Livv
Décisions

CA Rennes, 1re ch., 25 février 2025, n° 24/04386

RENNES

Arrêt

Autre

CA Rennes n° 24/04386

25 février 2025

1ère Chambre

ARRÊT N°

N° RG 24/04386 -

N°Portalis DBVL-V-B7I-VAZ3

Me [T] [E]

C/

S.E.L.A.R.L. [D] [H]

CONSEIL DE L'ORDRE DES AVOCATS DU BARREAU DE QUIMPER

Copie exécutoire délivrée

le :

à :

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE RENNES

ARRÊT DU 25 FEVRIER 2025

COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ

Président : Monsieur Fabrice ADAM, Premier Président de chambre,

Assesseur : Monsieur Philippe BRICOGNE, Président de chambre,

Assesseur : Madame Caroline BRISSIAUD, Conseillère,

GREFFIER

Madame Elise BEZIER, lors des débats et lors du prononcé

DÉBATS

A l'audience publique du 28 janvier 2025, après acceptation des parties, devant Monsieur Fabrice ADAM et Madame Caroline BRISSIAUD, magistrats rapporteurs, tenant seuls l'audience, sans opposition des représentants des parties et qui a rendu compte au délibéré collégial

ARRÊT

Contradictoire, prononcé publiquement le 25 février 2025 par mise à disposition au greffe

****

APPELANT

Maître [T] [E]

[Adresse 1]

[Localité 6]

Représenté par Me Philippe LE GOFF de la SELARL CRESSARD DUTTO LE GOFF, AVOCATS, Plaidant, avocat au barreau de RENNES et par Me Luc BOURGES de la SELARL LUC BOURGES, Postulant, avocat au barreau de RENNES

INTIMÉS :

S.E.L.A.R.L. [D] [H] anciennement dénommée S2JO, société d'exercice libéral, inscrite au registre du commerce de QUIMPER sous le numéro 480.313.808 et inscrite à l'ordre des avocats du barreau de Quimper, représentée par sa gérant Me [H] domiciliée en cette qualité au siège

[Adresse 2]

[Localité 6]

Représentée par Me Alain COROLLER-BEQUET de la SELAS ALEMA AVOCATS, avocat au barreau de QUIMPER

FAITS, PROCÉDURE ET PRÉTENTIONS DES PARTIES :

Me [T] [E], alors avocat au barreau de Quimper depuis 1978, a constitué le 17'décembre 2004 la société d'exercice Selarl Société juridique et judiciaire de l'Ouest (S2JO) dont il détenait la totalité du capital. Souhaitant cesser son activité professionnelle, il a décidé, en 2020, de vendre son cabinet.

Ayant appris par un confrère ce projet de cession, Me [D] [H], avocate depuis 2005 qui avait exercé un temps au barreau de Quimper, s'est rapprochée de Me [E] auquel elle a adressé, le 6'septembre 2020, une lettre d'intention à laquelle une suite favorable a été réservée.

Suivant acte sous seing privé du 26 septembre 2020, Me [E] a promis de céder à Me'[H], avant le 31'décembre suivant, la totalité des parts de sa société d'exercice moyennant le prix ferme et définitif de 80'000'euros. À cet acte a été joint un projet de garantie de passif d'une durée de trois ans, la garantie étant plafonnée à la somme de 20'000'euros avec un seuil de déclenchement de 2'000'euros.

Me [H] a acquis le 5'octobre 2020 une première part du capital de la Selarl S2JO tout en continuant d'exercer sa profession à [Localité 5].

Elle a acquis les 99'autres parts formant le capital de la société le 26'décembre 2020, cette cession étant soumise aux clauses et conditions de la convention cadre du 26'septembre 2020 et à la garantie de passif qui en est l'accessoire.

Des désaccords entre les parties étant apparus notamment à l'occasion de l'établissement du bilan de l'exercice 2020, Me [H] a saisi, le 26'août 2021, le bâtonnier de l'ordre des avocats au barreau de Quimper d'une demande de conciliation. Celle-ci ayant échoué (15'mars 2022), Me'[H] et sa société d'exercice ont saisi, le 3'mai 2022, le bâtonnier pour régler leur différend. Ce dernier a déclaré, par décision du 4'novembre 2022, la demande irrecevable, retenant que l'acte de cession comportait une clause de médiation préalable désignant le centre de médiation de [Localité 7] qui n'avait pas été préalablement mise en 'uvre. Après échec de la médiation (23'septembre 2023), la Selarl S2JO a, par requête reçue le 9'janvier 2024, saisi le bâtonnier de l'ordre des avocats au barreau de Quimper aux fins de règlement du différend l'opposant à M.'[E], les difficultés portant sur une demande de restitution de prélèvements effectués par Me [E] au titre de sa rémunération (en excédant de la somme prévue) et du dividende (acquis au cessionnaire), du plan d'épargne d'entreprise, de sommes indûment payées à la bailleresse, la société Le Chat Blanc, détenue par les époux [E] (électricité, location, charges locatives, taxe foncière, ménage) ou pour le compte du cédant personnellement (charges personnelles': fournitures et assurance responsabilité civile). Elle sollicitait également une somme de 1'650'euros au titre de la garantie de passif.

Le bâtonnier a prorogé, le 3'avril 2024, de quatre mois le délai pour statuer.

Par décision de règlement de différend entre avocats du 28'juin 2024, le bâtonnier de l'ordre des avocats au barreau de Quimper a':

- déclaré recevables les demandes, fins et prétentions de la Selarl [D] [H], s'est déclaré compétent pour statuer sur les demandes, fins et prétentions de la Selarl [D] [H],

- condamné Me [E] à verser à la Selarl [D] [H] la somme de 22'539'euros au titre des prélèvements de Me [E] au titre de sa rémunération, avec intérêts au taux légal à compter du 1er juillet 2021, date à laquelle la demande de remboursement lui a été présentée,

- condamné Me [E] verser à la Selarl [D] [H] la somme de 16'285,15'euros au titre de l'indu sur le résultat, avec intérêts au taux légal à compter du 1er juillet 2021, date à laquelle la demande de remboursement lui a été présentée,

- condamné Me [E] à verser à la Selarl [D] [H] la somme de 504 euros au titre de la demande pour le plan d'épargne d'entreprise,

- condamné Me [E] à verser à la Selarl [D] [H] la somme de 4'649,70'euros HT au titre du trop-perçu de loyers par la société civile immobilière du Chat Blanc,

- condamné Me [E] à verser à la Selarl [D] [H] la somme de 2'139,48'euros HT au titre du trop payé par la Selarl à la société civile immobilière pour les frais de ménage,

- condamné Me [E] à verser à la Selarl [D] [H] la somme de 2'219,78'euros correspondant aux charges personnelles de Me [E],

- condamné Me [E] à verser à la Selarl [D] [H] la somme de 1'000'euros au titre de l'assurance responsabilité civile 2020,

- condamné Me [E] à verser à la Selarl [D] [H] la somme de 650'euros au titre de l'impayé de cotisation ordinale 2019 de Me [N],

- condamné Me [E] à verser à la Selarl [D] [H] la somme de 1'000'euros au titre de l'impayé de cotisation assurance responsabilité civile 2019,

- débouté la Selarl [D] [H] du surplus de ses demandes,

- débouté Me [E] de sa demande reconventionnelle,

- débouté la Selarl [D] [H] de sa demande au titre des frais irrépétibles et frais de comptable présentée sur le fondement de l'article 700'du code de procédure civile,

- dit n'avoir lieu à se prononcer sur la demande d'exécution provisoire.

Le bâtonnier a déclaré les demandes présentées par la Selarl [D] [H], nouvelle dénomination de la Selarl S2JO, recevables en l'état d'une clause de stipulation pour autrui figurant tant au contrat cadre qu'à la convention de garantie de passif, et a fait droit pour l'essentiel aux demandes présentées.

Me [E] a formé un recours contre cette décision par déclaration remise au greffe de la cour le 19 juillet 2024, déférant les chefs de décision l'ayant condamné à l'exception de celui relatif au plan d'épargne d'entreprise.

Un magistrat a été désigné pour instruire le dossier et un calendrier de procédure a été établi.

Aux termes de ses dernières écritures (13'janvier 2025) développées oralement lors de l'audience, Me [T] [E] demande à la cour de':

- infirmer la décision entreprise en ce qu'elle :

' déclare recevables les demandes, fins et prétentions de la Selarl [D] [H],

' se déclare compétente pour statuer sur les demandes, fins et prétentions de la Selarl [D] [H],

' condamne Me [E] à verser à la Selarl [D] [H] la somme de 22'539'euros au titre des prélèvements de Me [E] au titre de sa rémunération, avec intérêts au taux légal à compter du 1er juillet 2021, date à laquelle la demande de remboursement lui a été présentée,

' condamne Me [E] à verser à la Selarl [D] [H] la somme de 16'285,15'euros au titre de l'indu sur le résultat, avec intérêts au taux légal à compter du 1er juillet 2021, date à laquelle la demande de remboursement lui a été présentée,

' condamne Me [E] à verser à la Selarl [D] [H] la somme de 4'649,70'euros HT au titre du trop-perçu de loyers par la société civile immobilière du Chat Blanc,

' condamne Me [E] à verser à la Selarl [D] [H] la somme de 2'139,48'euros HT au titre du trop payé par la Selarl à la société civile immobilière pour les frais de ménage,

' condamne Me [E] à verser à la Selarl [D] [H] la somme de 2'219,78'euros correspondant aux charges personnelles de Me [E],

' condamne Me [E] à verser à la Selarl [D] [H] la somme de 1'000'euros au titre de l'assurance responsabilité civile 2020,

' condamne Me [E] à verser à la Selarl [D] [H] la somme de 650'euros au titre de l'impayé de cotisation ordinale 2019 de Me [N],

' condamne Me [E] à verser à la Selarl [D] [H] la somme de 1'000'euros au titre de l'impayé de cotisation assurance responsabilité civile 2019,

en conséquence':

- débouter la société [D] [H] de toutes ses demandes,

- la condamner aux dépens.

Se fondant sur les articles 31 et 32 du code de procédure civile, Me'[E] soulève l'irrecevabilité des demandes de la Selarl [D] [H] observant que':

- cette société n'est pas partie à la cession dont elle est seulement l'objet, qu'elle est donc infondée à agir sur le terrain contractuel contre le cédant des parts sociales. Elle conteste l'analyse du bâtonnier, l'acte de cession ne comportant pas de stipulation pour autrui au sens de l'article 1205 du code civil, l'hypothèse prévue par le contrat cadre étant celle de la cession des parts à un tiers. Elle observe que si la garantie de passif comporte une telle clause, elle ne peut s'appliquer que dans le périmètre de l'article 3 et ajoute que si la responsabilité personnelle du gérant devait être recherchée sur le fondement de l'article L'223-23'du code de commerce, une telle demande, présentée pour la première fois le 4'décembre 2024, serait prescrite, les faits dénoncés étant connus au jour de la cession,

- à tort, le bâtonnier s'est reconnu compétent pour statuer sur le litige opposant la Selarl à la société civile immobilière du Chat Blanc. Il observe que, contrairement à la jurisprudence citée (1re Civ., 6 décembre 2023, n° 22-19372), aucune clause compromissoire donnant compétence au bâtonnier n'a été stipulée dans ce dossier de sorte que les demandes présentées au bâtonnier de ce chef sont irrecevables,

- s'agissant de la mise en 'uvre de la garantie de passif, les demandes n'atteignent pas le seuil de déclenchement (1'650'/'2'000'euros)

Subsidiairement et au fond, Me [E] conteste la décision du bâtonnier faisant valoir, sur la demande de restitution des prélèvements effectués, que la convention du 26'septembre 2020 n'indique nullement que sa rémunération sera plafonnée à la somme de 23'000'euros et qu'il résulte d'une délibération du 30'juin 2020 que celle-ci a été fixée pour l'année 2020 à la somme de 70'000'euros notamment en raison de l'absence de collaborateur, somme qui n'a pas été dépassée, puisque sa rémunération s'est élevée à celle de 45'539'euros, et que la société était en mesure de régler, le seul engagement pris portant sur l'existence d'un compte courant créditeur de 7'265'euros au jour de la cession ce qui a été respecté (+ 24'775'euros).

Sur la demande présentée au titre de l'affectation des résultats, il rappelle que la société n'est pas recevable à solliciter les dividendes revenant à l'actionnaire. Il observe qu'il ressort du bilan qu'il a perçu une rémunération de 45'539'euros alors qu'il pouvait prétendre à la somme de 70'000'euros et qu'il est normal que le fruit de son travail lui revienne ce que la cession de la part sociale du 5 octobre 2020 a prévu': «'le cessionnaire aura droit aux dividendes mis en payement pendant les exercices ultérieurs à celui clos au 31 décembre 2020'».

Concernant les charges indues, il s'oppose à la demande arguant de ce que le montant de sa rémunération est inférieur au plafond. Il ajoute que l'équilibre de la convention a été respecté.

Il fait enfin valoir que le seuil de déclenchement de la garantie de passif n'a pas été atteint.

Aux termes de ses dernières écritures (14 janvier 2025) développées lors de l'audience, la Selarl [D] [H] demande à la cour de':

- confirmer la sentence arbitrale du bâtonnier de l'ordre des avocats du barreau de Quimper en date du 28 juin 2024 sur :

' la recevabilité de ses prétentions,

' la compétente du bâtonnier pour statuer sur toutes ses demandes,

' la condamnation de Me [E] à payer les sommes de :

- 22'539'euros sur la rémunération qui s'est attribuée à tort,

- 16'282,15'euros qu'il a perçus à tort et qu'il s'était engagé à rembourser,

- 504 euros pour le plan épargne entreprise,

- 4'649,70'euros pour les locations immobilières,

- 2'139,48'euros pour les factures de ménage,

- l2'219,78'euros pour les charges personnelles de Me [E],

- 1'000'euros pour l'assurance responsabilité civile,

- infirmer la sentence arbitrale du bâtonnier qui l'a déboutée sur les chefs de son dispositif suivants les factures d'électricité, les charges locatives, les taxes foncières et les fournitures administratives.

statuant à nouveau sur les chefs de la sentence dont la réformation est demandée et en application des dispositions précitées':

- condamner Me [E] à lui payer les sommes de':

- 4'556,35 euros pour les factures d'électricité,

- 4'560'euros pour les charges locatives,

- 3'214'euros pour les taxes foncières,

- 5'500'euros pour les fournitures administratives,

- condamner Me [E] à payer à la Selarl [D] [H] la somme de 6'000'euros, au titre de l'article 700 du code de procédure civile, outre les honoraires de son conseil, à payer au cabinet comptable la somme de 750'euros HT pour présenter de nouveaux comptes, outre les dépens de l'appel.

La Selarl [D] [H] conteste la fin de non recevoir soulevée, précisant que la convention de garantie qui porte non seulement sur le passif mais également sur l'exactitude des déclarations, comporte en son article 5, une clause de stipulation pour autrui et plus particulièrement au profit de la société de sorte que, conformément aux articles 1103, 1205 et 1206 du code civil, elle bénéficie d'un droit direct à l'égard de Me'[E]. Elle soutient, en tout état de cause, qu'en s'octroyant une rémunération indue, ce dernier a causé un préjudice à la société dont elle peut demander réparation, moyen qui n'est, en rien, nouveau.

Elle fait valoir que Me [E] s'était engagé à ne pas modifier sa rémunération (article 7 du contrat cadre), c'est à dire à la maintenir à la somme de 23'000'euros comme en 2019 (bilan exercice 2019), alors qu'elle a été portée à la somme de 45'539'euros à la suite de deux prélèvements effectués en novembre et décembre 2020. Elle ajoute que le procès verbal du 30 juin 2020 n'a jamais été porté à sa connaissance et qu'il ne figure d'ailleurs pas dans les pièces qui lui ont été transmises le 7 septembre 2020 ni dans les dossiers dont l'accès lui a été ouvert (accès clerc ne permettant pas d'accéder au dossier personnel de Me [E]) de sorte qu'elle n'avait aucun moyen de connaître la rémunération revendiquée. Contestant les arguments soutenus, elle sollicite la restitution de la somme de 22'539'euros.

Sur l'affectation du résultat, elle rappelle que le prix des parts est ferme et définitif et qu'aux termes de l'article 5-10 du contrat cadre, le cessionnaire a seul droit à tous les dividendes mis en distribution à compter de la date de cession. Aucun dividende n'ayant été mis en distribution en 2020, elle estime que le résultat de l'exercice clos le 31 décembre 2020 revient donc au cessionnaire. Elle ajoute que si Me [H], qui n'avait en mars 2021 aucune procuration sur le compte, a approuvé un virement de 16'282,15'euros au profit de Me [E], c'est dans l'ignorance de la situation. Elle estime ce prélèvement indu et en sollicite la restitution comme d'ailleurs Me'[E] s'y était engagé.

S'agissant des charges injustifiées qu'elle a réglées, elle soutient que le bâtonnier était compétent pour en connaître dès lors qu'il s'agit bien d'un différend entre avocats né à l'occasion de l'exercice de leur profession, peu importante la circonstance que le bailleur soit une société civile immobilière, Me [E] ayant affirmé qu'il avait toujours géré la Selarl conformément aux lois et règlements applicables et que les comptes de celle-ci étaient réguliers. Elle fait, en conséquence, valoir que le règlement de sommes versées à tort au profit d'une société dont son gérant était l'associé et le dirigeant (différentiel de loyer de 309,98'euros/mois indu pendant quinze mois, ménage réglé pour la totalité des locaux et non pour les seuls locaux qu'elle occupe). Elle expose également avoir indûment réglé des charges incombant personnellement à Me [E] (cotisations personnelles, téléphonie, assurance responsabilité civile professionnelle).

Elle ajoute qu'à tort, le bâtonnier a rejeté les factures d'électricité qu'elle a réglées pour la totalité des locaux, des provisions sur charges excédant le montant fixé au bail ainsi que la taxe foncière pour la totalité de l'immeuble de même que les charges de photocopie pour l'ensemble des occupants.

Elle renonce à sa demande concernant la garantie de passif puisque le seuil de 2'000'euros permettant le déclenchement de la garantie n'est pas atteint.

L'ordonnance de clôture a été rendue le 14 janvier 2025.

L'affaire a été prise en audience publique conformément à la demande des parties.

La cour a demandé à l'audience à la Selarl [D] [H] de préciser le fondement juridique de ses demandes ce à quoi le conseil de l'appelante a répondu qu'il s'agissait de la répétition de l'indu et non d'une action en responsabilité contre l'ancien gérant.

SUR CE :

La promesse synallagmatique de cession de titres de la Selarl S2JO conclue le 26'septembre 2020 entre M.'[E] et Mme [H] (le contrat cadre selon cette dernière) contient les éléments et stipulations suivants':

- «'la société est uniquement débitrice d'une avance financière consentie par son associé unique dont le montant s'élevait à 4'685'euros au 31'décembre 2019. Cette avance sera portée à une somme de 13'000'euros pour permettre la prise en charge de toutes les cotisations personnelles sociales et autres du cédant'»,

- (article 2 - Déclarations)': «'l'engagement d'acquisition de l'acquéreur et le prix de cession des titres [80'000'euros] ont été déterminés en considération notamment':

' du bilan clos au 31 décembre 2019 de la société qui fait état de...

' des déclarations et garanties données par le vendeur à l'acquéreur dans le présent protocole et dans la convention de passif ci-annexée'»,

- (article 5 - Remboursement du compte courant d'associé)': «'les avances consenties par le cédant à la société feront, s'il en existe, l'objet d'un arrêté de comptes au jour du transfert de propriété des titres. Elles lui seront remboursées en totalité à cette date sur production de cet arrêté de comptes certifié exact par l'expert-comptable de la société déduction faite du règlement des charges du gérant (cotisations sociales et autres de toutes natures)'»,

- (article 5 bis - Distribution de dividendes)': «'le cessionnaire aura seul droit à tous les dividendes mis en distribution à compter de la date de la cession'»,

- (article 7 - Période intercalaire': engagements, déclarations et garanties du cédant au profit du cessionnaire)': «'le cédant déclare que la société a mené son activité depuis la clôture du dernier exercice social dans des conditions normales, conformément à ses pratiques antérieures et que la société n'a pas, depuis cette date et sans que la liste soit limitative':

' modifié la consistance de son patrimoine...

' modifié les conditions et modalités de son exploitation... par des augmentations de la rémunération des dirigeants de la société sous quelque forme que ce soit...

Le cédant s'engage, par ailleurs, à compter de ce jour et jusqu'à la date de cession...

' à ne pas décider, dans la société, des augmentations de salaires non imposées par la Loi, la Convention collective ou un contrat de travail actuellement en vigueur et/ou de la rémunération des dirigeants de la société sous quelque forme que ce soit..';

Le cédant déclare et garantit que toutes les énonciations de la convention de garantie ci-jointe sont sincères et véritables à la date des présentes et le demeureront jusqu'au jour du transfert des titres.

Le cédant déclare également qu'au jour du transfert des titres...

' la situation de trésorerie sera d'un montant de 7'265'euros (compte de référence 31 12 2019) »,

(article 14 - Garantie de passif)': «'Le cession des titres est garantie sous les conditions ordinaires de fait et de droit en pareille matière. Il est expressément convenu entre les parties que la cession des titres sera, en outre, assortie d'une garantie de passif selon extrait d'acte ci-joint qui sera donnée par le cédant qui s'y oblige (annexe 10)'».

La convention de garantie de passif annexée (mais dont les exemplaires remis, de part et d'autre, à la cour ne sont ni datés ni signés) renvoie au protocole de cession des titres de la Selarl S2JO signé le 26 septembre 2020 précisant «'au titre des engagements complémentaires à cette cession et sans la signature desquels la Bénéficiaire n'aurait pas accepté de se porter acquéreur des titres cédés, les parties sont convenues de la signature du présent acte de déclarations et garantie(ci-après dénommé la Garantie). Le Garant reconnaît que toutes les déclarations, certifications et attestations faites et réitérées aux présentes, toutes les garanties données et obligations assumées par lui aux termes de la Garantie et dans tous les actes établis pour sa mise en 'uvre, sont considérés comme étant de l'essence même de cette convention. Les parties précisent que la société clôture son exercice social le 31 décembre de chaque année et que pour l'application de la garantie, elles se réfèrent aux comptes sociaux arrêtés au 31 décembre 2019, ci-après dénommés les Comptes'».

Il est notamment stipulé à l'article 1er (Déclarations, certifications et attestations) que «'j.'aucune augmentation des rémunérations et pensions dues par la société à un mandataire social actuel, aucune opération entre la société et le garant autrement qu'à des conditions normales et dans le cours normal des affaires'», à l'article 2, que la garantie est consentie pour une durée de trois ans soit jusqu'au 31 décembre 2023. L'article 3 précise l'étendue de la garantie et l'article 4 le seuil de déclenchement et son plafond. Il est enfin précisé à l'article 5 que la «'garantie est stipulée au choix du bénéficiaire soit, en tout ou en partie à son profit exclusif... soit en tout ou en partie au profit exclusif de la société ou de toute autre personne qui lui serait substituée...'».

L'acte de cession de part sociale du 5 octobre 2020 conclu entre les parties portant sur une part de la Selarl S2JO dispose que «'le cessionnaire aura droit aux dividendes mis en payement pendant les exercices ultérieurs à celui clos au 31 décembre 2020'».

L'acte de cession de parts sociales du 26 décembre 2020 précise que «'le cessionnaire [Mme'[H]] sera propriétaire des 99 parts cédées à compter du 1er janvier 2021 et subrogés dans tous les droits et obligations attachés à ces parts, sans exceptions ni réserves... Il jouira à compter du 1er janvier 2021 de tous les droits attachés à sa qualité d'associé'».

A ' sur les sommes réclamées à M. [E] de son chef':

Sur l'irrecevabilité des demandes de la Selarl [D] [H]':

Sollicitée par la cour sur ce point, la Selarl [D] [H] a précisé qu'elle fondait sa demande sur la répétition de l'indu, soutenant avoir versé indûment des sommes qu'elle ne devait pas et non, comme le développe Me [E], sur le fondement des dispositions de l'article L'223-22'du code de commerce
1:

« Les gérants sont responsables, individuellement ou solidairement, selon le cas, envers la société ou envers les tiers, soit des infractions aux dispositions législatives ou réglementaires applicables aux sociétés à responsabilité limitée, soit des violations des statuts, soit des fautes commises dans leur gestion ».

, c'est à dire sur la responsabilité du gérant à raison de fautes de gestion par lui commises.

À la différence de cette dernière action, prescrite par trois ans (article L 223-23 du code de commerce), l'action en répétition de l'indu se prescrit suivant le droit commun (article 2224 du code civil) par cinq ans (2e Civ., 26 novembre 2020, n° 19-19520).

Il s'ensuit que l'action de la Selarl [D] [H], fondée sur la répétition de l'indu, est recevable. Il sera ajouté qu'il importe peu que cette société, solvens, ne soit pas partie à l'acte de cession de parts sociales et que cet acte ne comporte pas, à la différence de la garantie de passif, de stipulation pour autrui au sens de l'article 1205 du code civil, à son bénéfice.

Sur les demandes en payement de la Selarl [D] [H]':

L'article 1302 du code civil énonce que': «'Tout paiement suppose une dette ; ce qui a été reçu sans être dû est sujet à restitution'».

L'article 1302-1 ajoute': «'Celui qui reçoit par erreur ou sciemment ce qui ne lui est pas dû doit le restituer à celui de qui il l'a indûment reçu'».

Aux termes de l'article 1302-2': «'Celui qui par erreur... a acquitté la dette d'autrui peut agir en restitution contre le créancier... La restitution peut aussi être demandée à celui dont la dette a été acquittée par erreur'».

Enfin, il résulte de l'article 1302-3 que la restitution (qui est soumise aux règles de preuve fixées aux articles 1352 à 1352-9) peut être réduite si le paiement procède d'une faute.

Il ressort de ces dispositions que l'action en répétition de l'indu est dirigée contre celui qui a reçu à tort le payement ou, à défaut, contre celui dont la dette a été acquittée par erreur.

a ' demande de restitution de la somme de 22'539'euros au titre de la rémunération perçue':

Il n'est pas contesté et il ressort du grand livre général de la Selarl S2JO arrêté au 31 décembre 2020 que Me [E] a perçu au titre de l'exercice 2020, en sa qualité de gérant de la Selarl S2JO, une rémunération globale de 45'538,78'euros.

Si Me'[E] fait valoir, à bon droit, que cette somme est inférieure à celle qu'il a été autorisé à percevoir en application de la décision de l'associé unique du 30 juin 2020 («'l'associé unique décide que le montant de la rémunération servie au gérant est fixée à la somme maximale de 23'000'euros au titre de l'exercice 2019. Pour l'exercice en cours et compte tenu de l'absence de collaborateur depuis le mois de septembre 2019
2: Correspondant au départ de Me [N], avocate collaboratrice.

, l'associé unique décide que le montant de la rémunération servie au gérant sera fixée à 70'000'euros, soit 5'833'euros par mois, proratisée au temps restant à courir jusqu'à la signature de la cession de contrôle en cours et sous réserve que la trésorerie le permette'»), force est de constater que non seulement cette décision ne fait pas partie des documents portés à la connaissance de l'acquéreur en septembre 2020 lors des échanges entre les parties puis de la signature de la convention de cession de parts sociales, mais encore qu'elle est contraire aux engagements souscrits et rappelés ci-dessus dont il ressort, d'une part, que les parties se sont expressément référées aux comptes sociaux arrêtés au 31 décembre 2019 et que ces comptes faisaient état d'une rémunération du gérant de 23'000'euros et, d'autre part, que Me'[E] a affirmé qu'aucune augmentation de sa rémunération n'avait eu lieu et qu'il s'est engagé à ne décider d'aucune augmentation jusqu'à la date de la cession.

En l'état des déclarations du cédant et des engagements qu'il a ainsi souscrits à l'égard du cessionnaire, il importe peu que la société S2JO ait eu la capacité de supporter financièrement une telle augmentation ou que celle-ci fût justifiée par le départ de Me [N], collaboratrice salariée et le surcroît de travail (réel) supporté par Me'[E], lesdits engagements constituant l'accord et donc la loi des parties.

La somme de 22'539'euros ayant été indûment perçue en sus de celle de 23'000'euros sur laquelle le cédant s'était engagé, c'est à bon droit que le bâtonnier de Quimper l'a condamné à la restituer, outre intérêts au taux légal à compter du 1er juillet 2021, date de la mise en demeure.

La décision sera donc confirmée de ce chef.

b ' demande de remboursement du prélèvement effectué le 17 mars 2021 (au titre de l'affectation du résultat'')':

Il n'est pas contesté que Me [E] a perçu, par virement du 17 mars 2021, une somme de 16'282,15'euros sur la trésorerie de la société. Ce virement apparaît sur l'extrait de relevé de compte courant LCL ouvert au nom du cabinet d'avocat [T] [E] que le Selarl [D] [H] produit aux débats
3:

Seule la page 2/4 de ce relevé de compte est produite... contrairement à ce que l'énoncé figurant au bordereau pourrait laisser croire. Ce relevé de compte est produit en entier par Me [E].

(sa pièce n° 7).

La cause de ce payement n'est pas claire. Il ne peut s'agir':

- ni de l'affectation du résultat puisqu'à cette date le bilan de l'exercice 2020 de la Selarl S2JO n'était pas encore arrêté, celui-ci ne l'ayant été définitivement que le 30 novembre 2021 (pièce n° 38 de la Selarl [D] [H]
4:

La Selarl [D] [H] fait état dans ses écritures, page18/32, de projets de bilans faisant ressortir des résultats très différents : 14 470 et 13 738 euros au lieu de 31 148 euros dans le bilan définitif... M. [E] produit en pièce 20 le premier de ces projets. Ce document ne précise pas la date à laquelle il a été établi.

) par l'IGAM de [Localité 3],

- ni de la rémunération de M'[E] laquelle avait fait l'objet d'autres mouvements, pour partie contestés (cf. supra), en 2020.

Il ressort des échanges de SMS avec [V] [K]
5:

Clerc employée par le cabinet cédé, titulaire de la signature sur le compte de la société (cf. convention du 26 septembre 2020, page 5).

versés aux débats (pièce n° 9 de l'appelant) et de la note adressée par M.'[E] le 2 juin 2021 (pièce n° 9 de l'intimée) que cette somme correspond au partage du compte courant créditeur de la société ouvert à la banque LCL peu avant sa clôture, Me'[H] ayant pris la décision d'ouvrir un nouveau compte au nom de la Selarl S2JO dans un autre établissement (Crédit mutuel''), ce compte présentant (en mars 2021) un solde positif de 36'890,15'euros que les parties se sont partagés ainsi': 16'282,15'euros pour M.'[E] et 20'608'euros au bénéfice de la Selarl S2JO.

Il sera rappelé que ce partage a été effectué avec l'accord de Me [H] (comme elle le reconnaît), qui précise toutefois avoir commis une erreur dont elle ne se serait rendu compte que lorsque le comptable l'aurait interrogée sur sa justification.

Pour justifier ce partage et donc la somme qu'il a perçue, M.'[E] rappelle notamment qu'aux termes l'article 7 (précité) de la convention du 26 septembre 2020, il s'était engagé à ce que la société disposât à la date de la cession d'une trésorerie de 7'265'euros, d'un montant bien inférieur à sa trésorerie effective, fruit de son travail.

Il sera toutefois observé qu'à la date du 31 décembre 2020, cette trésorerie ne s'élevait pas à la somme de 36'890,15'euros comme évoqué dans l'échange de sms, mais, selon le bilan définitif arrêté au 31 décembre 2020, à celle de 24'776'euros (pièce n° 38 de la Selarl [D] [H]) qui reste cependant largement supérieure au montant stipulé.

La Selarl [D] [H] prétend que M. [E] s'était engagé à lui rembourser le montant perçu. Cependant la pièce dont elle fait état n'est pas aussi claire qu'elle le prétend et renvoie à la signature d'un accord global entre les parties qui n'a jamais été trouvé (pièce n° 37 de l'intimée) : « Je pensais effectivement vous faire un virement mais je souhaitais un règlement définitif de nos différents (sic)... J'ai cru comprendre qu'un protocole devait m'être proposé... et nous avions à de multiples reprises évoqué ma rémunération par rapport à celle de 2019...».

La gérante de la société S2JO ayant donné son accord pour effectuer le virement litigieux sans s'interroger plus avant sur sa raison d'être et n'ayant, de surcroît, pas vérifié le montant des disponibilités à la date de référence convenue entre les parties (fin décembre 2020), a incontestablement commis une faute au sens de l'article 1302-3 du code civil de sorte que la restitution sera limitée à 50'% du montant réclamé, soit à la somme de 8'141,07'euros outre intérêts au taux légal à compter du 1er juillet 2021.

c ' demandes relatives au remboursement de charges personnelles de M.'[E]':

À ce titre, la Selarl [D] [H] sollicite le payement de diverses sommes':

- une somme de 1'019,78 euros correspondant à diverses charges personnelles de M.'[E] qu'elle a supportées en 2021 (Orange, Gan Prévoyance, Nexity, CNBF),

- une somme de 1'200'euros correspondant à la cotisation ordinale 2020 de M.'[E] qu'elle a réglée en 2021,

- une somme de 1'000'euros correspondant à la cotisation d'assurance responsabilité civile 2020 qu'elle a payée en 2021,

- une somme de 5'500'euros au titre de fournitures administratives (photocopies).

Bien que (prétendument) réglées à des tiers, ces sommes peuvent faire l'objet de l'action en répétition de l'indu contre le débiteur de la dette, ce en application des dispositions de l'article 1302-2 in fine (La restitution peut aussi être demandée à celui dont la dette a été acquittée par erreur).

S'agissant de la première de ces sommes, le bâtonnier a relevé que «'rien ne justifie que la société ait supporté le paiement de telles charges personnelles'» avant, malgré tout, de condamner M.'[E] à rembourser leur montant.

Devant la cour, il est justifié des prélèvements effectués sur le compte LCL Cabinet [T] [E] (pièces 16-1 à 16-8 de l'intimée), postérieurs au 1er janvier 2021, dont s'agit':

- quatre prélèvements, les 5 janvier, 5 février, 5 mars et 5 avril 2021, de 133,87 euros chacun au bénéfice de la société Gan Prévoyance,

- quatre prélèvements Orange de 65,95'; 57,97'; 79,39 et 56,99'euros en janvier, février, mars et avril 2021,

- deux prélèvements CNBF de 53,08 euros chacun les 29 janvier et 25 février 2021,

- un chèque de 117,84 euros payé le 20 janvier 2021 à la société Nexity correspondant à un appel fonds travaux du par M.'[E] au profit d'un syndicat des copropriétaires ([Adresse 4] à [Localité 6]),

soit au total la somme de 1'019,78'euros.

M.'[E] qui ne discute pas dans ses écritures que le règlement de ces différentes sommes lui incombait personnellement, ne peut sérieusement s'opposer à l'action entreprise contre lui en répétition de l'indu.

S'agissant des deux sommes relatives à la cotisation ordinale 2020 et à la cotisation assurance responsabilité civile 2020, il résulte d'un courrier adressé par le bâtonnier de Quimper le 12 janvier 2021 à Me'[E] que ce dernier a laissé impayés ses appels de cotisations 2020 (ainsi que celles de l'année 2019...) et que ceux-ci ont été payés par chèque n° 5494434 tiré le 21 janvier 2021 sur le compte LCL et payé le 28 janvier 2021 (chèque de 4'400'euros).

Ces sommes (2'200'euros) étaient personnellement dues par M.'[E]. Il se déduit cependant de l'article 5 de la convention du 26 septembre 2020 que les cotisations personnelles du gérant seraient payées par la société par prélèvement sur le compte courant d'associé de ce dernier. Il résulte toutefois du bilan de l'exercice 2020 que ce compte ' qui présentait au 31 décembre 2019 un solde positif pour l'associé de 4'485'euros ' avait été totalement remboursé à l'associé à la date de la cession.

S'agissant des fournitures (coût photocopies), ce poste a été rejeté par le bâtonnier au motif, d'une part, qu'il n'était pas démontré que d'autres locataires des locaux aient utilisé le copieur loué par la Selarl S2JO et, d'autre part, qu'en toute hypothèse, il était impossible de connaître le coût strictement imputable à la Selarl.

L'examen des comptes des exercices clos les 31 décembre 2019
6:

Pièce n° 3 de M. [E], page 13 détail du compte de résultat

et 31 décembre 2020
7:

Pièce n° 38 de la Selarl [D] [H], page 13 détail du compte de résultat

font apparaître au titre des «'fournitures administratives'» (ligne 60640000 du plan comptable général qui comprend l'ensemble des fournitures de bureau dont le coût copie) des dépenses de respectivement 7'818'euros et 6'788'euros.

À supposer que ces dépenses correspondent à la location du copieur (ce qui est discutable) et au coût copie (ce qui, pour partie, n'est pas contestable), aucun élément ne justifie de ce que le copieur aurait été utilisé en 2019 et 2020 par d'autres occupants des locaux ni a fortiori à hauteur d'une proportion de 37,66 % (5500/14606).

C'est, dès lors, à juste titre que le bâtonnier a rejeté cette demande.

La Selarl [D] [H] est donc fondée à réclamer à M. [E], au titre des charges personnelles de ce dernier, la somme de 3'219,78'euros, la décision étant confirmée de ces chefs.

B ' sur les sommes réclamées à M. [E] du chef de la société civile immobilière du Chat Blanc':

La Selarl [D] [H] sollicite la condamnation de M.'[E] à lui rembourser certaines sommes versées à tort à la société civile immobilière du Chat Blanc, bailleresse des locaux dans lesquels elle exploite son activité':

- une somme de 4'649,70'euros versée en sus du montant du loyer stipulé,

- une somme de 2'139,48'euros versée au titre de frais de ménage en sus de la quote-part lui incombant,

- une somme de 4'556,35'euros versée au titre des factures d'électricité en sus de la quote-part lui incombant,

- une somme de 4'560'euros versée en sus des charges locatives stipulées,

- une somme de 3'214'euros au titre de taxes foncières.

Il convient, préliminairement et sur la compétence du bâtonnier (que M.'[E] conteste), de relever qu'il ne s'agit pas d'une action opposant preneur et bailleur, qu'elle n'est, en effet, pas dirigée contre la société civile immobilière du Chat Blanc, bailleresse, mais contre M.'[E] à raison de sommes qu'il a indûment payées, en méconnaissance des règles de bonne gestion qu'il a pourtant affirmé avoir observées.

Une telle action entreprise par une société d'exercice d'avocat contre l'avocat qui en détenait le capital, portant sur un différend né à l'occasion de l'exercice de leur profession puisque se rapportant à la cession des parts sociales de ladite société d'exercice, relève de la compétence du bâtonnier.

La décision sera donc confirmée en ce qu'elle a rejeté l'exception d'incompétence soulevée et déclaré le demande recevable.

Pour autant et sur le fond, la Selarl [D] [H] se garde bien de préciser, s'agissant de cette demande, le fondement juridique de son action, évoquant le respect des déclarations souscrites par le cédant et la conformité des comptes aux dispositions du code de commerce.

À l'évidence, cette action ne peut être fondée sur la répétition de l'indu, le bénéficiaire des payements contestés n'étant pas M.'[E], mais la bailleresse, société civile jouissant de la personnalité morale, peu importante la circonstance tirée du fait que ce dernier en soit le gérant et qu'il détienne partie des parts sociales qui en composent le capital. Il sera observé que l'appelant n'est pas davantage redevable de ces payements dont il est soutenu soit qu'ils sont injustifiés (loyers payés supérieurs au loyer stipulé), soit qu'ils incombaient à des tiers (autres locataires de bailleresse).

Cette action ne peut non plus être fondée sur la qualité d'ancien gérant de la Selarl S2JO de M'[E] puisqu'une telle action ' que l'intimée a d'ailleurs exclu expressément lors des débats ' serait prescrite, faute d'avoir été introduite dans le délai de trois ans de l'article L 223-23 du code de commerce.

Il convient, par ailleurs, de rappeler ' comme le rappelle M.'[E] ' que la Selarl [D] [H] n'est pas partie à la cession, que la demande ne peut donc être fondée sur la responsabilité contractuelle du cédant à l'égard du cessionnaire à raison des déclarations prétendument fausses (ou inexactes) qui lui sont reprochées.

Enfin et à supposer que la Selarl [D] [H] agisse sur le terrain quasi-délictuel ' qui suppose la démonstration d'une faute, d'un préjudice et d'un lien de causalité entre la faute et le préjudice ' à raison des déclarations souscrites par le cédant comme quoi les comptes de la société ont été établis conformément aux lois et règlements en vigueur et donnent une image fidèle de l'état des affaires, du patrimoine, de la situation financière et du résultat de la société, force est alors de relever que le lien de causalité entre la faute résultant du caractère (supposé) erroné de ces déclarations et le préjudice revendiqué consistant en des payements indus effectués au cours des exercices précédents n'est nullement établi.

En effet, le préjudice résultant d'une telle faute ne peut consister qu'en des dommages et intérêts qui seraient, au demeurant, alors difficilement quantifiables pour la société, les payements litigieux ayant accru ses charges et réduit son résultat (ou aggravé son déficit) et pu altérer son crédit, tous points que n'évoque nullement la Selarl [D] [H] et dont elle ne prouve nullement l'incidence.

Cette dernière ne peut qu'être déboutée de sa demande de ce chef et la décision du bâtonnier, qui y a fait droit, doit être infirmée.

C ' sur la garantie de passif':

Le bâtonnier a fait droit, se fondant sur la stipulation pour autrui insérée dans la garantie de passif à l'article 5 précité, aux demandes de la Selarl [D] [H], condamnant M. [E] à lui verser une somme globale de 1'650'euros.

L'intimée renonçant devant la cour à sa demande de ce chef dans la mesure où le seuil de déclenchement de la garantie de passif, fixé d'un commun accord à la somme de 2'000'euros, n'était pas atteint, la décision critiquée ne peut, à cet égard, qu'être infirmée.

D ' sur le plan épargne entreprise :

Il n'y a lieu de statuer de ce chef qui n'a pas été déféré à la cour par l'appelant et qui ne fait l'objet d'aucun appel incident, et ce nonobstant la demande de la Selarl [D] [H].

E ' sur les dépens et les frais irrépétibles':

Chacune des parties échouant partiellement en ses prétentions conservera à sa charge les dépens de première instance et d'appel.

La demande de la Selarl [D] [H] fondée sur l'article 700 du code de procédure civile sera, en conséquence, rejetée.

PAR CES MOTIFS :

Statuant par arrêt rendu publiquement et contradictoirement dans la limite de l'appel':

Confirme la décision rendue par le bâtonnier de l'ordre des avocats au barreau de Quimper en ce qu'elle a rejeté l'exception d'incompétence soulevée, déclaré recevable l'action de la Selarl [D] [H], a condamné M. [T] [E] à verser à cette société':

- la somme de 22'539'euros outre intérêts au taux légal à compter du 1er juillet 2021 au titre de la rémunération perçue,

- la somme de 3 219,78 euros (2 219,78 + 1 000) correspondant à des charges personnelles de M.'[E] (y compris assurance responsabilité civile de 2020),

et a rejeté la demande relative aux fournitures administratives (photocopies).

Infirme la décision du bâtonnier de Quimper pour le surplus et statuant à nouveau':

Condamne M. [T] [E] à verser à verser à la Selarl [D] [H] la somme de 8'141,07'euros outre intérêts au taux légal à compter du 1er juillet 2021 au titre du remboursement partiel du prélèvement effectué le 17 mars 2021.

Déboute la Selarl [D] [H] du chef de ses autres demandes (sommes indûment versées ou prétendues telles à la société civile immobilière du Chat Blanc, garantie de passif).

Déboute les parties de leurs autres demandes.

Dit que chaque partie conservera à sa charge les frais, compris ou non dans les dépens, par elle exposés.

Rejette en conséquence la demande présentée par la Selarl [D] [H] sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.

LA GREFFIÈRE LE PRÉSIDENT

© LIVV - 2025

 

[email protected]

CGUCGVMentions légalesPlan du site