CA Toulouse, 1re ch. sect. 1, 19 février 2025, n° 22/01665
TOULOUSE
Arrêt
Infirmation partielle
PARTIES
Demandeur :
Tanguy, Kinoo, Des François (SARL), Pigeo Energie (SARL)
Défendeur :
Amarenco Construction (SASU), Smabtp (Sté), Axa France Iard (SA)
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
Mme Rouger
Conseillers :
Mme Leclercq, Mme Asselain
Avocats :
Me Candelier, Me Claisse, Me Cantaloube-Ferrieu, Me Leridon, Me Chevrel-Barbier
EXPOSE DU LITIGE ET PROCEDURE
Courant février 2012, la société à responsabilité limitée (Sarl) Pigéoénergie a confié à la Sarl One to One, devenue la société par actions simplifiée unipersonnelle (Sasu) Amarenco Construction, la fourniture et l'installation de panneaux photovoltaïques constituant la couverture d'un bâtiment agricole lui appartenant, situé à [Localité 10] (31), pour un prix de 182.200 euros. L'installation était destinée à produire de l'électricité.
La société One to One, devenue Amarenco Construction, assurée auprès de la société mutuelle d'assurance du bâtiment et des travaux publics (Smabtp) jusqu'au 31 décembre 2016, puis auprès de la société Cbl Insurance, a sous-traité la pose des panneaux à la Sas Marchegay, également fabricant de l'installation, assurée auprès de la société anonyme (Sa) Axa France Iard.
L'immeuble appartenant à la Sarl Pigéoénergie a été loué à la Sarl des Françoys, qui y exerçait des activités de stockage et séchage de céréales.
Un procès-verbal souscrit le 20 décembre 2012, intitulé 'opérations préalables à la réception', mentionne la réserve suivante : "toiture non étanche à l'eau : joints mal positionnés".
La liquidation judiciaire de la société Marchegay a été prononcée par jugement du tribunal de commerce de La Roche sur Yon du 4 novembre 2015, et Me [S] [W], ultérieurement remplacé par la Selarl [W] et associés, a été désigné en qualité de liquidateur.
Le 29 septembre 2016, se plaignant d'infiltrations en toiture, la Sarl Pigéoénergie a saisi son assureur de protection juridique, la société Groupama d'Oc, qui a diligenté une expertise confiée au cabinet IXI. L'expert a établi un rapport le 22 mai 2017.
Parallèlement, le 31 mars 2017, la société One to One, devenue Amarenco Construction, a effectué une déclaration de sinistre auprès de la Smabtp, son assureur au jour de l'ouverture du chantier.
Par ordonnance du 23 novembre 2017, le juge des référés, saisi par la Sarl Pigéoénergie, a ordonné une expertise et désigné M. [U] [G] pour y procéder.
L'expert a déposé son rapport le 12 mars 2019.
Par acte d'huissier du 27 mars 2019, la Sas Amarenco Construction a fait assigner son assureur, la Smabtp, devant le tribunal de grande instance de Toulouse, pour obtenir sa garantie dans l'hypothèse d'une condamnation à son encontre au profit de la Sarl Pigéoénergie.
Par acte d'huissier du 5 juin 2019, la Smabtp a fait appeler en cause et en garantie la Sa Axa France Iard, en sa qualité d'assureur de la société Marchegay.
Par actes d'huissier des 5 et 6 août et 6 septembre 2019, la Sarl Pigéoénergie et la Sarl des Françoys ont fait assigner la Sas Amarenco Construction, la Smabtp, Me [S] [W] en sa qualité de mandataire liquidateur de la Sas Marchegay, et la Sa Axa France Iard devant le tribunal de grande instance de Toulouse, pour obtenir indemnisation de leurs préjudices.
Par actes d'huissier du 13 août 2020, la Smabtp a fait assigner la Sas Cellinks, en sa qualité de mandataire représentant la société Cbl Insurance Europe Designated Activity Company, ainsi que MM. [J] [I] et [P] [D], en qualité de coliquidateurs de cette même société, qui a été l'assureur de la société Amarenco Construction après résiliation, le 31 décembre 2016, du contrat conclu auprès de la Smabtp.
Ces différentes instances ont été jointes.
Par jugement du 7 avril 2022, le tribunal judiciaire de Toulouse, succédant au tribunal de grande instance, a :
- prononcé la mise hors de cause de la Sas Cellinks,
- débouté la Sarl Pigéoénergie de ses demandes au titre des travaux de reprise, de la perte de production d'énergie et de la perte de loyers formées contre la Sas Amarenco Construction et la Smabtp,
- dit n'y avoir lieu d'examiner les recours formés par la Sas Amarenco Construction et la Smabtp contre la société Cbl Insurance Europe Designated Activity Company et MM. [J] [I] et [P] [D] en qualité de co-liquidateurs de cette compagnie,
- débouté la Sarl Pigéoénergie de ses demandes de condamnation au titre des travaux de reprise, de la perte de production d'énergie et de la perte de loyers formées contre Me [W] en qualité de mandataire liquidateur de la Sas Marchegay,
- débouté la Sarl Pigéoénergie de ses demandes au titre des travaux de reprise, de la perte de production d'énergie et de la perte de loyers formées contre la Sa Axa France Iard,
- déclaré recevable l'action de la Sarl des Françoys contre la Sas Amarenco Construction pour la période postérieure au 6 septembre 2014, et l'a déclarée irrecevable au motif de sa prescription pour la période antérieure,
- débouté la Sarl des Françoys de ses demandes formées contre la Sas Amarenco Construction, la Smabtp, Me [W] et la Sa Axa France Iard,
- condamné la Sarl Pigéoénergie et la Sarl Des Françoys in solidum aux dépens de l'instance, en ce compris les frais de la procédure en référé et ceux de l'expertise judiciaire,
- rejeté toutes demandes formées sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,
- dit n'y avoir lieu d'ordonner l'exécution provisoire du présent jugement.
Par déclaration du 29 avril 2022, la Sarl des Françoys et la Sarl Pigéoénergie ont relevé appel de ce jugement, en intimant devant la cour la société Amarenco Construction et son assureur la Smabtp, la Selarl [W] et associés en sa qualité de mandataire liquidateur de la société Marchegay, et la société Axa France Iard en sa qualité d'assureur de la société Marchegay.
PRÉTENTIONS DES PARTIES
Dans leurs dernières conclusions transmises par voie électronique le 7 avril 2023, la Sarl Pigéoénergie et la Sarl des Françoys, appelantes, demandent à la cour, au visa des articles 1792 et suivants du code civil et des anciens articles 1147 et 1382 (devenu 1240) du code civil, de :
- réformer le jugement du 7 avril 2022 en ce qu'il a :
' débouté la Sarl Pigéoénergie de ses demandes au titre des travaux de reprise, de la perte de production d'énergie et de la perte de loyers formées contre la Sas Amarenco Construction, la Smabtp et la Sa Axa France Iard,
' débouté la Sarl des Françoys de ses demandes au titre des pertes d'exploitation formées contre la Sas Amarenco Construction, la Smabtp et la Sa Axa France Iard,
' condamné la Sarl Pigéoénergie et la Sarl des Françoys in solidum aux dépens de l'instance, en ce compris les frais de la procédure en référé et ceux de l'expertise judiciaire, rejeté les demandes de la Sarl Pigéoénergie et la Sarl des Françoys formées sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,
- confirmer le jugement intervenu en ce qu'il a déclaré recevable l'action de la Sarl des Françoys contre la Sas Amarenco Construction pour la période postérieure au 6 septembre 2014,
- rejeter l'appel incident de la société Amarenco Construction,
- déclarer recevables les demandes de la société Pigéoénergie à l'encontre de la Sas Amarenco Construction,
- débouter la Sas Amarenco Construction de sa demande tendant à faire déclarer irrecevables les demandes de la société Pigéoénergie pour cause de prescription,
Statuant à nouveau,
À titre principal,
- retenir le caractère décennal des désordres constatés par l'expert judiciaire, M. [U] [G], dans son rapport du 12 mars 2019,
- juger que la responsabilité décennale de la société Amarenco Construction est engagée à l'égard de la société Pigéoénergie,
À titre subsidiaire,
- juger que la responsabilité contractuelle de la société Amarenco Construction est engagée à l'égard de la société Pigéoénergie,
- rappeler que la modification en cause d'appel du fondement juridique de prétentions exprimées par une partie en première instance ne constitue pas une demande nouvelle au sens de l'article 565 du code de procédure civile,
- constater que la société Pigéoénergie ne formule aucune demande nouvelle en appel,
- rejeter la demande de la société Amarenco Construction tendant à faire déclarer irrecevables « l'ensemble des demandes nouvelles en cause d'appel de Pigéoénergie visant à faire juger que Amarenco aurait engagé sa responsabilité contractuelle à l'égard de Pigéoénergie »,
En tout état de cause,
- déclarer la responsabilité délictuelle de la Sas Marchegay, représentée par Me [W] en qualité de mandataire liquidateur, engagée à l'égard de la société Pigéoénergie,
- déclarer les responsabilités délictuelles des sociétés Amarenco Construction et Marchegay, représentée par Me [W] en qualité de mandataire liquidateur, engagées à l'égard de la Sarl des Françoys,
En conséquence,
- condamner in solidum la société Amarenco Construction, la Smabtp en qualité d'assureur de la société Amarenco Construction et la société Axa France Iard en qualité d'assureur de la société Marchegay à payer à la société Pigéoénergie la somme de 130.963,89 euros toutes taxes comprises au titre des travaux de reprise, actualisée selon l'indice du coût de la construction BT01 à compter du 12 mars 2019, date de dépôt du rapport d'expertise judiciaire,
- condamner in solidum la société Amarenco Construction, la Smabtp et la Sa Axa France Iard à payer à la société Pigéoénergie une somme de 2.933,98 euros en réparation de son préjudice de perte de production d'énergie photovoltaïque pendant la durée des travaux de 5 semaines, sur la base d'une production moyenne de 586,80 euros par semaine à 0,261 euros le kwh,
- condamner in solidum la société Amarenco Construction, la Smabtp et la Sa Axa France Iard à payer à la société Pigéoénergie la somme de 36.000 euros en réparation de son préjudice de perte de loyers pour les années 2017 à 2022, à parfaire à compter du 1er janvier 2023 de 5.000 euros par an jusqu'à la réalisation des travaux,
- condamner in solidum la société Amarenco Construction, la Smabtp et la Sa Axa France Iard à payer à la Sarl des Françoys la somme de 83.200 euros en réparation de son préjudice de perte d'exploitation depuis le 6 septembre 2014 (10.400 euros x 8 ans), à parfaire de 10.400 euros par an jusqu'à la réalisation des travaux de reprise,
- condamner in solidum la société Amarenco Construction, son assureur la Smabtp et la Sa Axa France Iard en qualité d'assureur de la société Marchegay à payer à la Sarl Pigéoénergie et à la Sarl Des Françoys la somme de 10.000 euros au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens, en ce compris ceux du référé, de première instance et les frais de l'expertise judiciaire, dont distraction au profit de la Scp Candelier Carriere Ponsan conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.
Dans ses dernières conclusions transmises par voie électronique le 30 mars 2023, la Sasu Amarenco Construction, intimée et formant appel incident, demande à la cour, au visa des articles L. 241-1 et suivants du code des assurances, des articles 1134 et suivants (anciens), 1192 et suivants, 1792 et suivants et 2224 du code civil et des articles 31,32, 122, 515, 699 et 700 du code de procédure civile, de :
1. Sur l'appel incident de Amarenco construction,
- infirmer le jugement en ce qu'il a déclaré recevable l'action de la Sarl Des Françoys contre la Sas Amarenco Construction pour la période postérieure au 6 septembre 2014,
Et statuant à nouveau,
- déclarer irrecevables les demandes de la société des Françoys en raison de son défaut de qualité à agir,
- à titre subsidiaire, confirmer le jugement en ce qu'il a débouté la société des Françoys de l'intégralité de ses demandes formulées au titre de la perte d'exploitation,
2. Sur l'appel principal de Pigéoénergie et des Françoys,
À titre principal,
- déclarer irrecevable l'ensemble des demandes nouvelles en cause d'appel de Pigéoénergie visant à faire juger que Amarenco Construction aurait engagé sa responsabilité contractuelle à l'égard de Pigéoénergie,
- débouter Pigéoénergie et des Françoys de leurs demandes,
Et par conséquent,
- confirmer le jugement sur les chefs de jugement critiqués par Pigéoénergie et des Françoys,
À titre subsidiaire, si la cour infirmait le jugement sur les chefs de jugement critiqués par Pigéoénergie et des Françoys,
Sur les fins de non-recevoir,
- à titre principal, déclarer irrecevables les demandes de la société des Françoys en raison de son défaut de qualité à agir,
- à titre subsidiaire, déclarer irrecevables les demandes de la société des Françoys portant sur la période antérieure au 6 septembre 2014 inclus en raison de la prescription acquise,
- à titre principal, déclarer irrecevables les demandes de la société Pigéoénergie en raison de la prescription acquise,
- 'débouter M. [J] [I] et M. [P] [D] co-liquidateurs suivant décision de la haute cour d'Irlande du 12 mars 2020 de la société Cbl Insurance Europe Designated Activity Compagny de leur fin de non-recevoir des demandes formées à l'encontre de Cbl Insurance',
Sur le fond,
- débouter la société Pigéoénergie de l'intégralité de ses demandes formulées au titre de la perte de production d'énergie photovoltaïque pendant la durée des travaux et de la perte de loyers 'ainsi que de sa demande d'exécution provisoire au titre de ses demandes',
- en toute hypothèse, débouter la société des Françoys de l'intégralité de ses demandes formulées au titre de la perte d'exploitation 'ainsi que de sa demande d'exécution provisoire au titre de cette demande',
En tout état de cause,
- déclarer la société Amarenco Construction recevable en ses demandes,
- condamner Me [S] [W], en qualité de mandataire judiciaire de la société Marchegay, ainsi que la société Axa France Iard, en qualité d'assureur de la société Marchegay, à garantir la société Amarenco Construction et à la relever indemne de toute condamnation ou transaction pouvant intervenir à son encontre dans le cadre de la procédure diligentée par la société Pigéoénergie et la société des Françoys à son encontre, et le cas échéant, de ses suites,
- condamner la société Smabtp à garantir la société Amarenco Construction dans le cadre de l'assurance responsabilité civile décennale et à la relever indemne de toute condamnation ou transaction pouvant intervenir à son encontre dans le cadre de la procédure diligentée par la société Pigéoénergie et la société des Françoys à son encontre, et le cas échant, de ses suites,
- 'à titre subsidiaire, condamner la société Cbl Insurance à garantir la société Amarenco Construction dans le cadre de l'assurance responsabilité civile décennale et à la relever indemne de toute condamnation ou transaction pouvant intervenir à son encontre dans le cadre de la procédure diligentée par la société Pigéoénergie et la société des Françoys à son encontre, et la cas échéant, de ses suites',
- à titre subsidiaire, ramener à de plus justes proportions les condamnations susceptibles d'être prononcées à l'encontre de la société Amarenco Construction,
En toute hypothèse,
- condamner solidairement les sociétés Pigéoénergie et des Françoys, ou à défaut la société Smabtp, Me [S] [W], en qualité de mandataire judiciaire de la société Marchegay, ainsi que la société Axa France Iard, en qualité d'assureur de la société Marchegay au paiement d'une somme de 10.000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'aux entiers dépens,
- condamner solidairement les sociétés Pigéoénergie et des Françoys, ou à défaut la société Smabtp, Me [S] [W], en qualité de mandataire judiciaire de la société Marchegay, ainsi que la société Axa France Iard, en qualité d'assureur de la société Marchegay aux entiers dépens, y compris ceux afférents aux procédures de référés, qui pourront être recouvrés directement par la Selas Morvilliers Sentenac et associés, conformément à l'article 699 du code de procédure civile.
Dans ses dernières conclusions transmises par voie électronique le 18 octobre 2022, la Smabtp, intimée, demande à la cour, au visa des articles 1103 et 1792-6 du code civil, et de l'article L. 124-5 alinéa 4 du code des assurances, de :
À titre principal,
- confirmer le jugement entrepris en ce qu'il a débouté les sociétés Pigéoénergie et des Françoys de l'ensemble de leurs demandes à l'encontre de la Smabtp,
- condamner les appelantes à régler à la Smabtp la somme de 4.000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'aux entiers dépens,
À titre subsidiaire,
- limiter les condamnations susceptibles d'être prononcées à l'encontre de la Smabtp au coût des travaux de reprise,
- ramener à de plus justes proportions le montant de la condamnation susceptible d'être prononcée au profit des sociétés demanderesses sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,
À titre très subsidiaire,
- limiter à la somme de 1.981,44 euros le montant de la condamnation susceptible d'être prononcée au titre de la perte d'exploitation pendant les travaux de reprise,
- rejeter les demandes plus amples des sociétés Pigéoénergie et des Françoys au titre des pertes d'exploitation et pertes de loyers,
En tout état de cause, en cas de condamnation prononcée à l'encontre de la Smabtp,
- faire application des franchises prévues par la police d'assurance de la Smabtp à l'égard :
' de son assurée, s'agissant du coût des travaux de reprise relevant de la garantie obligatoire de l'article L. 241-1 du code des assurances, laquelle s'élève à 10 % du montant des dommages avec un minimum de 20 franchises statuaires, soit la somme de 3.560 euros, et un maximum de 200 franchises statutaires, soit la somme de 35.600 euros,
' de l'ensemble des parties, y compris le maître d'ouvrage, pour les dommages immatériels, laquelle s'élève à 12 franchises statutaires, soit la somme de 2.136 euros,
- condamner la compagnie Axa France Iard à relever et garantir la Smabtp de toute condamnation susceptible d'être prononcée à son encontre en principal, intérêts et accessoires,
- condamner la compagnie Axa France Iard à régler à la Smabtp la somme de 4.000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'aux entiers dépens.
Dans ses dernière conclusions transmises par voie électronique le 20 octobre 2022, la Sa Axa France Iard, en sa qualité d'assureur de la société Marchegay, intimée, demande à la cour, au visa des articles 1382 (ancien) et 1792 et suivants du code civil, et de l'article L. 112-6 du code des assurances, de:
À titre principal,
- confirmer le jugement du 7 avril 2022 en toutes ses dispositions sauf en ce qu'il a rejeté toutes demandes formées sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,
Et statuant à nouveau,
- débouter la société Pigéoénergie, la Sarl des Françoys, ou toutes autres parties de l'ensemble de leurs demandes formées à l'encontre d'Axa France Iard en qualité d'assureur de la Sas Marchegay,
- condamner la société Pigéoénergie et la Sarl des Françoys à verser la somme de 3.000 euros à Axa France Iard au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
À titre subsidiaire, si la cour venait à réformer le jugement du 7 avril 2022, et accueillir la demande des sociétés Pigéoénergie et des Françoys à l'encontre d'Axa en qualité d'assureur de la société Marchegay,
- condamner la société Amarenco Construction et son assureur, la Smabtp, à relever et garantir la compagnie Axa France Iard, de toute condamnation susceptible d'être prononcé à son encontre, pour une part qui ne saurait être inférieure à 20%,
- accueillir la demande d'Axa tendant à voir dire opposable aux tiers, et donc aux sociétés Pigéoénergie et des Françoys ainsi que toutes les autres parties à l'instance, la franchise de 10.500 euros de son contrat d'assurance, à actualiser.
La Selarl [W] et associés, intimée en sa qualité de mandataire liquidateur de la Sas Marchegay, succédant, suivant ordonnance du 30 août 2017 du président du tribunal de commerce de La Roche sur Yon, à Me [S] [W], mandataire judiciaire précédemment désigné, n'a pas constitué avocat. La déclaration d'appel lui a été signifiée le 3 juin 2022, par remise de l'acte à personne habilitée.
L'ordonnance de clôture est intervenue le 4 novembre 2024. L'affaire a été examinée à l'audience du 2 décembre 2024.
MOTIFS
* Remarques liminaires
La société Marchegay, sous-traitant de la société Amarenco Construction, a été placée en liquidation judiciaire par jugement du tribunal de commerce de La Roche sur Yon du 4 novembre 2015.
La clôture des opérations de liquidation pour insuffisance d'actif a été prononcée par jugement du 2 novembre 2022.
Seule la société Amarenco Construction maintient des demandes contre la société Marchegay.
Malgré l'invitation qui lui en a été faite par le magistrat chargé de la mise en état suivant courrier du 26 octobre 2023, la société Amarenco Construction n'a pas fait appeler en cause de mandataire ad hoc de la société Marchegay.
La cour n'est donc pas valablement saisie des demandes formées par la société Amarenco Construction à l'encontre de la société Marchegay.
Il en est de même des demandes formées par la société Amarenco Construction à l'encontre de la société Cbl Insurance Europe Designated Activity Company, partie en première instance, mais non intimée devant la cour d'appel.
* Sur les demandes de la société Pigéoénergie, maître de l'ouvrage
La société Pigéoénergie, maître de l'ouvrage, fonde ses demandes à l'encontre de la société Amarenco Construction et son assureur la Smabtp, et à l'encontre de la société Axa France Iard en sa qualité d'assureur de la société Marchegay, sous-traitant de la société Amarenco Construction, à titre principal sur l'existence d'un dommage de nature décennale, et à titre subsidiaire sur la responsabilité de droit commun.
1) demandes fondées sur un désordre de nature décennale
- a) responsabilité du constructeur et de son sous-traitant
La société Pigéoénergie invoque à titre principal la responsabilité décennale de la société Amarenco Construction, et la responsabilité délictuelle de la société Marchegay, sous-traitant avec lequel elle n'a pas de relations contractuelles, pour des désordres de nature décennale, en se prévalant des conclusions de l'expert, selon lesquelles les désordres provoquent des infiltrations visibles en sous-toiture du hangar de stockage, et rendent le bâtiment impropre à sa destination, la fonction d'étanchéité de la couverture n'étant pas assurée.
Le tribunal a écarté la responsabilité décennale de la société Amarenco Construction, en considérant que le désordre invoqué, ayant fait l'objet d'une réserve à la réception, présentait dès la réception un caractère généralisé que le maître de l'ouvrage a percu, de même qu'il en a sans ambiguité perçu la cause, à savoir un mauvais positionnement des joints.
La société Pigéoénergie maintient que le défaut n'est apparu dans toute son ampleur et ses conséquences que postérieurement à la réception. Elle se prévaut des constatations et conclusions de l'expert selon lesquelles:
- l'inspection de la toiture a dû être réalisée avec une nacelle de la société Pigéoénergie, mais 'les capacités de manoeuvre et de déploiement de cette nacelle' n'ont 'pas permis d'investiguer sur toute la surface',
- la quasi-totalité des bandes Butyl collées aux intersections des différents panneaux 'se décollent progressivement' et ce phénomène est vraisemblablement lié à la nature des différences de dilatation des éléments de raccordement des panneaux qu'elles devraient protéger, la colle des bandes étant
'fragilisée par Ies températures élevées provoquées par Ie rayonnement solaire capté sur ce versant exposé plein sud',
- il a été constaté, 'grâce au zoom des appareils photo, que de nombreux capots destinés à assurer I'étanchéité entre deux panneaux se soulevaient aussi, soit par défaut de serrage des vis, soit sous I'effet de la dilatation en l'absence de possibilités suffisantes d'absorption de celle-ci',
- en réponse aux dires de la société Axa France Iard, en sa qualité d'assureur de la société Marchegay, et de la société Amarenco Construction, l'expert conclut qu' 'il n'est pas expressément mentionné que le phénomène serait généralisé dès Ies premières constatations. Celui-ci s'est avéré effectivement généralisé très rapidement mais postérieurement à Ia rédaction de ce procès-verbal', et que 'nous confirmons que, bien qu'ayant pu formuler quelques réserves préalables, la société Pigéoénergie ainsi que la société Amarenco Construction ne pouvaient effectivement avoir connaissance de I'ampIeur des désordres avant fait I'objet des réserves'.
La société Pigéoénergie en conclut que le tribunal n'a 'pas tenu compte de la localisation des désordres (difficulté d'accès et manque de visibilité) ni de l'évolution au fil du temps mise en évidence par l'expert (phénomène de décollement progressif, soulèvement de capots sous l'effet de la dilatation,...)'. Le maître de l'ouvrage fait également valoir qu'il n'a aucune compétence en matière de construction. La société Pigéoénergie invoque enfin la nécessité d'une dépose et d'un remplacement complet de la couverture, préconisés par l'expert, qui n'envisage pas une simple reprise de 'joints mal positionnés'.
Il incombe au maître de l'ouvrage qui recherche la responsabilité décennale du constructeur sur le fondement de l'article 1792 du code civil de rapporter la preuve du caractère caché des dommages à la date de la réception des travaux.
En l'espèce, aucun procès-verbal de réception distinct de celui 20 décembre 2012, intitulé 'Réception des ouvrages, procès-verbal des opérations préalables à la réception', n'a été établi.
Ce procès-verbal du 20 décembre 2012, souscrit par le constructeur One To One et la société Marchegay, en présence du maître de l'ouvrage, mentionne la réserve suivante : "TOITURE NON ÉTANCHE À L'EAU : joints mal positionnés".
Le défaut d'étanchéité à l'eau de la toiture est précisément le désordre retenu par l'expert, qui rend l'immeuble impropre à sa destination.
La réserve explicite concernant ce défaut apparent, connu du maître de l'ouvrage, ne comporte aucune restriction quant à la localisation des infiltrations et malfaçons constatées, ni précision sur l'ampleur des fuites.
Par ailleurs, si l'expert judiciaire a effectivement constaté le caractère généralisé des désordres, il n'est pas démontré que tel n'était pas le cas lors de la réception, puisque les dommages procèdent d'une défaillance initiale des systèmes de jonction et de recouvrement des différents panneaux. L'expert a en effet relevé que les boudins de caoutchouc devant assurer l'étanchéité perpendiculairement au sens de la pente présentaient des discontinuités et ne pouvaient de ce fait assurer l'étanchéité. Le fait que le désordre ait perduré malgré l'intervention du constructeur, postérieure à la réception, pour coller des bandes Butyl aux intersections des capots, parce que ces bandes se sont progressivement décollées, ne démontre nullement que le désordre était de moindre ampleur à la date de la réception. Rien n'établit non plus, compte tenu de la nature des désordres, que la seule solution de réparation pérenne n'ait pas été, dès l'origine, la reprise de l'ensemble de la couverture. Le fait que la cause des dommages n'ait pas été identifiée avec précision lors de la réception n'a pas d'incidence sur l'appréciation du caractère apparent ou caché des désordres, dès lors que le maître de l'ouvrage avait connaissance, dès la réception, de l'ampleur possible des dommages. Enfin la société Pigéoénergie invoquait elle-même, devant l'expert judiciaire, une perte d'exploitation de 10.400 euros par an depuis 2012, du fait des infiltrations, ce qui infirme l'hypothèse d'une aggravation des dommages.
La société IXI, expert mandaté par l'assureur de la société Pigéoénergie, conclut au contraire dans son rapport du 22 mai 2017 que le désordre, imputable à des joints de panneaux photovoltaïques fuyards, est apparu avant réception, et se trouve en rapport avec les réserves non levées.
Conformément à l'article 246 du code de procédure civile, qui prévoit que le juge n'est pas lié par les constatations ou les conclusions du technicien, la cour écarte donc la conclusion de l'expert, mélangée de droit, selon laquelle la société Pigéoénergie ne pouvait avoir connaissance de l'ampleur des désordres à la date de la réception.
Le jugement est ainsi confirmé en ce qu'il a retenu que le désordre, apparent à la réception, n'a pas un caractère décennal.
Les demandes que la société Pigéoénergie forme à l'encontre de la société Amarenco Construction ne peuvent donc pas prospérer sur le fondement de la garantie légale décennale.
La responsabilité de la société Marchegay, sous-traitant à l'encontre duquel la société Pigéoénergie ne présente pas de demande, est de même insusceptible d'être engagée du fait d'un désordre de nature décennale.
- b) garantie des assureurs
Dès lors que les désordres ne sont pas de nature décennale, ils ne relèvent ni de la garantie d'assurance décennale obligatoire souscrite par la société Amarenco Construction auprès de la Smabtp, ni de la garantie facultative souscrite par la société Marchegay auprès de la société Axa France Iard, au titre de la 'responsabilité du sous-traitant en cas de dommages de nature décennale'.
Le jugement est donc confirmé en ce qu'il a rejeté les demandes de la société Pigéoénergie présentées à l'encontre de la Smabtp et de la société Axa France Iard sur le fondement de ces garanties.
2) demandes fondées sur la responsabilité de droit commun
- a) responsabilité du constructeur et de son sous-traitant
Il est rappelé que la société Pigéoénergie ne présente pas de demande à l'encontre de la société Marchegay, ayant fait l'objet d'une procédure de liquidation judiciaire clôturée pour insuffisance d'actif, et que le recours subsidiaire de la société Amarenco Construction à l'encontre de son sous-traitant la société Marchegay ne peut prospérer en l'absence d'appel en cause d'un mandataire ad hoc de cette société.
A l'encontre la société Amarenco Construction, devant la cour d'appel, la société Pigéoénergie fonde désormais à titre subsidiaire ses demandes sur la responsabilité contractuelle de droit commun du constructeur.
C'est à tort que la société Amarenco Construction conteste la recevabilité de telles demandes, en invoquant leur caractère nouveau en cause d'appel, ou la prescription quinquennale prévue par l'article 2224 du code civil.
Seul le moyen sur lequel la société Pigéoénergie fonde ses demandes à l'encontre du constructeur est nouveau, des demandes identiques ayant déjà été présentées en première instance, sur un fondement distinct. Or l'article 564 du code de procédure civile ne prévoit que l'irrecevabilité des prétentions nouvelles, et non des moyens nouveaux. La partie qui invoque en appel la responsabilité contractuelle de droit commun après s'être fondée en première instance sur la responsabilité décennale n'introduit pas une demande nouvelle.
L'article 2224 du code civil n'est d'autre part pas applicable, puisque l'article 1792-4-3 énonce spécialement qu' 'en dehors des actions régies par les articles 1792-3, 1792-4-1 et 1792-4-2 , les actions en responsabilité dirigées contre les constructeurs désignés aux article 1792 et 1792-1 et leurs sous-traitants se prescrivent par dix ans à compter de la réception des travaux'.
La réception des travaux a été prononcée le 20 décembre 2012. La société Pigéoénergie a saisi le tribunal par assignation du 6 septembre 2019, et cette assignation fondée sur la responsabilité décennale interrompt la prescription de l'action fondée sur la responsabilité contractuelle de droit commun, ayant la même finalité, par application de l'article 2241 du code civil. La société Pigéoénergie a en toute hypothèse invoqué la responsabilité contractuelle de la société Pigéoénergie dans ses conclusions devant la cour notifiées le 25 juillet 2022.
Les fins de non recevoir soulevées par la société Amarenco Construction devant la cour d'appel sont donc rejetées.
Sur le fond, la responsabilité de la société Amarenco Construction est incontestable.
La mauvaise exécution du contrat par la société Amarenco Construction, entrepreneur principal qui répond, à l'égard du maître de l'ouvrage, des fautes de son sous-traitant, est en effet établie par la mise en oeuvre d'une toiture non étanche, constatée par l'expert. Or le devis accepté du 19 janvier 2012 comprenait notamment une 'étanchéité réalisée par les modules'.
La société Pigéoénergie demande en réparation de son préjudice matériel paiement de la somme de 130.963,89 euros.
Cette somme correspond au montant des travaux de reprise retenu par l'expert judiciaire, après vérification des devis qui lui ont été présentés.
Il doit être fait droit à la demande de la société Pigéoénergie à l'encontre de la société Amarenco Construction en paiement de cette somme, à réévaluer en considération de la variation de l'indice BT01 entre le 12 mars 2019, date de dépôt du rapport d'expertise, et la date du présent arrêt.
La société Pigéoénergie demande également, en réparation de son préjudice immatériel consécutif , paiement des sommes de:
- 2.933,98 euros en réparation de la perte de production d'énergie photovoltaïque pendant la durée des travaux de cinq semaines, sur la base d'une production moyenne de 586,80 euros par semaine à 0,261 euros le kWh,
- 36.000 euros en réparation de son préjudice de perte de loyers pour les années 2017 à 2022, à parfaire à compter du 1er janvier 2023 de 5.000 euros par an jusqu'à la réalisation des travaux.
Concernant la perte de production d'énergie photovoltaïque pendant la durée des travaux, estimée à cinq semaines, l'expert l'évalue à la somme hebdomadaire de 396,28 euros si les travaux sont réalisés en période hivernale, et à la somme hebdomadaire de 777,31 euros si les travaux sont réalisés en période estivale.
Dès lors que rien n'empêche la société Pigéoénergie de faire réaliser les travaux de reprise en hiver, la société Amarenco Construction doit verser à la société Pigéoénergie la somme de 1.981,44 euros en réparation de ce préjudice futur mais d'ores et déjà certain (396,28 x 5).
Concernant les pertes de loyers, la société Pigéoénergie et la société des Françoys, qui ont le même gérant, M.[V] [F], produisent le bail commercial conclu le 25 juillet 2012, pour une durée de neuf ans commençant à courir le 1er juillet 2012, portant sur un hangar de 1.000 m2 situé sur une partie de la parcelle ZN [Cadastre 3] à [Localité 10], et prévoyant le règlement d'un loyer annuel de 5.000 euros.
L'existence de ce bail commercial est mise en doute par la société Amarenco Construction, qui fait valoir que l'acte n'est pas signé, et soutient que le local de 1.000 m2 visé par le bail n'est pas identifiable.
Ni la validité, ni la preuve d'un bail ne sont subordonnées à l'existence d'un contrat écrit signé par les parties.
L'expert comptable de la société des Françoys atteste en l'espèce que les résultats comptables de la société des Françoys, domiciliée [Adresse 1] à [Localité 10], constatent le paiement d'un loyer pour l'utilisation du hangar appartenant à la société Pigéoénergie, domiciliée à la même adresse, et que le montant du loyer a été de 5.000 euros HT de l'année 2013 à l'année 2015, puis de 1.000 euros HT de l'année 2017 à l'année 2020.
Les captures d'écran du site Google Maps produites par la société Pigéoénergie démontrent par ailleurs qu'un seul bâtiment d'une telle superficie, dont la couverture est constituée de panneaux photovoltaïques, existe à l'adresse du [Adresse 1].
La réalité du bail, liant les parties de 2013 à 2020, n'est donc pas contestable. La perte de loyer subie par la société Pigéoénergie pendant cette période s'établit à 4.000 euros par an de 2017 à 2020, soit 16.000 euros.
Au delà de l'année 2020, la société Pigéoénergie ne démontre pas la commune volonté des parties de poursuivre le bail sur ce bâtiment. La société des Françoys utilise en effet, depuis 2017, un nouveau hangar construit sur la même parcelle, facturé à son ordre le 31 décembre 2016 par la société Probatel. Ses comptes ne mentionnent plus le versement d'un loyer à la société Pigéoénergie. Le bailleur ne démontre pas de quelconque intention de louer ce hangar de 1.000 m2 à un tiers. La perte d'une chance de louer le bâtiment au delà de l'année 2020 n'est donc pas établie.
Il doit donc être fait droit à la demande de la société Pigéoénergie, à l'encontre de la société Amarenco Construction, au titre de la perte de loyers, à concurrence de la somme de 16.000 euros.
Le jugement est infirmé en ce sens.
- b) garantie des assureurs
* garantie de la Smabtp
La garantie de la Smabtp, en sa qualité d'assureur de la société Amarenco Construction, n'est pas applicable en ce qui concerne les dommages matériels: l'article 41.8 des conditions générales du contrat Cap 2000, inclus dans le titre IV contenant les 'dispositions générales communes à toutes les garanties', dispose en effet que:
'Ne sont jamais garantis :
[']
41.8 les réserves à la réception de l'ouvrage ou des travaux au sens de l'article 1792-6 du code civil'.
En ce qui concerne la garantie facultative des dommages immatériels, la Smabtp fait valoir que le contrat la liant à la société Amarenco Construction a été résilié le 31 décembre 2016, et que la société Amarenco Construction a ensuite été assurée auprès de la société Cbl Insurance.
Il résulte des articles 7.1.1 et 18 du contrat d'assurance que les garanties accordées, à l'exception de la garantie obligatoire de responsabilité décennale et de la garantie de bon fonctionnement, sont déclenchées par la réclamation.
L'article L 124-5 du code des assurances dispose que 'La garantie déclenchée par la réclamation couvre l'assuré contre les conséquences pécuniaires des sinistres, dès lors que le fait dommageable est antérieur à la date de résiliation ou d'expiration de la garantie, et que la première réclamation est adressée à l'assuré ou à son assureur entre la prise d'effet initiale de la garantie et l'expiration d'un délai subséquent à sa date de résiliation ou d'expiration mentionné par le contrat, quelle que soit la date des autres éléments constitutifs des sinistres. Toutefois, la garantie ne couvre les sinistres dont le fait dommageable a été connu de l'assuré postérieurement à la date de résiliation ou d'expiration que si, au moment où l'assuré a eu connaissance de ce fait dommageable, cette garantie n'a pas été resouscrite ou l'a été sur la base du déclenchement par le fait dommageable'.
La société Amarenco Construction a reconnu que le sinistre avait été déclaré postérieurement à la résiliation du contrat d'assurance; elle a elle-même effectué une déclaration de sinistre auprès de la Smabtp le 31 mars 2017, après avoir été convoquée par la société IXI, expert mandaté par l'assureur de la société Pigéoénergie, le 22 mars 2017. La réclamation adressée à l'assurée, la société Amarenco Construction, ou à son assureur, la Smabtp, étant postérieures à la résiliation du contrat d'assurance, les garanties facultatives, couvrant tant les dommages matériels relevant de la responsabilité contractuelle de droit commun de l'assuré que les dommages immatériels, n'ont pas vocation à s'appliquer.
Par ailleurs, la société Amarenco Construction, ne produit pas le contrat d'assurance qu'elle a ensuite souscrit auprès de la société Cbl Insurance, son assureur à la date de la réclamation, mais seulement une attestation d'assurance 'responsabilité civile décennale obligatoire' et 'responsabilité civile professionnelle', à effet du 1er janvier 2017. Elle ne permet pas à la cour de savoir si les garanties facultatives dont elle demande l'application ont été resouscrites ou non, ou l'ont été sur la base du déclenchement par le fait dommageable. Elle ne démontre donc pas qu'elle peut prétendre à l'application de la garantie subséquente de la Smabtp.
Enfin, la société Amarenco Construction indique que la Smabtp 's'est comportée pendant plus de deux années, et notamment au cours de l'expertise judiciaire, comme l'assureur de la société Amarenco Construction, et a perçu des primes spécifiques pour ce chantier'.
La Smabtp rappelle cependant que l'avenant d'extension de garantie souscrit par la société Amarenco Construction pour le chantier litigieux n'avait d'autre objet que le procédé de construction mis en 'uvre, l'article 4 de l'avenant précisant qu'il n'est pas autrement dérogé aux clauses et conditions du contrat, dont les stipulations relatives à l'application dans le temps des garanties. D'autre part, dès les opérations d'expertise, la Smabtp, assistée d'un avocat distinct de celui de la société Amarenco Construction, a fait des réserves sur l'application de sa garantie, ce qui confirme qu'elle n'a jamais renoncé à se prévaloir des limites de sa garantie. Aucune conséquence juridique ne peut donc être induite des faits invoqués par la société Amarenco Construction.
Les demandes formées par la société Pigéoénergie et la société Amarenco Construction à l'encontre de la Smabtp, au titre des dommages subis par le maître de l'ouvrage, sont donc rejetées.
Le jugement est confirmé en ce qu'il a rejeté les demandes de la société Pigéoénergie à l'encontre de la Smabtp, et la cour, y ajoutant, rejette également les demandes de la société Amarenco Construction à l'encontre de la Smabtp.
* garantie de la société Axa France Iard
La société Pigéoénergie et la société Amarenco Construction recherchent la garantie de la société Axa France Iard, en sa qualité d'assureur de la société Marchegay, sans préciser, dès lors que le désordre, réservé à la réception, n'a pas le caractère d'un dommage décennal, sur quelle garantie d'assurance elles fondent leur demande.
Les conditions particulières du contrat d'assurance liant la société Marchegay à la société Axa France Iard démontrent que la garantie 'responsabilité civile du chef d'entreprise' n'a pas été souscrite. La société Marchegay ne bénéficie en exécution de ce contrat que des garanties 'dommages sur chantier', 'responsabilité civile décennale', et 'responsabilités connexes', qui ne sont pas applicables en l'espèce, comme le tribunal l'a déjà relevé.
Le jugement est donc confirmé en ce qu'il a rejeté les demandes formées par la société Pigéoénergie à l'encontre de la société Axa France Iard, au titre des dommages subis par le maître de l'ouvrage. La cour, y ajoutant, rejette les demandes de la société Amarenco Construction à l'encontre de la société Axa France Iard.
* Sur les demandes de la société des Françoys, locataire
- sur la recevabilité des demandes
La société Amarenco Construction soulève l'irrecevabilité des demandes de la société des Françoys, faute de qualité ou d'intérêt à agir, en mettant en cause l'existence du bail.
La réalité du bail ayant été démontrée plus haut, cette fin de non recevoir doit être écartée.
Le jugement est confirmé sur ce point.
La société Amarenco Construction invoque également la prescription de l'action de la société des Françoys concernant les pertes antérieures au 6 septembre 2014, en faisant valoir que la société des Françoys n'a pas formalisé sa demande en justice avant l'assignation au fond délivrée le 6 septembre 2019.
Le tribunal a admis la prescription des demandes de la société des Françoys pour la période antérieure au 6 septembre 2014, et ce point n'est pas contesté devant la cour d'appel par la société locataire, qui ne demande réparation de la perte d'exploitation invoquée qu'à compter du 6 septembre 2014.
- sur le fond
La société des Françoys, société créée en 2002, recherche la responsabilité délictuelle de la société Amarenco Construction du fait de pertes d'exploitation consécutives aux désordres affectant la toiture du bâtiment loué, en indiquant qu'elle n'est pas en mesure d'assurer ses prestations de stockage de denrées agricoles auprès d'autres agriculteurs, en raison des infiltrations. Elle expose que compte tenu des dimensions du hangar (1.600 m3), elle aurait dû pouvoir stocker 1.300 tonnes par an au prix de 8 euros la tonne, et que ses volumes de stockage n'ont pas augmenté malgré la location d'un autre local puis la construction d'un nouveau bâtiment en 2017. Elle invoque donc une perte d'exploitation annuelle de 10.400 euros (1.300 x 8 €).
Elle se prévaut d'une attestation de son expert comptable récapitulant les résultats comptables de son activité de collecte de matières premières agricoles de 2013 à 2019, et d'une facture de stockage du 30 juillet 2017, faisant apparaître un prix de stockage de 8 euros la tonne.
Le manquement contractuel de la société Amarenco Construction à l'égard de la société Pigéoénergie est constitutif d'une faute délictuelle à l'égard de la société des Françoys. Mais il appartient à cette société tierce de démontrer le préjudice qui en est résulté pour elle.
Il est noté que la société des Françoys invoque, selon son calcul, une perte annuelle de chiffres d'affaires (1.300 x 8 €), et non de résultat.
Mais en toute hypothèse, les pièces produites ne peuvent suffire à établir la perte invoquée. L'attestation du comptable de la société des Françoys, datée du 20 décembre 2022, indique que cette société a pu collecter:
- 5.282 tonnes de matières premières agricoles en 2013,
- 7.949 tonnes de matières premières agricoles en 2014,
- 6.802 tonnes de matières premières agricoles en 2015,
- 6.289 tonnes de matières premières agricoles en 2016,
- 5.483 tonnes de matières premières agricoles en 2017,
- 5.561 tonnes de matières premières agricoles en 2018,
- et 5.290 tonnes de matières premières agricoles en 2019.
Aucune pièce complémentaire n'établit dans quel lieu ces matières premières ont été stockées, pour un volume excédant en tout état de cause la capacité de stockage théorique de 1.300 tonnes invoquée. Les résultats des années antérieures à 2013, avant réception des travaux en cause le 20 décembre 2012, ne sont pas produits, de sorte que rien ne démontre la stabilité des résultats, avant et après réception des travaux litigieux. Enfin, alors que la société des Françoys indique et justifie avoir fait construire un nouveau hangar, qui lui a été facturé le 30 décembre 2016, aucune augmentation corrélative de la collecte de matières premières agricoles n'apparaît en 2017, ce qui infirme l'existence d'un rapport direct entre la capacité de stockage théorique et le bénéfice effectif qui peut en être retiré.
En l'absence de preuve du préjudice invoqué, la demande de dommages et intérêts que la société des Françoys présente à l'encontre de la société Amarenco Construction doit être rejetée.
Pour la même raison, et en l'état de l'inapplicabilité des garanties souscrites auprès de la Smabtp et de la société Axa France Iard développée plus haut, les demandes de la société des Françoys à l'encontre des assureurs de la société Amarenco Construction et la société Marchegay sont également rejetées.
Le jugement est confirmé en ce qu'il a rejeté les demandes de la société des Françoys.
* Sur les demandes accessoires:
Le jugement déféré est infirmé en ce qu'il a mis à la charge de la société Pigéoénergie et la société des Françoys les dépens de première instance et de l'instance en référé, en ce compris le coût de l'expertise judiciaire.
La société Amarenco Construction, partie perdante, doit supporter les dépens de première instance et de l'instance en référé, en ce compris le coût de l'expertise judiciaire, ainsi que les dépens d'appel.
La société Amarenco Construction doit également régler à la société Pigéoénergie une indemnité de 4.000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile, au titre des frais irrépétibles.
En considération des circonstances de la cause, il est équitable de rejeter les demandes présentées par la Smabtp et la société Axa France Iard sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.
PAR CES MOTIFS
La cour, statuant publiquement, par mise à disposition, par arrêt réputé contradictoire et en dernier ressort,
Constate que la cour n'est pas valablement saisie des demandes formées par la société Amarenco Construction à l'encontre de la société Marchegay et de la société Cbl Insurance Europe Designated Activity Company ;
Rejette les fins de non recevoir soulevées par la société Amarenco Construction en cause d'appel ;
Confirme le jugement rendu le 7 avril 2022 par le tribunal judiciaire de Toulouse, sauf en ce qu'il a rejeté les demandes de la société Pigéoénergie à l'encontre de la société Amarenco Construction, et sauf en ce qu'il a condamné la société Pigéoénergie et la société des Françoys aux dépens de première instance et de l'instance en référé, en ce compris le coût de l'expertise judiciaire ;
Statuant à nouveau sur ces chefs de décision infirmés et y ajoutant,
Condamne la société Amarenco Construction à payer à la société Pigéoénergie:
- la somme de 130.963,89 euros, à réévaluer en considération de la variation de l'indice BT01 entre le 12 mars 2019 et la date du présent arrêt, au titre des dommages matériels;
- la somme de 1.981,44 euros au titre de la perte de production d'énergie photovoltaïque;
- la somme de 16.000 euros au titre de la perte des loyers ;
Rejette les demandes de la société Amarenco Construction à l'encontre de la Smabtp et la société Axa France Iard ;
Condamne la société Amarenco Construction aux dépens de première instance, au dépens de l'instance en référé, en ce compris le coût de l'expertise judiciaire, et aux dépens d'appel, et dit que ceux-ci pourront être recouvrés conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile par la Scp Candelier Carrière Ponsan et la Selas Morvilliers Sentenac et associés, qui en font la demande ;
Condamne la société Amarenco Construction à payer à la société Pigéoénergie la somme de 4.000 euros au titre des frais irrépétibles ;
Rejette les demandes des autres parties présentées sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.