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Décisions

CA Riom, 1re ch., 25 février 2025, n° 23/00265

RIOM

Arrêt

Infirmation partielle

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Valleix

Conseillers :

M. Acquarone, Mme Bedos

Avocats :

Me Verdier, Me Rahon, Me Chambon, Association Montesquieu Avocats

TJ Aurillac, du 3 févr. 2023, n° 21/0054…

3 février 2023

EXPOSÉ DES FAITS, DE LA PROCÉDURE ET DES PRÉTENTIONS DES PARTIES :

Mme [S] [G] et M. [T] [C] sont propriétaires depuis septembre 2015 d'un ensemble immobilier situé [Adresse 1] dans le bourg de la commune [Localité 4] (Cantal), sur lequel ils exploitent une activité agricole (élevage d'un cheptel caprin, fabrication de fromage).

Souhaitant procéder à la rénovation d'une des deux granges jouxtant leur exploitation afin d'y établir leur domicile personnel, ils ont confié la réalisation des travaux (maçonnerie, charpente, couverture, menuiseries, électricité, plomberie) à M. [L] [P], entrepreneur individuel, suivant devis établi le 17 décembre 2017 pour un montant de 110'000 euros TTC. (Devis no 2051117).

Ce devis mentionnait la clause suivante : « Ce montant comprend l'aide du client du début à la fin des travaux ainsi que la prise en charge pour la mise à disposition d'une mini pelle et d'un télescopique ».

Le devis stipulait en outre le règlement d'un acompte de 40 % à la commande, avec cette précision, s'agissant du solde : « Les situations de travaux seront transmises chaque fin de mois et payables à réception »

M. [P] a émis le 19 décembre 2017 au titre du premier acompte une facture d'un montant de 44'000 euros, somme qui a été réglée par M. [C] et Mme [G] le 2 janvier 2018.

M. [C] et Mme [G] ont obtenu le permis de construire pour la réalisation de ces travaux en janvier 2019. M. [P] a commencé les travaux le 6 mai 2019.

M. [C] et Mme [G] se sont acquittés des factures émises par M. [P] les 21 juin et 24 juillet 2019 pour un montant respectif de 6899,40 euros et 9346 euros. Ils ont également réglé diverses factures liées au matériel nécessaire à la réalisation des travaux (facture pour le béton d'un montant de 5203 euros en date du 31 octobre 2019, facture pour la location du matériel d'élévation et de remblai en date du 31 mai 2019 pour un montant de 5187,37 euros, facture pour des matériaux en date du 26 juillet 2019, pour un montant de 676,24 euros, factures pour le carburant d' un montant total de 466,42 euros).

Les consorts [B] n'ont pas réglé en revanche la dernière facture émise par M. [P] le 5 décembre 2019 pour un montant de 3119 euros, ceux-ci considérant que les travaux n'étaient pas suffisamment avancés. Le chantier n'a pas été poursuivi au-delà du mois d'octobre 2019.

Par courrier recommandé en date du 13 mars 2020, M. [C] et Mme [G] ont interpellé M. [P] sur l'état d'avancement du chantier au regard des sommes déjà versées, rappelant qu'ils étaient sans nouvelles nonobstant leurs appels et leurs messages. Il l'ont informé du fait qu'en raison du dépassement du « délai légal de trois ans pour le déblocage du prêt », ils ne seraient pas en mesure de finir la maison, lui demandant de se manifester rapidement « pour mettre les choses au clair ». Ils ont obtenu, par avenant signé le 20 mars 2020, la renégociation de leur emprunt.

M. [C] et Mme [G] ont saisi leur assureur protection juridique qui a mandaté le cabinet Saretec pour procéder à une expertise. Dans son rapport déposé le 7 août 2020, l'expert a constaté notamment que les travaux de rénovation engagés n'étaient pas achevés et correspondaient à un avancement du chantier de 25 à 30 % des prestations prévues, considérant que le chantier avait été préfinancé à une hauteur supérieure aux travaux effectivement réalisés.

Interpellé par l'assureur par courrier du 6 juillet 2020 sur la situation, M. [P] a répondu le 13 août 2020 par l'intermédiaire de son conseil avoir exécuté les travaux à hauteur des sommes encaissées et ne pas être en mesure d'accepter la mise en demeure d'achever le chantier lui ayant été adressée.

Par acte d'huissier en date du 19 février 2021, M. [C] et Mme [G] ont saisi le juge des référés du tribunal judiciaire d'Aurillac qui a ordonné, par ordonnance du 7 mai 2021, l'organisation d'une expertise judiciaire. La mesure a été confiée à M. [Z] [F], qui a déposé son rapport le 20 septembre 2021.

Par acte d'huissier en date du 5 novembre 2021, Mme [G] et M. [C] ont fait assigner devant le tribunal judiciaire d'Aurillac M. [P] pour obtenir sa condamnation, sur le fondement des articles 1217 et 1231-1 et suivants du code civil, au paiement des sommes de 40'154,81 euros correspondant selon eux à un trop-perçu et 11'513,44 euros en remboursement des factures payées pour le béton, la location du matériel d'élévation et de remblai et divers matériaux, outre la somme de 12'000 euros en réparation de leur préjudice de jouissance.

Par jugement du 3 février 2023, le tribunal judiciaire a statué en ces termes :

- Déboute Mme [S] [G] et M. [T] [C] de leurs demandes ;

- Rappelle que l'exécution provisoire est de droit ;

- Déboute les parties de leurs demandes plus amples ou contraires ;

- Condamne in solidum Mme [S] [G] et M. [T] [C] aux entiers dépens de l'instance ;

- Dit n'y avoir lieu d'appliquer les dispositions de l'article 700 du code de procédure civile et déboute les parties de leurs demandes à ce titre.

Mme [G] et M. [C] ont relevé appel de cette décision par déclaration électronique du 13 février 2023.

La clôture de l'instruction a été prononcée par ordonnance du 28 novembre 2024.

Vu les conclusions de M. [C] et Mme [G] en date du 8 novembre 2024 ;

Vu les conclusions de M. [L] [P] en date du 12 novembre 2024.

En application des dispositions de l'article 455 du code de procédure civile, il est renvoyé aux conclusions susvisées pour l'exposé complet des prétentions respectives des parties et de leurs moyens.

MOTIFS DE LA DÉCISION :

Il sera rappelé en premier lieu qu'en application des dispositions de l'article 954 du code de procédure civile la cour ne statue que sur les prétentions énoncées au dispositif des conclusions et qu'elle n'a pas à se prononcer sur les demandes de « constater que... » ou de « dire et juger que...» lorsque celles-ci ne correspondent pas à des prétentions au sens des articles 4, 31 et 954 du code de procédure civile, mais en réalité à des moyens ou arguments invoqués au soutien des véritables prétentions.

- Sur les constatations et conclusions de l'expert judiciaire :

L'expert judiciaire relève que le devis du 17 décembre 2017, émis pour un montant de 110'000 euros TTC, fait état d'un descriptif sommaire des travaux sans détail de prix unitaire et rappelle qu'il était prévu que M. [C] apporterait son aide pour la réalisation des travaux et prendrait en charge la fourniture d'une mini pelle et d'un télescopique.

Il précise que les terrassements ont été réalisés avec la mini pelle conduite par M. [C], louée par celui-ci du 7 au 17 mai 2019 et du 30 mai au 3 juin 2019, et que les matériaux ont été approvisionnés sur le chantier avec le télescopique également loué et conduit par ce dernier.

L'expert évalue le montant total des travaux réellement exécutés à la somme de 20'093,59 euros TTC, détaillant précisément ces travaux en page 7 de son rapport.

Il indique en page 11 de son rapport :

« Indépendamment de l'acompte de 44'000 €, M. [P] a facturé pour un montant TTC de 19'364,40 € (6899,40 € + 9346 € +3119 €). Ce montant de 19'364 € correspond à mon sens au travail réellement effectué.

Aucun détail sur le devis du 17 décembre 2017 ne permet une comparaison avec la liste et les prix fournis (pièce n o 9). Il est à noter que les prix indiqués sur cette liste sont a priori des prix forfaitaires sans détail de quantité ni de prix unitaire.

Les montants sont totalement aberrants : exemple pour la démolition, M. [P] facture un total démolition de 15'485 € ce qui représente (prix de l'heure de M. [P] 49,50 €) 313 heures soit 39 jours de travail, pratiquement deux mois ! ! !

Pour les murs en pierres, M. [P] facture 14830 € pour 50. 49 m², soit 293.72/m², sensiblement le double des prix pratiqués habituellement.

Pour la pose des pierres de taille des ouvertures (voir photo page 7) et la pose de deux linteaux, M. [P] facture 7110 € (prix main-d''uvre 49. 5 €) soit 144 h, soit 18 jours de travail ! ! !

5 puits béton sont facturés 7427 € (suivant les dimensions données cela représente 5 m³) ce qui donne le mètre cube à 1485.40 €, la fouille béton de 27 ml est facturée à 5548.73 € soit 168. 98 le ml.

Il est évident que les prix facturés ne correspondent pas aux travaux exécutés, mais sont proposés pour justifier le montant total encaissé.

Les montants donnés sont incohérents au regard des quantités réalisées, M. [P] n'a pas déduit les sommes facturées de l'acompte de 44'000 € si bien que cette somme est un trop perçu. »

L'expert détaille précisément les travaux restant à réaliser, qu'il chiffre à 74'199,61 euros TTC.

Il expose en pages 12 et 14 de son rapport :

« Le devis remis par M. [P] le 17. 12. 2017 pour un montant TTC de 110'000 € , validé par les consorts [C]/[G] ne comporte aucune quantité ni prix unitaire des prestations énumérées sommairement.

Concernant l'aide du « client » du début à la fin des travaux, évoquée au devis, aucune précision n'est donnée sur le temps à passer sur le chantier, M. [P] indique que M. [C] n'était pas suffisamment présent, M. [C] affirme avoir participé comme il était convenu, il rappelle également avoir conduit les engins de chantier.

(')

M. [P] a abandonné chantier en octobre 2019 soit cinq mois après avoir commencé, M. [P] a facturé un premier acompte de 44'000 euros à la signature du contrat, puis le 1er juin 6 899. 40 €, le 10 juillet une facture de 9346 € soit en trois mois un montant total de 60'245. 40 €, pour un montant de travaux évalué à environ 20'000 €.

La fin des travaux était prévue en décembre 2019, a minima, ils auront deux ans de retard. »

Il conclut son rapport dans les termes suivants :

« Dans le cadre de l'aménagement de leur bâtiment les consorts [C]/[G] ont fait appel à M. [P].

Un devis en date du 17. 12. 2017 pour un montant de 110'000 € TTC a été validé par les maîtres de l'ouvrage qui ont versé un acompte de 44'000 €.

Les travaux ont débuté en mai 2019 ils ont été abandonnés en octobre de la même année.

En cours de travaux des acomptes ont été versés pour un montant de 16'335. 40 €, le montant total des acomptes se monte à 60'245. 40 €.

Le montant estimé des travaux réalisés se monte à environ 20'000 €.

Le montant estimé des travaux restant à exécuter se monte à environ 74'000 €.

L'assureur de M. [P] n'a pas été mis dans la cause.

M. [P] doit me communiquer ses prix unitaires et les quantités mises en 'uvre sur ce chantier ».

En réponse aux dires des parties, l'expert indique :

« Concernant l'intervention ou pas de M. [C], aucun élément ne peut confirmer ou infirmer son intervention, cela étant il conduisait les engins de chantier.

Concernant le chiffrage, je maintiens les éléments de mon rapport, rien ne peut justifier les sommes avancées par M. [P] qui facture par ailleurs de la main-d''uvre sans préciser à quoi elle correspond.

Concernant l'échafaudage, rien n'indique que M. [P] n'a pas été en mesure de le récupérer ».

(')

Il est évident que M. [P] a abandonné le chantier (') »

- Sur la demande tendant au prononcé de la résolution du contrat :

- Sur la recevabilité de la demande :

Sur le fondement de l'article 564 du code de procédure civile, M. [P] conclut à l'irrecevabilité de la demande tendant au prononcé de la résolution du contrat, comme étant nouvelle en cause d'appel.

Toutefois, la demande de résolution du contrat, présentée pour la première fois devant la cour, ne peut être considérée comme nouvelle au sens de l'article 564 du code de procédure civile dans la mesure où les demandes initiales, fondées sur les dispositions des articles 1217 et 1231-1 du code civil, ne tendaient pas à obtenir l'exécution du contrat d'entreprise mais au contraire le remboursement des sommes trop-perçues résultant de l'inexécution partielle du contrat de travaux et l'allocation de dommages et intérêts, ce qui impliquait que les demandeurs invoquaient la cessation de la relation contractuelle. La fin de non-recevoir sera dès lors rejetée.

- Au fond, sur la demande de résolution du contrat :

Selon l'article 1217 du code civil, la partie envers laquelle l'engagement n'a pas été exécuté, ou l'a été imparfaitement, peut notamment provoquer la résolution du contrat et demander réparation des conséquences de l'inexécution, ces sanctions pouvant être cumulées et n'étant pas exclusives de l'allocation de dommages et intérêts.

M. [P] fait valoir incidemment dans ses écritures que « La demande de résolution est infondée s'agissant d'un contrat partiellement exécuté. Il ne pourrait s'agir que d'une résiliation (...) ».

Il sera rappelé cependant que la demande en résiliation du contrat et celle tendant à la résolution du contrat trouvent leur fondement dans l'article 1217 du code civil et ont pour finalité commune de marquer la cessation de la relation contractuelle, étant précisé qu'il ressort par ailleurs de la lettre de l'article 1229 du code civil que la résiliation est une qualification particulière de la résolution du contrat dans le cas où les prestations échangées ont trouvé leur utilité au fur et à mesure de l'exécution réciproque du contrat, de sorte qu'il n'y a pas lieu à restitution pour la période antérieure. Cette argumentation est en conséquence inopérante.

M. [C] et Mme [G] sollicitent le prononcé de la résolution du contrat en soutenant que M. [P] a abandonné le chantier à partir du mois d'octobre 2019, après avoir encaissé des paiements pour un montant bien supérieur aux prestations déjà exécutées.

M. [P] quant à lui conteste la réalité de cette situation, faisant valoir d'une part qu'il ne disposait pas des moyens humains et matériels lui permettant de mener à bien les travaux alors que M. [C] n'a pas respecté son obligation d'apporter son aide ainsi que cela était prévu aux termes du devis, d'autre part qu'en réalité M. [C] et Mme [G] n'avaient plus les moyens de financer l'achèvement du chantier de sorte qu'il a été placé dans l'impossibilité de poursuivre les travaux. Il soutient encore qu'il a dû effectuer des prestations supplémentaires à la demande de M. [C] et Mme [G] et qu'il ne peut dès lors lui être reproché une surfacturation des travaux réalisés.

Il ressort des éléments du dossier, notamment du rapport d'expertise judiciaire, qui a confirmé à cet égard l'analyse du rapport de l'expertise amiable diligentée à l'initiative de l'assureur des appelants, que M. [P] a soumis à la signature de M. [G] et Mme [C] un devis particulièrement imprécis, ne comportant qu'un descriptif sommaire des travaux à exécuter, sans détail de prix unitaire, et encaissé dans les trois premiers mois suivant le démarrage du chantier des sommes très supérieures aux prestations réellement réalisées, sans les imputer sur l'acompte de 44'000 euros réglé dès le mois de janvier 2018. Il sera rappelé à cet égard que le devis précisait que « les situations de travaux seraient transmises chaque fin de mois et payables à réception.»

M. [P] ne peut valablement expliquer cette situation par le fait qu'il aurait seulement facturé des prestations supplémentaires exécutées à la demande de M. [C] et Mme [G] alors d'une part qu'il ne communique aucun avenant consacrant l'accord des parties sur la réalisation de travaux qui n'auraient pas été compris dans le devis initial, spécialement sommaire ainsi que l'expert l'a relevé à plusieurs reprises, d'autre part que les factures des 1er juin 2019 et 10 juillet 2019 indiquent expressément qu'elles correspondent à la réalisation des travaux concernés par le devis initial : la facture du 1er juin 2019 mentionne en effet : « objet : première tranche devis n o 2051117 », tandis que la facture du 10 juillet 2019 indique : « objet : deuxième tranche devis no 2051117 ».

Par ailleurs, M. [P] ne peut remettre en cause la réalité de la participation de M. [C] à l'exécution des travaux dans les termes prévus par le devis, alors que cet acte ne comportait aucune précision quant à l'étendue du travail en industrie que devait fournir celui-ci et qu'il est établi notamment par le rapport d'expertise que M. [C] a effectivement participé aux travaux, en particulier en conduisant les engins tels que le mini pelle, pour les travaux de terrassement, et le télescopique, pour l'approvisionnement en matériaux. En outre, l'intimé ne communique aucune pièce dont il ressortirait que M. [C] aurait été sollicité en vain pour les travaux lorsque M. [P] était lui-même présent sur le chantier.

Enfin, la position adoptée par M. [P] comporte des contradictions alors qu'il soutient que les factures émises concernaient des prestations hors devis, tout en expliquant dans ses écritures que « le reste du chantier tenait dans l'enveloppe ».

À travers l'ensemble de ces éléments, il apparaît ainsi bien établi que, comme l'indique l'expert, « Il est évident que les prix facturés ne correspondent pas aux travaux exécutés mais sont proposés pour justifier le montant total encaissé », étant rappelé que l'expert souligne également que les montants figurant au devis étaient « totalement aberrants »,

Sur les circonstances dans lesquelles le chantier a été interrompu, il est établi par les pièces communiquées, en particulier les échanges de messages entre les parties, que M. [P], qui a commencé ses travaux mois de mai 2019, n'est plus intervenu sur le chantier après le 3 octobre 2019. L'expert expose que de nombreux travaux restent à réaliser, dont le coût peut être évalué à 74'199 euros TTC.

M. [P] fait valoir à juste titre qu'il n'était pas tenu aux termes du devis par des délais d'exécution. Pour autant, il lui appartenait de poursuivre les travaux engagés. Or, il résulte des échanges entre les parties qu'à partir du mois d'octobre 2019, et nonobstant les nombreuses demandes des consorts [W] pour obtenir qu'il se déplace sur le chantier, M. [P] a multiplié les prétextes pour ne plus se présenter, invoquant successivement la présence de ses enfants pour les vacances, la prise en charge d'un chantier urgent, une blessure, une météo défavorable, et repoussant en définitive au printemps 2020 son intervention, étant observé encore que par « texto » en date du 4 mars 2020, M. [P] a fait part de son souhait de reprendre l'échafaudage resté sur le chantier.

Si M. [C] et Mme [G] ont effectivement évoqué en février 2020, puis au mois de mars 2020, des difficultés financières liées à l'expiration du délai du concours bancaire qu'ils avaient obtenu, sollicitant en outre des explications sur la facturation déjà intervenue, il ressort de leur message en date du 5 mars 2020 qu'il n'entendaient pas pour autant arrêter les travaux, mais qu'ils s'inquiétaient plutôt de la question de savoir si, au regard des sommes déjà payées, les travaux restant nécessaires à l'achèvement de leur projet pourraient être exécutés sans dépassement de l'enveloppe initialement prévue. Ainsi, dans leur message du 5 mars 2020 les appelants ont-ils indiqué à M.[P] : « L'échafaudage ne bougera pas de là tant que le chantier ne sera pas fini, pour 60'245 euros. Si tu le récupères, on est persuadé de ne pas te revoir. On attend encore ta réponse par rapport à ce qu'il reste à faire, tu nous avais dit dans la semaine' ». (sic)

M. [C] et Mme [G] ont encore relancé en vain M. [P] par messages des 6 mars et 7 mars 2020, puis par courrier recommandé en date du 13 mars 2020, dans les termes rappelés dans l'exposé du litige, M. [P] n'ayant ensuite à aucun moment manifesté son intention de reprendre le chantier, étant relevé qu'il ne s'est pas présenté aux opérations d'expertise amiable, au cours desquelles cette solution aurait pu être envisagée ; il s'est en effet excusé téléphoniquement auprès de l'expert pour son absence quelques heures avant l'expertise.

Il ressort enfin des termes du courrier du conseil de M. [P] en date du 13 août 2020 que ce dernier, mis en demeure par l'assureur de M. [C] et Mme [G] de terminer les travaux « à hauteur de ceux qui [avaient] été réglés » s'y est refusé, considérant avoir effectué des travaux correspondant aux sommes facturées.

Il résulte en définitive de l'ensemble de ces explications d'une part qu'il est parfaitement établi par le rapport d'expertise judiciaire, conforme sur ce point au rapport de l'expert de l'assureur protection juridique des appelants, que M. [P], profitant d'un devis particulièrement imprécis, a surfacturé les travaux exécutés, d'autre part qu'il est démontré par les éléments factuels du dossier ressortant des échanges intervenus que M. [P] a effectivement abandonné le chantier à partir du mois d'octobre 2019.

M. [C] et Mme [G] justifient ainsi de la matérialité de manquements suffisamment graves de M. [P] à ses obligations contractuelles pour fonder leur demande de résiliation du contrat. Celle-ci sera en conséquence accueillie, M. [P] étant quant à lui débouté de sa demande subsidiaire aux fins de résiliation du contrat aux torts des appelants.

- Sur la responsabilité contractuelle de M. [P] :

En application de l'article 1217 du code civil, la partie envers laquelle l'engagement n'a pas été exécuté, ou l'a été imparfaitement, peut demander réparation des conséquences de l'inexécution.

Selon l'article 1231-1du même code, le débiteur est condamné, s'il y a lieu, au paiement de dommages et intérêts soit à raison de l'inexécution de l'obligation, soit à raison du retard dans l'exécution, s'il ne justifie pas que l'exécution a été empêchée par la force majeure.

En l'occurrence, il ressort des développements précédents d'une part que M. [P] a surfacturé les travaux réalisés, d'autre part qu'il a abandonné le chantier, de sorte que sa responsabilité contractuelle est engagée vis-à-vis de M. [C] et Mme [G].

- Sur les demandes de remboursement présentées par les appelants :

Selon l'expert, les travaux effectivement réalisés peuvent être chiffrés à 20'093,59 euros. Or, M. [C] et Mme [G] se sont acquittés des factures émises par M. [P] pour un montant total de 60'245,40 euros.

M. [P] sera en conséquence condamné à payer à M. [C] et Mme [G] la somme de 40151, 81euros, correspondant à la différence entre la valeur des travaux effectivement réalisés et les sommes réglées.

M. [C] et Mme [G] ont en outre payé certaines sommes au titre des fournitures nécessaires à la réalisation de la dalle en béton et de divers matériaux, pour un montant total de 5879,65 euros. Or, aucune clause du devis ne prévoyait qu'ils devaient supporter des frais supplémentaires à ce titre, M. [P] invoquant lui-même le caractère forfaitaire du prix affiché sur le devis. Ces frais doivent en conséquence être supportés par M. [P].

M. [P] sera ainsi condamné à rembourser à M. [C] et Mme [G] la somme de 5879,65 euros.

M. [C] et Mme [G] seront en revanche déboutés de leurs demandes au titre de la location du matériel d'élévation et de remblai et des frais de gazole non routier, alors que le devis prévoyait expressément qu'il leur appartenait de prendre en charge « la mise à disposition d'une mini pelle et d'un télescopique ».

- Sur la réparation du préjudice de jouissance :

Les appelants réclament la condamnation de M. [P] leur payer la somme de 500 euros par mois en réparation de leur préjudice de jouissance « jusqu'à parfait paiement de la somme en principal », sans indiquer dans le dispositif de leurs écritures la date de départ de l'évaluation de ce préjudice.

Ils précisent dans les motifs que « M. [P] est l'unique responsable de la situation dans laquelle il a entendu laisser les maîtres d'ouvrage les privant de la jouissance effective de leur maison d'habitation à partir du 1er janvier 2020 ».

Les appelants justifient par la production d'un procès-verbal de constat établi le 1er juin 2023 que, dans l'attente de l'achèvement des travaux de rénovation, ils sont installés dans des conditions matérielles précaires dans l'autre grange de la propriété. Ils subissent ainsi un préjudice de jouissance en lien direct avec les manquements contractuels de M.[P] à ses obligations.

Cependant, il doit être pris en considération le fait que M. [C] et Mme [G], qui vivaient déjà dans ces conditions avant leur projet de rénovation, n'ont pas été totalement privés de logement du fait de l'inachèvement du chantier. Par ailleurs, ainsi que le souligne ce dernier, M. [C] et Mme [G] n'établissent pas que les travaux de rénovation du bâtiment destiné à leur habitation devaient être achevés au mois de décembre 2019.

Il est raisonnable de considérer, au regard de la nature et de l'étendue des travaux prévus, que ceux-ci, qui ont débuté au mois de mai 2019, auraient dû être terminés au plus tard à la fin du mois de mai 2020.

Au regard de l'ensemble de ces éléments, il sera alloué aux appelants en réparation de leur préjudice de jouissance la somme de 200 euros par mois du 1er juin 2020 jusqu'à parfait paiement de la somme allouée au titre du trop perçu.

- Sur les dépens et les frais irrépétibles :

Le jugement sera infirmé sur les dépens. M. [P] supportera les dépens de première instance comprenant les frais d'expertise judiciaire. Il n'y a pas lieu d'inclure dans les dépens ceux afférents à la procédure de référé. En effet, l'ordonnance de référé n'est pas communiquée de sorte qu'il ne peut être vérifié s'il a été statué sur les dépens par cette juridiction ou si ceux-ci ont été réservés.

M. [P] supportera les dépens d'appel et sera condamné à payer à M. [C] et Mme [G], pris ensemble, la somme de 4000 euros en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS

La cour, statuant publiquement et contradictoirement,

Rejette la fin de non-recevoir soulevée par M. [L] [P] ;

Confirme le jugement en ce qu'il a :

- Débouté M. [T] [C] et Mme [S] [G] de leur demande tendant à la condamnation de M. [L] [P] à leur rembourser les sommes de 5187,37 euros, au titre de la location d'une « mini pelle » et d'un « télescopique », et 466,42 euros au titre du gazole non routier ;

Infirme le jugement pour le surplus, statuant à nouveau sur les points infirmés et ajoutant au jugement,

- Ordonne la résiliation du contrat conclu entre d'une part M. [L] [P] et d'autre part M. [T] [C] et Mme [S] [G] suivant devis en date du 17 décembre 2017 ;

- Déboute M. [L] [P] de sa demande tendant à l'attribution des torts de la résiliation à M. [T] [C] et Mme [S] [G] ;

- Condamne M. [L] [P] à payer à M. [T] [C] et Mme [S] [G], pris ensemble, la somme de 40151, 81euros au titre de la surfacturation des travaux, cette somme produisant intérêts au taux légal à compter de la date de l'assignation ;

- Condamne M. [L] [P] à payer M. [T] [C] et Mme [S] [G], pris ensemble, la somme de 5879,65 euros au titre du remboursement des frais avancés par ces derniers pour les fournitures nécessaires à la réalisation de la dalle en béton et l'achat de divers matériaux, cette somme produisant intérêts au taux légal à compter de la date de l'assignation ;

- Condamne M. [L] [P] à payer à M. [T] [C] et Mme [S] [G], pris ensemble, en réparation de leur préjudice de jouissance, la somme mensuelle de 200 euros du 1er juin 2020 jusqu'à parfait paiement des sommes allouées au titre du trop perçu et du remboursement des frais avancés ;

- Condamne M. [L] [P] aux dépens de première instance, incluant les frais d'expertise judiciaire ;

- Condamne M. [L] [P] aux dépens d'appel ;

- Condamne M. [L] [P] à payer à M. [T] [C] et Mme [S] [G], pris ensemble, la somme de 4000 euros en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.

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