CA Lyon, ch. soc. b, 21 février 2025, n° 22/02202
LYON
Arrêt
Autre
AFFAIRE PRUD'HOMALE
RAPPORTEUR
N° RG 22/02202 - N° Portalis DBVX-V-B7G-OGHF
[C]
C/
Association [6]
APPEL D'UNE DÉCISION DU :
Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de LYON
du 18 Février 2022
RG : F 20/02571
COUR D'APPEL DE LYON
CHAMBRE SOCIALE B
ARRÊT DU 21 FEVRIER 2025
APPELANTE :
[V] [C]
née le 28 Avril 1993 à [Localité 5]
[Adresse 1]
[Localité 3]
représentée par Me Georges MEYER de la SELARL DELGADO & MEYER, avocat au barreau de LYON substitué par Me Sabrine JBOURI, avocat au barreau de LYON
INTIMÉE :
Association [6]
[Adresse 2]
[Localité 4]
représentée par Me Eliette LACROIX, avocat au barreau de LYON
DÉBATS EN AUDIENCE PUBLIQUE DU : 13 Décembre 2024
Présidée par Régis DEVAUX, Conseiller magistrat rapporteur, (sans opposition des parties dûment avisées) qui en a rendu compte à la Cour dans son délibéré, assisté pendant les débats de Mihaela BOGHIU, Greffière.
COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ :
- Béatrice REGNIER, Présidente
- Catherine CHANEZ, Conseillère
- Régis DEVAUX, Conseiller
ARRÊT : CONTRADICTOIRE
Prononcé publiquement le 21 Février 2025 par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l'article 450 alinéa 2 du code de procédure civile ;
Signé par Béatrice REGNIER, Présidente et par Mihaela BOGHIU, Greffière auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
********************
EXPOSE DES FAITS ET DE LA PROCÉDURE
L'association [6] a pour activité l'aide à domicile sans hébergement et fait application de la convention collective nationale de la branche de l'aide, de l'accompagnement, des soins et services à domicile (IDCC 2941).
Elle a embauché Mme [V] [C] à compter du 22 juillet 2019, en qualité d'aide à domicile, suivant contrat à durée déterminée à temps partiel (à raison de 104 heures par mois), dont le terme était fixé au 20 juillet 2020.
Mme [C] était placée en arrêt de travail du 2 au 22 novembre 2019.
Par courrier recommandé avec accusé de réception du 19 novembre 2019, l'association [6] a notifié à Mme [C] la rupture anticipée de son contrat de travail pour faute lourde.
Par requête du 25 mai 2020, Mme [C] a saisi la formation des référés du conseil de prud'hommes de Lyon ; l'affaire a été radiée le 19 août 2020.
Par requête reçue au greffe le 8 octobre 2020, Mme [C] a saisi le conseil de prud'hommes de Lyon aux fins, notamment, de contester le bien-fondé de la rupture anticipée de son contrat de travail.
Par jugement du 18 février 2022, le conseil de prud'hommes de Lyon a :
- dit que la rupture pour faute lourde du contrat de travail à durée déterminée de Mme [C] est nulle ;
- condamné l'association [6] à verser à Mme [C] les sommes suivantes :
188,09 euros à titre de rappel de salaire, heures contractuelles, heures complémentaires et heures supplémentaires, outre 18,81 euros de congés payés afférents,
162,98 euros à titre de rappel de salaire au titre de paiement des temps de trajet inter-séquences, outre 16,30 euros de congés payés afférents,
70 euros d'indemnité compensatrice de congés conventionnels supplémentaires,
1 251,74 euros d'indemnité de fin de contrat à durée déterminée,
étant rappelé que ces sommes porteront intérêts au taux légal à compter de la date de réception de la convocation de l'employeur devant le bureau de conciliation et d'orientation, et ce jusqu'au versement effectif de ces dernières au créancier selon les modalités prévues par les articles L. 313-2 L. 313-3 du code monétaire et financier, le taux de l'intérêt légal est majoré de cinq points à l'expiration d'un délai de deux mois à compter du jour où la décision de justice est devenue exécutoire,
1 043,12 euros de dommages et intérêts pour non-respect de la procédure disciplinaire de rupture d'un contrat de travail à durée déterminée,
800 euros de dommages et intérêts pour rupture nulle d'un contrat de travail à durée déterminée,
1 000 euros de dommages et intérêts pour remise tardive des documents obligatoires de fin de contrat et résistance abusive,
500 euros de dommages et intérêts pour exécution déloyale du contrat de travail,
étant rappelé que ces sommes porteront intérêts au taux légal à compter du prononcé du jugement et ce jusqu'au versement effectif de ces dernières au créancier selon les modalités prévues par l'article L. 313-2 du code monétaire et financier mais également en application de l'article L. 313-3 du même code, le taux de l'intérêt légal est majoré de cinq points à l'expiration d'un délai de deux mois à compter du jour où la décision de justice est devenue exécutoire,
- condamné l'association [6] à délivrer et à remettre à Mme [C] les documents suivants, conformes à la présente décision de justice : les bulletins de salaires pour les mois de juillet à novembre 2019, le tout sous astreinte de 30 euros par jour de retard à compter du 30ème jour suivant la notification du présent jugement, le conseil de prud'hommes se réservant le droit de liquider l'astreinte et d'en fixer une autre si nécessaire ;
- débouté les parties de toutes les autres demandes plus amples ou contraires au présent dispositif ;
- dit qu'à défaut de règlement spontané des condamnations mentionnées dans le présent jugement et selon les modalités qui y sont définies, les éventuelles sommes retenues par l'huissier instrumentaire en application de l'article 10 du décret du 8 mars 2001, seront supportées par l'association [6], en sus de l'indemnité mise à sa charge sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ;
- condamné l'association [6] aux dépens de la présente instance, y compris les éventuels frais d'exécution forcée du présent jugement.
Le 17 mars 2022, Mme [C] a enregistré une déclaration d'appel à l'encontre de ce jugement, en précisant le critiquer en ce qu'il a condamné l'association [6] à lui verser les sommes suivantes :
188,09 euros à titre de rappel de salaire, heures contractuelles, heures complémentaires et heures supplémentaires, outre 18,81 euros de congés payés afférents,
162,98 euros à titre de rappel de salaire au titre de paiement des temps de trajet inter-séquences, outre 16,30 euros de congés payés afférents,
70 euros d'indemnité compensatrice de congés conventionnels supplémentaires,
1 251,74 euros d'indemnité de fin de contrat à durée déterminée,
1 043,12 euros de dommages et intérêts pour non-respect de la procédure disciplinaire de rupture d'un contrat de travail à durée déterminée,
800 euros de dommages et intérêts pour rupture nulle d'un contrat de travail à durée déterminée,
1 000 euros de dommages et intérêts pour remise tardive des documents obligatoires de fin de contrat et résistance abusive,
500 euros de dommages et intérêts pour exécution déloyale du contrat de travail.
Le 25 mars 2022, l'association [6] a enregistré une déclaration d'appel dont le conseiller de la mise en état a prononcé la caducité, par ordonnance du 17 juin 2022, au visa de l'article 902 alinéa 3 du code de procédure civile.
EXPOSE DES PRÉTENTIONS ET DES MOYENS DES PARTIES
Dans ses conclusions notifiées par voie électronique le 14 décembre 2022, Mme [V] [C] demande à la Cour de :
- confirmer le jugement en ce qu'il a :
dit que l'association [6] n'a pas mis en 'uvre la procédure disciplinaire de rupture de son contrat de travail à durée déterminée ;
dit que la rupture pour faute lourde de son contrat de travail à durée déterminée est nulle ;
- infirmer le jugement entrepris en ce qu'il a condamné l'association [6] à lui verser les sommes suivantes :
188,09 euros à titre de rappel de salaire, heures contractuelles, heures complémentaires et heures supplémentaires, outre 18,81 euros de congés payés afférents,
162,98 euros à titre de rappel de salaire au titre de paiement des temps de trajet inter-séquences, outre 16,30 euros de congés payés afférents,
70 euros d'indemnité compensatrice de congés conventionnels supplémentaires,
1 251,74 euros d'indemnité de fin de contrat à durée déterminée,
1 043,12 euros de dommages et intérêts pour non-respect de la procédure disciplinaire de rupture d'un contrat de travail à durée déterminée,
800 euros de dommages et intérêts pour rupture nulle d'un contrat de travail à durée déterminée,
1 000 euros de dommages et intérêts pour remise tardive des documents obligatoires de fin de contrat et résistance abusive,
500 euros de dommages et intérêts pour exécution déloyale du contrat de travail,
Statuant à nouveau,
- condamner l'association [6] à lui verser les sommes suivantes :
854,66 euros à titre d'heures complémentaires réalisées sur la période d'août à octobre 2019, outre 85,46 euros de congés payés afférents,
1 285,40 euros d'indemnité de fin de contrat à durée déterminée,
1 500 euros de dommages et intérêts pour non-respect de la procédure disciplinaire,
8 344,96 euros en réparation du préjudice causé par la rupture anticipée du contrat de travail à durée déterminée,
2 000 euros de dommages et intérêts pour remise tardive des documents obligatoires de fin de contrat,
1 000 euros de dommages et intérêts pour exécution déloyale du contrat de travail,
3 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,
Ajoutant,
- ordonner la remise d'un bulletin de salaire conforme à la décision à intervenir, sous astreinte de 50 euros par jour de retard à compter du 8ème jour suivant sa notification,
- se réserver le droit de liquider cette astreinte,
- liquider l'astreinte provisoire ordonnée par le conseil de prud'hommes dans le jugement entrepris à la somme de 8 040 euros pour la période du 19 février au 14 décembre 2022, à laquelle il conviendra d'ajouter 30 euros par jour de retard supplémentaire,
- condamner en conséquence l'association [6] à lui payer la somme de 8 040 euros,
- débouter l'association [6] de toutes demandes contraires,
- condamner l'association [6] aux dépens.
Dans ses conclusions notifiées par voie électronique le 15 septembre 2022, l'association [6] demande pour sa part à la Cour de :
- infirmer le jugement déféré en ce qu'il a :
dit que l'association [6] n'a pas mis en 'uvre la procédure disciplinaire de rupture du contrat de travail à durée déterminée de Mme [C] ;
dit que la rupture pour faute lourde du contrat de travail à durée déterminée de Mme [C] est nulle ;
condamné l'association [6] à verser à Mme [C] les sommes suivantes :
188,09 euros à titre de rappel de salaire, heures contractuelles, heures complémentaires et heures supplémentaires, outre 18,81 euros de congés payés afférents,
162,98 euros à titre de rappel de salaire au titre de paiement des temps de trajet inter-séquences, outre 16,30 euros de congés payés afférents,
70 euros d'indemnité compensatrice de congés conventionnels supplémentaires,
1 251,74 euros d'indemnité de fin de contrat à durée déterminée,
1 043,12 euros de dommages et intérêts pour non-respect de la procédure disciplinaire de rupture d'un contrat de travail à durée déterminée,
800 euros de dommages et intérêts pour rupture nulle d'un contrat de travail à durée déterminée,
1 000 euros de dommages et intérêts pour remise tardive des documents obligatoires de fin de contrat et résistance abusive,
500 euros de dommages et intérêts pour exécution déloyale du contrat de travail,
dit qu'au visa des articles L. 136-2 et L. 242-1 du code de la sécurité sociale, les condamnations nettes doivent revenir personnellement au salarié et que l'employeur assumera le coût des éventuelles charges sociales dues ;
condamné l'association [6] à délivrer et à remettre par tous moyens à Mme [C] les documents suivants conformes à la présente décision de justice : les bulletins de salaires pour les mois de juillet à novembre 2019, le tout sous astreinte de 30 euros par jour de retard à compter du 30ème jour suivant la notification du présent jugement, le conseil de prud'hommes se réservant le droit de liquider l'astreinte et d'en fixer une autre si nécessaire ;
Statuant à nouveau,
- débouter Mme [C] de ses demandes plus amples et contraires.
Pour l'exposé des moyens des parties, la Cour se réfère à leurs dernières conclusions, conformément à l'article 455 du code de procédure civile.
La procédure de mise en état était clôturée le 12 novembre 2024.
MOTIFS DE LA DECISION
Les parties concluent de manière concordante à l'infirmation de la disposition du jugement déféré condamnant l'association [6] à verser à Mme [C] les sommes suivantes :
162,98 euros à titre de rappel de salaire au titre de paiement des temps de trajet inter-séquences, outre 16,30 euros de congés payés afférents,
70 euros d'indemnité compensatrice de congés conventionnels supplémentaires,
800 euros de dommages et intérêts pour rupture nulle d'un contrat de travail à durée déterminée.
En conséquence, la Cour statuera en ce sens.
1. Sur les demandes relatives à l'exécution du contrat de travail
1.1. Sur la demande en paiement des heures complémentaires
Constituent des heures complémentaires toutes les heures de travail effectuées par un salarié à temps partiel au-delà de la durée prévue par le contrat de travail.
Il résulte des dispositions de l'article L. 3171-4 du code du travail qu'en cas de litige relatif à l'existence ou au nombre d'heures de travail accomplies, il appartient au salarié de présenter, à l'appui de sa demande, des éléments suffisamment précis quant aux heures non rémunérées qu'il prétend avoir accomplies afin de permettre à l'employeur, qui assure le contrôle des heures de travail effectuées, d'y répondre utilement en produisant ses propres éléments. Le juge forme sa conviction en tenant compte de l'ensemble de ces éléments au regard des exigences rappelées aux dispositions légales et réglementaires précitées. Après analyse des pièces produites par l'une et l'autre des parties, dans l'hypothèse où il retient l'existence d'heures supplémentaires ou complémentaires, il évalue souverainement, sans être tenu de préciser le détail de son calcul, l'importance de celles-ci et fixe les créances salariales s'y rapportant (en ce sens : Cass. Soc., 18 mars 2020, n° 18-10.919).
En l'espèce, le contrat de travail de Mme [C] prévoyait une durée mensuelle de travail de 104 heures. Cette dernière présente, dans ses conclusions, un décompte recensant les heures travaillées chaque mois, de juillet à octobre 2019. Ce décompte fait apparaître qu'elle a travaillé au total 148,75 heures en août 2019, 136,65 heures en septembre 2019 et 113,80 heures en octobre 2019. Elle précise qu'elle a intégré, dans ces durées de travail effectif, les temps de trajet entre deux lieux d'intervention (lesquels étaient multiples, puisqu'elle occupait un emploi d'aide à domicile).
Sur ce point, l'association [6] conclut, de manière non pertinente, que la salariée n'a jamais demandé une modification de son contrat de travail.
La Cour retient que l'article 2, chapitre Ier du titre V de la convention collective précise que « sont notamment des temps de travail effectif les temps de déplacement entre deux séquences consécutives de travail effectif », si bien que les temps de déplacement entre les domiciles de deux usagers doivent être considérés comme du temps de travail effectif, conformément à ce que l'appelante soutient.
En outre, Mme [C] fait valoir que les heures complémentaires effectuées, y compris celles qui ont déjà été payées, devaient être rémunérées, conformément à l'article L. 3123-29 du code du travail :
- au taux de 110 % pour chaque heure accomplie à partir de 104 heures et jusqu'à 114,40 heures
- au taux de 125 % pour chaque heure accomplie à partir de 114,50 heures.
Sur ce point, l'association [6] conclut qu'une clause du contrat de travail de Mme [C] prévoit que « les heures complémentaires effectuées dans la limite de 10% de l'horaire de base à temps partiel seront payées comme des heures de travail normales ».
Toutefois, cette clause est moins favorable que les dispositions de l'article L. 3123-29 du code du travail, qui s'appliquent au cas d'espèce, en l'absence de dispositions conventionnelles concernant les taux de majoration, si bien que l'employeur ne saurait s'en prévaloir.
Les deux moyens développés par Mme [C] à l'appui de sa demande sont donc fondés.
La Cour, après vérification de ses calculs, qui sont exacts, réformera le jugement déféré et condamnera l'association [6] à verser à Mme [C] 854,66 euros à titre de rappel de salaire sur heures complémentaires réalisées sur la période d'août à octobre 2019, outre 85,46 euros de congés payés afférents.
1.2. Sur la demande en dommages et intérêts pour remise tardive des documents obligatoires de fin de contrat
Mme [C] indique que l'association [6] lui a transmis l'attestation Pôle emploi et le bulletin de salaire pour le mois de juillet 2019 seulement le 16 juin 2020, le certificat de travail seulement le 6 juillet 2020 (pièces n° 12 et 13 de l'appelante). Elle ajoute qu'elle a retrouvé un emploi en mars 2020 mais que, faute d'avoir en sa possession l'attestation Pôle emploi, elle n'a pas pu percevoir d'allocations-chômage entre le 19 novembre 2019 et mars 2020.
Alors que l'association [6] ne démontre pas avoir remis à la salariée les documents de fin de contrat immédiatement au moment de la rupture de son contrat de travail, elle conclut que Mme [C] ne rapporte pas la preuve d'avoir subi un préjudice, alors qu'elle ne justifie pas de ses ressources entre décembre 2019 et mars 2020.
La Cour retient que l'association [6] a commis une faute en tardant autant pour remettre à Mme [C] les documents de fin de contrat.
Si, en droit, ne cause pas nécessairement un préjudice au salarié la délivrance tardive de l'attestation pôle emploi et du certificat de travail (en ce sens : Cass. Soc., 10 juillet 2019, n° 18-14.317), il n'en demeure pas moins que, en l'espèce, Mme [C] démontre avoir subi un préjudice, matérialisé par le fait qu'elle n'a pas pu s'inscrire à Pôle emploi et faire examiner son droit à l'allocation-chômage immédiatement après son licenciement.
Ce préjudice sera justement indemnisé par le versement de 2 000 euros de dommages et intérêts. Le jugement déféré sera réformé en conséquence.
1.3. Sur la demande en dommages et intérêts pour exécution déloyale du contrat de travail
Mme [C] reproche à son employeur d'avoir exécuté de manière déloyale son contrat de travail, en ne respectant pas le délai de prévenance, fixé par voie conventionnelle (article 37, chapitre III du titre V de la convention collective), quant à la communication de son planning de travail : de manière systématique, il lui transmettait vendredi son planning pour application à partir du lundi qui suivait. Elle donne comme exemple la transmission tardive des plannings pour les semaines n° 31 et 39 de l'année 2019 (pièce n° 20 de l'appelante). Mme [C] fait valoir que ce comportement fautif de l'employeur l'a empêchée d'occuper un autre emploi à temps partiel.
Sur ce point, l'association [6] conclut, de manière non pertinente, que la salariée a signé le contrat de travail en toute connaissance de cause.
Ce préjudice sera justement indemnisé par le versement de 1 000 euros de dommages et intérêts. Le jugement déféré sera réformé en conséquence.
2. Sur les demandes relatives à la rupture anticipée du contrat de travail
2.1.Sur le respect de la procédure de rupture anticipée du contrat de travail
En droit, la rupture anticipée pour faute grave d'un contrat de travail à durée déterminée est soumise aux dispositions de l'article L. 1332-1 du code du travail, applicable en matière disciplinaire. Ainsi, l'employeur qui souhaite mettre fin à un tel contrat pour un tel motif doit convoquer le salarié à un entretien préalable (en ce sens : Cass. Soc., 11 avril 1996, n° 93-42.632).
En l'espèce, l'association [6] admet qu'elle n'a pas convoqué Mme [C] à un entretien préalable, avant de lui notifier la rupture anticipée de son contrat de travail.
Les premiers juges ont fait une exacte appréciation du préjudice subi par la salariée, du fait de ce non-respect de la procédure, en fixant à 1 043,12 euros le montant de dommages et intérêts alloués pour l'indemnisation de celui-ci.
Dès lors, le jugement déféré sera confirmé, en ce qu'il a condamné l'association [6] à verser à Mme [C] 1 043,12 euros de dommages et intérêts pour non-respect de la procédure de rupture anticipée d'un contrat de travail à durée déterminée.
2.2. Sur la licéité de la rupture anticipée du contrat de travail
' En droit, en application de l'article L. 1243-1 du code du travail, sauf accord des parties, le contrat à durée déterminée ne peut être rompu de manière anticipée qu'en cas de faute grave ou lourde, de force majeure ou d'inaptitude constatée par le médecin du travail.
La lettre de rupture doit comporter le motif de celle-ci (en ce sens : Cass. Soc., 23 janvier 1997, n° 95-40.526).
En l'espèce, l'association [6] a adressé à Mme [V] [C] une lettre, datée du 19 novembre 2019, ayant pour objet la notification de la rupture anticipée de son contrat de travail pour faute lourde, rédigée dans les termes suivants :
« Par la présente nous vous informons que nous envisageons de prendre une mesure de rupture anticipée de votre contrat de travail pour faute lourde.
Nous avons constaté une forme de chantages et pression, nous soupçonnons que vous vous êtes arrêté pour vous mettre en maladie, et vous nous avez créé des dysfonctionnements à notre organisation de travail pire une perte financière, qui nous a amené à recruter dans l'urgence un nouveau salarié, sans compter de réelles difficultés économiques que vous nous avez infligées, une charge de travail excessive pour les collègues et une désorganisation imprévue.
Nous vous ferons connaître lors de votre reprise les faits gravissimes qui vous sont reprochés ainsi que vos actes et votre comportement lors de vos interventions.
Nous vous rappelons qu'en signant votre contrat de travail que nous avons conclu ensemble, vous vous êtes engagée à le respecter scrupuleusement, ainsi que le règlement intérieur et les règles de bonne conduite de [6].
Cette décision prendra effet à dater de la première présentation du présent courrier en recommandé avec accusé de réception, date à partir de laquelle vous cesserez de faire partie de l'effectif de notre association » (pièce n° 3 de l'intimée) .
L'association [6] a adressé à Mme [C] une seconde lettre, datée du 29 novembre 2019, rédigée dans les termes suivants :
« A ce jour et suite à la fin de votre arrêt de travail du 22 novembre 2019 nous sommes toujours sans nouvelles de vous-même malgré plusieurs appels téléphoniques.
En raison de votre comportement fautif nous vous informons que nous envisageons de prendre une mesure de rupture anticipée de votre contrat de travail à durée déterminée pour raison de faute lourde. Ce licenciement sans préavis ni indemnités de congés payés prendre effet à la première présentation de ce courrier en recommandé.
Au présent courrier sont joints :
Le solde de votre salaire,
Un certificat de travail,
Une attestation Pôle Emploi pour faite valoir vos droits à indemnisation chômage,
En application des dispositions de l'article L. 314-1 et L. 314-2 du code pénal concernant l'abus de confiance et l'abus de faiblesse envers une personne vulnérable ainsi que de négligence.
L'abus de confiance pour avoir subtilisé un contrat de travail dans les affaires privées de la bénéficiaire sans son accord. Puis de nous l'avoir retourné sous lettre simple dans une enveloppe déchirée et dans un état inadmissible. Cet envoi avait pour objet un document confidentiel entre la bénéficiaire et l'agence, ce contrat ne concerne en aucun cas les salariés de l'association. Depuis votre dernier appel téléphonique du 4 novembre nous sommes sans nouvelles de votre part.
L'abus de faiblesse pour avoir profité de la gentillesse de cette personne handicapée et de lui avoir fait croire que vous emmenez un autre document qui de toute manière est interdit et relève de la vie privée de la bénéficiaire.
La négligence pour ne pas avoir changé les draps de son lit (personne en situation de handicap) ainsi que les draps du lit de son mari pendant deux mois pour une raison infondée (draps rangés dans une armoire facilement accessible) ».
L'association [6] conclut uniquement que Mme [C] a été licenciée par l'effet de cette seconde lettre, à titre disciplinaire, parce qu'elle avait abandonné son poste depuis le 22 novembre 2019 et commis un abus de confiance et un abus de faiblesse dans le cadre d'une intervention au domicile d'une personne bénéficiaire des prestations de l'association.
Toutefois, il résulte des termes mêmes de la lettre du 19 novembre 2019 (l'employeur ayant précisé notamment qu'elle avait pour objet la « notification de la rupture anticipée de son contrat de travail pour faute lourde ») que le contrat de travail de Mme [C] a été rompu de manière anticipée à cette date.
Ainsi, l'association [6] a rompu de manière anticipée le contrat de travail de Mme [C] parce qu'elle avait constaté une forme de chantages et pression, qu'elle soupçonnait un arrêt de travail de complaisance, lequel a créé des dysfonctionnements dans l'organisation de l'activité de l'entreprise, ainsi que des difficultés économiques, et qu'elle lui reprochait des « faits gravissimes » commis lors de ses interventions, dont elle s'abstenait toutefois d'indiquer la nature.
Dans le cadre de la présente instance, l'association [6] ne rapporte aucune preuve de la matérialité des griefs ainsi évoqués dans la lettre de rupture anticipée.
' En droit, aux termes de l'article L.1132-1 du code du travail, aucun salarié ne peut être licencié notamment en raison de son état de santé.
En application de l'article L. 1134-1 du même code, il appartient au salarié qui s'estime victime d'une discrimination directe ou indirecte de présenter des éléments de fait laissant supposer son existence. Il appartient au juge d'apprécier si ces éléments, pris dans leur ensemble, laissent présumer l'existence d'une telle discrimination et, dans l'affirmative, il incombe à l'employeur de prouver que ses décisions sont justifiées par des éléments objectifs étrangers à toute discrimination.
En l'espèce, Mme [C] fait valoir que, à la date du 19 décembre 2019, elle se trouvait en arrêt de travail pour cause de maladie et que son employeur a expressément justifié la rupture de son contrat de travail par le fait que cet arrêt de travail était à l'origine d'une désorganisation imprévue, avec une charge de travail excessive pour ses collègues, d'une perte financière pour l'association, qui embauché en urgence un autre salarié.
Ainsi, Mme [C] présente des éléments de fait laissant supposer que son licenciement constitue une mesure discriminatoire.
L'association [6] ne conclut pas en réponse à ce sujet.
La Cour en déduit que la rupture anticipée du contrat de travail de Mme [C] constitue une mesure discriminatoire à raison de l'état de santé de la salariée et est nul, au visa de l'article L. 1132-4 du code du travail.
Dès lors, le jugement déféré sera confirmé, en ce qu'il a dit que la rupture pour faute lourde du contrat de travail à durée déterminée de Mme [C] est nulle.
2.3. Sur les conséquences pécuniaires de la nullité de la rupture anticipée du contrat de travail
' En droit, l'article L. 1243-4 du code du travail dispose que la rupture anticipée du contrat de travail à durée déterminée qui intervient à l'initiative de l'employeur, en dehors des cas de faute grave, de force majeure ou d'inaptitude constatée par le médecin du travail, ouvre droit pour le salarié à des dommages et intérêts d'un montant au moins égal aux rémunérations qu'il aurait perçues jusqu'au terme du contrat, sans préjudice de l'indemnité de fin de contrat prévue à l'article L. 1243-8.
En l'espèce, la société [6] a rompu le contrat de travail à durée déterminée de Mme [C], en dehors des cas énumérés par l'article L. 1243-4 du code du travail, le 19 novembre 2019, alors que le terme du contrat était fixé au 20 juillet 2020. Elle est donc débitrice de neuf mois de salaires à l'égard de Mme [C].
Compte tenu de la durée de travail fixée contractuellement à 104 heures et du taux horaire de 10,03 euros servant de base pour le calcul de la rémunération de Mme [C], l'association [6] sera condamnée, après infirmation du jugement déféré, à payer à cette dernière 8 344,96 euros en réparation du préjudice causé par la rupture abusive du contrat de travail à durée déterminée.
' En droit, il résulte de l'article L. 1243-8 du code du travail que, lorsque, à l'issue d'un contrat de travail à durée déterminée, les relations contractuelles ne se poursuivent pas par un contrat de travail à durée indéterminée, le salarié a droit, à titre de complément de salaire, à une indemnité de fin de contrat destinée à compenser la précarité de sa situation, d'un montant égal à 10 % de la rémunération totale brute versée au salarié.
En l'espèce, les relations contractuelles entre l'association [6] et Mme [C] ne se sont poursuivies pas par un contrat de travail à durée indéterminée. Cette dernière a donc droit à une prime de précarité, dont le montant est égal à 10 % de la rémunération totale brute qu'elle aurait dû percevoir, si le contrat n'avait pas été rompu avant son terme, soit 1 285,40 euros.
Le jugement déféré sera réformé en conséquence.
3. Sur la liquidation de l'astreinte
En droit, il résulte de l'article L. 131-2 du code des procédures civiles d'exécution que l'astreinte prévue par le conseil de prud'hommes dans son jugement du 18 février 2022 a un caractère provisoire, au sens de cette disposition légale.
L'article L. 131-4 du code des procédures civiles d'exécution prévoit que le montant de l'astreinte provisoire est liquidé en tenant compte du comportement de celui à qui l'injonction a été adressée et des difficultés qu'il a rencontrées pour l'exécuter. En outre, l'astreinte est supprimée en tout ou partie s'il est établi que l'inexécution ou le retard dans l'exécution de l'injonction du juge provient, en tout ou partie, d'une cause étrangère.
Au visa de cette même disposition légale, interprétée à la lumière de l'article 1 du protocole n° 1 à la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, le juge qui statue sur la liquidation d'une astreinte provisoire doit apprécier le caractère proportionné de l'atteinte qu'elle porte au droit de propriété du débiteur au regard du but légitime qu'elle poursuit (en ce sens : Cass. 2ème Civ., 20 janvier 2022 ' pourvoi n° 20-15.261).
En l'espèce, le conseil de prud'hommes a condamné l'association [6] à délivrer et à remettre à Mme [C] les documents suivants, conformes à la présente décision de justice : les bulletins de salaires pour les mois de juillet à novembre 2019, le tout sous astreinte de 30 euros par jour de retard à compter du 30ème jour suivant la notification du présent jugement, le conseil de prud'hommes se réservant le droit de liquider l'astreinte.
Mme [C] fait valoir que, à la date de rédaction de ses conclusions, le 14 décembre 2022, l'association [6] ne lui a pas remis les bulletins de salaire rectifiés.
L'association [6] ne conclut pas à ce sujet.
La Cour retient que, sur l'appel interjeté par Mme [C], elle condamne l'employeur à lui verser un montant différent de celui qui a été retenu par les premiers juges, au titre du rappel de salaires sur heures complémentaires.
Compte tenu du comportement de l'association [6], qui n'a donc pas délivré des bulletins de paie conformément à la décision du conseil de prud'hommes, alors que cette décision n'était pas définitive, la Cour retient qu'il apparaît proportionné au regard du but poursuivi lors du prononcé de l'astreinte, de supprimer celle-ci.
La demande de Mme [C] en liquidation de l'astreinte sera donc rejetée.
Par ailleurs, il y a lieu d'ordonner la remise d'un unique bulletin de salaire rectificatif, conforme au présent arrêt, sous astreinte de 50 euros par jour de retard à compter du 30ème jour suivant sa notification. La Cour ne se réservera pas le droit de liquider l'astreinte.
4. Sur les dépens et l'article 700 du code de procédure civile
L'association [6], partie perdante, sera condamné aux dépens de l'instance d'appel, en application du principe énoncé par l'article 696 du code de procédure civile.
Pour un motif tiré de l'équité, l'association [6] sera condamnée à payer à Mme [C] 3 000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile.
PAR CES MOTIFS
LA COUR,
Confirme le jugement rendu le 18 février 2022 par le conseil de prud'hommes de Lyon, en ses dispositions déférées, sauf en ce qu'il a condamné l'association [6] à verser à Mme [C] les sommes suivantes :
162,98 euros à titre de rappel de salaire au titre de paiement des temps de trajet inter-séquences, outre 16,30 euros de congés payés afférents,
70 euros d'indemnité compensatrice de congés conventionnels supplémentaires,
800 euros de dommages et intérêts pour rupture nulle d'un contrat de travail à durée déterminée
1 000 euros de dommages et intérêts pour remise tardive des documents obligatoires de fin de contrat et résistance abusive,
500 euros de dommages et intérêts pour exécution déloyale du contrat de travail
1 251,74 euros d'indemnité de fin de contrat à durée déterminée,
Statuant sur les dispositions infirmées et ajoutant,
Condamne l'association [6] à payer à Mme [V] [C] :
- 854,66 euros à titre de rappel de salaire sur heures complémentaires réalisées sur la période d'août à octobre 2019, outre 85,46 euros de congés payés afférents ;
- 1 000 euros de dommages et intérêts pour exécution déloyale du contrat de travail
- 2 000 euros de dommages et intérêts en réparation du préjudice subi du fait de la remise tardive des documents de fin de contrat,
- 8 344,96 euros en réparation du préjudice causé par la rupture abusive du contrat de travail à durée déterminée ;
- 1 285,40 euros d'indemnité de fin de contrat à durée déterminée ;
Rejette la demande de Mme [V] [C] en liquidation d'astreinte ;
Ordonne à l'association [6] de remettre à Mme [V] [C] un unique bulletin de salaire rectificatif, conforme au présent arrêt, sous astreinte provisoire de 50 euros par jour de retard à compter du 30ème jour suivant sa notification, sans que la Cour ne se réserve le droit de liquider l'astreinte ;
Condamne l'association [6] aux dépens de l'instance d'appel ;
Condamne l'association [6] à payer à Mme [V] [C] 3 000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile.
LA GREFFIÈRE, LA PRÉSIDENTE,
RAPPORTEUR
N° RG 22/02202 - N° Portalis DBVX-V-B7G-OGHF
[C]
C/
Association [6]
APPEL D'UNE DÉCISION DU :
Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de LYON
du 18 Février 2022
RG : F 20/02571
COUR D'APPEL DE LYON
CHAMBRE SOCIALE B
ARRÊT DU 21 FEVRIER 2025
APPELANTE :
[V] [C]
née le 28 Avril 1993 à [Localité 5]
[Adresse 1]
[Localité 3]
représentée par Me Georges MEYER de la SELARL DELGADO & MEYER, avocat au barreau de LYON substitué par Me Sabrine JBOURI, avocat au barreau de LYON
INTIMÉE :
Association [6]
[Adresse 2]
[Localité 4]
représentée par Me Eliette LACROIX, avocat au barreau de LYON
DÉBATS EN AUDIENCE PUBLIQUE DU : 13 Décembre 2024
Présidée par Régis DEVAUX, Conseiller magistrat rapporteur, (sans opposition des parties dûment avisées) qui en a rendu compte à la Cour dans son délibéré, assisté pendant les débats de Mihaela BOGHIU, Greffière.
COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ :
- Béatrice REGNIER, Présidente
- Catherine CHANEZ, Conseillère
- Régis DEVAUX, Conseiller
ARRÊT : CONTRADICTOIRE
Prononcé publiquement le 21 Février 2025 par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l'article 450 alinéa 2 du code de procédure civile ;
Signé par Béatrice REGNIER, Présidente et par Mihaela BOGHIU, Greffière auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
********************
EXPOSE DES FAITS ET DE LA PROCÉDURE
L'association [6] a pour activité l'aide à domicile sans hébergement et fait application de la convention collective nationale de la branche de l'aide, de l'accompagnement, des soins et services à domicile (IDCC 2941).
Elle a embauché Mme [V] [C] à compter du 22 juillet 2019, en qualité d'aide à domicile, suivant contrat à durée déterminée à temps partiel (à raison de 104 heures par mois), dont le terme était fixé au 20 juillet 2020.
Mme [C] était placée en arrêt de travail du 2 au 22 novembre 2019.
Par courrier recommandé avec accusé de réception du 19 novembre 2019, l'association [6] a notifié à Mme [C] la rupture anticipée de son contrat de travail pour faute lourde.
Par requête du 25 mai 2020, Mme [C] a saisi la formation des référés du conseil de prud'hommes de Lyon ; l'affaire a été radiée le 19 août 2020.
Par requête reçue au greffe le 8 octobre 2020, Mme [C] a saisi le conseil de prud'hommes de Lyon aux fins, notamment, de contester le bien-fondé de la rupture anticipée de son contrat de travail.
Par jugement du 18 février 2022, le conseil de prud'hommes de Lyon a :
- dit que la rupture pour faute lourde du contrat de travail à durée déterminée de Mme [C] est nulle ;
- condamné l'association [6] à verser à Mme [C] les sommes suivantes :
188,09 euros à titre de rappel de salaire, heures contractuelles, heures complémentaires et heures supplémentaires, outre 18,81 euros de congés payés afférents,
162,98 euros à titre de rappel de salaire au titre de paiement des temps de trajet inter-séquences, outre 16,30 euros de congés payés afférents,
70 euros d'indemnité compensatrice de congés conventionnels supplémentaires,
1 251,74 euros d'indemnité de fin de contrat à durée déterminée,
étant rappelé que ces sommes porteront intérêts au taux légal à compter de la date de réception de la convocation de l'employeur devant le bureau de conciliation et d'orientation, et ce jusqu'au versement effectif de ces dernières au créancier selon les modalités prévues par les articles L. 313-2 L. 313-3 du code monétaire et financier, le taux de l'intérêt légal est majoré de cinq points à l'expiration d'un délai de deux mois à compter du jour où la décision de justice est devenue exécutoire,
1 043,12 euros de dommages et intérêts pour non-respect de la procédure disciplinaire de rupture d'un contrat de travail à durée déterminée,
800 euros de dommages et intérêts pour rupture nulle d'un contrat de travail à durée déterminée,
1 000 euros de dommages et intérêts pour remise tardive des documents obligatoires de fin de contrat et résistance abusive,
500 euros de dommages et intérêts pour exécution déloyale du contrat de travail,
étant rappelé que ces sommes porteront intérêts au taux légal à compter du prononcé du jugement et ce jusqu'au versement effectif de ces dernières au créancier selon les modalités prévues par l'article L. 313-2 du code monétaire et financier mais également en application de l'article L. 313-3 du même code, le taux de l'intérêt légal est majoré de cinq points à l'expiration d'un délai de deux mois à compter du jour où la décision de justice est devenue exécutoire,
- condamné l'association [6] à délivrer et à remettre à Mme [C] les documents suivants, conformes à la présente décision de justice : les bulletins de salaires pour les mois de juillet à novembre 2019, le tout sous astreinte de 30 euros par jour de retard à compter du 30ème jour suivant la notification du présent jugement, le conseil de prud'hommes se réservant le droit de liquider l'astreinte et d'en fixer une autre si nécessaire ;
- débouté les parties de toutes les autres demandes plus amples ou contraires au présent dispositif ;
- dit qu'à défaut de règlement spontané des condamnations mentionnées dans le présent jugement et selon les modalités qui y sont définies, les éventuelles sommes retenues par l'huissier instrumentaire en application de l'article 10 du décret du 8 mars 2001, seront supportées par l'association [6], en sus de l'indemnité mise à sa charge sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ;
- condamné l'association [6] aux dépens de la présente instance, y compris les éventuels frais d'exécution forcée du présent jugement.
Le 17 mars 2022, Mme [C] a enregistré une déclaration d'appel à l'encontre de ce jugement, en précisant le critiquer en ce qu'il a condamné l'association [6] à lui verser les sommes suivantes :
188,09 euros à titre de rappel de salaire, heures contractuelles, heures complémentaires et heures supplémentaires, outre 18,81 euros de congés payés afférents,
162,98 euros à titre de rappel de salaire au titre de paiement des temps de trajet inter-séquences, outre 16,30 euros de congés payés afférents,
70 euros d'indemnité compensatrice de congés conventionnels supplémentaires,
1 251,74 euros d'indemnité de fin de contrat à durée déterminée,
1 043,12 euros de dommages et intérêts pour non-respect de la procédure disciplinaire de rupture d'un contrat de travail à durée déterminée,
800 euros de dommages et intérêts pour rupture nulle d'un contrat de travail à durée déterminée,
1 000 euros de dommages et intérêts pour remise tardive des documents obligatoires de fin de contrat et résistance abusive,
500 euros de dommages et intérêts pour exécution déloyale du contrat de travail.
Le 25 mars 2022, l'association [6] a enregistré une déclaration d'appel dont le conseiller de la mise en état a prononcé la caducité, par ordonnance du 17 juin 2022, au visa de l'article 902 alinéa 3 du code de procédure civile.
EXPOSE DES PRÉTENTIONS ET DES MOYENS DES PARTIES
Dans ses conclusions notifiées par voie électronique le 14 décembre 2022, Mme [V] [C] demande à la Cour de :
- confirmer le jugement en ce qu'il a :
dit que l'association [6] n'a pas mis en 'uvre la procédure disciplinaire de rupture de son contrat de travail à durée déterminée ;
dit que la rupture pour faute lourde de son contrat de travail à durée déterminée est nulle ;
- infirmer le jugement entrepris en ce qu'il a condamné l'association [6] à lui verser les sommes suivantes :
188,09 euros à titre de rappel de salaire, heures contractuelles, heures complémentaires et heures supplémentaires, outre 18,81 euros de congés payés afférents,
162,98 euros à titre de rappel de salaire au titre de paiement des temps de trajet inter-séquences, outre 16,30 euros de congés payés afférents,
70 euros d'indemnité compensatrice de congés conventionnels supplémentaires,
1 251,74 euros d'indemnité de fin de contrat à durée déterminée,
1 043,12 euros de dommages et intérêts pour non-respect de la procédure disciplinaire de rupture d'un contrat de travail à durée déterminée,
800 euros de dommages et intérêts pour rupture nulle d'un contrat de travail à durée déterminée,
1 000 euros de dommages et intérêts pour remise tardive des documents obligatoires de fin de contrat et résistance abusive,
500 euros de dommages et intérêts pour exécution déloyale du contrat de travail,
Statuant à nouveau,
- condamner l'association [6] à lui verser les sommes suivantes :
854,66 euros à titre d'heures complémentaires réalisées sur la période d'août à octobre 2019, outre 85,46 euros de congés payés afférents,
1 285,40 euros d'indemnité de fin de contrat à durée déterminée,
1 500 euros de dommages et intérêts pour non-respect de la procédure disciplinaire,
8 344,96 euros en réparation du préjudice causé par la rupture anticipée du contrat de travail à durée déterminée,
2 000 euros de dommages et intérêts pour remise tardive des documents obligatoires de fin de contrat,
1 000 euros de dommages et intérêts pour exécution déloyale du contrat de travail,
3 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,
Ajoutant,
- ordonner la remise d'un bulletin de salaire conforme à la décision à intervenir, sous astreinte de 50 euros par jour de retard à compter du 8ème jour suivant sa notification,
- se réserver le droit de liquider cette astreinte,
- liquider l'astreinte provisoire ordonnée par le conseil de prud'hommes dans le jugement entrepris à la somme de 8 040 euros pour la période du 19 février au 14 décembre 2022, à laquelle il conviendra d'ajouter 30 euros par jour de retard supplémentaire,
- condamner en conséquence l'association [6] à lui payer la somme de 8 040 euros,
- débouter l'association [6] de toutes demandes contraires,
- condamner l'association [6] aux dépens.
Dans ses conclusions notifiées par voie électronique le 15 septembre 2022, l'association [6] demande pour sa part à la Cour de :
- infirmer le jugement déféré en ce qu'il a :
dit que l'association [6] n'a pas mis en 'uvre la procédure disciplinaire de rupture du contrat de travail à durée déterminée de Mme [C] ;
dit que la rupture pour faute lourde du contrat de travail à durée déterminée de Mme [C] est nulle ;
condamné l'association [6] à verser à Mme [C] les sommes suivantes :
188,09 euros à titre de rappel de salaire, heures contractuelles, heures complémentaires et heures supplémentaires, outre 18,81 euros de congés payés afférents,
162,98 euros à titre de rappel de salaire au titre de paiement des temps de trajet inter-séquences, outre 16,30 euros de congés payés afférents,
70 euros d'indemnité compensatrice de congés conventionnels supplémentaires,
1 251,74 euros d'indemnité de fin de contrat à durée déterminée,
1 043,12 euros de dommages et intérêts pour non-respect de la procédure disciplinaire de rupture d'un contrat de travail à durée déterminée,
800 euros de dommages et intérêts pour rupture nulle d'un contrat de travail à durée déterminée,
1 000 euros de dommages et intérêts pour remise tardive des documents obligatoires de fin de contrat et résistance abusive,
500 euros de dommages et intérêts pour exécution déloyale du contrat de travail,
dit qu'au visa des articles L. 136-2 et L. 242-1 du code de la sécurité sociale, les condamnations nettes doivent revenir personnellement au salarié et que l'employeur assumera le coût des éventuelles charges sociales dues ;
condamné l'association [6] à délivrer et à remettre par tous moyens à Mme [C] les documents suivants conformes à la présente décision de justice : les bulletins de salaires pour les mois de juillet à novembre 2019, le tout sous astreinte de 30 euros par jour de retard à compter du 30ème jour suivant la notification du présent jugement, le conseil de prud'hommes se réservant le droit de liquider l'astreinte et d'en fixer une autre si nécessaire ;
Statuant à nouveau,
- débouter Mme [C] de ses demandes plus amples et contraires.
Pour l'exposé des moyens des parties, la Cour se réfère à leurs dernières conclusions, conformément à l'article 455 du code de procédure civile.
La procédure de mise en état était clôturée le 12 novembre 2024.
MOTIFS DE LA DECISION
Les parties concluent de manière concordante à l'infirmation de la disposition du jugement déféré condamnant l'association [6] à verser à Mme [C] les sommes suivantes :
162,98 euros à titre de rappel de salaire au titre de paiement des temps de trajet inter-séquences, outre 16,30 euros de congés payés afférents,
70 euros d'indemnité compensatrice de congés conventionnels supplémentaires,
800 euros de dommages et intérêts pour rupture nulle d'un contrat de travail à durée déterminée.
En conséquence, la Cour statuera en ce sens.
1. Sur les demandes relatives à l'exécution du contrat de travail
1.1. Sur la demande en paiement des heures complémentaires
Constituent des heures complémentaires toutes les heures de travail effectuées par un salarié à temps partiel au-delà de la durée prévue par le contrat de travail.
Il résulte des dispositions de l'article L. 3171-4 du code du travail qu'en cas de litige relatif à l'existence ou au nombre d'heures de travail accomplies, il appartient au salarié de présenter, à l'appui de sa demande, des éléments suffisamment précis quant aux heures non rémunérées qu'il prétend avoir accomplies afin de permettre à l'employeur, qui assure le contrôle des heures de travail effectuées, d'y répondre utilement en produisant ses propres éléments. Le juge forme sa conviction en tenant compte de l'ensemble de ces éléments au regard des exigences rappelées aux dispositions légales et réglementaires précitées. Après analyse des pièces produites par l'une et l'autre des parties, dans l'hypothèse où il retient l'existence d'heures supplémentaires ou complémentaires, il évalue souverainement, sans être tenu de préciser le détail de son calcul, l'importance de celles-ci et fixe les créances salariales s'y rapportant (en ce sens : Cass. Soc., 18 mars 2020, n° 18-10.919).
En l'espèce, le contrat de travail de Mme [C] prévoyait une durée mensuelle de travail de 104 heures. Cette dernière présente, dans ses conclusions, un décompte recensant les heures travaillées chaque mois, de juillet à octobre 2019. Ce décompte fait apparaître qu'elle a travaillé au total 148,75 heures en août 2019, 136,65 heures en septembre 2019 et 113,80 heures en octobre 2019. Elle précise qu'elle a intégré, dans ces durées de travail effectif, les temps de trajet entre deux lieux d'intervention (lesquels étaient multiples, puisqu'elle occupait un emploi d'aide à domicile).
Sur ce point, l'association [6] conclut, de manière non pertinente, que la salariée n'a jamais demandé une modification de son contrat de travail.
La Cour retient que l'article 2, chapitre Ier du titre V de la convention collective précise que « sont notamment des temps de travail effectif les temps de déplacement entre deux séquences consécutives de travail effectif », si bien que les temps de déplacement entre les domiciles de deux usagers doivent être considérés comme du temps de travail effectif, conformément à ce que l'appelante soutient.
En outre, Mme [C] fait valoir que les heures complémentaires effectuées, y compris celles qui ont déjà été payées, devaient être rémunérées, conformément à l'article L. 3123-29 du code du travail :
- au taux de 110 % pour chaque heure accomplie à partir de 104 heures et jusqu'à 114,40 heures
- au taux de 125 % pour chaque heure accomplie à partir de 114,50 heures.
Sur ce point, l'association [6] conclut qu'une clause du contrat de travail de Mme [C] prévoit que « les heures complémentaires effectuées dans la limite de 10% de l'horaire de base à temps partiel seront payées comme des heures de travail normales ».
Toutefois, cette clause est moins favorable que les dispositions de l'article L. 3123-29 du code du travail, qui s'appliquent au cas d'espèce, en l'absence de dispositions conventionnelles concernant les taux de majoration, si bien que l'employeur ne saurait s'en prévaloir.
Les deux moyens développés par Mme [C] à l'appui de sa demande sont donc fondés.
La Cour, après vérification de ses calculs, qui sont exacts, réformera le jugement déféré et condamnera l'association [6] à verser à Mme [C] 854,66 euros à titre de rappel de salaire sur heures complémentaires réalisées sur la période d'août à octobre 2019, outre 85,46 euros de congés payés afférents.
1.2. Sur la demande en dommages et intérêts pour remise tardive des documents obligatoires de fin de contrat
Mme [C] indique que l'association [6] lui a transmis l'attestation Pôle emploi et le bulletin de salaire pour le mois de juillet 2019 seulement le 16 juin 2020, le certificat de travail seulement le 6 juillet 2020 (pièces n° 12 et 13 de l'appelante). Elle ajoute qu'elle a retrouvé un emploi en mars 2020 mais que, faute d'avoir en sa possession l'attestation Pôle emploi, elle n'a pas pu percevoir d'allocations-chômage entre le 19 novembre 2019 et mars 2020.
Alors que l'association [6] ne démontre pas avoir remis à la salariée les documents de fin de contrat immédiatement au moment de la rupture de son contrat de travail, elle conclut que Mme [C] ne rapporte pas la preuve d'avoir subi un préjudice, alors qu'elle ne justifie pas de ses ressources entre décembre 2019 et mars 2020.
La Cour retient que l'association [6] a commis une faute en tardant autant pour remettre à Mme [C] les documents de fin de contrat.
Si, en droit, ne cause pas nécessairement un préjudice au salarié la délivrance tardive de l'attestation pôle emploi et du certificat de travail (en ce sens : Cass. Soc., 10 juillet 2019, n° 18-14.317), il n'en demeure pas moins que, en l'espèce, Mme [C] démontre avoir subi un préjudice, matérialisé par le fait qu'elle n'a pas pu s'inscrire à Pôle emploi et faire examiner son droit à l'allocation-chômage immédiatement après son licenciement.
Ce préjudice sera justement indemnisé par le versement de 2 000 euros de dommages et intérêts. Le jugement déféré sera réformé en conséquence.
1.3. Sur la demande en dommages et intérêts pour exécution déloyale du contrat de travail
Mme [C] reproche à son employeur d'avoir exécuté de manière déloyale son contrat de travail, en ne respectant pas le délai de prévenance, fixé par voie conventionnelle (article 37, chapitre III du titre V de la convention collective), quant à la communication de son planning de travail : de manière systématique, il lui transmettait vendredi son planning pour application à partir du lundi qui suivait. Elle donne comme exemple la transmission tardive des plannings pour les semaines n° 31 et 39 de l'année 2019 (pièce n° 20 de l'appelante). Mme [C] fait valoir que ce comportement fautif de l'employeur l'a empêchée d'occuper un autre emploi à temps partiel.
Sur ce point, l'association [6] conclut, de manière non pertinente, que la salariée a signé le contrat de travail en toute connaissance de cause.
Ce préjudice sera justement indemnisé par le versement de 1 000 euros de dommages et intérêts. Le jugement déféré sera réformé en conséquence.
2. Sur les demandes relatives à la rupture anticipée du contrat de travail
2.1.Sur le respect de la procédure de rupture anticipée du contrat de travail
En droit, la rupture anticipée pour faute grave d'un contrat de travail à durée déterminée est soumise aux dispositions de l'article L. 1332-1 du code du travail, applicable en matière disciplinaire. Ainsi, l'employeur qui souhaite mettre fin à un tel contrat pour un tel motif doit convoquer le salarié à un entretien préalable (en ce sens : Cass. Soc., 11 avril 1996, n° 93-42.632).
En l'espèce, l'association [6] admet qu'elle n'a pas convoqué Mme [C] à un entretien préalable, avant de lui notifier la rupture anticipée de son contrat de travail.
Les premiers juges ont fait une exacte appréciation du préjudice subi par la salariée, du fait de ce non-respect de la procédure, en fixant à 1 043,12 euros le montant de dommages et intérêts alloués pour l'indemnisation de celui-ci.
Dès lors, le jugement déféré sera confirmé, en ce qu'il a condamné l'association [6] à verser à Mme [C] 1 043,12 euros de dommages et intérêts pour non-respect de la procédure de rupture anticipée d'un contrat de travail à durée déterminée.
2.2. Sur la licéité de la rupture anticipée du contrat de travail
' En droit, en application de l'article L. 1243-1 du code du travail, sauf accord des parties, le contrat à durée déterminée ne peut être rompu de manière anticipée qu'en cas de faute grave ou lourde, de force majeure ou d'inaptitude constatée par le médecin du travail.
La lettre de rupture doit comporter le motif de celle-ci (en ce sens : Cass. Soc., 23 janvier 1997, n° 95-40.526).
En l'espèce, l'association [6] a adressé à Mme [V] [C] une lettre, datée du 19 novembre 2019, ayant pour objet la notification de la rupture anticipée de son contrat de travail pour faute lourde, rédigée dans les termes suivants :
« Par la présente nous vous informons que nous envisageons de prendre une mesure de rupture anticipée de votre contrat de travail pour faute lourde.
Nous avons constaté une forme de chantages et pression, nous soupçonnons que vous vous êtes arrêté pour vous mettre en maladie, et vous nous avez créé des dysfonctionnements à notre organisation de travail pire une perte financière, qui nous a amené à recruter dans l'urgence un nouveau salarié, sans compter de réelles difficultés économiques que vous nous avez infligées, une charge de travail excessive pour les collègues et une désorganisation imprévue.
Nous vous ferons connaître lors de votre reprise les faits gravissimes qui vous sont reprochés ainsi que vos actes et votre comportement lors de vos interventions.
Nous vous rappelons qu'en signant votre contrat de travail que nous avons conclu ensemble, vous vous êtes engagée à le respecter scrupuleusement, ainsi que le règlement intérieur et les règles de bonne conduite de [6].
Cette décision prendra effet à dater de la première présentation du présent courrier en recommandé avec accusé de réception, date à partir de laquelle vous cesserez de faire partie de l'effectif de notre association » (pièce n° 3 de l'intimée) .
L'association [6] a adressé à Mme [C] une seconde lettre, datée du 29 novembre 2019, rédigée dans les termes suivants :
« A ce jour et suite à la fin de votre arrêt de travail du 22 novembre 2019 nous sommes toujours sans nouvelles de vous-même malgré plusieurs appels téléphoniques.
En raison de votre comportement fautif nous vous informons que nous envisageons de prendre une mesure de rupture anticipée de votre contrat de travail à durée déterminée pour raison de faute lourde. Ce licenciement sans préavis ni indemnités de congés payés prendre effet à la première présentation de ce courrier en recommandé.
Au présent courrier sont joints :
Le solde de votre salaire,
Un certificat de travail,
Une attestation Pôle Emploi pour faite valoir vos droits à indemnisation chômage,
En application des dispositions de l'article L. 314-1 et L. 314-2 du code pénal concernant l'abus de confiance et l'abus de faiblesse envers une personne vulnérable ainsi que de négligence.
L'abus de confiance pour avoir subtilisé un contrat de travail dans les affaires privées de la bénéficiaire sans son accord. Puis de nous l'avoir retourné sous lettre simple dans une enveloppe déchirée et dans un état inadmissible. Cet envoi avait pour objet un document confidentiel entre la bénéficiaire et l'agence, ce contrat ne concerne en aucun cas les salariés de l'association. Depuis votre dernier appel téléphonique du 4 novembre nous sommes sans nouvelles de votre part.
L'abus de faiblesse pour avoir profité de la gentillesse de cette personne handicapée et de lui avoir fait croire que vous emmenez un autre document qui de toute manière est interdit et relève de la vie privée de la bénéficiaire.
La négligence pour ne pas avoir changé les draps de son lit (personne en situation de handicap) ainsi que les draps du lit de son mari pendant deux mois pour une raison infondée (draps rangés dans une armoire facilement accessible) ».
L'association [6] conclut uniquement que Mme [C] a été licenciée par l'effet de cette seconde lettre, à titre disciplinaire, parce qu'elle avait abandonné son poste depuis le 22 novembre 2019 et commis un abus de confiance et un abus de faiblesse dans le cadre d'une intervention au domicile d'une personne bénéficiaire des prestations de l'association.
Toutefois, il résulte des termes mêmes de la lettre du 19 novembre 2019 (l'employeur ayant précisé notamment qu'elle avait pour objet la « notification de la rupture anticipée de son contrat de travail pour faute lourde ») que le contrat de travail de Mme [C] a été rompu de manière anticipée à cette date.
Ainsi, l'association [6] a rompu de manière anticipée le contrat de travail de Mme [C] parce qu'elle avait constaté une forme de chantages et pression, qu'elle soupçonnait un arrêt de travail de complaisance, lequel a créé des dysfonctionnements dans l'organisation de l'activité de l'entreprise, ainsi que des difficultés économiques, et qu'elle lui reprochait des « faits gravissimes » commis lors de ses interventions, dont elle s'abstenait toutefois d'indiquer la nature.
Dans le cadre de la présente instance, l'association [6] ne rapporte aucune preuve de la matérialité des griefs ainsi évoqués dans la lettre de rupture anticipée.
' En droit, aux termes de l'article L.1132-1 du code du travail, aucun salarié ne peut être licencié notamment en raison de son état de santé.
En application de l'article L. 1134-1 du même code, il appartient au salarié qui s'estime victime d'une discrimination directe ou indirecte de présenter des éléments de fait laissant supposer son existence. Il appartient au juge d'apprécier si ces éléments, pris dans leur ensemble, laissent présumer l'existence d'une telle discrimination et, dans l'affirmative, il incombe à l'employeur de prouver que ses décisions sont justifiées par des éléments objectifs étrangers à toute discrimination.
En l'espèce, Mme [C] fait valoir que, à la date du 19 décembre 2019, elle se trouvait en arrêt de travail pour cause de maladie et que son employeur a expressément justifié la rupture de son contrat de travail par le fait que cet arrêt de travail était à l'origine d'une désorganisation imprévue, avec une charge de travail excessive pour ses collègues, d'une perte financière pour l'association, qui embauché en urgence un autre salarié.
Ainsi, Mme [C] présente des éléments de fait laissant supposer que son licenciement constitue une mesure discriminatoire.
L'association [6] ne conclut pas en réponse à ce sujet.
La Cour en déduit que la rupture anticipée du contrat de travail de Mme [C] constitue une mesure discriminatoire à raison de l'état de santé de la salariée et est nul, au visa de l'article L. 1132-4 du code du travail.
Dès lors, le jugement déféré sera confirmé, en ce qu'il a dit que la rupture pour faute lourde du contrat de travail à durée déterminée de Mme [C] est nulle.
2.3. Sur les conséquences pécuniaires de la nullité de la rupture anticipée du contrat de travail
' En droit, l'article L. 1243-4 du code du travail dispose que la rupture anticipée du contrat de travail à durée déterminée qui intervient à l'initiative de l'employeur, en dehors des cas de faute grave, de force majeure ou d'inaptitude constatée par le médecin du travail, ouvre droit pour le salarié à des dommages et intérêts d'un montant au moins égal aux rémunérations qu'il aurait perçues jusqu'au terme du contrat, sans préjudice de l'indemnité de fin de contrat prévue à l'article L. 1243-8.
En l'espèce, la société [6] a rompu le contrat de travail à durée déterminée de Mme [C], en dehors des cas énumérés par l'article L. 1243-4 du code du travail, le 19 novembre 2019, alors que le terme du contrat était fixé au 20 juillet 2020. Elle est donc débitrice de neuf mois de salaires à l'égard de Mme [C].
Compte tenu de la durée de travail fixée contractuellement à 104 heures et du taux horaire de 10,03 euros servant de base pour le calcul de la rémunération de Mme [C], l'association [6] sera condamnée, après infirmation du jugement déféré, à payer à cette dernière 8 344,96 euros en réparation du préjudice causé par la rupture abusive du contrat de travail à durée déterminée.
' En droit, il résulte de l'article L. 1243-8 du code du travail que, lorsque, à l'issue d'un contrat de travail à durée déterminée, les relations contractuelles ne se poursuivent pas par un contrat de travail à durée indéterminée, le salarié a droit, à titre de complément de salaire, à une indemnité de fin de contrat destinée à compenser la précarité de sa situation, d'un montant égal à 10 % de la rémunération totale brute versée au salarié.
En l'espèce, les relations contractuelles entre l'association [6] et Mme [C] ne se sont poursuivies pas par un contrat de travail à durée indéterminée. Cette dernière a donc droit à une prime de précarité, dont le montant est égal à 10 % de la rémunération totale brute qu'elle aurait dû percevoir, si le contrat n'avait pas été rompu avant son terme, soit 1 285,40 euros.
Le jugement déféré sera réformé en conséquence.
3. Sur la liquidation de l'astreinte
En droit, il résulte de l'article L. 131-2 du code des procédures civiles d'exécution que l'astreinte prévue par le conseil de prud'hommes dans son jugement du 18 février 2022 a un caractère provisoire, au sens de cette disposition légale.
L'article L. 131-4 du code des procédures civiles d'exécution prévoit que le montant de l'astreinte provisoire est liquidé en tenant compte du comportement de celui à qui l'injonction a été adressée et des difficultés qu'il a rencontrées pour l'exécuter. En outre, l'astreinte est supprimée en tout ou partie s'il est établi que l'inexécution ou le retard dans l'exécution de l'injonction du juge provient, en tout ou partie, d'une cause étrangère.
Au visa de cette même disposition légale, interprétée à la lumière de l'article 1 du protocole n° 1 à la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, le juge qui statue sur la liquidation d'une astreinte provisoire doit apprécier le caractère proportionné de l'atteinte qu'elle porte au droit de propriété du débiteur au regard du but légitime qu'elle poursuit (en ce sens : Cass. 2ème Civ., 20 janvier 2022 ' pourvoi n° 20-15.261).
En l'espèce, le conseil de prud'hommes a condamné l'association [6] à délivrer et à remettre à Mme [C] les documents suivants, conformes à la présente décision de justice : les bulletins de salaires pour les mois de juillet à novembre 2019, le tout sous astreinte de 30 euros par jour de retard à compter du 30ème jour suivant la notification du présent jugement, le conseil de prud'hommes se réservant le droit de liquider l'astreinte.
Mme [C] fait valoir que, à la date de rédaction de ses conclusions, le 14 décembre 2022, l'association [6] ne lui a pas remis les bulletins de salaire rectifiés.
L'association [6] ne conclut pas à ce sujet.
La Cour retient que, sur l'appel interjeté par Mme [C], elle condamne l'employeur à lui verser un montant différent de celui qui a été retenu par les premiers juges, au titre du rappel de salaires sur heures complémentaires.
Compte tenu du comportement de l'association [6], qui n'a donc pas délivré des bulletins de paie conformément à la décision du conseil de prud'hommes, alors que cette décision n'était pas définitive, la Cour retient qu'il apparaît proportionné au regard du but poursuivi lors du prononcé de l'astreinte, de supprimer celle-ci.
La demande de Mme [C] en liquidation de l'astreinte sera donc rejetée.
Par ailleurs, il y a lieu d'ordonner la remise d'un unique bulletin de salaire rectificatif, conforme au présent arrêt, sous astreinte de 50 euros par jour de retard à compter du 30ème jour suivant sa notification. La Cour ne se réservera pas le droit de liquider l'astreinte.
4. Sur les dépens et l'article 700 du code de procédure civile
L'association [6], partie perdante, sera condamné aux dépens de l'instance d'appel, en application du principe énoncé par l'article 696 du code de procédure civile.
Pour un motif tiré de l'équité, l'association [6] sera condamnée à payer à Mme [C] 3 000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile.
PAR CES MOTIFS
LA COUR,
Confirme le jugement rendu le 18 février 2022 par le conseil de prud'hommes de Lyon, en ses dispositions déférées, sauf en ce qu'il a condamné l'association [6] à verser à Mme [C] les sommes suivantes :
162,98 euros à titre de rappel de salaire au titre de paiement des temps de trajet inter-séquences, outre 16,30 euros de congés payés afférents,
70 euros d'indemnité compensatrice de congés conventionnels supplémentaires,
800 euros de dommages et intérêts pour rupture nulle d'un contrat de travail à durée déterminée
1 000 euros de dommages et intérêts pour remise tardive des documents obligatoires de fin de contrat et résistance abusive,
500 euros de dommages et intérêts pour exécution déloyale du contrat de travail
1 251,74 euros d'indemnité de fin de contrat à durée déterminée,
Statuant sur les dispositions infirmées et ajoutant,
Condamne l'association [6] à payer à Mme [V] [C] :
- 854,66 euros à titre de rappel de salaire sur heures complémentaires réalisées sur la période d'août à octobre 2019, outre 85,46 euros de congés payés afférents ;
- 1 000 euros de dommages et intérêts pour exécution déloyale du contrat de travail
- 2 000 euros de dommages et intérêts en réparation du préjudice subi du fait de la remise tardive des documents de fin de contrat,
- 8 344,96 euros en réparation du préjudice causé par la rupture abusive du contrat de travail à durée déterminée ;
- 1 285,40 euros d'indemnité de fin de contrat à durée déterminée ;
Rejette la demande de Mme [V] [C] en liquidation d'astreinte ;
Ordonne à l'association [6] de remettre à Mme [V] [C] un unique bulletin de salaire rectificatif, conforme au présent arrêt, sous astreinte provisoire de 50 euros par jour de retard à compter du 30ème jour suivant sa notification, sans que la Cour ne se réserve le droit de liquider l'astreinte ;
Condamne l'association [6] aux dépens de l'instance d'appel ;
Condamne l'association [6] à payer à Mme [V] [C] 3 000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile.
LA GREFFIÈRE, LA PRÉSIDENTE,