CA Rennes, 2e ch., 25 février 2025, n° 22/05461
RENNES
Arrêt
Confirmation
PARTIES
Demandeur :
BNP Paribas Personal Finance (SA)
Défendeur :
BNP Paribas Personal Finance (SA), BTSG (SCP)
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
M. Jobard
Conseillers :
M. Pothier, Mme Barthe-Nari
Avocats :
Me Mariau, Me Castres, Me Boulaire, Me Reinhard
EXPOSE DU LITIGE :
A la suite d'un démarchage à domicile, M. [I] [K] a passé commande le 13 janvier 2012 auprès de la société Next Generation France, de la fourniture et de l'installation de panneaux photovoltaïques pour la somme de 17 600 euros.
Cette opération a été entièrement financée par un crédit octroyé le même jour par la société Sygma Banque, aux droits de laquelle se présente désormais la société BNP Paribas Personal Finance, au taux de 5,16 % l'an, remboursable en 180 mensualités.
Par jugement du tribunal de commerce de Paris en date du 25 juin 2013, la société Next Generation a été placée en liquidation judiciaire et la SCP BTSG désignée en qualité de mandataire liquidateur.
Par acte d'huissier en date du 5 novembre 2020, M. [K] a fait assigner, devant le tribunal judiciaire de Nantes, la société BNP Paribas Personal Finance et la SCP BTSG ès qualités de mandataire liquidateur de la société Next Generation France, en nullité des contrats de vente et de prêt.
Par jugement en date du 11 juillet 2022, le tribunal a :
- déclaré prescrite l'action en nullité du contrat pour inobservation de l'article L.131-23 du code de la consommation,
- déclaré prescrite l'action en nullité pour dol,
- déclaré M. [K] irrecevable en toutes ses demandes en découlant et en son action en responsabilité à l'encontre de la société BNP Paribas Personal Finance,
- condamné M. [K] aux dépens,
- rejeté les demandes formées au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
- débouté les parties de leurs demandes plus amples ou contraires,
- rappelé que l'exécution provisoire est de droit.
Par déclaration en date du 10 septembre 2022, M. [K] a relevé appel de cette décision.
Aux termes de ses dernières conclusions notifiées le 4 septembre 2024, il demande à la cour de :
Vu l'article liminaire du code de la consommation,
Vu les anciens articles 1109 et 1116 du code civil,
Vu l'article 16 de la loi n° 2012-354 du 14 mars 2012'de finance rectificative pour 2012,
Vu les articles L. 121-23 à L. 121-26 du code de la consommation, dans leur rédaction issue de la loi n° 93-949 du 26 juillet 1993,'
Vu l'article L. 121-28, tel qu'issu de la loi n°2008-776'du 4 août 2008,
- infirmer le jugement entreprise en toutes ses dispositions,
Statuant à nouveau et y ajoutant' ;
- déclarer les demandes de M. [I] [K] recevables et bien fondées,
- prononcer la nullité du contrat de vente conclu entre M. [I] [K] et la société Next Generation France,
- mettre à la charge de la liquidation judiciaire de la société Next Generation France, l'enlèvement de l'installation litigieuse et la remise en état de l'immeuble à ses frais,
- prononcer en conséquence la nullité du contrat de prêt affecté conclu entre M. [I] [K]'et la société BNP Paribas Personal Finance venant aux droits de la société Sygma Banque,
- constater que la société BNP Paribas Personal Finance, venant aux droits de la société Sygma Banque, a commis une faute dans le déblocage des fonds et doit être privée de sa créance de restitution du capital emprunté, et la condamner à procéder au remboursement de l'ensemble des sommes versées par M. [I] [K] au titre de l'exécution normale du contrat de prêt litigieux,
- condamner la société BNP Paribas Personal Finance, venant aux droits de la société Sygma Banque, à verser à M. [I] [K] l'intégralité des sommes suivantes :
17'600,00 euros correspondant à l'intégralité du prix de vente de l'installation,
14'136,60 euros correspondant aux intérêts conventionnels et frais payés par M. [I] [K] à la société BNP Paribas Personal Finance, venant aux droits de la société Sygma Banque, en exécution du prêt'souscrit,
5'000,00 euros au titre du préjudice moral,
6'000,00 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
3 857,00 euros correspondant à la somme payée par M. [I] [K] au titre du remplacement de l'onduleur défaillant,
- débouter la société BNP Paribas Personal Finance, venant aux droits de la société Sygma Banque, et la société Next Generation France de l'intégralité de leurs prétentions, fins et conclusions contraires',
- condamner la société BNP Paribas Personal Finance, venant aux droits de la société Sygma Banque, à supporter les dépens de l'instance.
Dans ses dernières conclusions notifiées le 11 septembre 2024, la société BNP Paribas Personal Finance demande à la cour de :
- confirmer le jugement rendu le 11 juillet 2022 par le Juge des contentieux de la protection, près le tribunal judiciaire de Nantes, en toutes ses dispositions,
Par conséquent,
- débouter M. [K] de l'intégralité de ses demandes,
Subsidiairement, en cas d'infirmation de la décision et de recevabilité des demandes,
- débouter M. [K] de ses demandes d'annulation du contrat principal,
- débouter M. [K] de ses demandes d'annulation subséquente du contrat de crédit,
Par conséquent,
- débouter M. [K] de l'intégralité de ses demandes,
Plus subsidiairement, en cas d'annulation des contrats,
- débouter M. [K] de sa demande visant à voir la société BNP Paribas Personal Finance privée de son droit à restitution du capital prêté dès lors que celle-ci n'a pas commis de faute,
- débouter M. [K] de sa demande visant à voir la société BNP Paribas Personal Finance privée de son droit à restitution du capital prêté dès lors qu'il ne justifie pas de l'existence d'un préjudice et d'un lien de causalité à l'égard du prêteur,
Par conséquent,
- condamner M. [I] [K] à porter et payer à BNP Paribas Personal Finance la somme de 18.600 euros correspondant au montant du capital prêté, outre intérêts au taux légal à compter de la mise à disposition des fonds,
- juger que la société BNP Paribas Personal Finance devra restituer à M. [K] les échéances perçues, après justification de sa part, de la résiliation du contrat conclu avec EDF, de la restitution à EDF des sommes perçues au titre de la revente de l'énergie et au Trésor Public des crédits d'impôt perçus,
- débouter M. [K] de toute autre demande, fin ou prétention,
En tout état de cause,
- condamner M. [I] [K] à porter et payer à BNP Paribas Personal Finance une indemnité de 2600 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile, outre les entiers dépens d'instance.
Pour un plus ample exposé des faits, de la procédure ainsi que des prétentions et moyens des parties, la cour se réfère aux énonciations de la décision attaquée ainsi qu'aux dernières conclusions déposées par les parties, l'ordonnance de clôture ayant été rendue le 24 octobre 2024.
EXPOSE DES MOTIFS :
Aux termes de l'article 2224 du code civil, les actions personnelles ou mobilières se prescrivent par cinq ans à compter du jour où le titulaire d'un droit a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant de l'exercer.
Le juge des contentieux de la protection du tribunal judiciaire de Nantes a déclaré prescrites les actions en nullité du contrat principal que ce soit sur le fondement du dol ou de l'inobservation de l'article L. 131-23 du code de la consommation engagées par M. [K] et l'a déclaré irrecevable en toutes ses demandes découlant de son action en responsabilité à l'encontre de la société BNP Paribas Personal Finance.
M. [K] qui sollicite l'infirmation du jugement sur ces dispositions, prétend que la prescription ne peut lui être opposée.
Sur la fin de non recevoir tirée de la prescription de l'action en nullité pour dol :
Prétendant que le délai de prescription doit être un délai utile, M. [K] soutient que son action en nullité sur le fondement du dol ne peut être prescrite puisqu'il ne pouvait apprécier la rentabilité de l'installation qu'au bout de plusieurs années de fonctionnement de celle-ci et non dès la signature du contrat de vente ou même lors du déblocage des fonds.
La société BNP Paribas Personal Finance fait valoir de son côté, que le point de départ du délai de la prescription de l'action en nullité pour dol pour défaut de rendement doit être placé au jour de la réception de la première facture de revente d'énergie.
Il sera rappelé que M. [K] prétend n'avoir conclu le contrat principal de vente qu'en considération de la promesse d'autofinancement de l'installation que lui a présentée le démarcheur de la société Next Generation. Ainsi, il expose que toute une série de documents publicitaires et commerciaux, vantant l'important rendement énergétique de l'installation et les économies d'énergie qui en découleraient, lui ont été montrés avant d'obtenir sa signature. S'il indique qu'aucun de ces documents ne lui a été remis, il fait valoir que le prêt octroyé comportait un différé de onze mois, permettant ainsi de commencer à payer les échéances du prêt au moment du premier retour sur investissement ce qui témoignerait selon lui, de l'engagement écrit d'un autofinancement de l'opération.
M. [K] souligne que la promesse de rentabilité procède de la nature même de la chose vendue puisqu'il est évident que, selon lui, personne n'achèterait une centrale photovoltaïque à des fins purement écologiques ou esthétiques. Or, cette rentabilité qui lui a été vantée et qu'il a pris en considération pour conclure la vente n'est pas avérée puisque l'installation ne produit pas les résultats promis. Ainsi, M. [K] expose que les gains réalisés sont deux fois moins importants que ceux qui lui ont été annoncés. Il en veut pour preuve l'expertise qu'il a fait réalisée qui démontre qu'il ne peut espérer que des gains de l'ordre de 1 319 euros par an alors que le remboursement des échéances du crédit s'élève sur une année à 2 182,44 euros. Considérant dès lors qu'il perd de l'argent au lieu d'en gagner comme la société Next Generation le lui a promis, M. [K] estime avoir été victime de manoeuvres dolosives et conclut à l'infirmation du jugement et à la nullité du contrat de vente pour dol.
Mais d'une part, comme l'a relevé le premier juge, la promesse d'un autofinancement du contrat de prêt par le rendement de la production électrique n'est pas mentionnée au contrat de vente et ne peut résulter implicitement de l'existence d'un différé de remboursement des échéances du prêt de sorte que M. [K] était en mesure de s'assurer à la simple lecture du bon de commande que celui-ci ne contenait aucune promesse d'autofinancement.
De surcroît, même à supposer que l'acheteur devait disposer d'un délai pour vérifier la rentabilité énergétique de l'installation, M. [K] pouvait, dès réception de la première facture de production électrique, se rendre compte que les échéances du prêt ne pourraient être couvertes par le rendement de l'installation électrique. Or, l'appelant ne produit aucune des factures de revente d'électricité permettant de vérifier à quelle date il a eu connaissance d'une différence entre la promesse d'autofinancement qui lui aurait été faite et la revente de sa production électrique. Ile ne précise pas davantage à quelle date l'installation a été raccordée au réseau ERDF.
Toutefois, compte tenu de la date du bon de commande et de celle de la livraison de l'installation photovoltaïque intervenue le 15 février 2012, il a nécessairement reçu une première facture de production électrique antérieurement au 13 janvier 2017. Il a ainsi bénéficié largement d'un délai de prescription utile pour exercer son action. Le tribunal sera donc confirmé pour avoir jugé que l'action en nullité du contrat de vente fondée sur l'article 1116 devenu l'article 1137 du code civil, était prescrite au moment de la délivrance de l'assignation en date du 5 novembre 2020.
Sur la prescription de l'action en nullité pour irrégularité du bon de commande :
M. [K] soutient qu'aucune prescription ne peut lui être opposée puisqu'il a pu légitimement ignorer les irrégularités découlant de mentions absentes du bon de commande. Il fait valoir que l'absence des mentions obligatoires ne pouvait ressortir de la seule lecture du bon de commande sauf à exiger qu'il réalise ou fasse réaliser une analyse des contrats relevant de la compétence d'un tiers sachant professionnel expert.
La banque soutient quant à elle que le bon de commande comportait au versant les conditions générales de vente reprenant les articles du code de la consommation permettant à M. [K] de connaître les mentions devant figurer sur le contrat sous peine de nullité.
S'agissant de l'action en nullité pour irrégularités du bon de commande, la détermination du point de départ de la prescription implique soit de constater que le consommateur était en mesure de déceler par lui même à la seule lecture du contrat la violation alléguée des dispositions du code de la consommation soit, lorsque cette irrégularité ne résulte pas de la seule lecture de l'acte, de rechercher à quelle date, elle s'est révélée au consommateur.
En l'espèce, il ne peut être contesté que M. [K] pouvait, dès la conclusion du contrat de vente, s'apercevoir si le bon de commande mentionnait le nom du fournisseur, son adresse et le nom du démarcheur. De même, il était en mesure de constater que le modèle et les références exactes des panneaux photovoltaïques, leur taille, leur poids, leur prix unitaire, la surface de l'installation, autant d'éléments qu'il considère comme des caractéristiques essentielles au sens de l'article L. 111-1 du code de la consommation, n'étaient pas mentionnés sur le bon de commande et que ces éléments n'étaient pas davantage précisés pour l'onduleur.
M. [K] était donc en mesure de déceler par lui même, dès le 13 janvier 2012, l'ensemble des irrégularités qu'il allègue de sorte que l'action en annulation du contrat fondée sur ces prétendus vices, exercée par assignation du 5 novembre 2020, est également prescrite. Le jugement déféré ne peut qu'être confirmé sur ce point.
Sur la prescription de l'action en responsabilité contre le prêteur :
M. [K] forme diverses prétentions en réparation des dommages qu'il aurait subis à raison de fautes commises par la banque. Ainsi, il souligne qu'il ne pouvait imaginer que la banque validerait des documents entachés d'irrégularités et qu'il a pu légitimement faire confiance à l'organisme de crédit qui aurait dû relever les irrégularités dès la signature du contrat. Il considère en outre que celui-ci a commis une faute en délivrant les fonds avant le raccordement de l'installation alors qu'il s'agissait d'un élément déterminant du contrat.
Cependant, M. [K] pouvait, dès le déblocage des fonds survenu le 16 février 2012, se rendre compte que la banque avait réglé le vendeur malgré les irrégularités dont il estimait le bon de commande affecté et alors que le raccordement au réseau ERDF n'était pas encore effectif. Il disposait donc dès cette date de la connaissance des faits lui permettant d'exercer une action en responsabilité contre le prêteur.
Il s'en déduit que l'assignation en date du 5 novembre 2020 à l'encontre de la société BNP Paribas Personal Finance a été délivrée alors que l'action en responsabilité de M. [K] contre la banque était prescrite depuis le 17 février 2017. Le jugement sera également confirmé pour avoir déclaré cette action irrecevable.
Sur les demandes accessoires :
Le jugement entrepris étant confirmé en ses principales dispositions, il en sera de même s'agissant des dépens et frais irrépétibles.
Partie succombante, M. [K] supportera les dépens d'appel.
Il serait inéquitable de laisser à la charge de la société BNP Paribas Personal Finance l'intégralité des frais non compris dans les dépens qu'elle a dû exposer en appel. Aussi, M. [K] sera condamné à lui payer la somme de 2 600 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.
Par ailleurs, il apparaît que M. [K] a relevé appel alors qu'il ne disposait d'aucun moyen sérieux de nature à infirmer la décision entreprise et qu'il s'est contenté de reprendre les mêmes arguments et les mêmes pièces que celles présentées au tribunal dont la motivation était portant à même de l'éclairer sur le peu de fondement de l'ensemble des moyens invoqués au soutien de ses prétentions. Le recours interjeté s'avère donc abusif de sorte que M. [K] sera condamné à une amende civile de 1 000 euros sur le fondement de l'article 32-1 du code de procédure civile.
PAR CES MOTIFS, LA COUR :
Confirme en toutes ses dispositions le jugement rendu le 11 juillet 2022 par le juge des contentieux de la protection du tribunal judiciaire de Nantes,
Condamne M. [I] [K] à payer à la société BNP Paribas Personal Finance venant aux droits de la société Sygma Banque la somme de 2 600 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
Condamne M. [I] [K] à une amende civile de 1 000 euros,
Condamne M. [I] [K] aux entiers dépens d'appel,
Rejette toute demande plus ample ou contraire.