CA Paris, Pôle 1 - ch. 12, 20 février 2025, n° 25/00106
PARIS
Ordonnance
Autre
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D'APPEL DE PARIS
Pôle 1 - Chambre 12
SOINS PSYCHIATRIQUES SANS CONSENTEMENT
ORDONNANCE DU 20 FÉVRIER 2025
(n°106, 3 pages)
N° du répertoire général : N° RG 25/00106 - N° Portalis 35L7-V-B7J-CK2FP
Décision déférée à la Cour : Ordonnance du 17 Février 2025 -Tribunal Judiciaire de PARIS (Magistrat du siège) - RG n° 25/00465
L'audience a été prise au siège de la juridiction, en audience publique, le 20 Février 2025
Décision Contradictoire
COMPOSITION
Pascal LATOURNALD, conseiller à la cour d'appel, agissant sur délégation du Premier Président de la cour d'appel de Paris,
assisté de Roxane AUBIN, greffier lors des débats et de la mise à disposition de la décision
APPELANT
Monsieur LE PROCUREUR DE LA RÉPUBLIQUE PRES LE TJ DE PARIS
Représenté par Madame Laure DE CHOISEUL, avocate générale,
INTIMÉS
1°/ Mme [P] [N] [B] (Personne faisant l'objet de soins)
née le 01/07/1960 au CAMEROUN
demeurant [Adresse 2]
Actuellement hospitalisée au GHU [Localité 6] psychiatrie et neurosciences site [4]
comparante en personne, assistée de Me Sylvie BONAMI, avocat commis d'office au barreau de Paris,
2°/ M. LE PRÉFET DE POLICE
demeurant [Adresse 3]
non comparant, représenté par M. [K] [M],
PARTIE INTERVENANTE
M. LE DIRECTEUR DU GHU [Localité 6] PSYCHIATRIE ET NEUROSCIENCES SITE [4]
demeurant [Adresse 1]
non comparant, non représenté,
DÉCISION
Madame [P] [N] [B] a fait l'objet d'une admission au GHU [Localité 6]-Psychiatrie & Neurosciences en soins psychiatriques sans consentement le 18 janvier 2019 par décision du représentant de l'Etat dans le département.
La mesure avait été transformée en programme de soins en raison de l'amélioration de l'état clinique de la patiente, avec plusieurs réintégrations, dont la dernière datait du 22 décembre 2023. En raison d'une nouvelle amélioration de l'état de santé, un nouveau programme de soins avait été entériné par arrêté préfectoral du 13 juin 2024, lui permettant de résider à son domicile à [Localité 7] avec un suivi médical mensuel au CMP de secteur.
Toutefois, par certificat médical du 10 février 2025, le médecin traitant demandait la réintégration de Mme [P] [N] [B] à l'hôpital, le 7 février 2025.
Par décision du 17 février 19 août 2024, le juge des libertés et de la détention du Tribunal judiciaire de Paris a ordonné la mainlevée de la mesure au motif que la décision de réintégration a été prise le 11 février 2025 sur la foi d'un certificat médical daté du 10 février 2025 faisant mention d'une réintégration effective le 7 février 2025, soit une décision tardive.
Le procureur de la République de [Localité 6] a interjeté appel de cette décision en soutenant que la décision du juge des liberté et de la détention ne précise pas sur quel texte il fonde sa décision ni ne précise le grief causé par la supposée irrégularité. La décision, non motivée en droit et contraire à la situation médicale de la patiente, paraît en conséquence devoir être infirmée.
Les parties ont été convoquées à l'audience du 20 février 2025.
L'audience s'est tenue au siège de la juridiction, en audience publique.
Le certificat médical de situation du 19 février 2025 suggère la levée de la mesure.
L'avocat de Madame [P] [N] [B] soulève 12 moyens d'irrégularité pour demander la confirmation de la mainlevée de l'hospitalisation.
L'avocat général constate que l'état de santé du patient justifie la poursuite de la mesure et qu'aucune irrégularité de procédure ne peut être caractérisée.
A l'issue des débats l'affaire a été mise en délibéré au 20 février 2025.
MOTIVATION
SUR LA PROCÉDURE
Sur le caractère tardif de l'arrêté du 11 février 2025, au regard de la date de réintégration effective
Au regard de la régularité d'un délai entre le moment de l'admission effective et celui de la prise de décision administrative, la Cour de cassation a dit pour avis que les dispositions des articles L. 3211-3, a), et L. 3213-1 du code de la santé publique ne permettent pas au préfet de différer la décision administrative imposant des soins psychiatriques sans consentement au-delà du temps strictement nécessaire à l'élaboration de l'acte (avis Cass. du 11 juillet 2016, n°16-70.006).
Au-delà de ce délai, l'irrégularité ne fait pas nécessairement grief et il appartient à celui qui s'en prévaut de démontrer l'atteinte à ses droits résultant de l'irrégularité liée à une formalisation tardive de la décision d'admission (Cass., 1re Civ., 4 juillet 2018, pourvoi n°17 20.800).
L'article L. 3216 1, alinéa 2, du code de la santé publique dispose que l'irrégularité affectant la décision administrative n'entraîne la mainlevée de la mesure que s'il en est résulté une atteinte aux droits de la personne qui en faisait l'objet. Pour obtenir la mainlevée d'une mesure, le patient doit donc prouver à la fois une irrégularité et le grief qui en est résulté pour lui.
Une irrégularité tirée du non-respect de ces dispositions suppose la démonstration d'un grief.
C'est à tort que le juge de première instance a cru pouvoir ordonner la mainlevée de la mesure en retenant que : " la décision de réintégration a été prise le 11 février 2025 sur la foi d'un certificat médical daté du 10 février 2025 lequel fait mention d'une réintégration effective le 7 février 2025. Il résulte de ces constatations que la réintégration effective de la patiente a précédé de deux jours au moins la décision médicale qui était censée la justifier et qui fondait la décision prise par le préfet. En conséquence de tous ces événements, la décision du préfet était elle-même tardive ".
En effet, le dossier comporte un arrêté horodaté du 11 février 2025 abrogeant l'arrêté du 13 juin 2024 et mettant en 'uvre l'hospitalisation de Madame [P] [N] [B] en entérinant le certificat médical de réintégration du Docteur [Y] [V] [C] daté du 10 février 2025. Ce certificat relevant que : " Symptomatologie délirante et hallucinatoire envahissante. Très peu de critique des troubles. Nécessité de surveillance clinique et réadaptation du traitement pharmacologique. Réintégration en hospitalisation complète le 07 02 2025 ".
Il ressort des débats et des pièces de procédure et notamment des notes d'audience de première instance que Madame [P] [N] [B] a déclaré : " ça me fait du bien de réintégrer à nouveau. J'ai passé des moments difficiles, une semaine assise comme ça, même pas à l'hôtel je suis partie à [Localité 5]. La croisière s'est mal passée. Oui je comprends la réintégration, Oui je suis d'accord avec l'hospitalisation mais j'aimerai être libre, pas enfermée ".
Dans les faits il ressort que Madame [P] [N] [B] s'est présentée elle-même à l'hôpital le vendredi 7 février pour avoir des soins. S'agissant d'un vendredi soir, le certificat médical a été rédigé le lundi 10 février et la décision préfectorale prise le lendemain dans le respect d'une chronologie nécessaire pour édicter des actes administratifs. Il n'y a donc pas d'irrégularité de la situation d'une personne qui se présente d'elle-même à l'hôpital en détresse pour réactiver ses soins.
Dès lors que la décision du préfet a été formalisée le lendemain du certificat médical du Docteur [Y] [V] [C], dans un délai qui s'explique par le temps nécessaire à la réception de l'avis du psychiatre et à l'élaboration de l'acte, le délai qui sépare l'admission effective du patient de l'élaboration de la décision ne saurait être considéré comme excessif ni, a fortiori, comme portant atteinte à ses droits. Le moyen soutenu par la partie intimée n'est donc pas fondé.
Le moyen sera donc écarté.
Sur les autres moyens de nullité
Le conseil de la patiente considère que les dispositions législatives n'ont pas été respectées et ont porté nécessairement atteinte aux droits de Madame [P] [N] [B] et lui cause un grief et parte atteinte à ses droits. Ainsi Maître BONAMI soulève successivement de nombreux moyens en vue de faire annuler la procédure. Successivement sont visées des prétendues irrégularités affectant :
1/Concernant l'arrêté de Monsieur le Préfet du 11 février 2025, il est reproché une absence :
- de notification immédiate de l'arrêté à Madame [P] [N] [B] mais le 11 février 2025, soit 1 jour après,
- une édiction de l'arrêté du 11/02/2025 4 jours après la réintégration de Madame [N] [B] qui date du 07/02/2025, sur la base d'un certificat médical du 10 février 2025.
Le conseil explique que l'arrêté du 11/02/2025 a été pris quatre jours après la réintégration de Madame [N] [B] qui date du 07/02/2025 et qu'il a été pris sur la base d'un certificat médical du 10/02/2025 soit 3 jours après sa réintégration.
2/ Concernant la requête de Monsieur le Préfet de Police du 12/02/25, il est fait grief de n'avoir pas été transmise de manière complète au Tribunal au détriment des diligences de l'article L 3213 -9 du CSP ne sont pas joints à la requête de Monsieur le Préfet (article L 3211 -12-1 II du CSP).
Il est donc reproché à Monsieur le Préfet de Police de n'avoir pas justifié effectuer les formalités prévues à l'article L 3213-9 du CSP. Aucun justificatif n'est fourni dans la requête transmise au Tribunal et à l'avocat
3/ L'absence de communication de l'entier dossier de Madame [P] [N] [B]
4/ Concernant le certificat médical de réintégration il lui est reproché de ne pas comporter l'heure et d'avoir été pris 3 jours après sa réintégration qui date du 07 février 2025.
5/ Une absence de notification de l'ordonnance du Juge du Tribunal Judiciaire de PARIS du 17/02/2025.
6/ Une absence de notification de l'appel de Monsieur le Procureur de la République (article R 3211 -20 du CSP)
7/ Une absence de notification de l'ordonnance de la Cour d'Appel du 18/02/2025
8/ Un défaut de diligences de l'article L 3213 -9 du Code de la Santé Publique en soutenant qu'aucun justificatif n'est fourni dans la requête transmise au Tribunal et à l'avocat.
9/ Une absence d'information de la Commission Départementale des soins psychiatriques de l'article L 3222 -5 du CSP
10/ Concernant l'avis à famille, il est soutenu que celui-ci n'a pas été fait, alors que la patiente a une s'ur.
11/ Une absence de la preuve de la remise de la convocation à l'audience du Juge des Libertés et de la Détention à Madame [P] [N] [B] , elle n'a signé aucun récépissé.
12/ Une absence motivation des certificats médicaux en première instance, estimant que l'avis motivé d'hospitalisation complète a été établi le 14/02/25, il est versé aux débats, mais il n'est pas motivé.
Par suite le conseil soutient qu'aucun risque à l'intégrité du malade n'est justifié. Le certificat produit, s'il établit que l'intéressé nécessite des soins, ne caractérise pas un risque grave d'atteinte à l'intégrité du malade (CA Versailles Ord. 13 mars 2015, n°15/01656 : CA Versailles, Ord., 19 mai 2015, n°15/03470).
Sur ce,
La cour rappelle que Madame [P] [N] [B] a fait l'objet d'une admission au GHU [Localité 6]-Psychiatrie & Neurosciences en soins psychiatriques sans consentement le 18 janvier 2019 par décision du représentant de l'Etat dans le département, à la suite d'une interpellation dans un restaurant où elle avait tenté de poignarder une cliente, se précipitant soudainement sur elle, armée d'un couteau de cuisine muni d'une lame d'une quarantaine de centimètres. Un homme avait réussi à l'empêcher d'agir en s'interposant entre elle et la victime.
Aux policiers intervenus sur place, elle tenait des propos incohérents, déclarant être connue sous son nom d'alias et être poursuivie par la victime qu'elle présentait comme une chef de bande. Placée en garde-à-vue pour menaces avec arme, Mme [P] [N] [B] avait ensuite été conduite aux urgences médico-judiciaires de l'Hôtel-Dieu où le médecin psychiatre l'ayant examinée avait conclu que son état de santé nécessitait un transfert à l'infirmerie psychiatrique de la Préfecture de Police, ce qui l'avait ensuite conduite au GHU où elle était déjà connue pour un trouble du registre psychotique (la patiente avait fait l'objet d'une mesure de soins psychiatriques en cas de péril imminent le 12 août 2018, à la suite de son interpellation sur le quai d'une gare ou elle avait, sans raison apparente, agressé un passant et tenu des propos incohérents).
La mesure avait été transformée en programme de soins en raison de l'amélioration de l'état clinique de la patiente, avec plusieurs réintégrations, dont la dernière datait du 22 décembre 2023. En raison d'une nouvelle amélioration de l'état de santé, un nouveau programme de soins avait été entériné par arrêté préfectoral du 13 juin 2024, lui permettant de résider à son domicile à [Localité 7] avec un suivi médical mensuel au CMP de secteur.
Toutefois, par certificat médical du 10 février 2025, le médecin traitant demandait la réintégration de Mme [P] [N] [B] à l'hôpital, le 7 février 2025. Il constatait que l'intéressée, suivie pour un trouble psychotique chronique, présentait une symptomatologie délirante et hallucinatoire envahissante et critiquait très peu ses troubles. Suite à la demande du praticien, un arrêté abrogeant le programme de soins en cours et ordonnant la reprise des soins psychiatriques sous la forme d'une hospitalisation complète était pris le 11 février 2025 en raison de la nécessité d'une surveillance clinique et en vue d'une réadaptation du traitement pharmacologique.
L'avis médical motivé du 14 février 2025, relevait un discours sublogorrhéique organisé dans la forme, des idées délirantes de persécution à mécanisme imaginatif et interprétatif avec adhésion totale et participation affective, des hallucinations acousticoverbales, une adhésion partielle aux soins.
Le psychiatre concluait à la nécessité de maintenir la mesure d'hospitalisation complète continue sans consentement.
Un autre certificat du 19 février 2025 prévoyait quant à lui une demande de levée de la contrainte tout en relevant : " Délire à thématique de persécution et à mécanisme multiple (hallucinatoire olfactif, auditif et somesthésique ; intuitif et interprétatif).
Adhésion totale au délire. Anxiété. Pas de trouble du comportement, pas d'hétéro agressivité. Déni des troubles. Accepte les soins ".
Sur les moyens d'irrégularité numérotés 1, 5, 6, 7, la cour relève que Madame [P] [N] [B] s'est présentée d'elle-même à l'hôpital le 7 février 2025 suite à une de ses voyages. Lors de la première instance elle a expliqué que l'hôpital lui avait apporté des éléments bénéfiques : " ça me fait du bien de réintégrer à nouveau. J'ai passé des moments difficiles, une semaine assise comme ça, même pas à l'hôtel je suis partie à [Localité 5]. La croisière s'est mal passée. Oui je comprends la réintégration, Oui je suis d'accord avec l'hospitalisation mais j'aimerai être libre, pas enfermée ".
Le certificat de réintégration du 10 févier 2025 mentionnait expressément : " Symptomatologie délirante et hallucinatoire envahissante et Nécessité de surveillance clinique et réadaptation du traitement pharmacologique ".
Dans ce contexte il était judicieux de différer les notifications afin qu'elles soient intelligibles, permettant au patient de se saisir utilement de ses droits, le directeur de l'établissement a à bon droit différé les notifications à un moment d'apaisement du patient.
En application de l'article L. 3216-1 du code de la santé publique, l'irrégularité affectant une décision administrative n'entraîne la mainlevée de la mesure que s'il en est résulté une atteinte aux droits de la personne qui en faisait l'objet.
Compte-tenu de l'état de santé de la patiente à la date de la décision, la notification 1 jour plus tard de la décision de réintégration en soins psychiatriques sous la forme d'une hospitalisation complète n'est pas contraire aux dispositions de l'article L. 3211-3 du code de la santé publique. De plus aucun grief pertinent n'est rapporté par le patient ou son conseil.
En outre ces notifications ont été faites et s'inscrivent dans un parcours d'hospitalisation long ayant déjà nécessité une multitude de décisions similaires correctement notifiées.
Concernant les moyens 2 et 3 relatifs à la communication de la requête et du dossier médical. La Cour relève que la requête a été en bonne et due forme transmise au tribunal et aux parties. De plus, Madame [P] [N] [B] pouvant librement consulter les pièces de son dossier à l'hôpital sur simple demande.
Les moyens manquent en fait et seront rejetés.
Concernant les moyens 8 et 10, les pièces de procédure démontrent que les exigences légales ont été accomplies. Le conseil de Madame [P] [N] [B] se bornant à faire grief à la préfecture de ne pas avoir été diligente sans viser précisément les manquements. Concernant la s'ur de Madame [P] [N] [B] aucune des pièces de la procédure ne permet d'affirmer qu'elle n'a pas été avisée. Le conseil de Madame [P] [N] [B] se limitant à affirmer sans démontrer. Aucun grief n'est par ailleurs démontré.
La Cour estime que les avis ont été réalisés par la préfecture, lesquels n'ont pas à apparaitre dans le dossier.
S'agissant du moyen 9, la Cour constate que la Préfecture de police, présente à l'audience, a apporté la preuve de l'information apportée à la commission départementale et que le conseil du patient n'a pas voulu la prendre en considération en maintenant son moyen car non communiqué de manière contradictoire.
La cour rappelle qu'il ne s'agit pas d'une pièce obligatoire aux débats et que l'information de ladite commission est de droit, en l'espèce elle a été faite par courriel de la préfecture, ce à quoi la préfecture a rempli la condition et le démontre. Le moyen sera rejeté.
Sur le moyen 11 relatif à l'absence de preuve de remise de la convocation pour l'audience de première instance. La présence de Madame [P] [N] [B] à cette audience du 17 février 2025 démontre qu'elle ne supporte aucun grief.
Sur le moyen 12, contrairement aux allégations du conseil du Madame [P] [N] [B], la Cour considère que le certificat du 14 février 2025 est particulièrement étayé puisque le psychiatre constate un discours sublogorrhéique organisé dans la forme, des idées délirantes de persécution à mécanisme imaginatif et interprétatif avec adhésion totale et participation affective, des hallucinations acousticoverbales, une adhésion partielle aux soins.
Les 12 moyens d'irrégularité seront donc rejetés, la Cour rappelant de surcroît que le juge ne peut prononcer la mainlevée de la mesure pour toute irrégularité constatée que " lorsqu'il en est résulté une atteinte aux droits de la personne " , conformément à l' article L. 3216-1 du CSP. La Cour de Cassation a récemment considérablement renforcé ses exigences s'agissant du grief et exige que l'irrégularité porte une atteinte " concrète " aux droits (1ère civ.,15 septembre 2021, 20-15.610).
Il faut donc démontrer que l'irrégularité a causé à la personne une atteinte à ses intérêts " pas de nullité sans grief ".
De même, l'ordre administratif, par arrêt d'assemblée du 23 décembre 2011, le Conseil d'État rendait l'arrêt [D] énonçant qu'un vice de procédure n'entraîne l'illégalité d'une décision administrative qu'en deux situations :
1. soit s'il a été susceptible d'exercer une influence sur le sens de la décision prise,
2. soit s'il a privé les intéressés d'une garantie.
(CE Ass. 23 déc. 2011, [D]).
Cette exigence du vice substantiel développé par l'arrêt du CE assemblée 23 décembre 2011 [D] : suppose que seuls les vices de procédure ayant eu une influence sur le contenu de la décision ou ayant privé l'administré d'une garantie entraîne une irrégularité de la décision.
Il faut donc une atteinte aux droits de la personne.
Atteinte de la personne humaine : libertés fondamentales dont la sûreté : article 66 de la constitution, droits du patient et de l'usager du service public de santé, ceux du destinataire de la décision individuelle.
Etant précisé que les irrégularités portant ou non atteinte aux droits de la personne relèvent de l'appréciation souveraine des juges du fond ( Cass. 1re civ., 15 oct. 2020, n° 20-15.691. - Cass. 1re civ., 10 févr. 2021, n° 19-25.224. Cass. 1re civ., 3 mars 2021, n° 19-23.581 ).
En l'espèce rien ne permet de relever une atteinte substantielle aux droits de Madame [P] [N] [B]. Celle-ci est suivi en psychiatrie depuis 2019. Elle s'est rendue à l'hôpital lorsqu'elle en avait besoin et les soins nécessaires lui ont été prodigués. Le droit fondamental à la santé a été assuré.
Les moyens de nullité seront donc rejetés.
Sur le fond l'admission en soins psychiatriques sur décision du représentant de l'État (en province le préfet du département ou à [Localité 6] le préfet de police) est prononcée à l'encontre " des personnes dont les troubles mentaux nécessitent des soins et compromettent la sûreté des personnes ou portent atteinte, de façon grave, à l'ordre public " ( CSP, art. L. 3213-1, I).
La Cour de cassation a rendu deux décisions (Cass. 1re civ., 15 oct. 2014, n° 13-12.220. - Cass. 1re civ., 10 févr. 2016, n° 14-29.521) à l'occasion desquelles, elle considère que le préfet est fondé à prononcer la réadmission en hospitalisation complète d'un malade en rupture de traitement dans son programme de soins alors même qu'il n'était pas démontré qu'il présentait encore un état " compromettant la sécurité des personnes ou portant gravement atteinte à l'ordre public ".
Pour la Cour, cette réadmission en hospitalisation complète était justifiée par la seule évolution de l'état de santé du patient résultant notamment de sa non-coopération aux soins.
Ainsi, si l'atteinte à l'ordre public ou le risque pour la sûreté des personnes sont nécessaires pour l'admission initiale en soins sans consentement, le manquement à l'obligation d'observance du traitement justifie la réadmission en hospitalisation complète du malade tant que son état continue à appeler des soins.
Il en ressort qu'une mainlevée à ce stade de la prise en charge apparaît prématurée. Alors qu'il a fait l'objet d'une précédente et très récente hospitalisation pour les mêmes causes, il importe, dans l'intérêt du patient que son retour au domicile se fasse dans les meilleures conditions compte tenu de sa fragilité psychique. Dès lors son état de santé impose des soins psychiatriques assortis d'une surveillance médicale constante et justifie la poursuite de l'hospitalisation complète afin d'inscrire le patient dans les soins.
PAR CES MOTIFS,
Nous, Pascal LATOURNALD, vice-président délégué, statuant en dernier ressort, publiquement, par décision réputée contradictoire mise à disposition au greffe, en matière de contentieux des soins et hospitalisations sous contrainte,
DÉCLARE l'appel recevable,
INFIRME l'ordonnance du juge,
REJETTE les moyens de nullité,
ORDONNE la poursuite des soins,
LAISSE les dépens à la charge de l'État.
Ordonnance rendue le 20 FEVRIER 2025 par mise à disposition au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.
LE GREFFIER LE MAGISTRAT DÉLÉGATAIRE
Notification ou avis fait à :
X patient à l'hôpital
ou/et ' par LRAR à son domicile
X avocat du patient
X directeur de l'hôpital
' tiers par LS
X préfet de police
' avocat du préfet
' tuteur / curateur par LRAR
X Parquet près la cour d'appel de Paris
AVIS IMPORTANTS :
Je vous informe qu'en application de l'article R.3211-23 du code de la santé publique, cette ordonnance n'est pas susceptible d'opposition. La seule voie de recours ouverte aux parties est le pourvoi en cassation . Il doit être introduit dans le délai de 2 mois à compter de la présente notification, par l'intermédiaire d'un avocat au Conseil d'Etat et à la Cour de cassation.
Le pourvoi en cassation est une voie extraordinaire de recours qui exclut un nouvel examen des faits ; il a seulement pour objet de faire vérifier par la Cour de Cassation si la décision rendue est conforme aux textes législatifs en vigueur.
Ce délai est augmenté d'un mois pour les personnes qui demeurent dans un département ou territoire d'outre-mer et de deux mois pour celles qui demeurent à l'étranger.
RE'U NOTIFICATION LE :
SIGNATURE DU PATIENT :
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D'APPEL DE PARIS
Pôle 1 - Chambre 12
SOINS PSYCHIATRIQUES SANS CONSENTEMENT
ORDONNANCE DU 20 FÉVRIER 2025
(n°106, 3 pages)
N° du répertoire général : N° RG 25/00106 - N° Portalis 35L7-V-B7J-CK2FP
Décision déférée à la Cour : Ordonnance du 17 Février 2025 -Tribunal Judiciaire de PARIS (Magistrat du siège) - RG n° 25/00465
L'audience a été prise au siège de la juridiction, en audience publique, le 20 Février 2025
Décision Contradictoire
COMPOSITION
Pascal LATOURNALD, conseiller à la cour d'appel, agissant sur délégation du Premier Président de la cour d'appel de Paris,
assisté de Roxane AUBIN, greffier lors des débats et de la mise à disposition de la décision
APPELANT
Monsieur LE PROCUREUR DE LA RÉPUBLIQUE PRES LE TJ DE PARIS
Représenté par Madame Laure DE CHOISEUL, avocate générale,
INTIMÉS
1°/ Mme [P] [N] [B] (Personne faisant l'objet de soins)
née le 01/07/1960 au CAMEROUN
demeurant [Adresse 2]
Actuellement hospitalisée au GHU [Localité 6] psychiatrie et neurosciences site [4]
comparante en personne, assistée de Me Sylvie BONAMI, avocat commis d'office au barreau de Paris,
2°/ M. LE PRÉFET DE POLICE
demeurant [Adresse 3]
non comparant, représenté par M. [K] [M],
PARTIE INTERVENANTE
M. LE DIRECTEUR DU GHU [Localité 6] PSYCHIATRIE ET NEUROSCIENCES SITE [4]
demeurant [Adresse 1]
non comparant, non représenté,
DÉCISION
Madame [P] [N] [B] a fait l'objet d'une admission au GHU [Localité 6]-Psychiatrie & Neurosciences en soins psychiatriques sans consentement le 18 janvier 2019 par décision du représentant de l'Etat dans le département.
La mesure avait été transformée en programme de soins en raison de l'amélioration de l'état clinique de la patiente, avec plusieurs réintégrations, dont la dernière datait du 22 décembre 2023. En raison d'une nouvelle amélioration de l'état de santé, un nouveau programme de soins avait été entériné par arrêté préfectoral du 13 juin 2024, lui permettant de résider à son domicile à [Localité 7] avec un suivi médical mensuel au CMP de secteur.
Toutefois, par certificat médical du 10 février 2025, le médecin traitant demandait la réintégration de Mme [P] [N] [B] à l'hôpital, le 7 février 2025.
Par décision du 17 février 19 août 2024, le juge des libertés et de la détention du Tribunal judiciaire de Paris a ordonné la mainlevée de la mesure au motif que la décision de réintégration a été prise le 11 février 2025 sur la foi d'un certificat médical daté du 10 février 2025 faisant mention d'une réintégration effective le 7 février 2025, soit une décision tardive.
Le procureur de la République de [Localité 6] a interjeté appel de cette décision en soutenant que la décision du juge des liberté et de la détention ne précise pas sur quel texte il fonde sa décision ni ne précise le grief causé par la supposée irrégularité. La décision, non motivée en droit et contraire à la situation médicale de la patiente, paraît en conséquence devoir être infirmée.
Les parties ont été convoquées à l'audience du 20 février 2025.
L'audience s'est tenue au siège de la juridiction, en audience publique.
Le certificat médical de situation du 19 février 2025 suggère la levée de la mesure.
L'avocat de Madame [P] [N] [B] soulève 12 moyens d'irrégularité pour demander la confirmation de la mainlevée de l'hospitalisation.
L'avocat général constate que l'état de santé du patient justifie la poursuite de la mesure et qu'aucune irrégularité de procédure ne peut être caractérisée.
A l'issue des débats l'affaire a été mise en délibéré au 20 février 2025.
MOTIVATION
SUR LA PROCÉDURE
Sur le caractère tardif de l'arrêté du 11 février 2025, au regard de la date de réintégration effective
Au regard de la régularité d'un délai entre le moment de l'admission effective et celui de la prise de décision administrative, la Cour de cassation a dit pour avis que les dispositions des articles L. 3211-3, a), et L. 3213-1 du code de la santé publique ne permettent pas au préfet de différer la décision administrative imposant des soins psychiatriques sans consentement au-delà du temps strictement nécessaire à l'élaboration de l'acte (avis Cass. du 11 juillet 2016, n°16-70.006).
Au-delà de ce délai, l'irrégularité ne fait pas nécessairement grief et il appartient à celui qui s'en prévaut de démontrer l'atteinte à ses droits résultant de l'irrégularité liée à une formalisation tardive de la décision d'admission (Cass., 1re Civ., 4 juillet 2018, pourvoi n°17 20.800).
L'article L. 3216 1, alinéa 2, du code de la santé publique dispose que l'irrégularité affectant la décision administrative n'entraîne la mainlevée de la mesure que s'il en est résulté une atteinte aux droits de la personne qui en faisait l'objet. Pour obtenir la mainlevée d'une mesure, le patient doit donc prouver à la fois une irrégularité et le grief qui en est résulté pour lui.
Une irrégularité tirée du non-respect de ces dispositions suppose la démonstration d'un grief.
C'est à tort que le juge de première instance a cru pouvoir ordonner la mainlevée de la mesure en retenant que : " la décision de réintégration a été prise le 11 février 2025 sur la foi d'un certificat médical daté du 10 février 2025 lequel fait mention d'une réintégration effective le 7 février 2025. Il résulte de ces constatations que la réintégration effective de la patiente a précédé de deux jours au moins la décision médicale qui était censée la justifier et qui fondait la décision prise par le préfet. En conséquence de tous ces événements, la décision du préfet était elle-même tardive ".
En effet, le dossier comporte un arrêté horodaté du 11 février 2025 abrogeant l'arrêté du 13 juin 2024 et mettant en 'uvre l'hospitalisation de Madame [P] [N] [B] en entérinant le certificat médical de réintégration du Docteur [Y] [V] [C] daté du 10 février 2025. Ce certificat relevant que : " Symptomatologie délirante et hallucinatoire envahissante. Très peu de critique des troubles. Nécessité de surveillance clinique et réadaptation du traitement pharmacologique. Réintégration en hospitalisation complète le 07 02 2025 ".
Il ressort des débats et des pièces de procédure et notamment des notes d'audience de première instance que Madame [P] [N] [B] a déclaré : " ça me fait du bien de réintégrer à nouveau. J'ai passé des moments difficiles, une semaine assise comme ça, même pas à l'hôtel je suis partie à [Localité 5]. La croisière s'est mal passée. Oui je comprends la réintégration, Oui je suis d'accord avec l'hospitalisation mais j'aimerai être libre, pas enfermée ".
Dans les faits il ressort que Madame [P] [N] [B] s'est présentée elle-même à l'hôpital le vendredi 7 février pour avoir des soins. S'agissant d'un vendredi soir, le certificat médical a été rédigé le lundi 10 février et la décision préfectorale prise le lendemain dans le respect d'une chronologie nécessaire pour édicter des actes administratifs. Il n'y a donc pas d'irrégularité de la situation d'une personne qui se présente d'elle-même à l'hôpital en détresse pour réactiver ses soins.
Dès lors que la décision du préfet a été formalisée le lendemain du certificat médical du Docteur [Y] [V] [C], dans un délai qui s'explique par le temps nécessaire à la réception de l'avis du psychiatre et à l'élaboration de l'acte, le délai qui sépare l'admission effective du patient de l'élaboration de la décision ne saurait être considéré comme excessif ni, a fortiori, comme portant atteinte à ses droits. Le moyen soutenu par la partie intimée n'est donc pas fondé.
Le moyen sera donc écarté.
Sur les autres moyens de nullité
Le conseil de la patiente considère que les dispositions législatives n'ont pas été respectées et ont porté nécessairement atteinte aux droits de Madame [P] [N] [B] et lui cause un grief et parte atteinte à ses droits. Ainsi Maître BONAMI soulève successivement de nombreux moyens en vue de faire annuler la procédure. Successivement sont visées des prétendues irrégularités affectant :
1/Concernant l'arrêté de Monsieur le Préfet du 11 février 2025, il est reproché une absence :
- de notification immédiate de l'arrêté à Madame [P] [N] [B] mais le 11 février 2025, soit 1 jour après,
- une édiction de l'arrêté du 11/02/2025 4 jours après la réintégration de Madame [N] [B] qui date du 07/02/2025, sur la base d'un certificat médical du 10 février 2025.
Le conseil explique que l'arrêté du 11/02/2025 a été pris quatre jours après la réintégration de Madame [N] [B] qui date du 07/02/2025 et qu'il a été pris sur la base d'un certificat médical du 10/02/2025 soit 3 jours après sa réintégration.
2/ Concernant la requête de Monsieur le Préfet de Police du 12/02/25, il est fait grief de n'avoir pas été transmise de manière complète au Tribunal au détriment des diligences de l'article L 3213 -9 du CSP ne sont pas joints à la requête de Monsieur le Préfet (article L 3211 -12-1 II du CSP).
Il est donc reproché à Monsieur le Préfet de Police de n'avoir pas justifié effectuer les formalités prévues à l'article L 3213-9 du CSP. Aucun justificatif n'est fourni dans la requête transmise au Tribunal et à l'avocat
3/ L'absence de communication de l'entier dossier de Madame [P] [N] [B]
4/ Concernant le certificat médical de réintégration il lui est reproché de ne pas comporter l'heure et d'avoir été pris 3 jours après sa réintégration qui date du 07 février 2025.
5/ Une absence de notification de l'ordonnance du Juge du Tribunal Judiciaire de PARIS du 17/02/2025.
6/ Une absence de notification de l'appel de Monsieur le Procureur de la République (article R 3211 -20 du CSP)
7/ Une absence de notification de l'ordonnance de la Cour d'Appel du 18/02/2025
8/ Un défaut de diligences de l'article L 3213 -9 du Code de la Santé Publique en soutenant qu'aucun justificatif n'est fourni dans la requête transmise au Tribunal et à l'avocat.
9/ Une absence d'information de la Commission Départementale des soins psychiatriques de l'article L 3222 -5 du CSP
10/ Concernant l'avis à famille, il est soutenu que celui-ci n'a pas été fait, alors que la patiente a une s'ur.
11/ Une absence de la preuve de la remise de la convocation à l'audience du Juge des Libertés et de la Détention à Madame [P] [N] [B] , elle n'a signé aucun récépissé.
12/ Une absence motivation des certificats médicaux en première instance, estimant que l'avis motivé d'hospitalisation complète a été établi le 14/02/25, il est versé aux débats, mais il n'est pas motivé.
Par suite le conseil soutient qu'aucun risque à l'intégrité du malade n'est justifié. Le certificat produit, s'il établit que l'intéressé nécessite des soins, ne caractérise pas un risque grave d'atteinte à l'intégrité du malade (CA Versailles Ord. 13 mars 2015, n°15/01656 : CA Versailles, Ord., 19 mai 2015, n°15/03470).
Sur ce,
La cour rappelle que Madame [P] [N] [B] a fait l'objet d'une admission au GHU [Localité 6]-Psychiatrie & Neurosciences en soins psychiatriques sans consentement le 18 janvier 2019 par décision du représentant de l'Etat dans le département, à la suite d'une interpellation dans un restaurant où elle avait tenté de poignarder une cliente, se précipitant soudainement sur elle, armée d'un couteau de cuisine muni d'une lame d'une quarantaine de centimètres. Un homme avait réussi à l'empêcher d'agir en s'interposant entre elle et la victime.
Aux policiers intervenus sur place, elle tenait des propos incohérents, déclarant être connue sous son nom d'alias et être poursuivie par la victime qu'elle présentait comme une chef de bande. Placée en garde-à-vue pour menaces avec arme, Mme [P] [N] [B] avait ensuite été conduite aux urgences médico-judiciaires de l'Hôtel-Dieu où le médecin psychiatre l'ayant examinée avait conclu que son état de santé nécessitait un transfert à l'infirmerie psychiatrique de la Préfecture de Police, ce qui l'avait ensuite conduite au GHU où elle était déjà connue pour un trouble du registre psychotique (la patiente avait fait l'objet d'une mesure de soins psychiatriques en cas de péril imminent le 12 août 2018, à la suite de son interpellation sur le quai d'une gare ou elle avait, sans raison apparente, agressé un passant et tenu des propos incohérents).
La mesure avait été transformée en programme de soins en raison de l'amélioration de l'état clinique de la patiente, avec plusieurs réintégrations, dont la dernière datait du 22 décembre 2023. En raison d'une nouvelle amélioration de l'état de santé, un nouveau programme de soins avait été entériné par arrêté préfectoral du 13 juin 2024, lui permettant de résider à son domicile à [Localité 7] avec un suivi médical mensuel au CMP de secteur.
Toutefois, par certificat médical du 10 février 2025, le médecin traitant demandait la réintégration de Mme [P] [N] [B] à l'hôpital, le 7 février 2025. Il constatait que l'intéressée, suivie pour un trouble psychotique chronique, présentait une symptomatologie délirante et hallucinatoire envahissante et critiquait très peu ses troubles. Suite à la demande du praticien, un arrêté abrogeant le programme de soins en cours et ordonnant la reprise des soins psychiatriques sous la forme d'une hospitalisation complète était pris le 11 février 2025 en raison de la nécessité d'une surveillance clinique et en vue d'une réadaptation du traitement pharmacologique.
L'avis médical motivé du 14 février 2025, relevait un discours sublogorrhéique organisé dans la forme, des idées délirantes de persécution à mécanisme imaginatif et interprétatif avec adhésion totale et participation affective, des hallucinations acousticoverbales, une adhésion partielle aux soins.
Le psychiatre concluait à la nécessité de maintenir la mesure d'hospitalisation complète continue sans consentement.
Un autre certificat du 19 février 2025 prévoyait quant à lui une demande de levée de la contrainte tout en relevant : " Délire à thématique de persécution et à mécanisme multiple (hallucinatoire olfactif, auditif et somesthésique ; intuitif et interprétatif).
Adhésion totale au délire. Anxiété. Pas de trouble du comportement, pas d'hétéro agressivité. Déni des troubles. Accepte les soins ".
Sur les moyens d'irrégularité numérotés 1, 5, 6, 7, la cour relève que Madame [P] [N] [B] s'est présentée d'elle-même à l'hôpital le 7 février 2025 suite à une de ses voyages. Lors de la première instance elle a expliqué que l'hôpital lui avait apporté des éléments bénéfiques : " ça me fait du bien de réintégrer à nouveau. J'ai passé des moments difficiles, une semaine assise comme ça, même pas à l'hôtel je suis partie à [Localité 5]. La croisière s'est mal passée. Oui je comprends la réintégration, Oui je suis d'accord avec l'hospitalisation mais j'aimerai être libre, pas enfermée ".
Le certificat de réintégration du 10 févier 2025 mentionnait expressément : " Symptomatologie délirante et hallucinatoire envahissante et Nécessité de surveillance clinique et réadaptation du traitement pharmacologique ".
Dans ce contexte il était judicieux de différer les notifications afin qu'elles soient intelligibles, permettant au patient de se saisir utilement de ses droits, le directeur de l'établissement a à bon droit différé les notifications à un moment d'apaisement du patient.
En application de l'article L. 3216-1 du code de la santé publique, l'irrégularité affectant une décision administrative n'entraîne la mainlevée de la mesure que s'il en est résulté une atteinte aux droits de la personne qui en faisait l'objet.
Compte-tenu de l'état de santé de la patiente à la date de la décision, la notification 1 jour plus tard de la décision de réintégration en soins psychiatriques sous la forme d'une hospitalisation complète n'est pas contraire aux dispositions de l'article L. 3211-3 du code de la santé publique. De plus aucun grief pertinent n'est rapporté par le patient ou son conseil.
En outre ces notifications ont été faites et s'inscrivent dans un parcours d'hospitalisation long ayant déjà nécessité une multitude de décisions similaires correctement notifiées.
Concernant les moyens 2 et 3 relatifs à la communication de la requête et du dossier médical. La Cour relève que la requête a été en bonne et due forme transmise au tribunal et aux parties. De plus, Madame [P] [N] [B] pouvant librement consulter les pièces de son dossier à l'hôpital sur simple demande.
Les moyens manquent en fait et seront rejetés.
Concernant les moyens 8 et 10, les pièces de procédure démontrent que les exigences légales ont été accomplies. Le conseil de Madame [P] [N] [B] se bornant à faire grief à la préfecture de ne pas avoir été diligente sans viser précisément les manquements. Concernant la s'ur de Madame [P] [N] [B] aucune des pièces de la procédure ne permet d'affirmer qu'elle n'a pas été avisée. Le conseil de Madame [P] [N] [B] se limitant à affirmer sans démontrer. Aucun grief n'est par ailleurs démontré.
La Cour estime que les avis ont été réalisés par la préfecture, lesquels n'ont pas à apparaitre dans le dossier.
S'agissant du moyen 9, la Cour constate que la Préfecture de police, présente à l'audience, a apporté la preuve de l'information apportée à la commission départementale et que le conseil du patient n'a pas voulu la prendre en considération en maintenant son moyen car non communiqué de manière contradictoire.
La cour rappelle qu'il ne s'agit pas d'une pièce obligatoire aux débats et que l'information de ladite commission est de droit, en l'espèce elle a été faite par courriel de la préfecture, ce à quoi la préfecture a rempli la condition et le démontre. Le moyen sera rejeté.
Sur le moyen 11 relatif à l'absence de preuve de remise de la convocation pour l'audience de première instance. La présence de Madame [P] [N] [B] à cette audience du 17 février 2025 démontre qu'elle ne supporte aucun grief.
Sur le moyen 12, contrairement aux allégations du conseil du Madame [P] [N] [B], la Cour considère que le certificat du 14 février 2025 est particulièrement étayé puisque le psychiatre constate un discours sublogorrhéique organisé dans la forme, des idées délirantes de persécution à mécanisme imaginatif et interprétatif avec adhésion totale et participation affective, des hallucinations acousticoverbales, une adhésion partielle aux soins.
Les 12 moyens d'irrégularité seront donc rejetés, la Cour rappelant de surcroît que le juge ne peut prononcer la mainlevée de la mesure pour toute irrégularité constatée que " lorsqu'il en est résulté une atteinte aux droits de la personne " , conformément à l' article L. 3216-1 du CSP. La Cour de Cassation a récemment considérablement renforcé ses exigences s'agissant du grief et exige que l'irrégularité porte une atteinte " concrète " aux droits (1ère civ.,15 septembre 2021, 20-15.610).
Il faut donc démontrer que l'irrégularité a causé à la personne une atteinte à ses intérêts " pas de nullité sans grief ".
De même, l'ordre administratif, par arrêt d'assemblée du 23 décembre 2011, le Conseil d'État rendait l'arrêt [D] énonçant qu'un vice de procédure n'entraîne l'illégalité d'une décision administrative qu'en deux situations :
1. soit s'il a été susceptible d'exercer une influence sur le sens de la décision prise,
2. soit s'il a privé les intéressés d'une garantie.
(CE Ass. 23 déc. 2011, [D]).
Cette exigence du vice substantiel développé par l'arrêt du CE assemblée 23 décembre 2011 [D] : suppose que seuls les vices de procédure ayant eu une influence sur le contenu de la décision ou ayant privé l'administré d'une garantie entraîne une irrégularité de la décision.
Il faut donc une atteinte aux droits de la personne.
Atteinte de la personne humaine : libertés fondamentales dont la sûreté : article 66 de la constitution, droits du patient et de l'usager du service public de santé, ceux du destinataire de la décision individuelle.
Etant précisé que les irrégularités portant ou non atteinte aux droits de la personne relèvent de l'appréciation souveraine des juges du fond ( Cass. 1re civ., 15 oct. 2020, n° 20-15.691. - Cass. 1re civ., 10 févr. 2021, n° 19-25.224. Cass. 1re civ., 3 mars 2021, n° 19-23.581 ).
En l'espèce rien ne permet de relever une atteinte substantielle aux droits de Madame [P] [N] [B]. Celle-ci est suivi en psychiatrie depuis 2019. Elle s'est rendue à l'hôpital lorsqu'elle en avait besoin et les soins nécessaires lui ont été prodigués. Le droit fondamental à la santé a été assuré.
Les moyens de nullité seront donc rejetés.
Sur le fond l'admission en soins psychiatriques sur décision du représentant de l'État (en province le préfet du département ou à [Localité 6] le préfet de police) est prononcée à l'encontre " des personnes dont les troubles mentaux nécessitent des soins et compromettent la sûreté des personnes ou portent atteinte, de façon grave, à l'ordre public " ( CSP, art. L. 3213-1, I).
La Cour de cassation a rendu deux décisions (Cass. 1re civ., 15 oct. 2014, n° 13-12.220. - Cass. 1re civ., 10 févr. 2016, n° 14-29.521) à l'occasion desquelles, elle considère que le préfet est fondé à prononcer la réadmission en hospitalisation complète d'un malade en rupture de traitement dans son programme de soins alors même qu'il n'était pas démontré qu'il présentait encore un état " compromettant la sécurité des personnes ou portant gravement atteinte à l'ordre public ".
Pour la Cour, cette réadmission en hospitalisation complète était justifiée par la seule évolution de l'état de santé du patient résultant notamment de sa non-coopération aux soins.
Ainsi, si l'atteinte à l'ordre public ou le risque pour la sûreté des personnes sont nécessaires pour l'admission initiale en soins sans consentement, le manquement à l'obligation d'observance du traitement justifie la réadmission en hospitalisation complète du malade tant que son état continue à appeler des soins.
Il en ressort qu'une mainlevée à ce stade de la prise en charge apparaît prématurée. Alors qu'il a fait l'objet d'une précédente et très récente hospitalisation pour les mêmes causes, il importe, dans l'intérêt du patient que son retour au domicile se fasse dans les meilleures conditions compte tenu de sa fragilité psychique. Dès lors son état de santé impose des soins psychiatriques assortis d'une surveillance médicale constante et justifie la poursuite de l'hospitalisation complète afin d'inscrire le patient dans les soins.
PAR CES MOTIFS,
Nous, Pascal LATOURNALD, vice-président délégué, statuant en dernier ressort, publiquement, par décision réputée contradictoire mise à disposition au greffe, en matière de contentieux des soins et hospitalisations sous contrainte,
DÉCLARE l'appel recevable,
INFIRME l'ordonnance du juge,
REJETTE les moyens de nullité,
ORDONNE la poursuite des soins,
LAISSE les dépens à la charge de l'État.
Ordonnance rendue le 20 FEVRIER 2025 par mise à disposition au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.
LE GREFFIER LE MAGISTRAT DÉLÉGATAIRE
Notification ou avis fait à :
X patient à l'hôpital
ou/et ' par LRAR à son domicile
X avocat du patient
X directeur de l'hôpital
' tiers par LS
X préfet de police
' avocat du préfet
' tuteur / curateur par LRAR
X Parquet près la cour d'appel de Paris
AVIS IMPORTANTS :
Je vous informe qu'en application de l'article R.3211-23 du code de la santé publique, cette ordonnance n'est pas susceptible d'opposition. La seule voie de recours ouverte aux parties est le pourvoi en cassation . Il doit être introduit dans le délai de 2 mois à compter de la présente notification, par l'intermédiaire d'un avocat au Conseil d'Etat et à la Cour de cassation.
Le pourvoi en cassation est une voie extraordinaire de recours qui exclut un nouvel examen des faits ; il a seulement pour objet de faire vérifier par la Cour de Cassation si la décision rendue est conforme aux textes législatifs en vigueur.
Ce délai est augmenté d'un mois pour les personnes qui demeurent dans un département ou territoire d'outre-mer et de deux mois pour celles qui demeurent à l'étranger.
RE'U NOTIFICATION LE :
SIGNATURE DU PATIENT :