 2013 d'un montant de 10 000 euros remboursable par mensualités de 250 euros ; du 21 août 2014 d'un montant de 15 000 euros remboursable par mensualités de 250 euros] - pièces 1,2, 3 ;
- le contrat de prêt immobilier du 7 septembre 2005 d'un montant de 236 500 euros ayant servi à financer l'acquisition de la résidence du couple (au prix de 296 300 euros - pièce 10 ;
- ses avis d'impôt des années 2012 (sur les revenus de 2011) à 2018 (sur les revenus de 2017), notamment - pièce 11 - et une attestation de Pôle Emploi (période du 1er août 2013 au 1er août 2015) - pièce 19 ;
- un borderau de la Caisse d'épargne et de prévoyance du 26 mai 2017 attestant du remboursement anticipé du prêt immobilier pour un montant de 170 384 euros - pièce 12 ;
- les statuts de la société unipersonnelle GLHF au 18 septembre 2018 - pièce 20.
Sur le premier cautionnement, du 18 juillet 2013
De son côté la société Le Crédit Lyonnais verse aux débats, en pièce 23, un document intitulé 'Renseignements confidentiels à fournir par une caution', daté du 6 juillet 2013, contemporain de l'engagement de caution présentement querellé, rempli et signé par Mme [B] qui a certifié l'exactitude des renseignements qu'il contient. Il ressort de cette fiche patrimoniale que Mme [B] a déclaré (pages 1/3 et 3/3, la page 2/3 étant manquante) :
- Être mariée, sous le régime de la 'communauté de bien', sans enfant ;
- Être propriétaire de son logement à savoir un pavillon d'une valeur vénale de 330 000 euros, restant dû au titre du prêt contracté pour son financement la somme de 190 000 euros soit une valeur nette de 140 000 euros ;
- Être en situation de congé de reclassement et percevoir des indemnités Pôle Emploi depuis mai 2013.
Complémentairement, il résulte des énonciations du jugement non spécifiquement contestées sur ce point, comme résultant de la fiche de renseignements, que Mme [B] disposait d'un revenu disponible de 13 640 euros, d'une épargne disponible de 50 100 euros, et d'un PEE d'une valeur de 20 000 euros.
Il est de principe que la banque est en droit de se fier aux éléments ainsi recueillis sans être tenue de faire de vérification complémentaire dès lors que, comme au cas présent, la fiche de renseignements patrimoniale ne révèle en soi aucune anomalie ou incohérence, et en ce cas la caution déclarante n'est pas fondée à se prévaloir de revenus ou de charges qui seraient d'une autre réalité.
Contrairement à ce que soutient Mme [B], la proportionnalité de son engagement de caution s'apprécie eu égard à son patrimoine commun, dans la mesure où elle est mariée sous le régime légal de la communauté réduite aux acquêts et qu'elle ne soutient pas que le pavillon mentionné dans la fiche patrimoniale serait un bien propre, et ce d'autant plus que son conjoint a consenti à son cautionnement ; c'est donc bien la valeur de 140 000 euros qu'il s'agit de prendre en considération pour évaluer le patrimoine immobilier de Mme [B].
Au vu de ces éléments connus de la banque il apparaît que l'engagement de caution de Mme [B] donné à hauteur de la somme de 61 500 euros n'était pas manifestement disproportionné au moment de sa signature au regard du patrimoine immobilier de la caution d'une valeur nette de 140 000 euros en soi suffisante à lui permettre d'y faire face.
Le jugement déféré est confirmé en ce qu'écartant le moyen tiré de la disproportion manifeste le tribunal est entré en voie de condamnation à l'encontre de Mme [B] au titre du cautionnement du 18 juillet 2013.
Sur le deuxième cautionnement, du 7 juillet 2014
La société Le Crédit Lyonnais verse aux débats, en pièce 24, un document intitulé 'Renseignements confidentiels à fournir par une caution', daté du 18 mai 2014, contemporain de l'engagement de caution présentement querellé, rempli et signé par Mme [B] qui a certifié l'exactitude des renseignements qu'il contient. Il ressort de cette fiche patrimoniale que Mme [B] a déclaré (pages 1/3 et 3/3, la page 2/3 étant manquante) :
- Être mariée, sous le régime de la communauté légale, sans enfant ;
- Être propriétaire de son logement à savoir un pavillon d'une valeur vénale de 330 000 euros restant dû au titre du prêt contracté pour son financement la somme de 181 000 euros soit une valeur nette de 149 000 euros ;
- Être gérante de la société l'Univers des saveurs depuis un an.
Complémentairement, il résulte des énonciations du jugement non spécifiquement contestées sur ce point, comme résultant de la fiche de renseignements, que Mme [B] disposait à cette date d'un patrimoine immobilier d'une valeur nette de 149 000 euros, d'un revenu disponible d'un montant de 7 000 euros, d'un portefeuille-titres d'une valeur de 5 000 euros.
Comme rappelé par le tribunal à ce stade de son raisonnement, et contrairement à ce qu'affirme Mme [B], les parts sociales et la créance inscrite en compte courant d'associé dont est titulaire la caution au sein de la société cautionnée font partie du patrimoine devant être pris en considération pour l'appréciatíon de ses biens et revenus à la date de la souscription de son engagement. La valeur nominale des parts sociales détenues par Mme [B], associée unique des deux sociétés, et non contestée quant à la méthode de calcul retenue par la banque, s'élève à un montant de 49 000 euros (39 000 euros pour la société L'Univers des Saveurs et 10 000 euros pour la société Les 10 Vins).
Il y a lieu de prendre en compte, au rang de l'endettement de la caution, l'engagement précédent contracté le 18 juillet 2013 à hauteur de 61 500 euros et consenti au profit de la même banque. Ainsi, avec la signature de ce nouvel engagement de caution l'endettement de Mme [B] a été porté à 108 500 euros (61 500 + 47 000 euros).
Néanmoins, au vu des éléments connus de la banque il apparaît que l'engagement de caution de Mme [B] donné à hauteur de la somme de 47 000 euros n'était pas manifestement disproportionné au moment de sa signature au regard du patrimoine immobilier de la caution d'une valeur nette de 149 000 euros en soi suffisante à lui permettre d'y faire face.
Le jugement déféré est donc confirmé en ce qu'écartant le moyen tiré de la disproportion manifeste le tribunal est entré en voie de condamnation à l'encontre de Mme [B] au titre du cautionnement du 7 juillet 2014.
Sur le troisième cautionnement, du 11 octobre 2017
La société Le Crédit Lyonnais verse aux débats, en pièce 17, un document intitulé 'Renseignements confidentiels à fournir par une caution', sur deux pages (dûment reproduites) daté du 28 juin 2017, rempli et signé par Mme [B] qui a certifié l'exactitude des renseignements qu'il contient. Il ressort de cette fiche patrimoniale que Mme [B] a déclaré :
- Être célibataire, sans enfant ;
- Être gérante de la société L'Univers des Saveurs depuis juillet 2013, percevoir à ce titre 17 374 euros de salaires annuels ; ne toucher aucuns revenus fonciers ou locatifs ni dividendes ;
- Supporter des charges annuelles de 7 200 euros, n'avoir aucun prêt en cours ni IRPP d'où un ratio charges/revenus de 41% ;
- Ne pas détenir de valeurs mobilières ;
- Disposer d'une épargne globale de 130 000 euros ;
- Ne pas posséder de patrimoine immobilier ;
- Ne pas être engagée par des cautionnements ou autres garanties antérieures.
Comme précemment indiqué, sur ce dernier point il y a lieu de prendre en compte, au rang de l'endettement des cautions, les engagements précédents contractés le 18 juillet 2013 puis le 7 juillet 2014 pour un montant total de 108 500 euros, pour avoir été consentis au profit de la même banque, et quand bien même Mme [B] a omis de les mentionner dans la fiche patrimoniale qu'elle a remplie le 28 juin 2017. Ainsi, avec la signature de ce nouvel engagement de caution l'endettement de Mme [B] a donc été porté à 177 500 euros.
Il est à noter que Mme [B] à cette date n'est plus propriétaire de la maison qui constituait un bien commun avec son mari, vendue au prix de 328 000 euros selon acte publié le 9 juin 2017. Mme [B] en justifie d'ailleurs en versant au débat un borderau de la Caisse d'épargne et de prévoyance Ile-de-France du 26 mai 2017 attestant du remboursement anticipé du prêt immobilier afférent, pour un montant de 170 384 euros - pièce 12. Il s'en déduit que la valeur nette du bien immobilier des ex-époux, quelques semaines avant le cautionnement souscrit le 11 octobre 2017 était de : 328 000 euros (prix de vente de la maison) moins 170 384 euros (montant du remboursement anticipé du prêt) soit : 157 616 euros, Mme [B] à présent divorcée étant réputée avoir des droits à hauteur de la moitié de cette somme, soit 78 808 euros. Il apparaît que l'épargne qu'elle a déclaré dans la fiche patrimoniale détenir pour un montant global de 130 000 euros inclut la somme perçue en suite de la liquidation des intérêts matrimonaiux des époux, environ trois mois auparavant.
De principe, il y a lieu de prendre en compte la valeur des parts sociales détenues par la caution qu'il s'agisse de la société cautionnée ou de tout autre. C'est en application de ce principe que le tribunal a évoqué les participations de Mme [B] au capital social des sociétés L'Univers des Saveurs et Les 10 Vins, pour un total de 49 000 euros, outre sa participation comme associée unique de l'Eurl GLHF créée le 21 juillet 2015 (fait non contesté par Mme [B], qui produit des statuts à jour au 18 septembre 2018) et dont le capital social en 2017 s'élèvait, selon le tribunal, à la somme de 70 000 euros. Aussi, il sera fait observer que selon la Cour de cassation l'apport en compte courant est un élément du patrimoine de l'associé à prendre en compte dans l'appréciation de la proportionnalité.
Cependant, il doit être souligné que Mme [B] ne détient pas directement le capital social de cette société, qui a été constitué d'un apport des parts sociales des sociétés L'Univers des Saveurs et Les 10 Vins. Par ailleurs, la valeur d'une société s'apprécie au regard de ses actifs mais aussi de son endettement, et à cet égard il y a lieu de souligner que les sociétés L'Univers des Saveurs et Les 10 Vins détentrices des parts sociales de la société GLHF ont toutes deux été placées en liquidation judiciaire par le tribunal de commerce d'Evry très peu de temps après la signature de ce cautionnement du 11 octobre 2017 : liquidation judiciaire de la société Les 10 Vins par jugement du 15 janvier 2018 (avec une cessation des paiements anticipée au 23 novembre 2017) puis liquidation judiciaire de la société l'Univers des Saveurs par jugement du 30 avril 2018 (avec une cessation des paiements anticipée au 16 avril 2018).
Il résulte de l'ensemble de ces éléments - Mme [B] n'avait guère que son épargne de 130 000 euros pour face à ses engagements, la valeur de ses avoirs sociaux s'étant nécessaiement dépréciée pour sa majeure partie - que la disproportion manifeste de l'engagement de caution du 11 octobre 2017 est caractérisée, et que le jugement déféré doit être confirmé en ce qu'il en a déchargé Mme [B].
B) Néanmoins, l'article L. 341-4 du code de la consommation exclut de décharger la caution dans la mesure où le patrimoine de la caution au moment où celle-ci est appelée lui permet de faire face à ses obligations.
L'assignation étant en date du 9 septembre 2021 c'est à ce jour qu'il y a lieu de se placer pour se livrer à cette appréciation, et il convient de rappeler que la somme alors réclamée à Mme [B], hors intérêts, était de 123 532,67 euros (27 493,65 + 27 039,02 + 69 000).
C'est alors au prêteur qu'il revient de faire la démonstration de ce que la caution est présentement en capacité de faire face à son obligation en s'acquittant de la dite somme.
En l'espèce, la banque fait valoir que Mme [B] avait retrouvé un emploi en juillet 2018 dans le domaine du courtage en assurances, qui a pris fin en septembre 2021 ; un salaire lui a donc été versé pendant toute cette période, comme le démontre son avis d'imposition sur le revenu de l'année 2020 qui fait état d'un revenu net de 49 082 euros. Il faut également prendre en compte le montant de la cession de sa résidence principale qui s'élevait à 328 000 euros. En conséquence, le patrimoine et les revenus de Mme [B] au jour de la demande en paiement des trois cautionnements s'élevait à : 49 082 + 328 000 = 377 082 euros, montant bien supérieur à la somme des demandes formulées par la banque dans son assignation, de sorte que le cautionnement du 11 octobre 2017 doit être jugé proportionné à ses biens et revenus au jour de l'appel en paiement fusse t'il jugé disproportionné à la date à laquelle il a été consenti.
Ce faisant, la société Le Crédit Lyonnais se référe, uniquement, à des éléments qui n'étaient pas d'actualité au 9 septembre 2021 (si ce n'est l'existence d'un salaire ce mois-ci) : la vente de la maison est intervenue trois ans plus tôt, et au surplus, Mme [B] a effectivement perçue, s'agissant de la vente d'un bien commun financé par un emprunt en cours qui a été remboursé par anticipation.
En définitive, la banque ne rapporte donc pas la preuve de ce que la caution était au 9 septembre 2021 en capacité de faire face à son obligation en s'acquittant de la somme de 123 532,67 euros.
Sur la responsabilité de la banque
Il est de principe que la banque est tenue d'un devoir de mise en garde à l'égard d'une caution non avertie, lorsqu'au jour de son engagement, celui-ci n'est pas adapté aux capacités financières de la caution ou s'il existe un risque d'endettement né de l'octroi du concours garanti, lequel résulte de l'inadéquation de ce concours aux capacités financières de l'emprunteur.
Il n'est argué d'un manquement de la banque à son devoir de mise en garde que pour le troisième cautionnement, souscrit le 11 octobre 2017 à hauteur de 69 000 euros, au titre duquel aucune condamnation n'est prononcée à l'encontre de Mme [B]. Dès lors, en l'absence de préjudice, elle ne peut qu'être déboutée de sa demande indemnitaire. Le jugement déféré est confirmé de ce chef.
*****
Sur les dépens et les frais irrépétibles
La société Le Crédit Lyonnais, qui échoue dans ses demandes, supportera la charge des dépens d'appel et ne peut prétendre à aucune somme sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile. En revanche pour des raisons tenant à l'équité il y a lieu de faire droit à la demande de Mme [B] formulée sur ce même fondement, au titre des frais irrépétibles exposés par elle àhauteur d'appel, mais uniquement dans la limite de la somme de 2 500 euros.
PAR CES MOTIFS
La cour, statuant dans les limites de l'appel,
CONFIRME le jugement déféré en toutes ses dispositions ;
Et y ajoutant
CONDAMNE la société Le Crédit Lyonnais à payer à Mme [P] [B] la somme de 2 500 euros en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile à raison des frais irrépétibles exposés en cause d'appel ;
DÉBOUTE la société Le Crédit Lyonnais de sa propre demande formulée sur ce même fondement ;
CONDAMNE la société Le Crédit Lyonnais aux entiers dépens d'appel.
* * * * *
LE GREFFIER LE PRÉSIDENT
AU NOM DU PEUPLE FRAN'AIS
COUR D'APPEL DE PARIS
Pôle 5 - Chambre 6
ARRÊT DU 19 FEVRIER 2025
(n° , 11 pages)
Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 23/01210 - N° Portalis 35L7-V-B7H-CG6OS
Décision déférée à la Cour : Jugement du 06 Décembre 2022 - tribunal de commerce de Bobigny 7ème chambre - RG n° 2021F02001
APPELANTE
LE CREDIT LYONNAIS ayant son siège central [Adresse 3]
[Adresse 2]
[Localité 5]
N° SIREN : 954 509 741
agissant poursuites et diligences de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège
Représentée par Me Magali TARDIEU-CONFAVREUX de l'AARPI TARDIEU GALTIER LAURENT DARMON associés, avocat au barreau de Paris, toque : R010
Ayant pour avocat plaidant Me Matthieu CLODOMIR de L'AARPI TARDIEU GALTIER LAURENT DARMON associés, avocat au barreau de Paris
INTIMÉE
Madame [P] [B]
née le [Date naissance 1] 1978 à [Localité 7]
[Adresse 4]
[Localité 6]
Représentée par Me François TEYTAUD de l'AARPI TEYTAUD-SALEH, avocat au barreau de Paris, toque : J125
Ayant pour avocat plaidant Me Charlotte BELLET de la SCP BOURGEON GUILLIN BELLET & ASSOCIES, avocat au barreau de Paris, toque : P0166
COMPOSITION DE LA COUR :
L'affaire a été débattue le 17 Décembre 2024, en audience publique, devant la Cour composée de :
M. Marc BAILLY, président de chambre
M. Vincent BRAUD, président de chambre
Mme Pascale SAPPEY-GUESDON, Conseillère
qui en ont délibéré, un rapport a été présenté à l'audience par Mme Pascale SAPPEY-GUESDON dans les conditions prévues par l'article 804 du code de procédure civile.
Greffier, lors des débats : Mme Mélanie THOMAS
ARRÊT :
- contradictoire
- par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.
- signé par Marc BAILLY, président de chambre et par Mélanie THOMAS, greffier, présent lors de la mise à disposition.
* * * * *
PROCEDURE ET PRETENTIONS DES PARTIES
Par déclaration reçue au greffe de la cour le 4 janvier 2023 la société Le Crédit Lyonnais a interjeté appel du jugement en date du 6 décembre 2022 par lequel le tribunal de commerce de Bobigny saisi par voie d'assignation en date du 22 octobre 2021 délivrée à sa requête à Mme [P] [B], ne faisant que partiellement droit à ses demandes a statué ainsi :
'Reçoit la SA CRÉDIT LYONNAIS en sa demande ;
Condamne Mme [P] [B], ès qualités de caution personnelle et solidaire, à payer à la SA CRÉDIT LYONNAIS la somme de 27 493,65 euros, majorée des intérêts au taux conventionnel de 2,90 % majoré de 3 points à compter du 20 juillet 2021 et jusqu'à parfait paiement ;
Condamne Mme [P] [B], ès qualités de caution personnelle et solidaire, à payer à la SA CRÉDIT LYONNAIS la somme de 27 039,02 euros, majorée des intérêts au taux conventionnel de 2,57 % majoré de 3 points à compter du 20 juillet 2021 et jusqu'à parfait paiement ;
Déboute la SA CRÉDIT LYONNAIS en sa demande de paiement de 69 000 euros au titre de l'acte de caution du 11 octobre 2017 ;
Déboute Mme [P] [B], ès qualités de caution personnelle et solidaire, en toutes ses autres demandes, fins et conclusions ;
Déboute la SA CRÉDIT LYONNAIS en sa demande de capitalisation des intérêts ;
Condamne Mme [P] [B], ès qualités de caution personnelle et solidaire, à payer à la SA CRÉDIT LYONNAIS la somme de 2 000 euros au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile et déboute la SA CRÉDIT LYONNAIS du surplus de sa demande à ce titre ;
Dit que l'exécution provisoire est de droit ;
Condamne Mme [P] [B] aux dépens ;
Liquide les dépens à recouvrer par le Greffe à la somme de 70,91 euros TTC (dont 11,82 euros de TVA).'
***
À l'issue de la procédure d'appel clôturée le 29 octobre 2024 les prétentions des parties s'exposent de la manière suivante.
Au dispositif de ses dernières conclusions, communiquées par voie électronique le 4 septembre 2023, l'appelant
présente, en ces termes, ses demandes à la cour :
'Vu l'ancien article L. 332-1 du code de la consommation,
Vu l'ancien article 2288 du Code civil,
Vu l'article 1103 du Code civil,
Il est demandé à la Cour de :
- INFIRMER le jugement rendu le 6 décembre 2022 par le tribunal de commerce de BOBIGNY en ce qu'il a débouté la SA CREDIT LYONNAIS en sa demande de paiement de 69 000 euros au titre de l'acte de caution du 11 octobre 2017
- DEBOUTER Mme [P] [B] de l'intégralité de ses demandes ;
Et Statuant à nouveau :
- CONDAMNER Mme [P] [B], en qualité de caution personnelle et solidaire, à payer au CREDIT LYONNAIS la somme de 69.000,00 € ;
- CONFIRMER le jugement rendu le 6 décembre 2022 par le tribunal de commerce de BOBIGNY pour le surplus ;
- CONDAMNER Mme [P] [B] au paiement de la somme de 5.000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;
- CONDAMNER Mme [P] [B] au paiement de l'intégralité des dépens.'
Au dispositif de ses dernières conclusions, communiquées par voie électronique le 22 octobre 2024, l'intimé
présente, en ces termes, ses demandes à la cour :
'Vu les articles L. 332-1 et L. 343-4 du Code de la consommation, dans leur rédaction applicable à la cause,
Vu les articles 1004, 1217, 1231-1 et 1231-2 du Code civil,
Vu l'article 514-1 du Code de procédure civile,
Vu l'article 700 du Code de procédure civile,
Vu les pièces versées aux débats,
IL EST DEMANDE A LA COUR DE :
Confirmer le jugement entrepris en ce qu'il a débouté le CREDIT LYONNAIS de sa demande de paiement de 69.000 euros au titre de l'acte de caution du 11 octobre 2017, et de sa demande de capitalisation des intérêts,
L'infirmer pour le surplus, et notamment en ce qu'il a :
- Condamné Madame [P] [B], ès-qualités de caution personnelle et solidaire, à payer au CREDIT LYONNAIS la somme de 27.493,65 euros, majorée des intérêts au taux conventionnel de 2,90 % majoré de 3 points à compter du 20 juillet 2021 et jusqu'à parfait paiement,
- Condamné Madame [P] [B], ès-qualités de caution personnelle et solidaire, à payer au CREDIT LYONNAIS la somme de 27.039,02 euros, majorée des intérêts au taux conventionnel de 2,57 % majoré de 3 points à compter du 20 juillet 2021 et jusqu'à parfait paiement,
- Débouté Madame [P] [B], en sa qualité de caution personnelle et solidaire, de toutes ses autres demandes, fins et conclusions,
- Condamné Madame [P] [B], ès-qualités de caution personnelle et solidaire, à payer au CREDIT LYONNAIS la somme de 2.000 euros au titre des dispositions de l'article 700 du Code de procédure civile,
- Condamné Madame [P] [B] aux dépens,
- Dit que l'exécution provisoire est de droit, ce sans répondre à la demande expresse de Madame [B] tendant à écarter l'exécution provisoire de droit sur le fondement de l'article 514-1 du Code de procédure civile.
Et, statuant à nouveau :
A titre principal :
Juger que les cautionnements d'un montant de 61.500 euros, 47.000 euros et 69.000 euros consentis au CREDIT LYONNAIS par Madame [B] en 2013, 2014 et 2017 étaient manifestement disproportionnés à ses biens et revenus et que Madame [B] ne dispose pas des biens et revenus suffisants pour faire face aujourd'hui à l'appel des garanties par la Banque,
En conséquence,
Prononcer la décharge de l'engagement de caution consenti par Madame [B] le 18 juillet 2013 à hauteur de 61.500 euros, de l'engagement de caution auquel elle a consenti le 7 juillet 2014 à hauteur de 47.000 euros et de l'engagement de caution auquel elle a consenti le 11 octobre 2017 à hauteur de 69.000 euros, sur le fondement des articles L. 332-1 et L. 343-4 du Code de la consommation,
Débouter le CREDIT LYONNAIS de l'ensemble des demandes qu'il forme sur le fondement de ces actes de cautionnement,
A titre subsidiaire :
Condamner le CREDIT LYONNAIS à verser à Madame [B] des dommages-intérêts d'un montant équivalent aux sommes qu'il lui réclame au titre du cautionnement de 69.000 euros consenti le 11 juillet 2017, ce en capital, intérêts, frais, accessoires et pénalités,
Ordonner la compensation entre ces dommages-intérêts et les sommes réclamées par la Banque.
En tout état de cause :
Condamner le CREDIT LYONNAIS à verser à Madame [B] la somme de 15.000 euros de dommages-intérêts,
Débouter le CREDIT LYONNAIS de l'ensemble de ses demandes, fins, moyens et conclusions,
Condamner le CREDIT LYONNAIS à payer à Madame [B] la somme de 10.000 euros au titre des dispositions de l'article 700 du Code de procédure civile,
Condamner le CREDIT LYONNAIS aux entiers dépens.'
Par application des dispositions de l'article 455 du code de procédure civile, il est renvoyé, pour un plus ample exposé des prétentions et moyens des parties, à leurs conclusions précitées.
MOTIFS DE LA DECISION
La société Le Crédit Lyonnais a accordé trois prêts à des sociétés dirigées par Mme [P] [B], pour lesquelles elle s'est portée caution personnelle et solidaire :
1) Selon acte sous seing privé du 18 juillet 2013, un prêt d'un montant de 123 000 euros, consenti à la société L'Univers des Saveurs, destiné à financer des travaux d'aménagement du local accueillant son activité, et au titre duquel Mme [B] s'est portée caution personnelle et solidaire de la société, à hauteur de la somme de 61 500 euros ;
2) Selon acte sous seing privé du 7 juillet 2014, un prêt d'un montant de 94 000 euros, consenti à la société Les 10 Vins, afin de financer son activité, et au titre duquel Mme [B] s'est portée caution personnelle et solidaire de la société, à hauteur de la somme de 47 000 euros ;
3) Selon acte sous seing privé du 11 octobre 2017, un prêt d'un montant de 60 000 euros consenti à la société L'Univers des Saveurs, destiné à financer les travaux d'aménagement de deux établissements secondaires, et au titre duquel Mme [B] s'est portée caution personnelle et solidaire de la société, à hauteur de la somme de 69 000 euros.
Le tribunal de commerce d'Evry a prononcé l'ouverture de la liquidation judiciaire de la société Les 10 Vins, par jugement du 15 janvier 2018 (cessation des paiements anticipée au 23 novembre 2017) puis par jugement du 30 avril 2018, celle de la seconde société de Mme [B], l'Univers des Saveurs (cessation des paiements anticipée au 16 avril 2018).
Ces procédures, qui ont donné lieu à l'établissement d'un certificat d'irrecouvrabilté du 28 octobre 2019 (société L'Univers des Saveurs) et du 24 septembre 2020 (société Les 10 Vins), seront toutes deux clôturées pour insuffisance d'actif, par jugements des 8 janvier 2021 et 26 juin 2020.
La société Le Crédit Lyonnais a déclaré ses créances entre les mains du liquidateur judiciaire :
- le 12 février 2018, pour un montant de 50 565,82 euros au titre du prêt d'un montant initial de 94 000 euros (société Les 10 Vins), pièce 9 ;
- le 4 juillet 2018 (société L'Univers des Saveurs) pour un montant de 46 578,57 euros au titre du prêt d'un montant initial de 123 000 euros, pièce 8, et pour un montant de 63 126,77 euros au titre du prêt d'un montant initial de 60 000 euros (société L'Univers des Saveurs), pièce 10.
Par courriers recommandés avec accusés de réception en date du 13 février 2018 et du 5 juillet 2018 - soit dans les semaines suivant la liquidation judiciaire de l'une puis de l'autre sociétés - la banque a mis Mme [B] en demeure de lui régler en sa qualité de caution les sommes de 25 282,91 euros (société Les 10 Vins), 23 289,28 euros et 60 000 euros (société L'Univers des Saveurs). La société Le Crédit Lyonnais indique que ces mises en demeure sont restées sans réponse, ce que Mme [B] conteste. Elle dit en effet avoir soumis à la banque un compromis, par lequel elle proposait de régler la somme de 46 578,57 euros correspondant à la totalité des fonds qui lui étaient encore disponibles afin de solder la quasi-totalité du montant des deux premiers engagements de caution, le dernier étant disproportionné.
Selon acte de commissaire de justice d'huissier du 9 septembre 2021, la société Le Crédit Lyonnais a fait assigner Mme [B] en paiement de ses trois engagements de caution devant le tribunal de commerce de Bobigny. Mme [B] pour s'opposer à la demande a argué de leur disproportion manifeste eu égard à ses revenus et son patrimoine.
Sur la disproportion
En droit (selon les dispositions de l'article L. 341-4 devenu L. 332-1 du code de la consommation) un créancier professionnel ne peut se prévaloir d'un contrat de cautionnement conclu par une personne physique dont l'engagement était lors de sa conclusion manifestement disproportionné à ses biens et revenus, à moins que le patrimoine de cette caution au moment où celle-ci est appelée ne lui permette de faire face à son obligation.
A) La proportionnalité du cautionnement s'appréciera donc en l'espèce :
' Au 18 juillet 2013, jour de l'engagement de caution solidaire pris par Mme [P] [B] en garantie du prêt d'un montant de 123 000 euros consenti le même jour par la société Le Crédit Lyonnais à la société L'Univers des Saveurs en vue de financer des travaux d'aménagement d'un local commercial. Ce cautionnement a été donné dans la limite de la somme de 61 500 euros couvrant le paiement du principal, des intérêts et le cas échéant des pénalités ou intérêts de retard, et pour la durée de 108 mois. Mme [B] a renoncé au bénéfice de discussion. Son conjoint a déclaré donner son consentement exprès au cautionnement souscrit par son épouse ;
' Puis, considération faite du premier engagement, au 7 juillet 2014 jour de l'engagement de caution solidaire pris par Mme [P] [B] en garantie du prêt d'un montant de 94 000 euros consenti le même jour par la société Le Crédit Lyonnais à la société Les 10 Vins en vue de financer la création d'un magasin sous franchise Cavavin. Ce cautionnement a été donné dans la limite de la somme de 47 000 euros couvrant le paiement du principal, des intérêts et le cas échéant des pénalités ou intérêts de retard, et pour la durée de 108 mois. Mme [B] a renoncé au bénéfice de discussion. Son conjoint a déclaré donner son consentement exprès au cautionnement souscrit par son épouse ;
' Enfin, au 11 octobre 2017 jour de l'engagement de caution solidaire pris par Mme [P] [B] en garantie du prêt d'un montant de 60 000 euros consenti le même jour par la société Le Crédit Lyonnais à la société L'Univers des Saveurs en vue de financer la création de deux établissements secondaires. Ce cautionnement a été donné dans la limite de la somme de 69 000 euros couvrant le paiement du principal, des intérêts et le cas échéant des pénalités ou intérêts de retard, et pour la durée de 108 mois. Mme [B] a renoncé au bénéfice de discussion.
La preuve de la disproportion et de son caractère manifeste incombe alors à la caution, et non pas à la banque.
À ces fins probatoires Mme [B] produit comme éléments contemporains de la signature de ses engagements :
- trois 'prêts d'honneur' [du 2 août 2013 d'un montant de 15 000 euros et d'une durée de 60 mois remboursable par mensualités de 250 euros ; du 28 août 2013 d'un montant de 10 000 euros remboursable par mensualités de 250 euros ; du 21 août 2014 d'un montant de 15 000 euros remboursable par mensualités de 250 euros] - pièces 1,2, 3 ;
- le contrat de prêt immobilier du 7 septembre 2005 d'un montant de 236 500 euros ayant servi à financer l'acquisition de la résidence du couple (au prix de 296 300 euros - pièce 10 ;
- ses avis d'impôt des années 2012 (sur les revenus de 2011) à 2018 (sur les revenus de 2017), notamment - pièce 11 - et une attestation de Pôle Emploi (période du 1er août 2013 au 1er août 2015) - pièce 19 ;
- un borderau de la Caisse d'épargne et de prévoyance du 26 mai 2017 attestant du remboursement anticipé du prêt immobilier pour un montant de 170 384 euros - pièce 12 ;
- les statuts de la société unipersonnelle GLHF au 18 septembre 2018 - pièce 20.
Sur le premier cautionnement, du 18 juillet 2013
De son côté la société Le Crédit Lyonnais verse aux débats, en pièce 23, un document intitulé 'Renseignements confidentiels à fournir par une caution', daté du 6 juillet 2013, contemporain de l'engagement de caution présentement querellé, rempli et signé par Mme [B] qui a certifié l'exactitude des renseignements qu'il contient. Il ressort de cette fiche patrimoniale que Mme [B] a déclaré (pages 1/3 et 3/3, la page 2/3 étant manquante) :
- Être mariée, sous le régime de la 'communauté de bien', sans enfant ;
- Être propriétaire de son logement à savoir un pavillon d'une valeur vénale de 330 000 euros, restant dû au titre du prêt contracté pour son financement la somme de 190 000 euros soit une valeur nette de 140 000 euros ;
- Être en situation de congé de reclassement et percevoir des indemnités Pôle Emploi depuis mai 2013.
Complémentairement, il résulte des énonciations du jugement non spécifiquement contestées sur ce point, comme résultant de la fiche de renseignements, que Mme [B] disposait d'un revenu disponible de 13 640 euros, d'une épargne disponible de 50 100 euros, et d'un PEE d'une valeur de 20 000 euros.
Il est de principe que la banque est en droit de se fier aux éléments ainsi recueillis sans être tenue de faire de vérification complémentaire dès lors que, comme au cas présent, la fiche de renseignements patrimoniale ne révèle en soi aucune anomalie ou incohérence, et en ce cas la caution déclarante n'est pas fondée à se prévaloir de revenus ou de charges qui seraient d'une autre réalité.
Contrairement à ce que soutient Mme [B], la proportionnalité de son engagement de caution s'apprécie eu égard à son patrimoine commun, dans la mesure où elle est mariée sous le régime légal de la communauté réduite aux acquêts et qu'elle ne soutient pas que le pavillon mentionné dans la fiche patrimoniale serait un bien propre, et ce d'autant plus que son conjoint a consenti à son cautionnement ; c'est donc bien la valeur de 140 000 euros qu'il s'agit de prendre en considération pour évaluer le patrimoine immobilier de Mme [B].
Au vu de ces éléments connus de la banque il apparaît que l'engagement de caution de Mme [B] donné à hauteur de la somme de 61 500 euros n'était pas manifestement disproportionné au moment de sa signature au regard du patrimoine immobilier de la caution d'une valeur nette de 140 000 euros en soi suffisante à lui permettre d'y faire face.
Le jugement déféré est confirmé en ce qu'écartant le moyen tiré de la disproportion manifeste le tribunal est entré en voie de condamnation à l'encontre de Mme [B] au titre du cautionnement du 18 juillet 2013.
Sur le deuxième cautionnement, du 7 juillet 2014
La société Le Crédit Lyonnais verse aux débats, en pièce 24, un document intitulé 'Renseignements confidentiels à fournir par une caution', daté du 18 mai 2014, contemporain de l'engagement de caution présentement querellé, rempli et signé par Mme [B] qui a certifié l'exactitude des renseignements qu'il contient. Il ressort de cette fiche patrimoniale que Mme [B] a déclaré (pages 1/3 et 3/3, la page 2/3 étant manquante) :
- Être mariée, sous le régime de la communauté légale, sans enfant ;
- Être propriétaire de son logement à savoir un pavillon d'une valeur vénale de 330 000 euros restant dû au titre du prêt contracté pour son financement la somme de 181 000 euros soit une valeur nette de 149 000 euros ;
- Être gérante de la société l'Univers des saveurs depuis un an.
Complémentairement, il résulte des énonciations du jugement non spécifiquement contestées sur ce point, comme résultant de la fiche de renseignements, que Mme [B] disposait à cette date d'un patrimoine immobilier d'une valeur nette de 149 000 euros, d'un revenu disponible d'un montant de 7 000 euros, d'un portefeuille-titres d'une valeur de 5 000 euros.
Comme rappelé par le tribunal à ce stade de son raisonnement, et contrairement à ce qu'affirme Mme [B], les parts sociales et la créance inscrite en compte courant d'associé dont est titulaire la caution au sein de la société cautionnée font partie du patrimoine devant être pris en considération pour l'appréciatíon de ses biens et revenus à la date de la souscription de son engagement. La valeur nominale des parts sociales détenues par Mme [B], associée unique des deux sociétés, et non contestée quant à la méthode de calcul retenue par la banque, s'élève à un montant de 49 000 euros (39 000 euros pour la société L'Univers des Saveurs et 10 000 euros pour la société Les 10 Vins).
Il y a lieu de prendre en compte, au rang de l'endettement de la caution, l'engagement précédent contracté le 18 juillet 2013 à hauteur de 61 500 euros et consenti au profit de la même banque. Ainsi, avec la signature de ce nouvel engagement de caution l'endettement de Mme [B] a été porté à 108 500 euros (61 500 + 47 000 euros).
Néanmoins, au vu des éléments connus de la banque il apparaît que l'engagement de caution de Mme [B] donné à hauteur de la somme de 47 000 euros n'était pas manifestement disproportionné au moment de sa signature au regard du patrimoine immobilier de la caution d'une valeur nette de 149 000 euros en soi suffisante à lui permettre d'y faire face.
Le jugement déféré est donc confirmé en ce qu'écartant le moyen tiré de la disproportion manifeste le tribunal est entré en voie de condamnation à l'encontre de Mme [B] au titre du cautionnement du 7 juillet 2014.
Sur le troisième cautionnement, du 11 octobre 2017
La société Le Crédit Lyonnais verse aux débats, en pièce 17, un document intitulé 'Renseignements confidentiels à fournir par une caution', sur deux pages (dûment reproduites) daté du 28 juin 2017, rempli et signé par Mme [B] qui a certifié l'exactitude des renseignements qu'il contient. Il ressort de cette fiche patrimoniale que Mme [B] a déclaré :
- Être célibataire, sans enfant ;
- Être gérante de la société L'Univers des Saveurs depuis juillet 2013, percevoir à ce titre 17 374 euros de salaires annuels ; ne toucher aucuns revenus fonciers ou locatifs ni dividendes ;
- Supporter des charges annuelles de 7 200 euros, n'avoir aucun prêt en cours ni IRPP d'où un ratio charges/revenus de 41% ;
- Ne pas détenir de valeurs mobilières ;
- Disposer d'une épargne globale de 130 000 euros ;
- Ne pas posséder de patrimoine immobilier ;
- Ne pas être engagée par des cautionnements ou autres garanties antérieures.
Comme précemment indiqué, sur ce dernier point il y a lieu de prendre en compte, au rang de l'endettement des cautions, les engagements précédents contractés le 18 juillet 2013 puis le 7 juillet 2014 pour un montant total de 108 500 euros, pour avoir été consentis au profit de la même banque, et quand bien même Mme [B] a omis de les mentionner dans la fiche patrimoniale qu'elle a remplie le 28 juin 2017. Ainsi, avec la signature de ce nouvel engagement de caution l'endettement de Mme [B] a donc été porté à 177 500 euros.
Il est à noter que Mme [B] à cette date n'est plus propriétaire de la maison qui constituait un bien commun avec son mari, vendue au prix de 328 000 euros selon acte publié le 9 juin 2017. Mme [B] en justifie d'ailleurs en versant au débat un borderau de la Caisse d'épargne et de prévoyance Ile-de-France du 26 mai 2017 attestant du remboursement anticipé du prêt immobilier afférent, pour un montant de 170 384 euros - pièce 12. Il s'en déduit que la valeur nette du bien immobilier des ex-époux, quelques semaines avant le cautionnement souscrit le 11 octobre 2017 était de : 328 000 euros (prix de vente de la maison) moins 170 384 euros (montant du remboursement anticipé du prêt) soit : 157 616 euros, Mme [B] à présent divorcée étant réputée avoir des droits à hauteur de la moitié de cette somme, soit 78 808 euros. Il apparaît que l'épargne qu'elle a déclaré dans la fiche patrimoniale détenir pour un montant global de 130 000 euros inclut la somme perçue en suite de la liquidation des intérêts matrimonaiux des époux, environ trois mois auparavant.
De principe, il y a lieu de prendre en compte la valeur des parts sociales détenues par la caution qu'il s'agisse de la société cautionnée ou de tout autre. C'est en application de ce principe que le tribunal a évoqué les participations de Mme [B] au capital social des sociétés L'Univers des Saveurs et Les 10 Vins, pour un total de 49 000 euros, outre sa participation comme associée unique de l'Eurl GLHF créée le 21 juillet 2015 (fait non contesté par Mme [B], qui produit des statuts à jour au 18 septembre 2018) et dont le capital social en 2017 s'élèvait, selon le tribunal, à la somme de 70 000 euros. Aussi, il sera fait observer que selon la Cour de cassation l'apport en compte courant est un élément du patrimoine de l'associé à prendre en compte dans l'appréciation de la proportionnalité.
Cependant, il doit être souligné que Mme [B] ne détient pas directement le capital social de cette société, qui a été constitué d'un apport des parts sociales des sociétés L'Univers des Saveurs et Les 10 Vins. Par ailleurs, la valeur d'une société s'apprécie au regard de ses actifs mais aussi de son endettement, et à cet égard il y a lieu de souligner que les sociétés L'Univers des Saveurs et Les 10 Vins détentrices des parts sociales de la société GLHF ont toutes deux été placées en liquidation judiciaire par le tribunal de commerce d'Evry très peu de temps après la signature de ce cautionnement du 11 octobre 2017 : liquidation judiciaire de la société Les 10 Vins par jugement du 15 janvier 2018 (avec une cessation des paiements anticipée au 23 novembre 2017) puis liquidation judiciaire de la société l'Univers des Saveurs par jugement du 30 avril 2018 (avec une cessation des paiements anticipée au 16 avril 2018).
Il résulte de l'ensemble de ces éléments - Mme [B] n'avait guère que son épargne de 130 000 euros pour face à ses engagements, la valeur de ses avoirs sociaux s'étant nécessaiement dépréciée pour sa majeure partie - que la disproportion manifeste de l'engagement de caution du 11 octobre 2017 est caractérisée, et que le jugement déféré doit être confirmé en ce qu'il en a déchargé Mme [B].
B) Néanmoins, l'article L. 341-4 du code de la consommation exclut de décharger la caution dans la mesure où le patrimoine de la caution au moment où celle-ci est appelée lui permet de faire face à ses obligations.
L'assignation étant en date du 9 septembre 2021 c'est à ce jour qu'il y a lieu de se placer pour se livrer à cette appréciation, et il convient de rappeler que la somme alors réclamée à Mme [B], hors intérêts, était de 123 532,67 euros (27 493,65 + 27 039,02 + 69 000).
C'est alors au prêteur qu'il revient de faire la démonstration de ce que la caution est présentement en capacité de faire face à son obligation en s'acquittant de la dite somme.
En l'espèce, la banque fait valoir que Mme [B] avait retrouvé un emploi en juillet 2018 dans le domaine du courtage en assurances, qui a pris fin en septembre 2021 ; un salaire lui a donc été versé pendant toute cette période, comme le démontre son avis d'imposition sur le revenu de l'année 2020 qui fait état d'un revenu net de 49 082 euros. Il faut également prendre en compte le montant de la cession de sa résidence principale qui s'élevait à 328 000 euros. En conséquence, le patrimoine et les revenus de Mme [B] au jour de la demande en paiement des trois cautionnements s'élevait à : 49 082 + 328 000 = 377 082 euros, montant bien supérieur à la somme des demandes formulées par la banque dans son assignation, de sorte que le cautionnement du 11 octobre 2017 doit être jugé proportionné à ses biens et revenus au jour de l'appel en paiement fusse t'il jugé disproportionné à la date à laquelle il a été consenti.
Ce faisant, la société Le Crédit Lyonnais se référe, uniquement, à des éléments qui n'étaient pas d'actualité au 9 septembre 2021 (si ce n'est l'existence d'un salaire ce mois-ci) : la vente de la maison est intervenue trois ans plus tôt, et au surplus, Mme [B] a effectivement perçue, s'agissant de la vente d'un bien commun financé par un emprunt en cours qui a été remboursé par anticipation.
En définitive, la banque ne rapporte donc pas la preuve de ce que la caution était au 9 septembre 2021 en capacité de faire face à son obligation en s'acquittant de la somme de 123 532,67 euros.
Sur la responsabilité de la banque
Il est de principe que la banque est tenue d'un devoir de mise en garde à l'égard d'une caution non avertie, lorsqu'au jour de son engagement, celui-ci n'est pas adapté aux capacités financières de la caution ou s'il existe un risque d'endettement né de l'octroi du concours garanti, lequel résulte de l'inadéquation de ce concours aux capacités financières de l'emprunteur.
Il n'est argué d'un manquement de la banque à son devoir de mise en garde que pour le troisième cautionnement, souscrit le 11 octobre 2017 à hauteur de 69 000 euros, au titre duquel aucune condamnation n'est prononcée à l'encontre de Mme [B]. Dès lors, en l'absence de préjudice, elle ne peut qu'être déboutée de sa demande indemnitaire. Le jugement déféré est confirmé de ce chef.
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Sur les dépens et les frais irrépétibles
La société Le Crédit Lyonnais, qui échoue dans ses demandes, supportera la charge des dépens d'appel et ne peut prétendre à aucune somme sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile. En revanche pour des raisons tenant à l'équité il y a lieu de faire droit à la demande de Mme [B] formulée sur ce même fondement, au titre des frais irrépétibles exposés par elle àhauteur d'appel, mais uniquement dans la limite de la somme de 2 500 euros.
PAR CES MOTIFS
La cour, statuant dans les limites de l'appel,
CONFIRME le jugement déféré en toutes ses dispositions ;
Et y ajoutant
CONDAMNE la société Le Crédit Lyonnais à payer à Mme [P] [B] la somme de 2 500 euros en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile à raison des frais irrépétibles exposés en cause d'appel ;
DÉBOUTE la société Le Crédit Lyonnais de sa propre demande formulée sur ce même fondement ;
CONDAMNE la société Le Crédit Lyonnais aux entiers dépens d'appel.
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LE GREFFIER LE PRÉSIDENT