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Cass. 2e civ., 21 octobre 2004, n° 03-15.756

COUR DE CASSATION

Arrêt

Rejet

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Dintilhac

Bordeaux, 1re ch. civ. B, du 14 janv. 20…

14 janvier 2003

Donne acte aux consorts X... de ce qu'ils se sont désistés de leur pourvoi en tant que dirigé contre la société Laboratoires d'analyses de biologie médicale X... ;

Attendu, selon l'arrêt attaqué (Bordeaux, 14 janvier 2003), que les consorts X... ont constitué entre eux la société Laboratoire d'analyses de biologie médicale X... qui a adhéré à l'Association régionale agréée des professions libérales d'Aquitaine (ARAPL), avec option pour le régime fiscal des sociétés dites "de famille" ; que l'administration fiscale, ayant déclaré invalide cette option, a notifié des rappels d'impositions avec pénalités de retard à cette société ; que les consorts X... ont fait assigner l'ARAPL d'Aquitaine en dommages-intérêts ;

Sur le moyen unique du pourvoi principal :

Attendu que les consorts X... font grief à l'arrêt de les avoir déboutés de leur action en responsabilité dirigée contre l'ARAPL d'Aquitaine, alors, selon le moyen :

1 ) que la responsabilité civile est gouvernée par la règle de la réparation intégrale du préjudice qui suppose que la victime soit replacée dans l'état où elle se trouvait avant de subir le dommage ; qu'en l'espèce, la cour d'appel, qui a refusé d'indemniser le dommage subi par les consorts X..., par la faute de l'ARAPL d'Aquitaine, prétexte pris de ce que leur préjudice ne pouvait s'analyser ni en une perte , ni en un gain manqué, de sorte qu'il n'était pas indemnisable, a violé l'article 1382 du Code civil ;

2 ) que tout préjudice subi est indemnisable ; qu'en l'espèce, la cour d'appel, qui a refusé d'indemniser le préjudice subi par les consorts X..., du fait de la faute commise par leur association de gestion comptable agréée, en se bornant à relever que ce préjudice n'était pas indemnisable, puisque les appelants avaient réclamé la différence subsistant entre l'impôt sur le revenu dont ils avaient été dégrevés et le montant du rapport des fonds qu'ils avaient dû opérer, pour payer l'impôt sur les sociétés, dans la comptabilité de la société Laboratoire d'analyses de biologie médicale X..., alors que les consorts X... avaient en réalité, réclamé le remboursement du surcroît d'imposition qu'ils avaient dû acquitter au fisc, en raison du choix d'une option fiscale irrégulière, ensuite rectifiée, a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1382 du Code civil ;

3 ) que les juges du fond ne peuvent écarter des éléments de preuve pertinents, sans même s'en expliquer ; qu'en l'espèce , la cour d'appel, qui n'a pas même examiné un courrier du 18 décembre 1996, adressé au directeur de l'ARAPL d'Aquitaine, par l'expert comptable des consorts X..., non plus qu'un tableau, établi par ce même comptable, ces pièces explicitant pourtant précisément l'origine, la nature et l'étendue du préjudice subi par les consorts X..., par la faute de leur association de gestion comptable agréée, ayant entraîné -notamment par le jeu des techniques fiscales consécutives à la rectification du régime fiscal réellement applicable à la société- un surcroît d'imposition à leur détriment, a violé l'article 1315 du Code civil ;

Mais attendu que l'arrêt retient que les consorts X..., induits en erreur par la passation entre leur société et l'ARAPL d'une convention qui impliquait une option fiscale inappropriée, ont été contraints de régler les impositions qu'ils auraient dû acquitter si cette option n'avait pas été exercée ; que le préjudice ne pouvant être constitué que par la perte faite ou le gain manqué, la demande des consorts X... portant sur la différence subsistant entre l'impôt sur le revenu dont ils ont été dégrevés et le montant du rapport des fonds qu'ils ont dû faire dans la comptabilité de la société Laboratoire d'analyses de biologie médicale X... pour payer l'impôt sur les sociétés, au prorata de leurs droits sociaux, ne correspond pas à un préjudice indemnisable ;

Que de ces constatations et énonciations, la cour d'appel, qui n'était tenue ni de suivre les parties dans le détail de leurs arguments, ni de s'expliquer sur ceux qu'elle décidait d'écarter, a pu, dans l'exercice de son pouvoir souverain, décider que les consorts X... ne justifiaient d'aucun préjudice personnel ;

D'où il suit que le moyen n'est pas fondé ;

Sur le moyen unique du pourvoi incident :

Attendu que l'ARAPL d'Aquitaine fait grief à l'arrêt de l'avoir condamnée à payer une somme à la société X..., alors , selon le moyen:

1 ) que l'ARAPL soutenait qu'elle avait informé la société X..., par lettre du 27 mars 1992, que d'après la loi, une société à responsabilité limitée devait être assujettie à l'impôt sur les sociétés, et que si la doctrine fiscale semblait admettre l'option pour le régime fiscal des sociétés de personnes, "le doute étant permis, si l'interdiction se vérifiait, il y aurait lieu de radier l'inscription de la société" ; qu'elle en déduisait qu'elle avait pleinement exécuté son obligation d'information à l'égard de la société X... en attirant son attention sur le risque fiscal lié à l'option pour le régime fiscal des sociétés de personnes ; qu'en se bornant néanmoins à affirmer que l'ARAPL avait manqué à son obligation de conseil à l'égard de la société X... en s'abstenant de l'informer de l'impossibilité de l'option choisie, sans répondre à ces conclusions, la cour d'appel a violé l'article 455 du nouveau Code de procédure civile ;

2 ) que l'ARAPL soutenait qu'elle avait informé la société X..., par lettre du 23 juillet 1993, que d'après le dernier état de la doctrine administrative (Inst.4 H 15 92 BODGI 21.08.1992), les sociétés à responsabilité limitée exerçant une activité libérale ne pouvaient pas opter pour le régime fiscal des sociétés de personnes, et que l'ARAPL ne pourrait pas conserver parmi ses adhérents une société assujettie à l'impôt sur les sociétés; qu'elle en déduisait qu'elle avait pleinement exécuté son obligation d'information à l'égard de la société X... en attirant son attention sur le fait qu'elle devait être assujettie à l'impôt sur les sociétés au titre de l'exercice 1992 ; qu'en se bornant néanmoins à affirmer que l'ARAPL avait manqué à son obligation de conseil à l'égard de la société X... en s'abstenant de l'informer de l'impossibilité d'opter pour le régime fiscal des sociétés de personnes, et que cette faute avait causé un préjudice à la société X... en raison du redressement fiscal intervenu au titre de l'exercice 1991, sans répondre à ces conclusions, la cour d'appel a violé l'article 455 du nouveau Code de procédure civile ;

3 ) qu'en condamnant l'ARAPL à verser à la société X... à titre de dommages-intérêts, le montant des intérêts de retard dus par celle-ci à l'administration fiscale, sans rechercher si la société X... avait été informée par l'ARAPL dès 1992 et , au plus tard en 1993, du fait qu'elle était assujettie à l'impôt sur les sociétés, de sorte qu'elle aurait dû payer cet impôt dès cette date, ce qui aurait empêché les intérêts de retard de courir, si bien que le préjudice constitué par le paiement des intérêts de retard postérieurs à cette date ne lui était pas imputable, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1147 du Code civil ;

Mais attendu que l'arrêt retient, par motifs propres et adoptés, qu'en acceptant sans réserve parmi ses adhérents une société qui n'avait pas vocation à être admise et à bénéficier ainsi de l'option choisie, l'ARAPL a manqué à son obligation de conseil et a causé à la société X... un préjudice dont le montant, constitué par le solde des intérêts de retard, a été exactement apprécié par le Tribunal ;

Que de ces constations et énonciations, la cour d'appel, qui n'était tenue ni de suivre les parties dans le détail de leurs arguments, ni de s'expliquer sur ceux qu'elle décidait d'écarter, a pu, répondant aux conclusions, déduire l'existence d'une faute de l'ARAPL ; que c'est dans l'exercice de son pourvoi souverain qu'elle a évalué le préjudice subi par la société X... ;

D'où il suit que le moyen n'est pas fondé ;

PAR CES MOTIFS :

REJETTE les pourvois principal et incident.

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