CA Versailles, ch. civ. 1-2, 25 février 2025, n° 24/02759
VERSAILLES
Arrêt
Confirmation
PARTIES
Défendeur :
Localité 8 Cars (SASU)
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
M. Javelas
Vice-président :
Mme Paccioni
Conseiller :
Mme Thivellier
Avocat :
Me Bouyer
EXPOSÉ DU LITIGE
Suivant bon de commande du 31 décembre 2021, M. [O] [C] a fait l'acquisition, auprès de la société [Localité 8] Cars, d'un véhicule d'occasion de marque Citroën, modèle C3, immatriculé [Immatriculation 5], pour un prix total de 3 490 euros TTC.
Par acte de commissaire de justice du 20 juillet 2023, M. [C] a fait assigner la société [Localité 8] Cars afin de voir, sous le bénéfice de l'exécution provisoire :
A titre principal,
- juger que la société [Localité 8] Cars a manqué à son obligation de délivrance conforme à son égard,
- en conséquence, juger que la cession en date du 31 décembre 2021 du véhicule de marque Citroën, modèle C3, immatriculé [Immatriculation 5], est résolue,
- condamner la société [Localité 8] Cars à lui rembourser la somme de 3 490 euros au titre du prix de cession du véhicule, avec intérêts au taux légal à compte du 1er juin 2022, date de mise en demeure et capitalisation des intérêts,
- juger que la restitution du véhicule interviendra après règlement de l'intégralité des sommes dues,
A titre subsidiaire,
- commettre tel expert qu'il plaira à 'M. le juge des référés' de désigner avec la mission de :
* se faire communiquer tous documents utiles, contractuels ou autres (déclaration de cession, facture des réparations, rapport d'expertise amiable...),
* effectuer une expertise du véhicule litigieux en présence des parties et de leur conseil, ou ceux-ci dûment convoqués et entendre toute personne informée,
* vérifier si les désordres allégués par le demandeur dans son assignation existent : dans ce cas, en déterminer la nature (vices cachés, non conformités), donner leur date d'apparition, les décrire, en indiquer la nature et 1'importance, en rechercher les causes et l'imputabilité,
* indiquer si les vices allégués rendent impropres le véhicule vendu à l'usage auquel il est destiné ou s'ils en diminuent tellement l'usage que l'acheteur ne l'aurait pas acquis ou n'en aurait donné qu'un moindre prix s'il les avait connus,
* indiquer les travaux nécessaires pour réparer le véhicule, évaluer leur coût et préciser éventuellement leur durée,
* fournir tous éléments techniques permettant au tribunal de déterminer les responsabilités
encourues et les préjudices subis,
* de manière générale, faire les comptes entre les parties,
- fixer le montant de la consignation des honoraires d'expertise,
En tout état de cause,
- condamner la société [Localité 8] Cars à lui payer la somme de 1 500 euros à titre de dommages et intérêts en raison des pannes à répétition,
- condamner la société [Localité 8] Cars à lui payer la somme de 1 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile outre les entiers dépens.
Par jugement réputé contradictoire du 18 janvier 2024, le tribunal de proximité de Sannois a :
- débouté M. [C] de sa demande de résolution de la vente du véhicule de marque Citroën modèle C3 immatriculé [Immatriculation 5] conclue le 31 décembre 2021 avec la société [Localité 8] Cars,
- débouté M. [C] de sa demande de dommages et intérêts et de sa demande d'indemnité au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
- condamné M. [C] aux dépens,
- rappelé que la présente décision est exécutoire de droit.
Par déclaration reçue au greffe le 1er mai 2024, M. [C] a relevé appel de ce jugement.
Aux termes de ses conclusions signifiées le 08 juillet 2024, M. [C], appelant, demande à la cour, sur le fondement des articles L. 217-3 et suivants du code de la consommation, de :
A titre principal,
- infirmer le jugement en date du 18 janvier 2024 en qu'il l'a débouté de sa demande de résolution de la vente du 31 décembre 2021 du véhicule de marque Citroën modèle C3 immatriculé [Immatriculation 5],
- condamner la société [Localité 8] Cars à lui rembourser la somme de 3 490 euros au titre du prix de cession du véhicule,
- assortir ladite somme des intérêts aux taux légal à compter du 1er juin 2022, date de la mise en demeure,
- ordonner la capitalisation des intérêts,
- juger que la restitution du véhicule interviendra après règlement de l'intégralité des sommes dues,
A titre subsidiaire,
- condamner la société [Localité 8] Cars à lui payer la somme de 1 000,74 euros au titre des réparations du véhicule,
En tout état de cause
- condamner la société [Localité 8] Cars à lui payer la somme de 3 000 euros à titre de dommages-intérêts en raison des pannes à répétition,
- condamner la société [Localité 8] Cars à lui payer la somme de 3 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
La société [Localité 8] Cars n'a pas constitué avocat. Par acte de commissaire de justice délivré le 8 juillet 2024, la déclaration d'appel et les conclusions de l'appelante ont été signifiées à personne habilitée.
L'arrêt sera donc réputé contradictoire en application de l'article 473 alinéa 2 du code de procédure civile.
La clôture de l'instruction a été prononcée le 19 décembre 2024.
Conformément à l'article 455 du code de procédure civile, pour plus ample exposé des faits, de la procédure et des moyens soutenus par les parties, la cour se réfère à leurs écritures et à la décision déférée.
MOTIFS DE LA DÉCISION
A titre liminaire, il convient de rappeler, qu'en application de l'article 472 du code de procédure civile, lorsque le défendeur ne comparaît pas, il est néanmoins statué sur le fond. Il n'est alors fait droit à la demande que dans la mesure où elle est régulière, recevable et bien fondée.
La cour relève également que le premier juge a jugé que les désordres invoqués par M. [C] (anomalie du voyant moteur et bruit de claquement) constituaient un défaut de conformité au sens de l'article L. 217-4 du code de la consommation et que la responsabilité de la société [Localité 8] Cars était engagée pour manquement à son obligation légale de conformité. Ces points ne sont pas contestés en cause d'appel, le litige portant sur les conséquences de ce manquement.
Sur la résolution de la vente
Le tribunal, après avoir indiqué que les sanctions du manquement de la société [Localité 8] Cars à son obligation de délivrance conforme ne dépendaient pas du bon vouloir de l'acheteur puisque ce n'est qu'à défaut de possibilité de remplacement ou de réparation qu'il pouvait solliciter la résolution de la vente, a débouté M. [C] de sa demande en résolution de la vente aux motifs que les anomalies constatées par l'expert ne rendaient pas le véhicule impropre à l'usage auquel il était destiné et qu'il était réparable, de sorte qu'il ne pouvait que solliciter la réparation du véhicule aux frais de la société [Localité 8] Cars.
Poursuivant l'infirmation du jugement critiqué, M. [C] demande à la cour d'infirmer le chef du jugement l'ayant débouté de sa demande de résolution de la vente et de condamner la société [Localité 8] Cars au paiement de la somme de 3 490 euros en remboursement du prix de vente.
Il fait valoir que la condition de l'impropriété du véhicule à l'usage auquel il est destiné est une condition inhérente à la garantie des vices cachés et ne saurait donc recevoir application dans le cadre de la garantie légale de conformité.
Il relève que le tribunal indique dans sa motivation que les désordres ne seraient pas suffisamment importants en visant le rapport d'expertise amiable. Il indique qu'en l'espèce, le véhicule présente une défaillance du circuit de refroidissement pouvant entraîner in fine une surchauffe et la casse du moteur.
Il expose, après avoir rappelé les dispositions des articles L. 217-8 et L. 217-14 du code de la consommation, que malgré de multiples relances et notamment son courrier recommandé du 1er juin 2022, la société [Localité 8] Cars n'a pas répondu et n'a pas procédé aux réparations du véhicule.
Sur ce,
A titre liminaire, la cour relève que les articles du code de la consommation reproduits par l'appelant dans ses conclusions sont ceux issus de l'ordonnance n°2021-1247 du 29 septembre 2021. Or, l'article 21 de cette ordonnance dispose qu'elle s'applique aux contrats conclus à compter du 1er janvier 2022. Le contrat de vente ayant été conclu le 31 décembre 2021, il sera donc fait application des articles du code de la consommation dans leur version issue de l'ordonnance n°2016-301 du 14 mars 2016.
En application de l'article L. 217-9 du code de la consommation, en cas de défaut de conformité, l'acheteur choisit entre la réparation et le remplacement du bien.
Toutefois, le vendeur peut ne pas procéder selon le choix de l'acheteur si ce choix entraîne un coût manifestement disproportionné au regard de l'autre modalité, compte tenu de la valeur du bien ou de l'importance du défaut. Il est alors tenu de procéder, sauf impossibilité, selon la modalité non choisie par l'acheteur.
L'article L. 217-10 du même code dispose que si la réparation et le remplacement du bien sont impossibles, l'acheteur peut rendre le bien et se faire restituer le prix ou garder le bien et se faire rendre une partie du prix.
La même faculté lui est ouverte :
1° Si la solution demandée, proposée ou convenue en application de l'article L. 217-9 ne peut être mise en 'uvre dans le délai d'un mois suivant la réclamation de l'acheteur ;
2° Ou si cette solution ne peut l'être sans inconvénient majeur pour celui-ci compte tenu de la nature du bien et de l'usage qu'il recherche.
La résolution de la vente ne peut toutefois être prononcée si le défaut de conformité est mineur.
Ainsi, comme l'a justement relevé le premier juge, la loi a instauré une hiérarchie dans les droits de l'acheteur qui ne peut demander dans un premier temps que la réparation ou le remplacement du bien et à défaut, la résolution de la vente sauf si le défaut de conformité est mineur.
En l'espèce, M. [C] a demandé à la société [Localité 8] Cars, notamment par lettres recommandées avec accusé de réception des 1er juin, 10 et 25 octobre 2022, de garantir sa participation aux réparations à effectuer sur le véhicule au vu d'un devis de la société Midas du 20 février 2022 et de prendre à sa charge la mise en conformité du véhicule en application des articles L. 217-8 et suivants du code de la consommation, sans succès.
M. [C] verse aux débats un rapport d'expertise amiable, réalisé le 5 juin 2023 par le cabinet BCA service client [Localité 7], mandaté par son assurance protection juridique, duquel il ressort que la société [Localité 8] Cars a été convoquée par lettre recommandée avec accusé de réception (distribuée contre signature) mais qu'elle ne s'est pas présentée.
L'expert a constaté que :
- l'afficheur du niveau de température moteur n'est pas stable et indique un niveau de température erratique, allant du minimum au maximum et changeant constamment et que ce dysfonctionnement engendre constamment le déclenchement de l'alarme sonore de surchauffe moteur.
- le bruit de claquement décrit par M. [C] est identifié en modifiant la température de commande de chauffage et qu'il provient du volet de mixage d'air chaud/froid mais que cela n'empêche pas le fonctionnement correct du réglage de la température.
L'expert a conclu que ces anomalies ne rendaient pas le véhicule impropre à son usage et ne rentraient donc pas dans le cadre de la garantie des vices cachés mais que cela ne libérait pas le vendeur de la garantie légale de conformité. Il a précisé que M. [C] ne pouvait pas utiliser normalement son véhicule avec un voyant de surchauffe moteur qui s'allume très souvent et indique des informations erronées et de surcroît avec le bruit strident qui survient des dizaines de fois par minute. Il a précisé être dans l'attente d'un diagnostic précis et d'un devis de remise en état de ces anomalies que devait lui faire parvenir M. [C] afin de pouvoir chiffrer le montant de la réparation et proposer à la partie adverse une solution amiable.
L'expert a également relevé que l'analyse du devis de la société Midas du 20 février 2022 produit par M. [C] faisait ressortir des travaux supplémentaires sans rapport avec les griefs soulevés par celui-ci, notamment la révision des 120 000 km, le remplacement du kit distribution avec pompe à eau et liquide de refroidissement, la courroie accessoire, les galets, la poulie dumper et 'l'entretien éco préventif'.
Si M. [C] a effectivement mis en demeure la société [Localité 8] Cars d'effectuer des réparations et d'assumer sa garantie de conformité, il s'agissait des travaux visés dans le devis de la société Midas sans lien avec le défaut de conformité retenu.
Ainsi, outre le fait que M. [C] ne justifie pas avoir demandé à la société [Localité 8] Cars de procéder aux réparations correspondant au défaut de conformité retenu, il résulte de l'ensemble de ces éléments que le véhicule est réparable et qu'il s'agit d'un défaut de conformité mineur s'agissant d'un défaut de fonctionnement du voyant de surchauffe du moteur, sans qu'il soit établi une défaillance du circuit de refroidissement pouvant entraîner in fine une surchauffe et la casse du moteur comme le soutient M. [C].
Il convient en conséquence de débouter l'appelant de sa demande en résolution du contrat et en remboursement du prix de vente d'un montant de 3 490 euros et de confirmer le jugement déféré de ce chef.
Sur la demande au titre des réparations du véhicule
Dans l'expertise amiable, l'expert n'a pas indiqué les travaux nécessaires pour remédier aux anomalies du voyant moteur et n'a pas chiffré ces réparations. M. [C] ne justifie pas lui avoir transmis le devis du 7 juin 2023 qu'il verse aux débats comme demandé par l'expert et ne produit pas de rapport complémentaire de ce dernier.
Le devis produit, du 7 juin 2023, émanant de la Sarl Saint Simon Automobile, d'un montant de 1 000,74 euros TTC, comporte les descriptions suivantes:
- 1 combiné d'instrument: 635,10 euros HT
- 1 sonde température: 53,85 euros HT
- 1 liquide de refroidissement forfait: 25 euros HT,
- 2 main d'oeuvre mécanique: 60 x 2: 120 euros HT.
Or, ces éléments, peu détaillés, ne permettent pas d'établir qu'ils sont de nature à remédier aux anomalies relevées au titre de la garantie légale de conformité.
Il convient en conséquence de débouter M. [C] de sa demande au titre des réparations.
Sur la demande en dommages et intérêts
M. [C] demande la condamnation de la société [Localité 8] Cars à lui verser la somme de 3 000 euros à titre de dommages et intérêts en faisant valoir qu'il est dans l'impossibilité d'utiliser son véhicule normalement et qu'à titre d'exemple, il a été contraint de le faire dépanner à de multiples reprises, notamment le 28 mars et le 10 mai 2023. Il relève que l'expert a noté qu'il était arrivé en retard à la réunion car son véhicule refusait de démarrer à cause d'une anomalie de batterie.
Sur ce,
En application de l'article L. 217-11 du code de la consommation, l'application des dispositions des articles L. 217-9 et L. 217-10 ne font pas obstacle à l'allocation de dommages et intérêts.
Il appartient donc à M. [C] de caractériser un manquement du vendeur à l'une de ses obligations, un préjudice et un lien de causalité sur le fondement de la responsabilité contractuelle de droit commun en application de l'article 1231-1 du code civil.
En l'espèce, M. [C] ne précise pas la faute qu'il impute à la société venderesse autre que le manquement à son obligation de conformité et ne justifie pas du préjudice qu'il invoque et notamment des multiples dépannages dont il fait état.
En effet, si l'expert a effectivement relevé que M. [C] était arrivé en retard à la réunion car son véhicule refusait de démarrer à cause d'une anomalie de batterie, il a également indiqué que le véhicule avait démarré normalement et que la batterie s'était donc rechargée correctement sur le trajet pour venir, et que 'le fait que la batterie se soit déchargée est certainement consécutif au fait que M. [C] utilise très peu son véhicule. Il nous a informé ne pas souhaiter se servir du véhicule tant qu'il ne sera pas remis en conformité car il est soucieux de ne pas engendrer de dommages supplémentaires sur celui-ci à cause du voyant allumé et de l'alerte stridente'.
Ainsi, l'expert, qui a repris les doléances de M. [C], n'a constaté aucune anomalie sur la batterie.
Par ailleurs, M. [C] produit uniquement deux fiches d'intervention d'assistance, l'une du 28 mars 2023 faisant état d'une intervention entre 10h58 et 11h sans autre précision que le lieu d'intervention et aucune mention quant à la nature de la panne et de l'intervention ou quant au montant de la facture. L'autre fiche est du 10 mai 2023 et fait état d'une intervention à son domicile (dépannage sur place) pour une panne de batterie et aucun montant quant à la facture.
Ainsi, ces seuls éléments ne permettent pas d'établir que M. [C] a été dans l'impossibilité d'utiliser normalement son véhicule, ni que cette situation résulterait d'une faute de la société venderesse, le défaut de conformité ne portant pas sur la batterie.
Il est en conséquence débouté de sa demande en dommages et intérêts et le jugement déféré est confirmé de ce chef.
Sur les dépens et l'article 700 du code de procédure civile
M. [C], qui succombe, est condamné aux dépens d'appel, les dispositions du jugement déféré relatives aux dépens de première instance étant par ailleurs confirmées.
Il est en conséquence débouté de sa demande au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
PAR CES MOTIFS
La cour,
Statuant par arrêt réputé contradictoire rendu par mise à disposition au greffe,
Confirme le jugement déféré en toutes ses dispositions ;
Y ajoutant,
Déboute M. [O] [C] de sa demande au titre des réparations du véhicule ;
Déboute M. [O] [C] de toutes ses autres demandes ;
Condamne M. [O] [C] aux dépens d'appel.
- prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.
- signé par Monsieur Philippe JAVELAS, président et par Madame Gaëlle RULLIER, greffière placée, à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.