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Décisions

Cass. 1re civ., 17 décembre 1964, n° 63-10.508

COUR DE CASSATION

Arrêt

Rejet

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Drouillat

Rapporteur :

M. Constant

Avocat général :

M. Schmelck

Avocats :

Me Rousseau, Me Cail

Paris, du 8 nov. 1962

8 novembre 1962

Sur la requête présentée par M. le PREFET DE POLICE, agissant au nom et comme représentant de la Ville de Paris, domicilié en l'Hôtel de la Préfecture, 7 boulevard du Palais à Paris, en cassation d'un arrêt rendu le 8 novembre 1962 par la Cour d'appel de Paris, au profit de la

en date du 26 février 1963.

REGIE AUTONOME DES TRANSPORTS PARISIENS, dont le siège est à Paris, 53 ter, quai des Grands Augustins, en la personne de ses représentants légaux domiciliés audit siège, défenderesse à la cassation.

Le demandeur invoque, à l'appui de son pourvoi, les deux moyens de cassation suivants:

Premier moyen: "Violation des articles 1315 et suivants et notamment de l'article 1353 du Code Civil , de l'article 1382 et suivants dudit Code, de l'article 7 de la loi du 20 Avril 1810, défaut de motifs et manque de base légale, - en ce que l'arrêt attaqué a écarté les dépositions des témoins Boris et Deguerny, au motif que s'ils ont déclaré avoir entendu la corne des pompiers fonctionner longuement, ces deux témoins étaient chez eux et ne pouvaient donc préciser à quel endroit de son trajet se trouvait la voiture lorsque son avertisseur résonnait, - alors que la Cour a dénaturé ces deux dépositions relevées par les motifs adoptés du jugement, étant donné que le témoin Deguerny a déclaré avoir entendu le signal deux tons des pompiers depuis leur départ de la caserne et se rapprochant de plus en plus de son domicile, puis, alors que ce signal fonctionnait encore et de façon continue, avoir perçu un bruit de choc, le signal sonore s'étant arrêté à ce moment, et que le témoin Boris a déclaré avoir entendu le deux tons des pompiers pendant un assez long moment puisqu'il eu le temps d'échanger deux ou trois réflexions avec sa famille avant d'entendre un choc violent et de se rendre compte que le deux tons s'était tu, - et alors que, en outre, l'arrêt attaqué a retenu, pour écarter le témoignage Deguerny qui prétendait que l'avertisseur avait fonctionné d'une façon continue, qu'il était contredit par le sapeur Heno qui déclarait que cet avertisseur avait fonctionné de nombreuses fois, ce qui établissait que son fonctionnement n'était pas continu, sans tenir compte des déclarations du Sergent Malaniac relatées par le jugement confirmé dans lesquelles il affirmait avoir toujours actionné la pédale du signal deux tons jusqu'au moment de l'accident, ainsi que celles du sapeur Michaux également relatées au jugement qui a confirmé les déclarations de son chef".

Second moyen: "Violation des articles 1382 à 1384 inclus du Code Civil, de l'article 29 du décret du 10 Juillet 1954 portant Code de la Route, de l'article 7 de la loi du 20 Avril 1810, défaut et contradiction de motifs, manque de base légale, - en ce que l'arrêt attaqué a déduit de ce que l'autobus avait franchi le feu vert que la R.A.T.P. se trouvait dégagée de la présomption résultant de l'article 1134 aliné;a 1er du Code Civil par la preuve de la faute irrésistible et imprévisible dans ses conséquences, commise par le conducteur de la voiture des pompiers qui n'avait pas respecté les feux de signalisation sans qu'il soit établi que l'avertisseur spécial deux tons ait été actionné suffisamment à temps pour prévenir les autres usagers qu'ils devaient céder le passage à un véhicule prioritaire, - alors que l'arrêt attaqué a méconnu la présomption de responsabilité qui incombait à la Régie Autonome des Transports Parisiens, qu'il a abusivement interverti le fardeau de la preuve, étant donné qu'il incombait à la défenderesse d'établir la faute invoquée par elle comme cause exclusive de l'accident pour se dégager de la présomption de responsabilité qui lui incombait de façon absolue, de sorte que l'arrêt attaqué n'a pu, sans une manifeste contradiction, déclarer la R.A.T.P. déchargée de la présomption de responsabilité pesant sur elle par application de l'article 1384 du Code Civil par la preuve de la faute irrésistible et imprévisible du conducteur de la voiture des pompiers tout en déclarant seulement qu'il n'était pas établi que l'avertisseur spécial deux tons ait été actionné suffisamment à temps pour prévenir les autres usagers qu'ils devaient céder le passage à un véhicule prioritaire sans constater que la preuve contraire fût rapportée par la R.A.T.P.".

Sur quoi, LA COUR, en l'audience publique de ce jour.

Sur le premier moyen:

Attendu qu'il résulte de l'arrêt confirmatif attaqué que, de nuit, dans un carrefour urbain, dont l'accès était protégé par une signalisation lumineuse, une collision s'est produite entre une voiture des sapeurs-pompier de la Ville de Paris et un autobus de la Régie Autonome des Transports Parisiens (R.A.T.P.); que les deux véhicules furent endommagés et que plusieurs occupants furent blessés; que le Préfet de Police ès-qualités assigna la R.A.T.P. pour la faire déclarer responsable des dommages, en application des articles 1382 et 1384, alinéa 1er et alinéa 5 du Code Civil;

Attendu que le pourvoi reproche à l'arrêt, qui a débouté le Préfet de sa demande, d'avoir écarté les déclarations de deux témoins par des motifs qui dénaturent leurs témoignages et sans tenir compte des dépositions de deux autres témoins qui les confirmaient;

Mais attendu qu'en présence de témoignages contradictoires, les juges du fond devaient nécessairement déterminer ceux qui leur paraissaient les plus convaincants; qu'ils ont ainsi, sans dénaturer aucun document de l'enquête, souverainement apprécié le sens et la portée des éléments de preuve qui leur étaient soumis;

Que le moyen n'est donc pas fondé;

Sur le second moyen:

Attendu qu'il est fait grief à l'arrêt d'avoir, pour exonérer la R.A.T.P. de la responsabilité attachée à la garde de son véhicule, interverti la charge de la preuve;

Mais attendu que l'arrêt constate que l'autobus avait pénétré dans le carrefour alors que les aignaux lumineux étaient "au vert" dans sa direction de marche; qu'en raison de la synchronisation des signaux, la voiture des pompiers avait franchi le passage au "feu rouge"; qu'il ajoute que la priorité spéciale dont se prévalait le Préfet ne bénéficiait aux véhicules de cette catégorie qu'à la condition qu'ils aient signalé leur approche à l'aide d'un avertisseur sonore à deux tons; que, compte tenu du caractère exceptionnel de cette priorité, différente dans son fondement de celle de droit commun, il appartenait à cului qui l'invoque de rapporter la preuve que l'avertisseur sonore avait été actionné dans des conditions de temps et de lieu permettant aux autres usagers d'être prévenus de l'arrivée du véhicule prioritaire et de lui céder le passage;

Attendu qu'ayant relevé que le Préfet n'avait point administré cette preuve, la Cour d'appel en a déduit que la Régie se trouvait déchargée de la responsabilité encourue du fait de la garde de son véhicule par la faute imprévisible et irrésistible commise par le conducteur de la voiture des pompiers, qui n'avait point respecté les feux de protection, sans justifier avoir actionné, dans les conditions réglementaires, son signal sonore;

Attendu qu'en se déterminant par de tels motifs, les juges du fond ont, sans méconnaître les règles de la preuve, légalement justifié leur décision.

PAR CES MOTIFS:

REJETTE le pourvoi formé contre l'arrêt rendu le 8 novembre 1962 par la Cour d'appel de Paris.

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