CA Toulouse, 1re ch. sect. 1, 19 février 2025, n° 23/00220
TOULOUSE
Arrêt
Autre
19/02/2025
ARRÊT N° 69 /25
N° RG 23/00220
N° Portalis DBVI-V-B7H-PGUN
CR - SC
Décision déférée du 14 Novembre 2017
Tribunal de Grande Instance de BERGERAC 15/00991
Mme MOREL
S.A.R.L. [20]
C/
[K] [B] [E]
S.A. [16]
S.A. [17]
SCP [R] [P]
INFIRMATION
Grosse délivrée
le 19/02/2025
à
Me Sylvain MAURY
Me Nicolas LARRAT
Me Gilles SOREL
REPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
***
COUR D'APPEL DE TOULOUSE
1ere Chambre Section 1
***
ARRÊT DU DIX NEUF FEVRIER DEUX MILLE VINGT CINQ
***
APPELANTE
S.A.R.L. [20]
[Adresse 14]
[Localité 9]
Représentée par Me Sylvain MAURY de la SELAS AGN AVOCATS TOULOUSE, avocat au barreau de TOULOUSE (postulant)
Représentée par Me Jean-François CAPOUL, avocat au barreau de BERGERAC (plaidant)
INTIMEES
Madame [K] [B] [E]
[Adresse 3]
[Localité 2]
S.A. [16]
[Adresse 1]
[Localité 5]
S.A. [17]
[Adresse 1]
[Localité 5]
Représentées par Me Nicolas LARRAT de la SCP LARRAT, avocat au barreau de TOULOUSE (postulant)
Représentées par Me Xavier LAYDEKER de la SCP LAYDEKER - SAMMARCELLI - MOUSSEAU, avocat au barreau de BORDEAUX (plaidant)
SCP [R] [P]
[Adresse 6]
[Localité 4]
Représentée par Me Gilles SOREL, avocat au barreau de TOULOUSE (postulant)
Représentée par Me Yves-Marie LE CORFF de l'ASSOCIATION FABRE GUEUGNOT ET ASSOCIES, avocat au barreau de PARIS (plaidant)
COMPOSITION DE LA COUR
L'affaire a été débattue le 22 avril 2024 en audience publique, devant la cour composée de :
C. ROUGER, présidente
A.M. ROBERT, conseillère
S. LECLERCQ, conseillère
qui en ont délibéré.
Greffière : lors des débats A. RAVEANE
ARRET :
- CONTRADICTOIRE
- prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, après avis aux parties
- signé par C. ROUGER, présidente et par M. POZZOBON, greffière
EXPOSE DES FAITS ET DE LA PROCEDURE
Selon acte authentique du 8 juin 1996 Mme [H] épouse [T] a acquis un immeuble situé à [Localité 10] (47) immeuble comprenant des dépendances nécessaires à une exploitation de fabrication de papier et des machines associées, notamment une machine à fabriquer le papier, scellée au sol.
Selon acte du 1er mars 2003 Mme [T] a consenti à la Sarl [18] un bail commercial portant sur cet immeuble comportant un atelier de fabrication (avec forme ronde, trois piles hollandaises, formes et feutres), un bureau réfectoire, un séchoir à papier, un hall d'exposition, un bâtiment de stockage, un local technique, moyennant un loyer annuel de 7.200€.
La Sarl [18] a été placée en liquidation judiciaire par jugement du tribunal de commerce d'Agen du 3 juin 2009 et la Scp [P] [R] désignée comme mandataire liquidateur.
Après inventaire réalisé par Me [F], huissier de justice, le liquidateur a mis en vente le fonds de commerce. La Sarl [20] a présenté des offres successives d'acquisition et, par ordonnance du 7 novembre 2009, le juge-commissaire a autorisé la cession du fonds de commerce à son profit pour le prix de 81.000 € réparti à hauteur de 10.000 € pour les éléments incorporels et à hauteur de 71.000 € pour les éléments corporels.
Un rendez-vous pour signature devant notaire de l'acte de cession était prévu le 21 avril 2010 mais l'acte n'a pas été instrumenté.
L'acte authentique de cession du fonds artisanal et de commerce de fabrication de papier et carton a été finalement dressé le 8 juillet 2010 en l'étude de Me [B]-[E], notaire à [Localité 13] (24), Mme [T] étant intervenue à cet acte en qualité de propriétaire de l'immeuble donné à bail.
Le 1er décembre 2010 Mme [T] a fait délivrer à la société [20] un commandement de payer les loyers depuis le 1er janvier 2010. La société [20] a fait opposition à ce commandement de payer et a assigné Mme [T] devant le tribunal de grande instance de Bergerac afin de voir dire qu'elle n'est redevable d'aucun loyer pour la période antérieure au 7 juillet 2010, puis par acte du 23 août 2011 elle a donné congé du bail commercial pour le 29 février 2012 date à laquelle elle a libéré les lieux.
Par jugement du 31 janvier 2013 le tribunal de grande instance de Bergerac a :
- débouté la société [20] de sa demande de nullité du commandement de payer du 1er décembre 2010
- constaté que le bail n'a produit effet qu'à compter du 8 juillet 2010 et que les loyers ont été intégralement réglés jusqu'à la fin du contrat, soit directement soit par consignation
- condamné la Sarl [20] à payer à Mme [T] les loyers depuis le 1er janvier 2011 jusqu'au 28 février 2012
- débouté les parties du surplus de leurs demandes.
Mme [T] a relevé appel de ce jugement, sollicitant notamment la résiliation du bail pour non-paiement de loyers, le règlement de diverses sommes au titre de loyers, la restitution sous astreinte de diverses machines, dont une machine à fabriquer le papier, scellée au sol, sans sa tête inox, ainsi que diverses sommes au titre de travaux de remise en état.
Par arrêt du 5 mai 2014 la cour d'appel de Bordeaux a réformé ledit jugement sauf en ce qu'il a rejeté les demandes visant à la résiliation ou à la résolution du bail commercial et sauf en ce qui concerne la condamnation au titre des loyers à compter de janvier 2011, et, statuant à nouveau sur les chefs infirmés, a notamment ordonné la restitution par la société [20] de diverses machines, dont la machine à fabriquer le papier scellée au sol sans sa tête inox et les laminoirs, machines qui avaient été enlevées par le gérant de la société [20], dont la cour d'appel a estimé qu'elle n'était pas propriétaire mais lui avaient été louées selon le bail commercial repris, ces enlèvements ayant causé par ailleurs diverses dégradations à l'immeuble sur la maçonnerie et l'installation électrique.
Par acte du 29 juillet 2017 la société [20] a assigné devant le tribunal de grande instance de Bergerac Me [B]-[E], notaire instrumentaire, en responsabilité pour manquement à ses obligations, notamment en ayant rédigé un acte de cession de fonds artisanal et de commerce imprécis quant aux éléments le composant alors que l'acquisition de la machine à fabriquer le papier aurait été déterminante de son consentement, sollicitant l'indemnisation de son préjudice à hauteur de 152.954,06 €.
Par jugement du 14 novembre 2017 le tribunal de grande instance de Bergerac a :
- rejeté la demande d'indemnisation formée par la société [20] pour manquement de Me [K] [B]-[E] à son devoir de conseil,
- condamné la société [20] à payer à Me [K] [B]-[E] une indemnité de 2.000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
- rejeté la demande d'indemnité de la société [20] au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
- condamné la société [20] aux dépens de l'instance,
- dit n'y avoir lieu à exécution provisoire.
Pour statuer ainsi, le premier juge a retenu au vu de la lettre adressée par la Scp [P], liquidateur judiciaire de la Sarl [18], en réponse à l'offre d'acquisition présentée le 16 juillet 2009, que la société [20] était informée que le matériel susceptible d'être vendu était celui figurant sur le procès-verbal d'inventaire dressé par Me [F], à l'exception de ceux signalés comme faisant partie intégrante de l'immeuble ; que ce procès-verbal était parfaitement explicite puisque mentionnant parmi le matériel et l'outillage la présence d'une machine à fabriquer le papier, scellée au sol, avec sa caisse de tête inox ainsi que d'un laminoir de fabrication artisanale, un laminoir ancien réadapté, deux piles hollandaises pour fabrication de la pâte à papier bâtis et scellés dans l'immeuble, faisant partie intégrante de l'immeuble et mentionnés sur le bail commercial, portés pour mémoire, et qu'au vu de ces éléments la société acquéreuse était informée de l'exclusion desdites machines de la cession du fonds de commerce, parties intégrantes de l'immeuble, avant même que le notaire ne soit saisi de la rédaction de l'acte.
Il a relevé qu'il n'était pas contesté par les parties que lors du rendez-vous de signature de l'acte du 21 avril 2010 Mme [T] avait fait valoir devant le notaire son désaccord sur la vente des machines litigieuses en présence de la société [20], que le notaire avait par courrier du même jour alerté le liquidateur sur les difficultés rencontrées pour la régularisation de l'acte de cession, sollicitant notamment des précisions sur la propriété de la machine à fabriquer le papier scellée au sol avec sa tête inox, attestant ainsi des diligences entreprises par lui dans la perspective de la vente, que l'acte de cession du fonds artisanal et de commerce établi le 8 juillet 2010 par Me [B]-[E] indique dans la partie relative à la « désignation du fonds » que celui-ci comprend « le matériel et le mobilier commercial servant à l'exploitation du fonds, décrit et estimé article par article suivant procès-verbal d'inventaire et de prisée dressé par la Scp [11] », et, au vu de ces considérations, a estimé que le notaire n'avait commis aucune faute de nature à engager sa responsabilité.
La société [20] a relevé appel de cette décision le 1er décembre 2017.
Par arrêt du 21 novembre 2019 la cour d'appel de Bordeaux a infirmé ce jugement et, statuant à nouveau, dit que Me [B]-[E] a engagé sa responsabilité professionnelle par manquement à son obligation de conseil, ordonnant la réouverture des débats sur le préjudice et invitant les parties à s'expliquer sur le préjudice né de ce manquement sous forme d'une perte de chance de ne pas contracter, réservant tous les autres chefs de demandes et les dépens.
Par acte du 17 septembre 2020 la société [20] a assigné en intervention forcée la Scp [R] [P] en qualité de mandataire liquidateur de la Sarl [18], aux fins qu'il lui soit enjoint de produire à l'instance tout document sur lequel elle a pu s'appuyer pour « porter à la vente les éléments d'actifs du fonds de commerce [18], alerter et recueillir l'avis de Me [B] [E] au sujet des machines litigieuses, accepter la dernière offre d'achat formulée par la Sarl [20], s'assurer de la conformité de l'acte de vente rédigé par Me [B] [E] avec les conditions légales qui en principe encadraient la vente »
La Scp [R] [P] n'a pas constitué avocat.
Par arrêt du 20 mai 2021 la cour d'appel de Bordeaux a :
- déclaré irrecevable la demande de résolution judiciaire de la vente formée par la société [20],
- débouté la société [20] de ses demandes en réparation de son préjudice,
- débouté la société [20] de sa demande de communication de pièce,
- dit que chaque partie supportera la charge de ses propres dépens et conservera la charge de ses frais irrépétibles ;
La société [20] a formé un pourvoi contre ces deux arrêts rendus par la cour d'appel de Bordeaux.
Par arrêt du 23 novembre 2022, après jonction des pourvois, la 1ère chambre civile de la Cour de cassation a cassé et annulé, sauf en ce qu'ils déclarent irrecevable la demande de résolution judiciaire de la vente, les arrêts rendus les 21 novembre 2019 et 20 mai 2021 entre les parties, par la cour d'appel de Bordeaux, remis, sauf sur ces points, l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt, les renvoyant devant la cour d'appel de Toulouse, condamnant Mme [B]-[E] et les sociétés [16] et [17] aux dépens ainsi qu'au paiement à la société [20] d'une somme de 3.000 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.
La Cour de cassation a retenu au visa de l'article 1382 devenu 1240 du code civil, qu'il résulte de ce texte que le notaire qui méconnaît son devoir d'assurer l'efficacité de l'acte juridique qu'il reçoit doit réparer le dommage directement causé par sa faute ; que pour dire que la responsabilité du notaire était engagée sur le seul fondement d'un manquement au devoir de conseil et non sur celui de l'absence d'efficacité de l'acte et inviter en conséquence les parties à conclure sur le préjudice consistant dans la perte de chance de ne pas contracter l'arrêt a retenu que la vente a existé et qu'il ne s'agit pas de tirer les conséquences d'une résolution ou d'une annulation ; qu'en statuant ainsi, alors que les équipements que la société [20] avait été condamnée à restituer figuraient sur l'offre d'achat détaillée et le procès-verbal de prisée annexés à l'acte de vente et définissant le périmètre de celle-ci, la cour d'appel avait violé le texte susvisé. Elle a retenu que la cassation de l'arrêt du 21 novembre 2019 entraînait par voie de conséquence celle de l'arrêt du 20 mai 2021 qui en est la suite.
La présente cour de renvoi a été saisie le 16/01/2023, déclaration de saisine signifiée à Mme [K] [B] [E] le 1er février 2023, aux [16] et [17] par acte du 30/01/2023, et à la Scp [R] [P] en qualité d'intimée par acte du 31 janvier 2023.
PRETENTIONS DES PARTIES
Dans ses dernières conclusions notifiées par voie électronique le 26 mai 2023, la Sarl [20], appelante, demande à la cour de :
- Infirmer le jugement du tribunal de grande instance de Bergerac en date du 14 novembre 2017
Statuant à nouveau,
- juger son action recevable et bien fondée,
-« constater » qu'elle a subi différents préjudices en raison des fautes de Me [B]-[E] dans l'exercice de sa mission,
- fixer son préjudice à la somme de 422.686,39 € correspondant aux conséquences directes de l'acte qui a été rédigé par ce professionnel de la vente,
- condamner Me [B]-[E], la société [16] et la société [17] à lui payer la somme de 40.000 € à titre de dommages et intérêts outre la somme de 20.000 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,
- condamner Me [B]-[E], la société [16] et la société [17] aux entiers dépens de première instance, de la cour d'appel de Bordeaux, de la Cour de cassation et de la présente cour de renvoi.
Au soutien de ses prétentions et reproduisant en page 8 et 9 une grande partie de la motivation de l'arrêt du 21 novembre 2019 cassé (ses pages 5 et 6), l'appelante invoque un manquement de Me [B]-[E] à son devoir d'information et de conseil avant la tentative de « régularisation » de cession du fonds artisanal et de commerce en date du 21 avril 2010 en ne vérifiant pas, avant de convoquer les parties pour la régularisation de l'acte de cession, la qualification juridique des machines et outils que la Sarl [20] pensait avoir acquis et qu'en faisant signer l'acte de cession sans avoir préalablement éclairci la situation et informé M.[U], auteur de l'offre du 19 novembre 2009 pour la Sarl [20], le notaire a engagé sa responsabilité. Elle invoque par ailleurs un manque d'efficacité de l'acte dit de « régularisation » du 8 juillet 2010 au regard de sa volonté manifestée d'acheter la machine et en l'absence de mise en garde sur notaire sur la portée de l'acquisition réalisée, alors que la nature de la machine n'était pas levée au jour de la signature de l'acte au regard de son offre d'acquisition. Invoquant un élément nouveau consistant en l'aveu de Mme [T] « relatif à la survenance d'un incendie et la perte totale de la machine objet principal de l'acte de vente litigieux », elle s'estime fondée à solliciter la condamnation du notaire instrumentaire à hauteur d'une somme de 422.686,39 € correspondant selon elles aux conséquences directes de l'acte rédigé par ce professionnel à savoir, la restitution de l'intégralité des sommes versées pour cette vente, celles consacrées à l'installation et la restitution intégrale des machines litigieuses, celles nées de son préjudice économique en raison de l'impossibilité pour elle de pouvoir utiliser les machines, et enfin la prise en charge de toutes les sommes qu'elle a été condamnée à verser par décisions de justice ou qui sont entrées dans ses dépens d'instance.
Dans leurs dernières écritures notifiées par voie électronique le 10/05/2023, la société [17], la société [16] Sa et Mme [K] [B] [E], intimées, demandent à la cour de :
- confirmer le jugement rendu par le tribunal de grande instance de Bergerac le 14 novembre 2017,
A titre subsidiaire, si par extraordinaire la cour devait réformer ledit jugement et considérer que Me [B] [E] a commis une faute,
- juger les demandes de la société [20] irrecevables et en tout cas mal fondées
- débouter la société [20] de l'ensemble de ses demandes, fins et prétentions,
En tout état de cause,
- condamner la société [20] à verser à Me [K] [B]-[E] et aux sociétés [15] une indemnité de 3500 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile
- condamner la société [20] aux entiers dépens de l'instance dont distraction au profit de la Scp Laydeker Sammarcelli Mousseau, avocats, sur ses affirmations de droit.
Contestant au principal toute faute de la part du notaire instrumentaire, les intimées soutiennent que la société [20] a été informée dès le départ de l'impossibilité de se porter acquéreuse de certaines machines présentes dans les lieux d'exploitation qui appartenaient au bailleur puisqu'il s'agissait d'immeubles par destination ; que cela lui a été exposé dès le 20 juillet 2009 par la Scp [P], en qualité de mandataire liquidateur du précédent exploitant ; que le procès-verbal d'inventaire de Me [F] mentionnait expressément que la machine à fabriquer le papier avec sa tête inox était scellée au sol et précisait que le laminoir de fabrication artisanale, le laminoir ancien réadapté et les deux piles hollandaises pour la fabrication de la pâte à papier faisaient partie intégrante de l'immeuble, étaient mentionnés sur le bail commercial, et portés pour mémoire; que dès lors la société [20] était clairement informée de l'impossibilité pour elle de se porter acquéreur de certaines machines, et ce avant même que le notaire ne soit saisi de la rédaction de l'acte ; que cela lui a été également rappelé au moment de la tentative de signature de l'acte de cession en avril 2010, Mme [T] ayant fait valoir son désaccord sur la vente des machines litigieuses en présence de la société [20], raison précise pour laquelle le premier rendez-vous pour la signature de la vente a été reporté ; que ce n'est qu'après plusieurs mois de discussions que les parties se sont entendues pour signer l'acte de cession sur la base du procès-verbal des 22 et 30 juin 2009 établi par Me [F] qui précisait clairement que certaines machines faisaient partie intégrante de l'immeuble et que d'autres étaient scellées au sol ce qui impliquait qu'elles ne pouvaient être appréhendées dans le cadre de la cession. Elle relève qu'en outre la qualification des biens litigieux ressortait également clairement du bail commercial qui était en la possession de la société [20] et que cette dernière qui connaissait la particularité de ces machines imposantes en poids et en taille, scellées au sol depuis des décennies, savait parfaitement qu'elles appartenaient au bailleur, étant elle-même fabricante de papier depuis 1460, et savait qu'elle ne pourrait pas emporter ces machines qui n'étaient pas incluses dans la cession.
Subsidiairement les intimées soulèvent l'irrecevabilité de la demande d'indemnisation à hauteur de 422.686, 39 € qui correspondrait selon elles aux conséquences financières de la résolution de la vente, résolution judiciaire qui a été déclarée irrecevable par l'arrêt du 20 mai 2021 non objet de cassation sur ce point, estimant que ladite demande se heurte à l'autorité de la chose jugée. Elles relèvent que la demande initiale d'indemnisation portait sur une somme de 143.954, 06 € au titre des différentes sommes versées pour acheter, remettre en état et restituer des machines et des matériaux, sans qu'il ait jamais été question de résolution de la vente ou de conséquences de cette résolution, estimant la demande d'indemnisation aujourd'hui formée irrecevable pour constituer une demande nouvelle. Elles soutiennent au surplus que les conditions financières d'une résolution de la vente ne pourraient être examinées en l'absence de toutes les parties à l'acte de vente, la Scp [P] [R] ayant été attraite en intervention forcée non en qualité de mandataire liquidateur de la société [18] mais à titre personnel, et étant au surplus dessaisie de son mandat de liquidateur suite au jugement du 4 mars 2015 ayant clôturé la procédure collective, et qu'en toute hypothèse, le notaire, intervenu pour rédiger un acte de cession sur la base d'une ordonnance du juge-commissaire sur laquelle il ne lui appartenait pas de se prononcer, ne peut être tenu de restituer tout ou partie d'un prix qu'il n'a pas reçu. Elles soutiennent en outre qu'au regard du délai de prescription de l'action en nullité et de l'action en résolution de vente l'action en résolution et en condamnation du notaire et de ses assureurs à prendre en charge les conséquences pécuniaires de cette résolution est prescrite.
Dans ses dernières écritures notifiées par voie électronique le 28/04/2023, la Scp [P] [R], demande à la cour de :
- rejeter comme irrecevables les demandes formées par la Sarl [20]
- la débouter de l'ensemble de ses prétentions, fins et conclusions,
- débouter l'ensemble des parties de leurs fins, demandes, conclusions à son encontre,
- condamner la société [20] à lui payer une somme de 4.000 € sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,
- condamner la société [20] aux entiers dépens qui seront recouvrés par Me Soral, avocat aux offres de droit.
Au visa de l'article 547 du code de procédure civile elle soutient qu'en son nom personnel la Scp [P] [R] n'était pas partie à la procédure qui s'est déroulée devant le tribunal de grande instance, puis la cour d'appel de Bordeaux et ensuite devant la Cour de cassation, seule ayant été attraite devant la cour d'appel de Bordeaux par acte du 1er septembre 2020, puis devant la Cour de cassation, la Scp [P] [R] en qualité de mandataire liquidateur de la liquidation judiciaire de la Sarl [18]. Elle en déduit que faute par la société [20] de justifier son intervention forcée par une évolution du litige, l'appel tel que formé à son encontre est irrecevable. Par ailleurs, au visa de l'article 122 du code de procédure civile, elle soutient que la Scp [P] en sa qualité de liquidateur à la liquidation judiciaire de la Sarl [18] n'a en toute hypothèse plus qualité à défendre, son mandat ayant pris fin à la suite du jugement du 4 mars 2015 ayant clôturé la procédure collective.
SUR CE, LA COUR :
1°/ Sur les fins de non-recevoir soulevées par la Scp [P] [R]
La Scp [P] [R] a été attraite en intervention forcée devant la cour d'appel de Bordeaux en sa qualité de mandataire liquidateur de la liquidation judiciaire de la Sarl [18] par assignation de la société [20] du 17 septembre 2020, après l'arrêt mixte du 21 novembre 2019, la société [20] entendant alors solliciter la résolution judiciaire de la vente pour vice du consentement et sollicitant que divers documents relatifs à la vente soient produits à l'instance par la Scp [P] ès qualités. Cette dernière n'a pas constitué devant la cour d'appel de Bordeaux. Au visa de l'article 464 du code de procédure civile, la cour d'appel de Bordeaux a, par arrêt du 20 mai 2021, déclaré irrecevable la demande de résolution judiciaire de la vente formée par la société [20] et débouté cette dernière de sa demande de communication de pièces.
L'arrêt de la Cour de cassation, mentionnant la Scp [R] [P] comme défenderesse à la cassation, juridiction devant laquelle elle était attraite ès qualités et n'a pas davantage constitué, n'a pas cassé la disposition de l'arrêt du 20 mai 2021 en ce que la cour d'appel de Bordeaux a déclaré irrecevable la demande de résolution judiciaire de la vente, disposition dès lors définitive.
La Société [20] a néanmoins intimé devant la cour de renvoi la Scp [P] [R] selon déclaration de saisine du 16 janvier 2023, faisant signifier la déclaration de saisine de la présente cour par acte délivré le 31 janvier 2023 à la Scp [P] [R], « mandataire liquidateur », acte remis à la personne de Mme [R] [P], gérante de la Scp.
Selon les dispositions de l'article 547 du code de procédure civile, en matière contentieuse, l'appel ne peut être dirigé que contre ceux qui ont été parties en première instance. Or la Scp [R] [P], que ce soit ès qualités de mandataire liquidateur de la société [18] ou en nom personnel, n'était pas partie à la procédure de première instance.
Par ailleurs, en application des dispositions de l'article 555 du code de procédure civile, peuvent être appelées en intervention forcée devant la cour les personnes qui n'ont été ni parties ni représentées en première instance quand l'évolution du litige implique leur mise en cause.
Or la Scp [R] [P], dessaisie de son mandat de représentation, ne peut plus être mise en cause en qualité de mandataire liquidateur de la Sarl [18] en raison du jugement de clôture de la procédure liquidation judiciaire pour insuffisance d'actif du 4 mars 2015 publié au Bodacc le 17 mars 2015. La société [20] ne donne aucune explication sur les motifs qui pourraient justifier une intervention forcée de la Scp [R] [P] en son nom personnel devant la cour de renvoi, aucune demande n'étant formulée à son encontre en quelque qualité que ce soit.
Il convient en conséquence de déclarer irrecevable la Sarl [20] à attraire devant la présente cour de renvoi la Scp [P] [R], que ce soit en nom personnel ou ès qualités de mandataire liquidateur de la Sarl [18] et ce, tant en qualité d'intimé que d'intervenant forcé.
Les dépens inhérents à la mise en cause devant la cour de renvoi de la Scp [R] [P] resteront à la charge de la Sarl [20], laquelle se trouve redevable à l'égard de cette Scp d'une indemnité sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile dans les conditions définies au dispositif du présent arrêt.
2°/ Sur la responsabilité du notaire
a) Sur les fautes
En droit, le notaire qui prête son concours à l'établissement d'actes authentiques doit veiller à leur efficacité tant objective, c'est-à-dire conforme à la réalité, que subjective, c'est-à-dire conforme à l'intention des parties. Il doit, préalablement, procéder à la vérification des faits et conditions nécessaires pour assurer l'utilité et l'efficacité des actes qu'il instrumente, sans toutefois être dans l'obligation de vérifier les informations d'ordre factuel fournies par les parties en l'absence d'éléments de nature à faire douter de la véracité ou de l'exactitude des renseignements donnés. Il est en outre tenu envers ceux qui sollicitent son ministère d'un devoir de conseil et, le cas échéant, de mise en garde, notamment en ce qui concerne les conséquences et risques des stipulations convenues.
En l'espèce la Sarl [20] reproche au notaire instrumentaire :
- un manquement à son obligation d'information et de conseil avant la tentative de « régularisation » de cession du fonds artisanal et de commerce du 21 avril 2010 pour ne pas avoir vérifié, avant de convoquer les parties pour la régularisation de l'acte de cession, la qualification juridique des machines et outils qu'elle pensait avoir acquis, soutenant que M.[U], gérant de la Sarl candidate à l'acquisition, aurait réglé une somme de 69.900 € et que le notaire lui aurait fait signer l'acte sans avoir préalablement éclairci la situation,
- et le manque d'efficacité de l'acte de « régularisation » du 8 juillet 2010 au regard de la volonté d'acquisition qui avait été manifestée par la Sarl [20] et de l'absence de mise en garde du notaire sur la portée de l'acquisition réalisée.
Il ressort des pièces produites au débat que le 16 Juillet 2009, M.[U], gérant de la Sarl [20], a adressé à la Scp [P] ès qualités de mandataire liquidateur de la Sarl [18] une première offre d'acquisition du [18] concernant tant le fonds de commerce, les stocks et machines, que l'immeuble lui-même, pour un total de 150.000 € avec paiement comptant, stipulant une possible reprise de salariés (pièce 2 de l'appelante).
Ledit mandataire liquidateur, accusant réception de ce courrier du 16 juillet 2009, répondait qu'il ne lui était pas possible en l'état de donner suite à l'offre d'acquisition formulée, la Sarl [18] n'étant pas propriétaire de l'immeuble sur lequel elle exploitait son fonds, les murs appartenant à Mme [T], laquelle indiquait ne pas être en mesure de céder l'immeuble pour avoir été acquis dans le cadre d'un viager toujours en cours. Il précisait que le loyer était de 700 € Ttc et que le matériel susceptible d'être vendu était celui figurant sur le procès-verbal d'inventaire dressé par Me [F], à l'exception de ceux signalés comme faisant partie intégrante de l'immeuble. Il invitait la Sarl [20] à lui faire parvenir une nouvelle offre d'acquisition dont le prix serait ventilé entre les éléments corporels et incorporels du fonds de commerce, accompagnée d'un chèque d'acompte d'un montant minimal de 20 % du prix offert, précisant que cette somme serait restituée en intégralité si la proposition n'était pas retenue, mais qu'elle resterait acquise à la procédure si la cession n'aboutissait pas du fait de l'acquéreur (pièce 3 de l'appelante).
Par courrier du 21 juillet 2009, M.[U], gérant de la Sarl [20] faisait une nouvelle offre d'acquisition pour le [18] pour un prix de 60.000 €, soit 10.000 € pour le fonds de commerce, et 50.000 € pour les stocks et machines, joignant un chèque de 12.000€ correspondant à 20 % de l'offre et sollicitait un rendez-vous le plus rapidement possible avec le mandataire liquidateur afin d'affiner l'offre (pièce 4 de l'appelante).
Par lettre du 28 août 2009 la Scp [R] [P] indiquait que suite à l'offre du 21 juillet, elle déposait une requête au tribunal pour être autorisée à réaliser le fonds de commerce dépendant de la liquidation judiciaire, mais précisait que compte tenu de l'existence d'un nantissement sur matériel, et afin d'éviter toutes difficultés ultérieures, elle souhaitait que la Sarl [20] ventile le prix offert pour le stock et le matériel « sur chacun des éléments figurant sur le procès-verbal d'inventaire » dont elle indiquait joindre une copie à son courrier (pièce 5 de l'appelante).
Pour autant, sans attendre cette ventilation, dès le 28 août 2009, la Scp [R] [P] déposait une requête au juge-commissaire aux fins d'autoriser la cession sur la base de l'offre de la Sarl [20] à hauteur de 60.000 €, soit 10.000 € pour les éléments incorporels, et 50.000 € pour les éléments corporels précisant que sur les deux offres reçues celle de la Sarl [20] était la plus intéressante pour les créanciers (pièce 19 de l'appelante).
Le procès-verbal d'inventaire et de prisée des éléments d'actifs composant le patrimoine de la Sarl [18], réalisé les 23 et 30 juin 2009 par la Scp [11], huissier de justice (pièce 6 de l'appelante), mentionnait au titre du matériel et outillage :
- un déshumidifacteur Calorex 300 litres (3.000 €)
- deux déshumidifacteurs Calorex 150 litres (déclarés nantis par la [7] de [Localité 8]) (2.000 €)
- un compresseur Giss 300 litres (500 €)
- une machine à fabriquer le papier scellée au sol avec sa caisse de tête inox (déclarée nantie par la [7] de [Localité 8]) (1.000 €)
- un laminoir de fabrication artisanale, un laminoir ancien réadapté, deux piles hollandaises pour fabrication de la pâte à papier (50 kg et 100 kg) bâtis et scellés dans l'immeuble, faisant partie intégrante de l'immeuble, et mentionnés sur le bail commercial, portés ici pour mémoire,
- trois transpalettes Giss 2 T200 (300 €)
- un palan électrique 500 kg (100 €)
- un aspirateur Giss (100 €)
- une perceuse à colonne Percer (100 €)
- un lot de petit outillage divers (100 €)
- vingt mètres de tables de travail cadres métalliques et bois avec plateaux agglo (200 €)
- trois grands présentoirs de papier en bois verni (300 €)
- quatre grands plateaux agglo sur tréteaux bois pour présentation de la marchandise (50 €)
- une étagère de présentation bois et plastique (10 €)
Le stock de marchandise et matière première selon inventaire informatique du 31 mai 2009 dit annexé était évalué à 10.000 €.
Le matériel de bureau était dit composé d'un ordinateur portable grand écran Avus (150 €) et d'un fax Samsung (50 €).
Suivait l'évaluation d'un chariot élévateur en panne (2000 €) et d'un fourgon Volkswagen transporteur (10.000 €).
Au vu du courrier du mandataire liquidateur en réponse à celui du 16 juillet 2009 précisant que le matériel susceptible d'être vendu était « celui figurant sur le procès-verbal d'inventaire dressé par Me [F], à l'exception de ceux signalés comme faisant partie intégrante de l'immeuble » et des mentions de l'inventaire communiqué la Sarl [20] ne pouvait ignorer, dès réception de la demande d'offre ventilée du 28 août 2009 accompagnée dudit inventaire, que les laminoirs et les deux piles hollandaises, mentionnés comme bâtis et scellés dans l'immeuble et uniquement pour mémoire, ne pouvaient pas faire partie de la vente du fonds de commerce pour faire partie intégrante de l'immeuble. Elle ne pouvait ignorer non plus que la machine à fabriquer le papier était scellée au sol, mais un doute pouvait subsister sur sa nature immobilière puisqu'une prisée en avait été faite sans précision de la chose effectivement objet de la prisée (la tête inox uniquement ou la machine scellée et sa tête inox).
La Sarl [20] a néanmoins formulé le 19 novembre 2009 une nouvelle offre adressée directement au greffe du tribunal de commerce d'Agen, détaillant les prix par article comme sollicité par le mandataire liquidateur (pièce 7 de l'appelante).
Pour le fonds de commerce lui-même elle offrait 10.000 €, pour les stocks et machines elle offrait désormais une somme de 71.000 € détaillée article par article. Elle offrait d'acquérir notamment, le laminoir de fabrication artisanale et les deux piles hollandaises qui a priori ne pouvaient pas faire partie de la vente pour 700 €. Elle offrait pour la machine à fabriquer le papier avec caisse de tête inox une somme de 47.000 €, soit 66 % du prix global offert pour le stock et les machines. Elle disait accompagner son offre d'un règlement de 4.200 € correspondant à 20 % d'acompte sur sa nouvelle offre.
Nonobstant les anomalies de l'offre s'agissant des biens mentionnés pour mémoire à l'inventaire comme faisant partie intégrante de l'immeuble (laminoir et piles hollandaises), et le doute subsistant sur le sort de la machine à fabriquer le papier, scellée au sol, avec sa tête inox, objet d'une prisée à 1.000 € dans l'inventaire, par ordonnance du 7 décembre 2009, le juge-commissaire de la liquidation judiciaire de la Sarl [18], autorisait la vente au profit de la Sarl [20] du fonds de commerce artisanal connu sous la dénomination « [18] » comprenant les éléments corporels (matériel et mobilier) et incorporels (droit au bail clientèle etc...) pour un prix net vendeur de 81.000 € réparti à hauteur de 10.000 € pour les éléments incorporels et de 71.000 € pour les éléments corporels sur la base de l'offre adressée au tribunal de commerce par la Sarl [20] le 19 novembre 2009, sans plus de précision ni sur les biens corporels intégrés à la vente ni sur ceux qui en seraient exclus.
Me [K] [B]-[E] a été mandatée pour la régularisation de l'acte authentique de vente.
Il ressort du courrier adressé par cet officier ministériel à Me [R] [P], mandataire liquidateur, le 21 avril 2010 que la notaire n'a pas procédé à cette date à la régularisation de l'acte prévue en son étude en raison notamment de deux difficultés (pièce 9 de l'appelante).
La première difficulté relevée par la notaire était relative à la machine à fabriquer le papier scellée au sol avec sa tête inox, relevant que cette machine avait été estimée 1.000 € dans l'inventaire dressé par Me [F] et qu'elle souhaitait savoir si cette valeur correspondait à la machine elle-même ou à sa tête inox. Elle interrogeait le mandataire liquidateur pour savoir si cette machine devait être considérée comme un immeuble par destination appartenant au propriétaire des murs bien que l'huissier, contrairement à ce qui avait été indiqué au sujet des laminoirs et des piles hollandaises, n'ait pas précisé que cette machine faisait partie intégrante de l'immeuble. Elle précisait que d'après les explications données par Mme [T] (bailleresse) et M.[U] (gérant de la Sarl [20])cette machine était également nommée « forme ronde » et figurait bien en tant que telle dans le bail commercial. Elle indiquait que M.[U] n'entendait pas poursuivre son acquisition dans les mêmes conditions de prix si ce matériel ne pouvait être inclus dans la vente pour ne pas appartenir à la Sarl [18].
La seconde difficulté relevée par la notaire était relative à l'existence dans les locaux de divers matériels et marchandises qui appartiendraient personnellement à Mme [T] (matières premières, matériels de fabrication miniatures, deux presses à papier en bois).
Me [K] [B]-[E] invitait consécutivement le mandataire liquidateur à reprendre contact tant avec M.[U], gérant de la Sarl [20], qu'avec Mme [T]..
Le notaire instrumentaire a donc identifié, comme il le devait, les difficultés inhérentes à l'ambiguïté de l'inventaire de Me [F] quant à la nature de la machine à fabriquer le papier et à la prisée qui en avait été faite, relevé expressément que cette machine pouvait être considérée comme immeuble par destination, et tenu compte des explications de Mme [T] et de M.[U] déclarant que cette machine était également nommée forme ronde et qu'elle figurait en tant que telle dans le bail commercial, renvoyant les parties devant le mandataire liquidateur, requérant à la cession du fonds de commerce. Il avait aussi relevé que le procès-verbal d'inventaire précisait, s'agissant des laminoirs et des piles hollandaises, qu'ils faisaient partie intégrante de l'immeuble.
Le bail commercial du 1er mars 2003, prévoyait en effet que Mme [X] [H] épouse [T] donnait à bail à la Sarl [18] un immeuble sis à [Adresse 19] [Localité 10], comportant un atelier de fabrication (avec forme ronde, 3 piles hollandaises, formes et feutres'), un bureau/réfectoire, un séchoir à papier, un hall d'exposition, un bâtiment de stockage, un local technique pour une surface d'environ 1200 m². La forme ronde faisait donc partie des murs donnés à bail comme les piles hollandaises.
Il n'est justifié par la Sarl [20], contrairement à ce qu'elle soutient, d'aucune signature d'acte quelconque par M.[U] pour le compte de la société qu'il dirigeait à la date du 21 avril 2010, ni de quelque versement que ce soit entre les mains du notaire instrumentaire à cette date. Le notaire instrumentaire a au contraire refusé d'instrumenter l'acte de vente au 21 avril 2010 en l'absence de définition claire du périmètre de la vente s'agissant notamment de la machine à fabriquer le papier, scellée au sol, les explications tant de Mme [T] que de M.[U] ayant été recueillies, et il a invité le mandataire liquidateur à reprendre contact tant avec M.[U], gérant de la Sarl [20], qu'avec Mme [T] pour que le périmètre exact de la vente soit précisé.
Aucun manquement que ce soit au devoir de conseil ou de mise en garde ou en qualité de rédacteur d'un acte qu'il a refusé d'instrumenter ne peut être reproché au notaire par la Sarl [20] avant ou à la date du 21 avril 2010.
Aucun élément n'est produit quant à la réponse qu'a pu apporter le mandataire liquidateur au notaire qui avait refusé d'instrumenter la vente le 21 avril 2010.
En revanche, est produite la réponse de Me [R] [P] à la Sarl [20] le 23 avril 2010 (pièce 23 de l'appelante) par laquelle la mandataire judiciaire disait ne pas comprendre comment Mme [T] aurait pu faire obstacle à la vente alors que sa présence n'était requise à l'acte que pour la cession de bail, l'acte de vente devant être passé entre elle-même, ès qualités de liquidateur, et la Sarl [20]. N'apportant aucun éclaircissement sur les ambiguïtés spécifiquement relevées en premier lieu par le notaire devant rédiger l'acte authentique quant à la nature de la machine à fabriquer le papier et la prisée faite par Me [F], le mandataire liquidateur se contentait de renvoyer la Sarl [20] à l'inventaire de l'huissier dont elle était en possession, estimant que le candidat acquéreur avait la connaissance exacte des biens « considérés comme appartenant à la Sarl [18] », invitant la Sarl [20] à reprendre contact sans délai avec Me [B]-[E] aux fins de signature dudit acte. Le mandataire liquidateur ne faisait aucun commentaire s'agissant de l'offre validée par le juge-commissaire intégrant les laminoirs et les piles hollandaises qu'il avait pourtant estimées dans son courrier en réponse à celui du 16 juillet 2009 sus-énoncé ne pas pouvoir intégrer le périmètre de la vente.
L'acte authentique de vente a finalement été instrumenté par Me [B]-[E] le 8 juillet 2010 entre d'une part, la Scp [R] [P] ès qualités de mandataire liquidateur spécialement autorisée par ordonnance du juge-commissaire du 7 décembre 2009 fixant la vente du fonds au prix de 81.000 € net vendeur, non frappée d'appel, et d'autre part, la Sarl [20], portant cession du fonds artisanal et de commerce de fabrication de papier et carton sis à [Localité 10] [Adresse 19], ledit fonds étant ainsi décrit:
- l'enseigne, le nom commercial, la clientèle, l'achalandage y attachés,
- le droit au bail pour le temps restant à courir des locaux où se trouve le fonds,
- le matériel et le mobilier commercial servant à l'exploitation du fonds, décrit et estimé article par article suivant procès-verbal d'inventaire et de prisée dressé par la Scp [11], huissiers de justice associés à [Localité 12]) les 23 et 30 juin 2009, dont copie annexée après mention,
- les marchandises et les matières premières existantes dans le fonds dans l'état où elles se trouvent en quantité et qualité et nature dont une liste informatique est annexée au procès-verbal d'inventaire et de prisée sus-visé,
« Tel que ledit fonds se poursuit et comporte dans son état actuel avec toutes ses aisances et dépendances, ses agencements sans exception ni réserve », et ce pour le prix de 81.000€ s'appliquant aux éléments incorporels pour 10.000 €, au matériel pour 61.000 €, et aux marchandises pour 10.000 €.
Le notaire instrumentaire a donc finalement accepté, dans des conditions non précisées ou justifiées, se contentant dans ses écritures de faire état de « discussions », de passer l'acte authentique de vente sans qu'ait été apportée une réponse claire et précise sur la nature de la machine à fabriquer le papier, scellée au sol, et son intégration effective au périmètre de la vente du fonds de commerce au vu de l'inventaire ambigu auquel l'acte authentique se contentait de renvoyer, alors que cette situation d'ambiguïté avait justement motivé son refus de passer l'acte authentique à la date du 21 avril 2010, et alors qu'il était dûment informé, pour l'avoir lui-même précisé au mandataire liquidateur dans son courrier du 21 avril 2010, que l'acquisition de la machine à fabriquer le papier constituait pour la Sarl [20] une condition essentielle de l'offre déposée au greffe du tribunal de commerce du 19 novembre 2009 ayant donné lieu à l'ordonnance du juge-commissaire du 7 décembre 2009, quant au prix proposé.
Il a par ailleurs tenu compte du prix du matériel pour 61.000 € tel que proposé à l'offre d'acquisition de la Sarl [20] du 19 novembre 2009 retenue par le juge-commissaire, intégrant un laminoir de fabrication artisanale avec deux piles hollandaises, alors que le procès-verbal d'inventaire et de prisée auquel la consistance des biens vendus renvoyait énonçait les laminoirs et les piles hollandaises comme faisant partie intégrante de l'immeuble et n'ayant pas fait l'objet d'une prisée.
Au regard :
- de l'offre détaillée d'acquisition du 19 novembre 2009 réalisée poste par poste par la Sarl [20], intégrant un laminoir artisanal avec deux piles hollandaises pour 700 € et une machine à fabriquer le papier avec caisse de tête inox pour 47.000 € dont le notaire instrumentaire avait connaissance, cette offre ayant été annexée à l'acte de vente,
- des mentions du procès-verbal d'inventaire et de prisée dressé par Me [F] dont le notaire instrumentaire avait eu connaissance dès le mois d'avril 2010 pour avoir refusé de passer l'acte authentique de vente à cette date compte tenu de l'ambiguïté sur la nature et l'intégration à la vente de la machine à fabriquer le papier scellée au sol et de sa tête inox faisant l'objet d'une prisée pour 1.000 €,
- de l'imprécision de l'ordonnance du juge-commissaire du 7 décembre 2009 quant aux éléments corporels (matériel et mobilier) à céder pour 71.000 € qui n'y étaient pas détaillés, ladite ordonnance, annexée à l'acte authentique pour justifier des pouvoirs du mandataire liquidateur, ne faisant même pas mention de l'inventaire dressé par acte d'huissier des 23 et 30 juin 2009,
- des énonciations du bail commercial, rappelées en page 6 de l'acte authentique, copie du bail y étant annexée, stipulant que Mme [H] épouse [T] avait donné à bail par acte sous seing privé du 1er mars 2003 un bâtiment comportant notamment un atelier de fabrication avec forme ronde, trois piles hollandaises, formes et feutres,
Me [B]-[E] se devait en tant qu'officier ministériel tenu d'une obligation de vérification des droits transmis, corollaire du respect du principe d'efficacité des stipulations de l'acte qu'il instrumentait dont il était le garant :
- d'effectuer les vérifications nécessaires quant à l'étendue des droits de propriété de la Sarl [18] représentée par son mandataire liquidateur quant aux biens objets de la vente des suites de l'offre d'acquisition validée par le juge-commissaire quant au prix global des éléments corporels, particulièrement s'agissant des biens mentionnés au procès-verbal d'inventaire comme faisant partie intégrante de l'immeuble et non prisés (laminoir et piles hollandaises) et au bail commercial comme uniquement loués à la Sarl [18] (formes ronde et piles hollandaises), tout comme sur l'accord effectif des parties à la cession, Mme [T], bailleresse intervenant elle-même à l'acte, sur la nature ou non d'immeuble par destination de la machine à fabriquer le papier scellée au sol sur laquelle il s'était légitimement interrogé en avril 2010,
- de faire précisément définir par les parties, dans l'acte authentique, le périmètre exact de la cession quant aux éléments corporels vendus, afin de lever toute ambiguïté sur l'accord des parties quant à la chose effectivement vendue et son prix tout comme sur l'étendue du bail cédé,
-à défaut d'accord des parties formalisé quant aux éléments corporels effectivement objets de la vente, tout comme sur l'étendue des biens donnés à bail, de refuser d'instrumenter l'acte authentique comme il l'avait judicieusement décidé le 21 avril 2010.
Or en l'espèce, à défaut de toute précision dans l'acte authentique de vente quant à l'étendue des droits cédés à titre de propriétaire par la Sarl [18] représentée par son mandataire liquidateur, et alors que la Sarl [20] conformément à son offre d'acquisition du 19 novembre 2009 validée par le juge-commissaire se trouvait redevable de l'intégralité du prix de cession, soit 81.000 €, dont il résulte des mentions de l'acte authentique de vente qu'il a été intégralement réglé, à concurrence de 16.200 € dès avant l'intervention de l'acte en la comptabilité de la Scp [R] [P] ès qualités, et à concurrence de 64.800 € en la comptabilité du notaire, dans le cadre d'une instance en résiliation de bail, paiement d'arriéré de loyers et restitutions de biens ayant opposé Mme [T], bailleresse, et la Sarl [20], cette dernière, a été condamnée par la cour d'appel de Bordeaux par arrêt du 5 mai 2014 à restituer à Mme [T], bailleresse, notamment la machine à fabriquer le papier scellée au sol sans sa tête d'inox, dite forme ronde, les laminoirs, et les deux piles hollandaises pour la fabrication de la pâte à papier, la cour ayant estimé que ces biens appartenaient, avec l'immeuble loué, à Mme [T], et que la Sarl [20] en tant que locataire venant aux droits de la Sarl [18] ne pouvait en revendiquer la propriété.
Du fait des manquements du notaire à ses obligations professionnelles pour ne pas s'être assuré, comme il le devait, avant de faire effectivement signer l'acte de cession du 8 juillet 2010, de l'étendue des droits de propriété de la Sarl [18] sur les éléments corporels listés à l'offre d'acquisition du 19 novembre 2009 retenue par le juge commissaire ni du périmètre exact de la cession quant aux éléments corporels dépendant du fonds objet de l'acte qu'il instrumentait de nature à caractériser un accord clair et précis des parties sur la chose effectivement vendue et son prix, il est résulté une absence d'efficacité de l'acte quant au laminoir, piles hollandaises et à la machine à fabriquer le papier scellée au sol, visés à l'offre d'acquisition et spécifiquement chiffrés, que la Sarl [20] s'est trouvée dans l'obligation de restituer sur décision judiciaire, ainsi évincée de tous droits de propriété sur des biens qu'elle pensait pouvoir conserver pour les avoir acquis en vertu de l'acte authentique du 8 juillet 2010.
Il ressort en effet de la décision du juge de l'exécution du tribunal de grande instance de Bergerac du 30 juin 2015 produite en pièce 17 par l'appelante, qu'en l'absence d'exécution volontaire de l'obligation à restitution consacrée par l'arrêt de la cour d'appel de Bordeaux du 5 mai 2014 signifié le 4 juin 2014, la Sarl [20] a été condamnée à restituer le matériel décrit dans ledit arrêt sous astreinte de 1.000 € par jour de retard. Il ressort par ailleurs du procès-verbal de constat dressé par Me [I] [Z], huissier de justice à [Localité 8], en date du 11/09/2015 (pièce 18 de l'appelante) que la Sarl [20], acquiesçant au jugement du 30 juin 2015 et à la restitution, a fait assurer le chargement sur un camion par grue depuis son parking de [Localité 9] et le transport et le déchargement dans la cour du [18] à [Localité 10] notamment de la machine à fabriquer le papier sans sa tête inox, d'un laminoir de fabrication artisanale, d'un laminoir ancien adapté, et de deux piles hollandaises pour la fabrication de la pâte à papier.
Le fait que M. [U], gérant de la Sarl [20], ait pu être alerté antérieurement à la signature de l'acte authentique du 8 juillet 2010, tant par la réponse du mandataire liquidateur à son courrier du 16 juillet 2009, que par le premier refus d'instrumenter du notaire du 21 avril 2010, sur une possible restriction à la vente de biens faisant partie intégrante de l'immeuble et une ambiguïté sur le sort de la machine à fabriquer le papier scellée au sol n'est pas de nature à exonérer le notaire instrumentaire de l'acte de cession du 8 juillet 2010 de sa responsabilité puisqu'il lui appartenait, dans le contexte ci-dessus analysé, en sa qualité d'officier ministériel, professionnel du droit, de lever toute ambiguïté sur l'accord des parties quant à la chose effectivement vendue et son prix afin de garantir l'efficacité de cet acte de cession.
Contrairement à ce qu'a retenu le premier juge, Me [B]-[E] a donc commis des fautes professionnelles lors de l'établissement de l'acte de cession du 8 avril 2010 de nature à engager sa responsabilité délictuelle à l'égard de la Sarl [20] pour avoir privé d'efficacité ledit acte de cession quant à la vente des laminoirs, piles hollandaises et machine à fabriquer le papier spécifiquement identifiés et chiffrés à l'offre d'acquisition du 19 novembre 2009 sur la base de laquelle le juge-commissaire a autorisé la cession.
b) Sur le préjudice
1) Sur les fins de non-recevoir soulevées à titre uniquement subsidiaire quant aux demandes d'indemnisation si une faute était retenue par la cour
Il ressort des pièces de la procédure que par acte du 29 juillet 2015, la société [20] a fait assigner devant le tribunal de grande instance de Bergerac Me [B]-[E] aux fins d'obtenir l'indemnisation de son préjudice en application de l'article 1382 du code civil, sollicitant dans ses dernières écritures de première instance une indemnisation de 152.954,06 €. L'action en indemnisation a donc bien été engagée en première instance avant toute expiration du délai d'action en responsabilité, le dommage ayant été caractérisé pour la Sarl [20] dès l'intervention de l'arrêt de la cour d'appel de Bordeaux du 5 mai 2014, exécutoire dès son prononcé, lui ayant ordonné de restituer à Mme [T] la machine à fabriquer le papier scellée au sol, sans sa tête inox, les laminoirs et les deux piles hollandaises pour la fabrication de la pâte à papier.
En application de l'article 954 alinéa 3 du code de procédure civile dans sa version applicable à l'espèce, la cour ne statue que sur les prétentions énoncées au dispositif des dernières écritures et n'examine les moyens au soutien de ces prétentions que s'ils sont invoqués dans la discussion. Les parties doivent reprendre dans leurs dernières écritures les prétentions et moyens précédemment invoqués dans leurs écritures antérieures. A défaut elles sont réputées les avoir abandonnés et la cour ne statue que sur les dernières écritures déposées.
Contrairement à ce que soutiennent Me [B]-[E] et ses assureurs, la Sarl [20] ne sollicite pas devant la cour de renvoi la résolution de la vente comme elle avait pu le faire devant la cour d'appel de Bordeaux, laquelle, par arrêt du 20 mai 2021, définitif sur ce point pour n'avoir pas fait l'objet de cassation, a déclaré irrecevable cette demande de résolution judiciaire. Elle soutient juste, à tort ou à raison, que le préjudice découlant de l'inefficacité de l'acte instrumenté par le notaire intimé est constitué de l'intégralité des sommes qu'elle a dû supporter dans le cadre d'une vente inefficace et des suites judiciaires qui en ont résulté. Les fins de non-recevoir soulevées par les intimés s'agissant de la demande d'indemnisation fondées sur l'autorité de la chose jugée de l'arrêt du 20 mai 2021 relativement à l'irrecevabilité de l'action en résolution, l'absence du vendeur à la présente procédure, ou encore la prescription d'une action en résolution non exercée à ce jour, doivent en conséquence être rejetées.
Par ailleurs, dans le dispositif de ses dernières écritures, l'appelante ne sollicite la condamnation de Me [B]-[E] et de ses assureurs qu'au paiement d'une somme de 40.000 € à titre de dommages et intérêts, la demande de « fixation » de son préjudice à la somme de 422.686,39 € ne constituant pas une prétention tendant à la condamnation du notaire et de ses assureurs, ni une prétention au sens propre en l'absence de tout effet juridique.
La demande de condamnation à l'encontre du notaire et de ses assureurs étant inférieure au montant des dommages et intérêts sollicités en première instance, aucune demande nouvelle n'est caractérisée au sens de l'article 564 du code de procédure civile. L'irrecevabilité invoquée par le notaire et les assureurs sur le fondement de ce dernier texte doit en conséquence être rejetée.
2°/ Sur le préjudice
Il appartient à la Sarl [20] de justifier du préjudice qu'elle allègue comme découlant directement des fautes retenues à l'encontre du notaire instrumentaire.
Du fait de l'inefficacité de l'acte authentique du 8 avril 2010 résultant des fautes retenues ci-dessus à l'encontre de Me [B]-[E] s'agissant des laminoirs, des deux piles hollandaises et de la machine à fabriquer le papier scellée au sol qu'elle a dû restituer, sans sa tête inox, la Sarl [20] a payé, en vain, au titre du prix de vente de biens corporels dont la propriété n'a pu lui être transférée la somme de 700 €, telle que proposée à ce titre dans son offre du 19 novembre 2009, ainsi que la somme correspondant au seul prix de l'offre relative à la machine à fabriquer le papier, déduction faite de sa tête inox, tête inox qu'elle n'a pas été condamnée à restituer soit, en tenant compte de la prisée à hauteur de 1.000 € qui ne pouvait que s'appliquer à cette tête inox, la somme de 46.000 € (47.000-1.000).
La demande de condamnation présentée à l'encontre du notaire et de ses assureurs à hauteur de 40.000 € à titre de dommages et intérêts se trouve donc justifiée et il convient, infirmant le jugement entrepris, d'y faire droit, Me [B]-[E] et ses assureurs les [15] devant être condamnés in solidum à payer ladite somme à la Sarl [20], outre intérêts au taux légal à compter du présent arrêt en application des dispositions de l'article 1231-7 du code civil.
3°/ Sur les dépens et frais irrépétibles
Il a déjà été statué sur le sort des dépens inhérents à la mise en cause devant la cour de renvoi de Mme [R] [P].
Pour le surplus, succombant au principal, Me [B]-[E] et ses assureurs, la société [15] et la société [17], supporteront in solidum les dépens de première instance ainsi que ceux d'appel, y compris ceux afférents aux décisions cassées conformément aux dispositions de l'article 639 du code de procédure civile. Les mêmes se trouvent redevables in solidum d'une indemnité sur le fondement de l'article 700 du code de procédure tant au titre de la procédure de première instance que de celle d'appel dans les conditions définies au dispositif du présent arrêt, sans pouvoir elles-mêmes prétendre à l'application de ce texte à leur profit.
PAR CES MOTIFS
La Cour,
Statuant sur renvoi de cassation partielle des suites de l'arrêt de la 1ère chambre civile de la Cour de cassation du 23 novembre 2022
Déclare irrecevable la Sarl [20] à attraire devant la présente cour de renvoi la Scp [P] [R], que ce soit en nom personnel ou ès qualités de mandataire liquidateur de la Sarl [18] et ce, tant en qualité d'intimé que d'intervenant forcé,
Infirme le jugement du tribunal de grande instance de Bergerac du 14 novembre 2017 en toutes ses dispositions,
Statuant à nouveau et y ajoutant,
Dit que Mme [K] [B]-[E] engage sa responsabilité délictuelle pour faute à l'égard de la Sarl [20] pour inefficacité de l'acte authentique de cession instrumenté le 8 juillet 2010 s'agissant de la vente de laminoirs, de deux piles hollandaises, et d'une machine à fabriquer le papier scellée au sol, dite forme ronde, sans sa tête inox,
Rejette les fins de non-recevoir invoquées à titre subsidiaire par Mme [K] [B]-[E] et ses assureurs les sociétés [16] Sa et [17],
Condamne in solidum Mme [K] [B]-[E] et ses assureurs les sociétés [16] Sa et [17] à payer à la Sarl [20] la somme de 40.000 € à titre de dommages et intérêts,
Dit que les dépens inhérents à la mise en cause devant la cour de renvoi de la Scp [P] [R] seront supportés par la Sarl [20] avec autorisation de recouvrement direct au profit de Me Sorel, Avocat, conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile,
Condamne in solidum Mme [K] [B]-[E] et ses assureurs les sociétés [16] Sa et [17] aux surplus des dépens, tant de première instance que d'appel, en ceux compris les dépens inhérents aux deux arrêts cassés de la cour d'appel de Bordeaux du 21 novembre 2019 et du 20 mai 2021,
Condamne la Sarl [20] à payer à la Scp [R] [P] une indemnité de 2.000 € au titre de la présente procédure d'appel sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,
Condamne in solidum Mme [K] [B]-[E] et ses assureurs les sociétés [16] Sa et [17] à payer à la Sarl [20] une indemnité de 10.000 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile au titre de la procédure de première instance et de celle d'appel,
Déboute Mme [K] [B]-[E] et ses assureurs les sociétés [16] Sa et [17] de leur demande d'indemnité sur ce même fondement.
La greffière La présidente
M. POZZOBON C. ROUGER
.
ARRÊT N° 69 /25
N° RG 23/00220
N° Portalis DBVI-V-B7H-PGUN
CR - SC
Décision déférée du 14 Novembre 2017
Tribunal de Grande Instance de BERGERAC 15/00991
Mme MOREL
S.A.R.L. [20]
C/
[K] [B] [E]
S.A. [16]
S.A. [17]
SCP [R] [P]
INFIRMATION
Grosse délivrée
le 19/02/2025
à
Me Sylvain MAURY
Me Nicolas LARRAT
Me Gilles SOREL
REPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
***
COUR D'APPEL DE TOULOUSE
1ere Chambre Section 1
***
ARRÊT DU DIX NEUF FEVRIER DEUX MILLE VINGT CINQ
***
APPELANTE
S.A.R.L. [20]
[Adresse 14]
[Localité 9]
Représentée par Me Sylvain MAURY de la SELAS AGN AVOCATS TOULOUSE, avocat au barreau de TOULOUSE (postulant)
Représentée par Me Jean-François CAPOUL, avocat au barreau de BERGERAC (plaidant)
INTIMEES
Madame [K] [B] [E]
[Adresse 3]
[Localité 2]
S.A. [16]
[Adresse 1]
[Localité 5]
S.A. [17]
[Adresse 1]
[Localité 5]
Représentées par Me Nicolas LARRAT de la SCP LARRAT, avocat au barreau de TOULOUSE (postulant)
Représentées par Me Xavier LAYDEKER de la SCP LAYDEKER - SAMMARCELLI - MOUSSEAU, avocat au barreau de BORDEAUX (plaidant)
SCP [R] [P]
[Adresse 6]
[Localité 4]
Représentée par Me Gilles SOREL, avocat au barreau de TOULOUSE (postulant)
Représentée par Me Yves-Marie LE CORFF de l'ASSOCIATION FABRE GUEUGNOT ET ASSOCIES, avocat au barreau de PARIS (plaidant)
COMPOSITION DE LA COUR
L'affaire a été débattue le 22 avril 2024 en audience publique, devant la cour composée de :
C. ROUGER, présidente
A.M. ROBERT, conseillère
S. LECLERCQ, conseillère
qui en ont délibéré.
Greffière : lors des débats A. RAVEANE
ARRET :
- CONTRADICTOIRE
- prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, après avis aux parties
- signé par C. ROUGER, présidente et par M. POZZOBON, greffière
EXPOSE DES FAITS ET DE LA PROCEDURE
Selon acte authentique du 8 juin 1996 Mme [H] épouse [T] a acquis un immeuble situé à [Localité 10] (47) immeuble comprenant des dépendances nécessaires à une exploitation de fabrication de papier et des machines associées, notamment une machine à fabriquer le papier, scellée au sol.
Selon acte du 1er mars 2003 Mme [T] a consenti à la Sarl [18] un bail commercial portant sur cet immeuble comportant un atelier de fabrication (avec forme ronde, trois piles hollandaises, formes et feutres), un bureau réfectoire, un séchoir à papier, un hall d'exposition, un bâtiment de stockage, un local technique, moyennant un loyer annuel de 7.200€.
La Sarl [18] a été placée en liquidation judiciaire par jugement du tribunal de commerce d'Agen du 3 juin 2009 et la Scp [P] [R] désignée comme mandataire liquidateur.
Après inventaire réalisé par Me [F], huissier de justice, le liquidateur a mis en vente le fonds de commerce. La Sarl [20] a présenté des offres successives d'acquisition et, par ordonnance du 7 novembre 2009, le juge-commissaire a autorisé la cession du fonds de commerce à son profit pour le prix de 81.000 € réparti à hauteur de 10.000 € pour les éléments incorporels et à hauteur de 71.000 € pour les éléments corporels.
Un rendez-vous pour signature devant notaire de l'acte de cession était prévu le 21 avril 2010 mais l'acte n'a pas été instrumenté.
L'acte authentique de cession du fonds artisanal et de commerce de fabrication de papier et carton a été finalement dressé le 8 juillet 2010 en l'étude de Me [B]-[E], notaire à [Localité 13] (24), Mme [T] étant intervenue à cet acte en qualité de propriétaire de l'immeuble donné à bail.
Le 1er décembre 2010 Mme [T] a fait délivrer à la société [20] un commandement de payer les loyers depuis le 1er janvier 2010. La société [20] a fait opposition à ce commandement de payer et a assigné Mme [T] devant le tribunal de grande instance de Bergerac afin de voir dire qu'elle n'est redevable d'aucun loyer pour la période antérieure au 7 juillet 2010, puis par acte du 23 août 2011 elle a donné congé du bail commercial pour le 29 février 2012 date à laquelle elle a libéré les lieux.
Par jugement du 31 janvier 2013 le tribunal de grande instance de Bergerac a :
- débouté la société [20] de sa demande de nullité du commandement de payer du 1er décembre 2010
- constaté que le bail n'a produit effet qu'à compter du 8 juillet 2010 et que les loyers ont été intégralement réglés jusqu'à la fin du contrat, soit directement soit par consignation
- condamné la Sarl [20] à payer à Mme [T] les loyers depuis le 1er janvier 2011 jusqu'au 28 février 2012
- débouté les parties du surplus de leurs demandes.
Mme [T] a relevé appel de ce jugement, sollicitant notamment la résiliation du bail pour non-paiement de loyers, le règlement de diverses sommes au titre de loyers, la restitution sous astreinte de diverses machines, dont une machine à fabriquer le papier, scellée au sol, sans sa tête inox, ainsi que diverses sommes au titre de travaux de remise en état.
Par arrêt du 5 mai 2014 la cour d'appel de Bordeaux a réformé ledit jugement sauf en ce qu'il a rejeté les demandes visant à la résiliation ou à la résolution du bail commercial et sauf en ce qui concerne la condamnation au titre des loyers à compter de janvier 2011, et, statuant à nouveau sur les chefs infirmés, a notamment ordonné la restitution par la société [20] de diverses machines, dont la machine à fabriquer le papier scellée au sol sans sa tête inox et les laminoirs, machines qui avaient été enlevées par le gérant de la société [20], dont la cour d'appel a estimé qu'elle n'était pas propriétaire mais lui avaient été louées selon le bail commercial repris, ces enlèvements ayant causé par ailleurs diverses dégradations à l'immeuble sur la maçonnerie et l'installation électrique.
Par acte du 29 juillet 2017 la société [20] a assigné devant le tribunal de grande instance de Bergerac Me [B]-[E], notaire instrumentaire, en responsabilité pour manquement à ses obligations, notamment en ayant rédigé un acte de cession de fonds artisanal et de commerce imprécis quant aux éléments le composant alors que l'acquisition de la machine à fabriquer le papier aurait été déterminante de son consentement, sollicitant l'indemnisation de son préjudice à hauteur de 152.954,06 €.
Par jugement du 14 novembre 2017 le tribunal de grande instance de Bergerac a :
- rejeté la demande d'indemnisation formée par la société [20] pour manquement de Me [K] [B]-[E] à son devoir de conseil,
- condamné la société [20] à payer à Me [K] [B]-[E] une indemnité de 2.000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
- rejeté la demande d'indemnité de la société [20] au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
- condamné la société [20] aux dépens de l'instance,
- dit n'y avoir lieu à exécution provisoire.
Pour statuer ainsi, le premier juge a retenu au vu de la lettre adressée par la Scp [P], liquidateur judiciaire de la Sarl [18], en réponse à l'offre d'acquisition présentée le 16 juillet 2009, que la société [20] était informée que le matériel susceptible d'être vendu était celui figurant sur le procès-verbal d'inventaire dressé par Me [F], à l'exception de ceux signalés comme faisant partie intégrante de l'immeuble ; que ce procès-verbal était parfaitement explicite puisque mentionnant parmi le matériel et l'outillage la présence d'une machine à fabriquer le papier, scellée au sol, avec sa caisse de tête inox ainsi que d'un laminoir de fabrication artisanale, un laminoir ancien réadapté, deux piles hollandaises pour fabrication de la pâte à papier bâtis et scellés dans l'immeuble, faisant partie intégrante de l'immeuble et mentionnés sur le bail commercial, portés pour mémoire, et qu'au vu de ces éléments la société acquéreuse était informée de l'exclusion desdites machines de la cession du fonds de commerce, parties intégrantes de l'immeuble, avant même que le notaire ne soit saisi de la rédaction de l'acte.
Il a relevé qu'il n'était pas contesté par les parties que lors du rendez-vous de signature de l'acte du 21 avril 2010 Mme [T] avait fait valoir devant le notaire son désaccord sur la vente des machines litigieuses en présence de la société [20], que le notaire avait par courrier du même jour alerté le liquidateur sur les difficultés rencontrées pour la régularisation de l'acte de cession, sollicitant notamment des précisions sur la propriété de la machine à fabriquer le papier scellée au sol avec sa tête inox, attestant ainsi des diligences entreprises par lui dans la perspective de la vente, que l'acte de cession du fonds artisanal et de commerce établi le 8 juillet 2010 par Me [B]-[E] indique dans la partie relative à la « désignation du fonds » que celui-ci comprend « le matériel et le mobilier commercial servant à l'exploitation du fonds, décrit et estimé article par article suivant procès-verbal d'inventaire et de prisée dressé par la Scp [11] », et, au vu de ces considérations, a estimé que le notaire n'avait commis aucune faute de nature à engager sa responsabilité.
La société [20] a relevé appel de cette décision le 1er décembre 2017.
Par arrêt du 21 novembre 2019 la cour d'appel de Bordeaux a infirmé ce jugement et, statuant à nouveau, dit que Me [B]-[E] a engagé sa responsabilité professionnelle par manquement à son obligation de conseil, ordonnant la réouverture des débats sur le préjudice et invitant les parties à s'expliquer sur le préjudice né de ce manquement sous forme d'une perte de chance de ne pas contracter, réservant tous les autres chefs de demandes et les dépens.
Par acte du 17 septembre 2020 la société [20] a assigné en intervention forcée la Scp [R] [P] en qualité de mandataire liquidateur de la Sarl [18], aux fins qu'il lui soit enjoint de produire à l'instance tout document sur lequel elle a pu s'appuyer pour « porter à la vente les éléments d'actifs du fonds de commerce [18], alerter et recueillir l'avis de Me [B] [E] au sujet des machines litigieuses, accepter la dernière offre d'achat formulée par la Sarl [20], s'assurer de la conformité de l'acte de vente rédigé par Me [B] [E] avec les conditions légales qui en principe encadraient la vente »
La Scp [R] [P] n'a pas constitué avocat.
Par arrêt du 20 mai 2021 la cour d'appel de Bordeaux a :
- déclaré irrecevable la demande de résolution judiciaire de la vente formée par la société [20],
- débouté la société [20] de ses demandes en réparation de son préjudice,
- débouté la société [20] de sa demande de communication de pièce,
- dit que chaque partie supportera la charge de ses propres dépens et conservera la charge de ses frais irrépétibles ;
La société [20] a formé un pourvoi contre ces deux arrêts rendus par la cour d'appel de Bordeaux.
Par arrêt du 23 novembre 2022, après jonction des pourvois, la 1ère chambre civile de la Cour de cassation a cassé et annulé, sauf en ce qu'ils déclarent irrecevable la demande de résolution judiciaire de la vente, les arrêts rendus les 21 novembre 2019 et 20 mai 2021 entre les parties, par la cour d'appel de Bordeaux, remis, sauf sur ces points, l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt, les renvoyant devant la cour d'appel de Toulouse, condamnant Mme [B]-[E] et les sociétés [16] et [17] aux dépens ainsi qu'au paiement à la société [20] d'une somme de 3.000 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.
La Cour de cassation a retenu au visa de l'article 1382 devenu 1240 du code civil, qu'il résulte de ce texte que le notaire qui méconnaît son devoir d'assurer l'efficacité de l'acte juridique qu'il reçoit doit réparer le dommage directement causé par sa faute ; que pour dire que la responsabilité du notaire était engagée sur le seul fondement d'un manquement au devoir de conseil et non sur celui de l'absence d'efficacité de l'acte et inviter en conséquence les parties à conclure sur le préjudice consistant dans la perte de chance de ne pas contracter l'arrêt a retenu que la vente a existé et qu'il ne s'agit pas de tirer les conséquences d'une résolution ou d'une annulation ; qu'en statuant ainsi, alors que les équipements que la société [20] avait été condamnée à restituer figuraient sur l'offre d'achat détaillée et le procès-verbal de prisée annexés à l'acte de vente et définissant le périmètre de celle-ci, la cour d'appel avait violé le texte susvisé. Elle a retenu que la cassation de l'arrêt du 21 novembre 2019 entraînait par voie de conséquence celle de l'arrêt du 20 mai 2021 qui en est la suite.
La présente cour de renvoi a été saisie le 16/01/2023, déclaration de saisine signifiée à Mme [K] [B] [E] le 1er février 2023, aux [16] et [17] par acte du 30/01/2023, et à la Scp [R] [P] en qualité d'intimée par acte du 31 janvier 2023.
PRETENTIONS DES PARTIES
Dans ses dernières conclusions notifiées par voie électronique le 26 mai 2023, la Sarl [20], appelante, demande à la cour de :
- Infirmer le jugement du tribunal de grande instance de Bergerac en date du 14 novembre 2017
Statuant à nouveau,
- juger son action recevable et bien fondée,
-« constater » qu'elle a subi différents préjudices en raison des fautes de Me [B]-[E] dans l'exercice de sa mission,
- fixer son préjudice à la somme de 422.686,39 € correspondant aux conséquences directes de l'acte qui a été rédigé par ce professionnel de la vente,
- condamner Me [B]-[E], la société [16] et la société [17] à lui payer la somme de 40.000 € à titre de dommages et intérêts outre la somme de 20.000 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,
- condamner Me [B]-[E], la société [16] et la société [17] aux entiers dépens de première instance, de la cour d'appel de Bordeaux, de la Cour de cassation et de la présente cour de renvoi.
Au soutien de ses prétentions et reproduisant en page 8 et 9 une grande partie de la motivation de l'arrêt du 21 novembre 2019 cassé (ses pages 5 et 6), l'appelante invoque un manquement de Me [B]-[E] à son devoir d'information et de conseil avant la tentative de « régularisation » de cession du fonds artisanal et de commerce en date du 21 avril 2010 en ne vérifiant pas, avant de convoquer les parties pour la régularisation de l'acte de cession, la qualification juridique des machines et outils que la Sarl [20] pensait avoir acquis et qu'en faisant signer l'acte de cession sans avoir préalablement éclairci la situation et informé M.[U], auteur de l'offre du 19 novembre 2009 pour la Sarl [20], le notaire a engagé sa responsabilité. Elle invoque par ailleurs un manque d'efficacité de l'acte dit de « régularisation » du 8 juillet 2010 au regard de sa volonté manifestée d'acheter la machine et en l'absence de mise en garde sur notaire sur la portée de l'acquisition réalisée, alors que la nature de la machine n'était pas levée au jour de la signature de l'acte au regard de son offre d'acquisition. Invoquant un élément nouveau consistant en l'aveu de Mme [T] « relatif à la survenance d'un incendie et la perte totale de la machine objet principal de l'acte de vente litigieux », elle s'estime fondée à solliciter la condamnation du notaire instrumentaire à hauteur d'une somme de 422.686,39 € correspondant selon elles aux conséquences directes de l'acte rédigé par ce professionnel à savoir, la restitution de l'intégralité des sommes versées pour cette vente, celles consacrées à l'installation et la restitution intégrale des machines litigieuses, celles nées de son préjudice économique en raison de l'impossibilité pour elle de pouvoir utiliser les machines, et enfin la prise en charge de toutes les sommes qu'elle a été condamnée à verser par décisions de justice ou qui sont entrées dans ses dépens d'instance.
Dans leurs dernières écritures notifiées par voie électronique le 10/05/2023, la société [17], la société [16] Sa et Mme [K] [B] [E], intimées, demandent à la cour de :
- confirmer le jugement rendu par le tribunal de grande instance de Bergerac le 14 novembre 2017,
A titre subsidiaire, si par extraordinaire la cour devait réformer ledit jugement et considérer que Me [B] [E] a commis une faute,
- juger les demandes de la société [20] irrecevables et en tout cas mal fondées
- débouter la société [20] de l'ensemble de ses demandes, fins et prétentions,
En tout état de cause,
- condamner la société [20] à verser à Me [K] [B]-[E] et aux sociétés [15] une indemnité de 3500 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile
- condamner la société [20] aux entiers dépens de l'instance dont distraction au profit de la Scp Laydeker Sammarcelli Mousseau, avocats, sur ses affirmations de droit.
Contestant au principal toute faute de la part du notaire instrumentaire, les intimées soutiennent que la société [20] a été informée dès le départ de l'impossibilité de se porter acquéreuse de certaines machines présentes dans les lieux d'exploitation qui appartenaient au bailleur puisqu'il s'agissait d'immeubles par destination ; que cela lui a été exposé dès le 20 juillet 2009 par la Scp [P], en qualité de mandataire liquidateur du précédent exploitant ; que le procès-verbal d'inventaire de Me [F] mentionnait expressément que la machine à fabriquer le papier avec sa tête inox était scellée au sol et précisait que le laminoir de fabrication artisanale, le laminoir ancien réadapté et les deux piles hollandaises pour la fabrication de la pâte à papier faisaient partie intégrante de l'immeuble, étaient mentionnés sur le bail commercial, et portés pour mémoire; que dès lors la société [20] était clairement informée de l'impossibilité pour elle de se porter acquéreur de certaines machines, et ce avant même que le notaire ne soit saisi de la rédaction de l'acte ; que cela lui a été également rappelé au moment de la tentative de signature de l'acte de cession en avril 2010, Mme [T] ayant fait valoir son désaccord sur la vente des machines litigieuses en présence de la société [20], raison précise pour laquelle le premier rendez-vous pour la signature de la vente a été reporté ; que ce n'est qu'après plusieurs mois de discussions que les parties se sont entendues pour signer l'acte de cession sur la base du procès-verbal des 22 et 30 juin 2009 établi par Me [F] qui précisait clairement que certaines machines faisaient partie intégrante de l'immeuble et que d'autres étaient scellées au sol ce qui impliquait qu'elles ne pouvaient être appréhendées dans le cadre de la cession. Elle relève qu'en outre la qualification des biens litigieux ressortait également clairement du bail commercial qui était en la possession de la société [20] et que cette dernière qui connaissait la particularité de ces machines imposantes en poids et en taille, scellées au sol depuis des décennies, savait parfaitement qu'elles appartenaient au bailleur, étant elle-même fabricante de papier depuis 1460, et savait qu'elle ne pourrait pas emporter ces machines qui n'étaient pas incluses dans la cession.
Subsidiairement les intimées soulèvent l'irrecevabilité de la demande d'indemnisation à hauteur de 422.686, 39 € qui correspondrait selon elles aux conséquences financières de la résolution de la vente, résolution judiciaire qui a été déclarée irrecevable par l'arrêt du 20 mai 2021 non objet de cassation sur ce point, estimant que ladite demande se heurte à l'autorité de la chose jugée. Elles relèvent que la demande initiale d'indemnisation portait sur une somme de 143.954, 06 € au titre des différentes sommes versées pour acheter, remettre en état et restituer des machines et des matériaux, sans qu'il ait jamais été question de résolution de la vente ou de conséquences de cette résolution, estimant la demande d'indemnisation aujourd'hui formée irrecevable pour constituer une demande nouvelle. Elles soutiennent au surplus que les conditions financières d'une résolution de la vente ne pourraient être examinées en l'absence de toutes les parties à l'acte de vente, la Scp [P] [R] ayant été attraite en intervention forcée non en qualité de mandataire liquidateur de la société [18] mais à titre personnel, et étant au surplus dessaisie de son mandat de liquidateur suite au jugement du 4 mars 2015 ayant clôturé la procédure collective, et qu'en toute hypothèse, le notaire, intervenu pour rédiger un acte de cession sur la base d'une ordonnance du juge-commissaire sur laquelle il ne lui appartenait pas de se prononcer, ne peut être tenu de restituer tout ou partie d'un prix qu'il n'a pas reçu. Elles soutiennent en outre qu'au regard du délai de prescription de l'action en nullité et de l'action en résolution de vente l'action en résolution et en condamnation du notaire et de ses assureurs à prendre en charge les conséquences pécuniaires de cette résolution est prescrite.
Dans ses dernières écritures notifiées par voie électronique le 28/04/2023, la Scp [P] [R], demande à la cour de :
- rejeter comme irrecevables les demandes formées par la Sarl [20]
- la débouter de l'ensemble de ses prétentions, fins et conclusions,
- débouter l'ensemble des parties de leurs fins, demandes, conclusions à son encontre,
- condamner la société [20] à lui payer une somme de 4.000 € sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,
- condamner la société [20] aux entiers dépens qui seront recouvrés par Me Soral, avocat aux offres de droit.
Au visa de l'article 547 du code de procédure civile elle soutient qu'en son nom personnel la Scp [P] [R] n'était pas partie à la procédure qui s'est déroulée devant le tribunal de grande instance, puis la cour d'appel de Bordeaux et ensuite devant la Cour de cassation, seule ayant été attraite devant la cour d'appel de Bordeaux par acte du 1er septembre 2020, puis devant la Cour de cassation, la Scp [P] [R] en qualité de mandataire liquidateur de la liquidation judiciaire de la Sarl [18]. Elle en déduit que faute par la société [20] de justifier son intervention forcée par une évolution du litige, l'appel tel que formé à son encontre est irrecevable. Par ailleurs, au visa de l'article 122 du code de procédure civile, elle soutient que la Scp [P] en sa qualité de liquidateur à la liquidation judiciaire de la Sarl [18] n'a en toute hypothèse plus qualité à défendre, son mandat ayant pris fin à la suite du jugement du 4 mars 2015 ayant clôturé la procédure collective.
SUR CE, LA COUR :
1°/ Sur les fins de non-recevoir soulevées par la Scp [P] [R]
La Scp [P] [R] a été attraite en intervention forcée devant la cour d'appel de Bordeaux en sa qualité de mandataire liquidateur de la liquidation judiciaire de la Sarl [18] par assignation de la société [20] du 17 septembre 2020, après l'arrêt mixte du 21 novembre 2019, la société [20] entendant alors solliciter la résolution judiciaire de la vente pour vice du consentement et sollicitant que divers documents relatifs à la vente soient produits à l'instance par la Scp [P] ès qualités. Cette dernière n'a pas constitué devant la cour d'appel de Bordeaux. Au visa de l'article 464 du code de procédure civile, la cour d'appel de Bordeaux a, par arrêt du 20 mai 2021, déclaré irrecevable la demande de résolution judiciaire de la vente formée par la société [20] et débouté cette dernière de sa demande de communication de pièces.
L'arrêt de la Cour de cassation, mentionnant la Scp [R] [P] comme défenderesse à la cassation, juridiction devant laquelle elle était attraite ès qualités et n'a pas davantage constitué, n'a pas cassé la disposition de l'arrêt du 20 mai 2021 en ce que la cour d'appel de Bordeaux a déclaré irrecevable la demande de résolution judiciaire de la vente, disposition dès lors définitive.
La Société [20] a néanmoins intimé devant la cour de renvoi la Scp [P] [R] selon déclaration de saisine du 16 janvier 2023, faisant signifier la déclaration de saisine de la présente cour par acte délivré le 31 janvier 2023 à la Scp [P] [R], « mandataire liquidateur », acte remis à la personne de Mme [R] [P], gérante de la Scp.
Selon les dispositions de l'article 547 du code de procédure civile, en matière contentieuse, l'appel ne peut être dirigé que contre ceux qui ont été parties en première instance. Or la Scp [R] [P], que ce soit ès qualités de mandataire liquidateur de la société [18] ou en nom personnel, n'était pas partie à la procédure de première instance.
Par ailleurs, en application des dispositions de l'article 555 du code de procédure civile, peuvent être appelées en intervention forcée devant la cour les personnes qui n'ont été ni parties ni représentées en première instance quand l'évolution du litige implique leur mise en cause.
Or la Scp [R] [P], dessaisie de son mandat de représentation, ne peut plus être mise en cause en qualité de mandataire liquidateur de la Sarl [18] en raison du jugement de clôture de la procédure liquidation judiciaire pour insuffisance d'actif du 4 mars 2015 publié au Bodacc le 17 mars 2015. La société [20] ne donne aucune explication sur les motifs qui pourraient justifier une intervention forcée de la Scp [R] [P] en son nom personnel devant la cour de renvoi, aucune demande n'étant formulée à son encontre en quelque qualité que ce soit.
Il convient en conséquence de déclarer irrecevable la Sarl [20] à attraire devant la présente cour de renvoi la Scp [P] [R], que ce soit en nom personnel ou ès qualités de mandataire liquidateur de la Sarl [18] et ce, tant en qualité d'intimé que d'intervenant forcé.
Les dépens inhérents à la mise en cause devant la cour de renvoi de la Scp [R] [P] resteront à la charge de la Sarl [20], laquelle se trouve redevable à l'égard de cette Scp d'une indemnité sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile dans les conditions définies au dispositif du présent arrêt.
2°/ Sur la responsabilité du notaire
a) Sur les fautes
En droit, le notaire qui prête son concours à l'établissement d'actes authentiques doit veiller à leur efficacité tant objective, c'est-à-dire conforme à la réalité, que subjective, c'est-à-dire conforme à l'intention des parties. Il doit, préalablement, procéder à la vérification des faits et conditions nécessaires pour assurer l'utilité et l'efficacité des actes qu'il instrumente, sans toutefois être dans l'obligation de vérifier les informations d'ordre factuel fournies par les parties en l'absence d'éléments de nature à faire douter de la véracité ou de l'exactitude des renseignements donnés. Il est en outre tenu envers ceux qui sollicitent son ministère d'un devoir de conseil et, le cas échéant, de mise en garde, notamment en ce qui concerne les conséquences et risques des stipulations convenues.
En l'espèce la Sarl [20] reproche au notaire instrumentaire :
- un manquement à son obligation d'information et de conseil avant la tentative de « régularisation » de cession du fonds artisanal et de commerce du 21 avril 2010 pour ne pas avoir vérifié, avant de convoquer les parties pour la régularisation de l'acte de cession, la qualification juridique des machines et outils qu'elle pensait avoir acquis, soutenant que M.[U], gérant de la Sarl candidate à l'acquisition, aurait réglé une somme de 69.900 € et que le notaire lui aurait fait signer l'acte sans avoir préalablement éclairci la situation,
- et le manque d'efficacité de l'acte de « régularisation » du 8 juillet 2010 au regard de la volonté d'acquisition qui avait été manifestée par la Sarl [20] et de l'absence de mise en garde du notaire sur la portée de l'acquisition réalisée.
Il ressort des pièces produites au débat que le 16 Juillet 2009, M.[U], gérant de la Sarl [20], a adressé à la Scp [P] ès qualités de mandataire liquidateur de la Sarl [18] une première offre d'acquisition du [18] concernant tant le fonds de commerce, les stocks et machines, que l'immeuble lui-même, pour un total de 150.000 € avec paiement comptant, stipulant une possible reprise de salariés (pièce 2 de l'appelante).
Ledit mandataire liquidateur, accusant réception de ce courrier du 16 juillet 2009, répondait qu'il ne lui était pas possible en l'état de donner suite à l'offre d'acquisition formulée, la Sarl [18] n'étant pas propriétaire de l'immeuble sur lequel elle exploitait son fonds, les murs appartenant à Mme [T], laquelle indiquait ne pas être en mesure de céder l'immeuble pour avoir été acquis dans le cadre d'un viager toujours en cours. Il précisait que le loyer était de 700 € Ttc et que le matériel susceptible d'être vendu était celui figurant sur le procès-verbal d'inventaire dressé par Me [F], à l'exception de ceux signalés comme faisant partie intégrante de l'immeuble. Il invitait la Sarl [20] à lui faire parvenir une nouvelle offre d'acquisition dont le prix serait ventilé entre les éléments corporels et incorporels du fonds de commerce, accompagnée d'un chèque d'acompte d'un montant minimal de 20 % du prix offert, précisant que cette somme serait restituée en intégralité si la proposition n'était pas retenue, mais qu'elle resterait acquise à la procédure si la cession n'aboutissait pas du fait de l'acquéreur (pièce 3 de l'appelante).
Par courrier du 21 juillet 2009, M.[U], gérant de la Sarl [20] faisait une nouvelle offre d'acquisition pour le [18] pour un prix de 60.000 €, soit 10.000 € pour le fonds de commerce, et 50.000 € pour les stocks et machines, joignant un chèque de 12.000€ correspondant à 20 % de l'offre et sollicitait un rendez-vous le plus rapidement possible avec le mandataire liquidateur afin d'affiner l'offre (pièce 4 de l'appelante).
Par lettre du 28 août 2009 la Scp [R] [P] indiquait que suite à l'offre du 21 juillet, elle déposait une requête au tribunal pour être autorisée à réaliser le fonds de commerce dépendant de la liquidation judiciaire, mais précisait que compte tenu de l'existence d'un nantissement sur matériel, et afin d'éviter toutes difficultés ultérieures, elle souhaitait que la Sarl [20] ventile le prix offert pour le stock et le matériel « sur chacun des éléments figurant sur le procès-verbal d'inventaire » dont elle indiquait joindre une copie à son courrier (pièce 5 de l'appelante).
Pour autant, sans attendre cette ventilation, dès le 28 août 2009, la Scp [R] [P] déposait une requête au juge-commissaire aux fins d'autoriser la cession sur la base de l'offre de la Sarl [20] à hauteur de 60.000 €, soit 10.000 € pour les éléments incorporels, et 50.000 € pour les éléments corporels précisant que sur les deux offres reçues celle de la Sarl [20] était la plus intéressante pour les créanciers (pièce 19 de l'appelante).
Le procès-verbal d'inventaire et de prisée des éléments d'actifs composant le patrimoine de la Sarl [18], réalisé les 23 et 30 juin 2009 par la Scp [11], huissier de justice (pièce 6 de l'appelante), mentionnait au titre du matériel et outillage :
- un déshumidifacteur Calorex 300 litres (3.000 €)
- deux déshumidifacteurs Calorex 150 litres (déclarés nantis par la [7] de [Localité 8]) (2.000 €)
- un compresseur Giss 300 litres (500 €)
- une machine à fabriquer le papier scellée au sol avec sa caisse de tête inox (déclarée nantie par la [7] de [Localité 8]) (1.000 €)
- un laminoir de fabrication artisanale, un laminoir ancien réadapté, deux piles hollandaises pour fabrication de la pâte à papier (50 kg et 100 kg) bâtis et scellés dans l'immeuble, faisant partie intégrante de l'immeuble, et mentionnés sur le bail commercial, portés ici pour mémoire,
- trois transpalettes Giss 2 T200 (300 €)
- un palan électrique 500 kg (100 €)
- un aspirateur Giss (100 €)
- une perceuse à colonne Percer (100 €)
- un lot de petit outillage divers (100 €)
- vingt mètres de tables de travail cadres métalliques et bois avec plateaux agglo (200 €)
- trois grands présentoirs de papier en bois verni (300 €)
- quatre grands plateaux agglo sur tréteaux bois pour présentation de la marchandise (50 €)
- une étagère de présentation bois et plastique (10 €)
Le stock de marchandise et matière première selon inventaire informatique du 31 mai 2009 dit annexé était évalué à 10.000 €.
Le matériel de bureau était dit composé d'un ordinateur portable grand écran Avus (150 €) et d'un fax Samsung (50 €).
Suivait l'évaluation d'un chariot élévateur en panne (2000 €) et d'un fourgon Volkswagen transporteur (10.000 €).
Au vu du courrier du mandataire liquidateur en réponse à celui du 16 juillet 2009 précisant que le matériel susceptible d'être vendu était « celui figurant sur le procès-verbal d'inventaire dressé par Me [F], à l'exception de ceux signalés comme faisant partie intégrante de l'immeuble » et des mentions de l'inventaire communiqué la Sarl [20] ne pouvait ignorer, dès réception de la demande d'offre ventilée du 28 août 2009 accompagnée dudit inventaire, que les laminoirs et les deux piles hollandaises, mentionnés comme bâtis et scellés dans l'immeuble et uniquement pour mémoire, ne pouvaient pas faire partie de la vente du fonds de commerce pour faire partie intégrante de l'immeuble. Elle ne pouvait ignorer non plus que la machine à fabriquer le papier était scellée au sol, mais un doute pouvait subsister sur sa nature immobilière puisqu'une prisée en avait été faite sans précision de la chose effectivement objet de la prisée (la tête inox uniquement ou la machine scellée et sa tête inox).
La Sarl [20] a néanmoins formulé le 19 novembre 2009 une nouvelle offre adressée directement au greffe du tribunal de commerce d'Agen, détaillant les prix par article comme sollicité par le mandataire liquidateur (pièce 7 de l'appelante).
Pour le fonds de commerce lui-même elle offrait 10.000 €, pour les stocks et machines elle offrait désormais une somme de 71.000 € détaillée article par article. Elle offrait d'acquérir notamment, le laminoir de fabrication artisanale et les deux piles hollandaises qui a priori ne pouvaient pas faire partie de la vente pour 700 €. Elle offrait pour la machine à fabriquer le papier avec caisse de tête inox une somme de 47.000 €, soit 66 % du prix global offert pour le stock et les machines. Elle disait accompagner son offre d'un règlement de 4.200 € correspondant à 20 % d'acompte sur sa nouvelle offre.
Nonobstant les anomalies de l'offre s'agissant des biens mentionnés pour mémoire à l'inventaire comme faisant partie intégrante de l'immeuble (laminoir et piles hollandaises), et le doute subsistant sur le sort de la machine à fabriquer le papier, scellée au sol, avec sa tête inox, objet d'une prisée à 1.000 € dans l'inventaire, par ordonnance du 7 décembre 2009, le juge-commissaire de la liquidation judiciaire de la Sarl [18], autorisait la vente au profit de la Sarl [20] du fonds de commerce artisanal connu sous la dénomination « [18] » comprenant les éléments corporels (matériel et mobilier) et incorporels (droit au bail clientèle etc...) pour un prix net vendeur de 81.000 € réparti à hauteur de 10.000 € pour les éléments incorporels et de 71.000 € pour les éléments corporels sur la base de l'offre adressée au tribunal de commerce par la Sarl [20] le 19 novembre 2009, sans plus de précision ni sur les biens corporels intégrés à la vente ni sur ceux qui en seraient exclus.
Me [K] [B]-[E] a été mandatée pour la régularisation de l'acte authentique de vente.
Il ressort du courrier adressé par cet officier ministériel à Me [R] [P], mandataire liquidateur, le 21 avril 2010 que la notaire n'a pas procédé à cette date à la régularisation de l'acte prévue en son étude en raison notamment de deux difficultés (pièce 9 de l'appelante).
La première difficulté relevée par la notaire était relative à la machine à fabriquer le papier scellée au sol avec sa tête inox, relevant que cette machine avait été estimée 1.000 € dans l'inventaire dressé par Me [F] et qu'elle souhaitait savoir si cette valeur correspondait à la machine elle-même ou à sa tête inox. Elle interrogeait le mandataire liquidateur pour savoir si cette machine devait être considérée comme un immeuble par destination appartenant au propriétaire des murs bien que l'huissier, contrairement à ce qui avait été indiqué au sujet des laminoirs et des piles hollandaises, n'ait pas précisé que cette machine faisait partie intégrante de l'immeuble. Elle précisait que d'après les explications données par Mme [T] (bailleresse) et M.[U] (gérant de la Sarl [20])cette machine était également nommée « forme ronde » et figurait bien en tant que telle dans le bail commercial. Elle indiquait que M.[U] n'entendait pas poursuivre son acquisition dans les mêmes conditions de prix si ce matériel ne pouvait être inclus dans la vente pour ne pas appartenir à la Sarl [18].
La seconde difficulté relevée par la notaire était relative à l'existence dans les locaux de divers matériels et marchandises qui appartiendraient personnellement à Mme [T] (matières premières, matériels de fabrication miniatures, deux presses à papier en bois).
Me [K] [B]-[E] invitait consécutivement le mandataire liquidateur à reprendre contact tant avec M.[U], gérant de la Sarl [20], qu'avec Mme [T]..
Le notaire instrumentaire a donc identifié, comme il le devait, les difficultés inhérentes à l'ambiguïté de l'inventaire de Me [F] quant à la nature de la machine à fabriquer le papier et à la prisée qui en avait été faite, relevé expressément que cette machine pouvait être considérée comme immeuble par destination, et tenu compte des explications de Mme [T] et de M.[U] déclarant que cette machine était également nommée forme ronde et qu'elle figurait en tant que telle dans le bail commercial, renvoyant les parties devant le mandataire liquidateur, requérant à la cession du fonds de commerce. Il avait aussi relevé que le procès-verbal d'inventaire précisait, s'agissant des laminoirs et des piles hollandaises, qu'ils faisaient partie intégrante de l'immeuble.
Le bail commercial du 1er mars 2003, prévoyait en effet que Mme [X] [H] épouse [T] donnait à bail à la Sarl [18] un immeuble sis à [Adresse 19] [Localité 10], comportant un atelier de fabrication (avec forme ronde, 3 piles hollandaises, formes et feutres'), un bureau/réfectoire, un séchoir à papier, un hall d'exposition, un bâtiment de stockage, un local technique pour une surface d'environ 1200 m². La forme ronde faisait donc partie des murs donnés à bail comme les piles hollandaises.
Il n'est justifié par la Sarl [20], contrairement à ce qu'elle soutient, d'aucune signature d'acte quelconque par M.[U] pour le compte de la société qu'il dirigeait à la date du 21 avril 2010, ni de quelque versement que ce soit entre les mains du notaire instrumentaire à cette date. Le notaire instrumentaire a au contraire refusé d'instrumenter l'acte de vente au 21 avril 2010 en l'absence de définition claire du périmètre de la vente s'agissant notamment de la machine à fabriquer le papier, scellée au sol, les explications tant de Mme [T] que de M.[U] ayant été recueillies, et il a invité le mandataire liquidateur à reprendre contact tant avec M.[U], gérant de la Sarl [20], qu'avec Mme [T] pour que le périmètre exact de la vente soit précisé.
Aucun manquement que ce soit au devoir de conseil ou de mise en garde ou en qualité de rédacteur d'un acte qu'il a refusé d'instrumenter ne peut être reproché au notaire par la Sarl [20] avant ou à la date du 21 avril 2010.
Aucun élément n'est produit quant à la réponse qu'a pu apporter le mandataire liquidateur au notaire qui avait refusé d'instrumenter la vente le 21 avril 2010.
En revanche, est produite la réponse de Me [R] [P] à la Sarl [20] le 23 avril 2010 (pièce 23 de l'appelante) par laquelle la mandataire judiciaire disait ne pas comprendre comment Mme [T] aurait pu faire obstacle à la vente alors que sa présence n'était requise à l'acte que pour la cession de bail, l'acte de vente devant être passé entre elle-même, ès qualités de liquidateur, et la Sarl [20]. N'apportant aucun éclaircissement sur les ambiguïtés spécifiquement relevées en premier lieu par le notaire devant rédiger l'acte authentique quant à la nature de la machine à fabriquer le papier et la prisée faite par Me [F], le mandataire liquidateur se contentait de renvoyer la Sarl [20] à l'inventaire de l'huissier dont elle était en possession, estimant que le candidat acquéreur avait la connaissance exacte des biens « considérés comme appartenant à la Sarl [18] », invitant la Sarl [20] à reprendre contact sans délai avec Me [B]-[E] aux fins de signature dudit acte. Le mandataire liquidateur ne faisait aucun commentaire s'agissant de l'offre validée par le juge-commissaire intégrant les laminoirs et les piles hollandaises qu'il avait pourtant estimées dans son courrier en réponse à celui du 16 juillet 2009 sus-énoncé ne pas pouvoir intégrer le périmètre de la vente.
L'acte authentique de vente a finalement été instrumenté par Me [B]-[E] le 8 juillet 2010 entre d'une part, la Scp [R] [P] ès qualités de mandataire liquidateur spécialement autorisée par ordonnance du juge-commissaire du 7 décembre 2009 fixant la vente du fonds au prix de 81.000 € net vendeur, non frappée d'appel, et d'autre part, la Sarl [20], portant cession du fonds artisanal et de commerce de fabrication de papier et carton sis à [Localité 10] [Adresse 19], ledit fonds étant ainsi décrit:
- l'enseigne, le nom commercial, la clientèle, l'achalandage y attachés,
- le droit au bail pour le temps restant à courir des locaux où se trouve le fonds,
- le matériel et le mobilier commercial servant à l'exploitation du fonds, décrit et estimé article par article suivant procès-verbal d'inventaire et de prisée dressé par la Scp [11], huissiers de justice associés à [Localité 12]) les 23 et 30 juin 2009, dont copie annexée après mention,
- les marchandises et les matières premières existantes dans le fonds dans l'état où elles se trouvent en quantité et qualité et nature dont une liste informatique est annexée au procès-verbal d'inventaire et de prisée sus-visé,
« Tel que ledit fonds se poursuit et comporte dans son état actuel avec toutes ses aisances et dépendances, ses agencements sans exception ni réserve », et ce pour le prix de 81.000€ s'appliquant aux éléments incorporels pour 10.000 €, au matériel pour 61.000 €, et aux marchandises pour 10.000 €.
Le notaire instrumentaire a donc finalement accepté, dans des conditions non précisées ou justifiées, se contentant dans ses écritures de faire état de « discussions », de passer l'acte authentique de vente sans qu'ait été apportée une réponse claire et précise sur la nature de la machine à fabriquer le papier, scellée au sol, et son intégration effective au périmètre de la vente du fonds de commerce au vu de l'inventaire ambigu auquel l'acte authentique se contentait de renvoyer, alors que cette situation d'ambiguïté avait justement motivé son refus de passer l'acte authentique à la date du 21 avril 2010, et alors qu'il était dûment informé, pour l'avoir lui-même précisé au mandataire liquidateur dans son courrier du 21 avril 2010, que l'acquisition de la machine à fabriquer le papier constituait pour la Sarl [20] une condition essentielle de l'offre déposée au greffe du tribunal de commerce du 19 novembre 2009 ayant donné lieu à l'ordonnance du juge-commissaire du 7 décembre 2009, quant au prix proposé.
Il a par ailleurs tenu compte du prix du matériel pour 61.000 € tel que proposé à l'offre d'acquisition de la Sarl [20] du 19 novembre 2009 retenue par le juge-commissaire, intégrant un laminoir de fabrication artisanale avec deux piles hollandaises, alors que le procès-verbal d'inventaire et de prisée auquel la consistance des biens vendus renvoyait énonçait les laminoirs et les piles hollandaises comme faisant partie intégrante de l'immeuble et n'ayant pas fait l'objet d'une prisée.
Au regard :
- de l'offre détaillée d'acquisition du 19 novembre 2009 réalisée poste par poste par la Sarl [20], intégrant un laminoir artisanal avec deux piles hollandaises pour 700 € et une machine à fabriquer le papier avec caisse de tête inox pour 47.000 € dont le notaire instrumentaire avait connaissance, cette offre ayant été annexée à l'acte de vente,
- des mentions du procès-verbal d'inventaire et de prisée dressé par Me [F] dont le notaire instrumentaire avait eu connaissance dès le mois d'avril 2010 pour avoir refusé de passer l'acte authentique de vente à cette date compte tenu de l'ambiguïté sur la nature et l'intégration à la vente de la machine à fabriquer le papier scellée au sol et de sa tête inox faisant l'objet d'une prisée pour 1.000 €,
- de l'imprécision de l'ordonnance du juge-commissaire du 7 décembre 2009 quant aux éléments corporels (matériel et mobilier) à céder pour 71.000 € qui n'y étaient pas détaillés, ladite ordonnance, annexée à l'acte authentique pour justifier des pouvoirs du mandataire liquidateur, ne faisant même pas mention de l'inventaire dressé par acte d'huissier des 23 et 30 juin 2009,
- des énonciations du bail commercial, rappelées en page 6 de l'acte authentique, copie du bail y étant annexée, stipulant que Mme [H] épouse [T] avait donné à bail par acte sous seing privé du 1er mars 2003 un bâtiment comportant notamment un atelier de fabrication avec forme ronde, trois piles hollandaises, formes et feutres,
Me [B]-[E] se devait en tant qu'officier ministériel tenu d'une obligation de vérification des droits transmis, corollaire du respect du principe d'efficacité des stipulations de l'acte qu'il instrumentait dont il était le garant :
- d'effectuer les vérifications nécessaires quant à l'étendue des droits de propriété de la Sarl [18] représentée par son mandataire liquidateur quant aux biens objets de la vente des suites de l'offre d'acquisition validée par le juge-commissaire quant au prix global des éléments corporels, particulièrement s'agissant des biens mentionnés au procès-verbal d'inventaire comme faisant partie intégrante de l'immeuble et non prisés (laminoir et piles hollandaises) et au bail commercial comme uniquement loués à la Sarl [18] (formes ronde et piles hollandaises), tout comme sur l'accord effectif des parties à la cession, Mme [T], bailleresse intervenant elle-même à l'acte, sur la nature ou non d'immeuble par destination de la machine à fabriquer le papier scellée au sol sur laquelle il s'était légitimement interrogé en avril 2010,
- de faire précisément définir par les parties, dans l'acte authentique, le périmètre exact de la cession quant aux éléments corporels vendus, afin de lever toute ambiguïté sur l'accord des parties quant à la chose effectivement vendue et son prix tout comme sur l'étendue du bail cédé,
-à défaut d'accord des parties formalisé quant aux éléments corporels effectivement objets de la vente, tout comme sur l'étendue des biens donnés à bail, de refuser d'instrumenter l'acte authentique comme il l'avait judicieusement décidé le 21 avril 2010.
Or en l'espèce, à défaut de toute précision dans l'acte authentique de vente quant à l'étendue des droits cédés à titre de propriétaire par la Sarl [18] représentée par son mandataire liquidateur, et alors que la Sarl [20] conformément à son offre d'acquisition du 19 novembre 2009 validée par le juge-commissaire se trouvait redevable de l'intégralité du prix de cession, soit 81.000 €, dont il résulte des mentions de l'acte authentique de vente qu'il a été intégralement réglé, à concurrence de 16.200 € dès avant l'intervention de l'acte en la comptabilité de la Scp [R] [P] ès qualités, et à concurrence de 64.800 € en la comptabilité du notaire, dans le cadre d'une instance en résiliation de bail, paiement d'arriéré de loyers et restitutions de biens ayant opposé Mme [T], bailleresse, et la Sarl [20], cette dernière, a été condamnée par la cour d'appel de Bordeaux par arrêt du 5 mai 2014 à restituer à Mme [T], bailleresse, notamment la machine à fabriquer le papier scellée au sol sans sa tête d'inox, dite forme ronde, les laminoirs, et les deux piles hollandaises pour la fabrication de la pâte à papier, la cour ayant estimé que ces biens appartenaient, avec l'immeuble loué, à Mme [T], et que la Sarl [20] en tant que locataire venant aux droits de la Sarl [18] ne pouvait en revendiquer la propriété.
Du fait des manquements du notaire à ses obligations professionnelles pour ne pas s'être assuré, comme il le devait, avant de faire effectivement signer l'acte de cession du 8 juillet 2010, de l'étendue des droits de propriété de la Sarl [18] sur les éléments corporels listés à l'offre d'acquisition du 19 novembre 2009 retenue par le juge commissaire ni du périmètre exact de la cession quant aux éléments corporels dépendant du fonds objet de l'acte qu'il instrumentait de nature à caractériser un accord clair et précis des parties sur la chose effectivement vendue et son prix, il est résulté une absence d'efficacité de l'acte quant au laminoir, piles hollandaises et à la machine à fabriquer le papier scellée au sol, visés à l'offre d'acquisition et spécifiquement chiffrés, que la Sarl [20] s'est trouvée dans l'obligation de restituer sur décision judiciaire, ainsi évincée de tous droits de propriété sur des biens qu'elle pensait pouvoir conserver pour les avoir acquis en vertu de l'acte authentique du 8 juillet 2010.
Il ressort en effet de la décision du juge de l'exécution du tribunal de grande instance de Bergerac du 30 juin 2015 produite en pièce 17 par l'appelante, qu'en l'absence d'exécution volontaire de l'obligation à restitution consacrée par l'arrêt de la cour d'appel de Bordeaux du 5 mai 2014 signifié le 4 juin 2014, la Sarl [20] a été condamnée à restituer le matériel décrit dans ledit arrêt sous astreinte de 1.000 € par jour de retard. Il ressort par ailleurs du procès-verbal de constat dressé par Me [I] [Z], huissier de justice à [Localité 8], en date du 11/09/2015 (pièce 18 de l'appelante) que la Sarl [20], acquiesçant au jugement du 30 juin 2015 et à la restitution, a fait assurer le chargement sur un camion par grue depuis son parking de [Localité 9] et le transport et le déchargement dans la cour du [18] à [Localité 10] notamment de la machine à fabriquer le papier sans sa tête inox, d'un laminoir de fabrication artisanale, d'un laminoir ancien adapté, et de deux piles hollandaises pour la fabrication de la pâte à papier.
Le fait que M. [U], gérant de la Sarl [20], ait pu être alerté antérieurement à la signature de l'acte authentique du 8 juillet 2010, tant par la réponse du mandataire liquidateur à son courrier du 16 juillet 2009, que par le premier refus d'instrumenter du notaire du 21 avril 2010, sur une possible restriction à la vente de biens faisant partie intégrante de l'immeuble et une ambiguïté sur le sort de la machine à fabriquer le papier scellée au sol n'est pas de nature à exonérer le notaire instrumentaire de l'acte de cession du 8 juillet 2010 de sa responsabilité puisqu'il lui appartenait, dans le contexte ci-dessus analysé, en sa qualité d'officier ministériel, professionnel du droit, de lever toute ambiguïté sur l'accord des parties quant à la chose effectivement vendue et son prix afin de garantir l'efficacité de cet acte de cession.
Contrairement à ce qu'a retenu le premier juge, Me [B]-[E] a donc commis des fautes professionnelles lors de l'établissement de l'acte de cession du 8 avril 2010 de nature à engager sa responsabilité délictuelle à l'égard de la Sarl [20] pour avoir privé d'efficacité ledit acte de cession quant à la vente des laminoirs, piles hollandaises et machine à fabriquer le papier spécifiquement identifiés et chiffrés à l'offre d'acquisition du 19 novembre 2009 sur la base de laquelle le juge-commissaire a autorisé la cession.
b) Sur le préjudice
1) Sur les fins de non-recevoir soulevées à titre uniquement subsidiaire quant aux demandes d'indemnisation si une faute était retenue par la cour
Il ressort des pièces de la procédure que par acte du 29 juillet 2015, la société [20] a fait assigner devant le tribunal de grande instance de Bergerac Me [B]-[E] aux fins d'obtenir l'indemnisation de son préjudice en application de l'article 1382 du code civil, sollicitant dans ses dernières écritures de première instance une indemnisation de 152.954,06 €. L'action en indemnisation a donc bien été engagée en première instance avant toute expiration du délai d'action en responsabilité, le dommage ayant été caractérisé pour la Sarl [20] dès l'intervention de l'arrêt de la cour d'appel de Bordeaux du 5 mai 2014, exécutoire dès son prononcé, lui ayant ordonné de restituer à Mme [T] la machine à fabriquer le papier scellée au sol, sans sa tête inox, les laminoirs et les deux piles hollandaises pour la fabrication de la pâte à papier.
En application de l'article 954 alinéa 3 du code de procédure civile dans sa version applicable à l'espèce, la cour ne statue que sur les prétentions énoncées au dispositif des dernières écritures et n'examine les moyens au soutien de ces prétentions que s'ils sont invoqués dans la discussion. Les parties doivent reprendre dans leurs dernières écritures les prétentions et moyens précédemment invoqués dans leurs écritures antérieures. A défaut elles sont réputées les avoir abandonnés et la cour ne statue que sur les dernières écritures déposées.
Contrairement à ce que soutiennent Me [B]-[E] et ses assureurs, la Sarl [20] ne sollicite pas devant la cour de renvoi la résolution de la vente comme elle avait pu le faire devant la cour d'appel de Bordeaux, laquelle, par arrêt du 20 mai 2021, définitif sur ce point pour n'avoir pas fait l'objet de cassation, a déclaré irrecevable cette demande de résolution judiciaire. Elle soutient juste, à tort ou à raison, que le préjudice découlant de l'inefficacité de l'acte instrumenté par le notaire intimé est constitué de l'intégralité des sommes qu'elle a dû supporter dans le cadre d'une vente inefficace et des suites judiciaires qui en ont résulté. Les fins de non-recevoir soulevées par les intimés s'agissant de la demande d'indemnisation fondées sur l'autorité de la chose jugée de l'arrêt du 20 mai 2021 relativement à l'irrecevabilité de l'action en résolution, l'absence du vendeur à la présente procédure, ou encore la prescription d'une action en résolution non exercée à ce jour, doivent en conséquence être rejetées.
Par ailleurs, dans le dispositif de ses dernières écritures, l'appelante ne sollicite la condamnation de Me [B]-[E] et de ses assureurs qu'au paiement d'une somme de 40.000 € à titre de dommages et intérêts, la demande de « fixation » de son préjudice à la somme de 422.686,39 € ne constituant pas une prétention tendant à la condamnation du notaire et de ses assureurs, ni une prétention au sens propre en l'absence de tout effet juridique.
La demande de condamnation à l'encontre du notaire et de ses assureurs étant inférieure au montant des dommages et intérêts sollicités en première instance, aucune demande nouvelle n'est caractérisée au sens de l'article 564 du code de procédure civile. L'irrecevabilité invoquée par le notaire et les assureurs sur le fondement de ce dernier texte doit en conséquence être rejetée.
2°/ Sur le préjudice
Il appartient à la Sarl [20] de justifier du préjudice qu'elle allègue comme découlant directement des fautes retenues à l'encontre du notaire instrumentaire.
Du fait de l'inefficacité de l'acte authentique du 8 avril 2010 résultant des fautes retenues ci-dessus à l'encontre de Me [B]-[E] s'agissant des laminoirs, des deux piles hollandaises et de la machine à fabriquer le papier scellée au sol qu'elle a dû restituer, sans sa tête inox, la Sarl [20] a payé, en vain, au titre du prix de vente de biens corporels dont la propriété n'a pu lui être transférée la somme de 700 €, telle que proposée à ce titre dans son offre du 19 novembre 2009, ainsi que la somme correspondant au seul prix de l'offre relative à la machine à fabriquer le papier, déduction faite de sa tête inox, tête inox qu'elle n'a pas été condamnée à restituer soit, en tenant compte de la prisée à hauteur de 1.000 € qui ne pouvait que s'appliquer à cette tête inox, la somme de 46.000 € (47.000-1.000).
La demande de condamnation présentée à l'encontre du notaire et de ses assureurs à hauteur de 40.000 € à titre de dommages et intérêts se trouve donc justifiée et il convient, infirmant le jugement entrepris, d'y faire droit, Me [B]-[E] et ses assureurs les [15] devant être condamnés in solidum à payer ladite somme à la Sarl [20], outre intérêts au taux légal à compter du présent arrêt en application des dispositions de l'article 1231-7 du code civil.
3°/ Sur les dépens et frais irrépétibles
Il a déjà été statué sur le sort des dépens inhérents à la mise en cause devant la cour de renvoi de Mme [R] [P].
Pour le surplus, succombant au principal, Me [B]-[E] et ses assureurs, la société [15] et la société [17], supporteront in solidum les dépens de première instance ainsi que ceux d'appel, y compris ceux afférents aux décisions cassées conformément aux dispositions de l'article 639 du code de procédure civile. Les mêmes se trouvent redevables in solidum d'une indemnité sur le fondement de l'article 700 du code de procédure tant au titre de la procédure de première instance que de celle d'appel dans les conditions définies au dispositif du présent arrêt, sans pouvoir elles-mêmes prétendre à l'application de ce texte à leur profit.
PAR CES MOTIFS
La Cour,
Statuant sur renvoi de cassation partielle des suites de l'arrêt de la 1ère chambre civile de la Cour de cassation du 23 novembre 2022
Déclare irrecevable la Sarl [20] à attraire devant la présente cour de renvoi la Scp [P] [R], que ce soit en nom personnel ou ès qualités de mandataire liquidateur de la Sarl [18] et ce, tant en qualité d'intimé que d'intervenant forcé,
Infirme le jugement du tribunal de grande instance de Bergerac du 14 novembre 2017 en toutes ses dispositions,
Statuant à nouveau et y ajoutant,
Dit que Mme [K] [B]-[E] engage sa responsabilité délictuelle pour faute à l'égard de la Sarl [20] pour inefficacité de l'acte authentique de cession instrumenté le 8 juillet 2010 s'agissant de la vente de laminoirs, de deux piles hollandaises, et d'une machine à fabriquer le papier scellée au sol, dite forme ronde, sans sa tête inox,
Rejette les fins de non-recevoir invoquées à titre subsidiaire par Mme [K] [B]-[E] et ses assureurs les sociétés [16] Sa et [17],
Condamne in solidum Mme [K] [B]-[E] et ses assureurs les sociétés [16] Sa et [17] à payer à la Sarl [20] la somme de 40.000 € à titre de dommages et intérêts,
Dit que les dépens inhérents à la mise en cause devant la cour de renvoi de la Scp [P] [R] seront supportés par la Sarl [20] avec autorisation de recouvrement direct au profit de Me Sorel, Avocat, conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile,
Condamne in solidum Mme [K] [B]-[E] et ses assureurs les sociétés [16] Sa et [17] aux surplus des dépens, tant de première instance que d'appel, en ceux compris les dépens inhérents aux deux arrêts cassés de la cour d'appel de Bordeaux du 21 novembre 2019 et du 20 mai 2021,
Condamne la Sarl [20] à payer à la Scp [R] [P] une indemnité de 2.000 € au titre de la présente procédure d'appel sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,
Condamne in solidum Mme [K] [B]-[E] et ses assureurs les sociétés [16] Sa et [17] à payer à la Sarl [20] une indemnité de 10.000 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile au titre de la procédure de première instance et de celle d'appel,
Déboute Mme [K] [B]-[E] et ses assureurs les sociétés [16] Sa et [17] de leur demande d'indemnité sur ce même fondement.
La greffière La présidente
M. POZZOBON C. ROUGER
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