CA Versailles, ch. civ. 1-2, 25 février 2025, n° 23/07312
VERSAILLES
Arrêt
Confirmation
PARTIES
Demandeur :
Stellantis & You France (SAS)
Défendeur :
Stellantis & You France (SAS)
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
M. Javelas
Conseillers :
Mme Thivellier, Mme Paccioni
Avocats :
Me Gomes, Me Dupuis
EXPOSÉ DU LITIGE
M. [K] [S] et Mme [H] [G] estimant que les réparations effectuées par la société Stellantis & You France, qui vient aux droits de la société PSA Retail Darl'Mat [Localité 8], sur leur véhicule n'étaient pas satisfaisantes, ont par acte du 8 juillet 2021 assigné cette dernière devant le juge des contentieux de la protection du tribunal de proximité de Boulogne-Billancourt aux fins d'obtenir sa condamnation :
- au paiement de la somme de 523,44 euros correspondant aux frais des premières réparations,
- au paiement de la somme de 1 192,55 euros correspondant aux frais consécutifs au sinistre,
- au paiement de la somme de 4 000 euros au titre du préjudice de jouissance,
- au paiement de la somme de 2 000 euros au titre de l'article 700 du nouveau code de procédure civile.
Par jugement réputé contradictoire du 9 juin 2022, le juge des contentieux et de la protection du tribunal de proximité de [Localité 8]-Billancourt a :
- débouté M. [S] et Mme [G] de l'ensemble de leurs demandes,
- condamné M. [S] et Mme [G] aux dépens.
Par déclaration reçue au greffe le 25 octobre 2023, M. [S] et Mme [G] ont relevé appel de ce jugement.
Aux termes de leurs conclusions signifiées le 19 novembre 2024, M. [S] et Mme [G], appelants, demandent à la cour de :
- infirmer le jugement déféré en ce qu'il :
- les a déboutés de l'ensemble de leurs demandes,
- les a condamnés aux entiers dépens,
Statuant à nouveau,
- condamner la société Stellantis & You France à leur verser les sommes suivantes :
* 522,44 euros en remboursement de la facture du 9 juin 2020,
* 195,08 euros au titre des frais de dépannage du 20 juin 2020,
* 2 512,56 euros au titre des primes d'assurance de juillet 2020 à novembre 2023,
* 778,27 euros au titre des frais de location de voiture du 1er au 14 août 2020,
* 93 euros au titre des frais de remorquage du 8 novembre 2023,
* 4 000 euros en dédommagement du préjudice de jouissance et préjudice moral,
- dire que ces sommes produiront intérêts au taux légal à compter de la mise en demeure du 2 décembre 2020,
- condamner la société Stellantis & You France à leur verser une somme de 3 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens dont distraction au profit de Me Florence Gomes, avocat au barreau de Nanterre.
Aux termes de ses conclusions signifiées le 20 mars 2024, la société Stellantis & You France, intimée, demande à la cour de :
- confirmer le jugement entrepris en toutes ses dispositions,
- condamner solidairement M. [S] et Mme [G] à lui verser la somme de 2 000 euros en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,
- condamner les mêmes en tous les dépens,
A titre subsidiaire,
- juger que M. [S] et Mme [G] ne justifient pas des préjudices allégués au titre des frais d'assurances et de jouissance,
- les débouter de leurs demandes.
La clôture de l'instruction a été prononcée le 10 décembre 2024.
Conformément à l'article 455 du code de procédure civile, pour plus ample exposé des faits, de la procédure et des moyens soutenus par les parties, la cour se réfère à leurs écritures et à la décision déférée.
MOTIFS DE LA DÉCISION
M. [S] et Mme [G] qui poursuivent l'infirmation du jugement, reprochent au premier juge de les avoir déboutés au motif qu'ils ne justifiaient pas de l'étendue de l'obligation de la société Stellantis à leur égard alors même que le garagiste est tenu d'une obligation de résultat, et ne peut s'exonérer qu'en prouvant qu'il n'a pas commis de faute, soulignant que la jurisprudence de la Cour de cassation rappelle que l'obligation de résultat qui pèse sur le garagiste en ce qui concerne la réparation des véhicules est à la fois présomption de faute et présomption de causalité entre la faute et le dommage, laquelle est applicable en cas de survenance ou de persistance des désordres affectant le véhicule et que ni l'incertitude sur l'origine de la panne ni la difficulté à déceler cette origine ne suffisent à écarter la double présomption pesant sur le garagiste (Civ. 1ère, 16 octobre 2024, n°23-11.712). Ils rappellent qu'ils ont déposé leur véhicule une première fois car le témoin « anti-pollution » s'était allumé et que le véhicule n'avait plus démarré, le garage ayant effectué une réparation en procédant au remplacement du boîtier de servitude moteur le 9 juin 2020 et qu'après cette intervention, le véhicule est tombé en panne à deux reprises : le 20 juin 2020 et le 12 juillet 2020, le voyant anti-pollution s'étant à nouveau allumé, en sorte que le garage a failli à son obligation de résultat. Ils ajoutent que c'est au garagiste d'apporter la preuve de l'absence de lien entre l'intervention du garagiste et la défectuosité postérieure, ce que la société Stellantis & You France ne fait pas, se contentant de critiquer les éléments communiqués sans produire elle-même des éléments techniques qui viendraient remettre en cause la présomption de faute et le lien causal. Ils concluent qu'il leur appartient seulement d'établir que le dysfonctionnement est persistant après l'intervention du garagiste, ce qu'ils font en produisant le rapport d'expertise, outre que les problèmes rencontrés concernent tous le système électrique du véhicule.
La société Stellantis & You France rétorque que si la jurisprudence estime que l'obligation de résultat du garagiste emporte présomption de faute et présomption de causalité, cette jurisprudence précise néanmoins que cette responsabilité ne s'étend qu'aux dommages causés par le manquement à son obligation de résultat, en sorte qu'il appartient à celui qui recherche cette responsabilité lors de la survenance de la nouvelle panne de rapporter la preuve que les dysfonctionnements allégués sont dus à une défectuosité déjà existante au jour de l'intervention du garagiste ou sont reliés à celle-ci. Elle ajoute que sa responsabilité ne saurait être mise en cause par le seul rapport d'expertise non contradictoire établi à la seule demande des appelants, notant que le garage est d'abord intervenu pour le remplacement du boîtier de servitude moteur, que le véhicule a ensuite parcouru 600 kilomètres et que le garage a ensuite diagnostiqué la nécessité de procéder au remplacement du calculateur d'injection, organe sur lequel le garage n'était pas intervenu précédemment, en sorte que les intimés ne rapportent pas la preuve que la société Stellantis & You France aurait manqué à son obligation de résultat.
Réponse de la cour
Il résulte de l'article 9 du code de procédure civile qu'il incombe à chaque partie de prouver conformément à la loi les faits nécessaires au succès de sa prétention.
En vertu de son contrat d'entreprise, le garagiste est tenu d'une obligation de résultat consistant à remettre le véhicule en bon état de fonctionnement, son obligation de résultat emportant à la fois présomption de faute et présomption de causalité entre la faute et le dommage dès lors que des désordres surviennent ou persistent après son intervention.
Toutefois, sa responsabilité ne s'étend qu'aux dommages causés par le manquement à son obligation de résultat. En d'autres termes, il ne saurait être responsable des pannes sans lien avec son intervention, et qui n'existaient pas ou n'étaient pas prévisibles lors de son intervention (Com., 22 janvier 2002, n° 00-13.510).
Tout rapport amiable peut valoir à titre de preuve, dès lors qu'il est soumis à la libre discussion des parties. Le juge peut s'y référer à titre d'élément de comparaison avec les autres pièces soumises à son appréciation, mais il ne peut se fonder exclusivement sur lui (Civ. 3ème, 14 mai 2020, n°19.16-279).
Il résulte des pièces produites que la recherche de panne a été effectuée pour le motif suivant « contrôle témoin défaut moteur s'allume avec démarrage difficile et depuis une semaine ne s'allume plus » et a abouti à ce que la société Stellantis & You France facture le « remplacement du boîtier de servitude moteur + forfait diagnostic » pour un montant total de 522,44 euros toutes taxes comprises le 9 juin 2020. La société Stellantis & You France est intervenue pour remplacer le boîtier de servitude moteur, le témoin défaut moteur s'allumant et le démarrage étant difficile.
Il n'apparaît ainsi pas que le système antipollution était défaillant avant cette première intervention ou que la société Stellantis & You France serait intervenue à ce titre. La cour observe à cet égard que des sms non datés produits à la procédure (pièce n° 4 des appelants) dont on ne sait ni par qui ils ont été écrits ni à qui ils ont été adressés ne peuvent servir de preuve que le système anti-pollution aurait été initialement défaillant.
Il apparaît ensuite que le véhicule a connu une autre panne, et que le garage a établi un devis pour le changement du « calculateur contrôle moteur » et son remplacement pour un montant de 1 738,57 euros que les appelants n'ont pas accepté.
Il s'ensuit que la société Stellantis & You France n'est intervenue que pour le remplacement du boîtier de servitude moteur et que les autres pannes mentionnées par les appelants ne sont pas en lien avec le boîtier de servitude moteur s'agissant soit du système antipollution qui ne s'allumerait pas ou du calculateur du contrôle moteur qui nécessiterait d'être changé.
De ce qui précède, il résulte que le véhicule de M. [S] et Mme [G], mis en circulation en 2010, présentant un kilométrage élevé, a fait l'objet d'une panne début juin 2020 nécessitant le changement du boîtier de servitude moteur, puis en juillet 2020, le calculateur d'injection a présenté un problème, nécessitant également un changement.
Dès lors, il n'est pas établi de lien entre la première panne et les autres, ni de lien entre l'intervention de Stellantis portant exclusivement sur le boîtier de servitude moteur et la panne ultérieure qui nécessitait le changement du calculateur contrôle moteur. Dès lors, cette panne ultérieure n'est pas la suite de l'intervention du garage, en sorte que sa responsabilité ne peut être recherchée.
A cet égard, le rapport d'expertise amiable, qui n'est pas corroboré par d'autres éléments de preuve et qui repose sur les déclarations des appelants, s'agissant du rapport d'expertise amiable de leur protection juridique, ne peut à lui seul servir de preuve, et ce d'autant que le rapport affirme le lien entre les différentes interventions du garage sans les étayer dans son rapport par la moindre facture ou rapport d'intervention.
Il y a donc lieu de confirmer le jugement en ce qu'il a débouté M. [S] et Mme [G] de leurs demandes, faute de pouvoir établir la responsabilité de la société Stellantis & You France.
M. [S] et Mme [G] qui succombent supporteront la charge des dépens d'appel et seront déboutés de leur demande au titre des frais irrépétibles, les dispositions à ce titre du premier jugement étant par ailleurs confirmées.
Au regard de l'équité et de la situation respective des parties, il y a lieu de les condamner à verser la somme de 1 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
PAR CES MOTIFS
La cour,
Statuant par arrêt contradictoire et mis à disposition au greffe,
Confirme le jugement déféré en toutes ses dispositions,
Y ajoutant,
Condamne M. [K] [S] et Mme [H] [G] aux dépens d'appel,
Condamne in solidum M. [K] [S] et Mme [H] [G] à verser la somme de 1 000 euros à la société Stellantis & You France, qui vient aux droits de la société PSA Retail Darl'Mat [Localité 8].
- prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.
- signé par Monsieur Philippe JAVELAS, Président et par Madame Gaëlle RULLIER, greffière placée, à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.