CA Paris, Pôle 5 ch. 11, 21 février 2025, n° 21/10492
PARIS
Arrêt
Confirmation
PARTIES
Demandeur :
Cloud Solutions (SAS)
Défendeur :
Ale International (SASU)
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
M. Ardisson
Conseillers :
Mme de La Simone, Mme Guillemain
Avocats :
Me Teytaud, Me Barbry, Me Hontebeyrie, Me Boccon Gibod, Me Wogue
ARRÊT :
- contradictoire
- par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.
- signé par Marie-Sophie L'ELEU DE LA SIMONE, conseillère pour le Président empêché, et par Damien GOVINDARETTY, Greffier, présent lors de la mise à disposition.
1. La société Cloud solutions ('sociétéCloud') a été créée en 2010 en vue d'éditer et de commercialiser un logiciel dénommé 'WIMI' dédié au partage, au stockage et à la synchronisation de fichiers électroniques.
2. La société Alcatel-Lucent Enterprise ('société ALE'), dépendant du groupe Alcatel-Lucent, spécialisée sur les marchés des réseaux et des systèmes de communication téléphonique pour les entreprises, est détenue depuis le 1er octobre 2014 par la société de droit chinois China Huaxin, et est ultérieurement dénommée ALE International;
3. A la recherche de partenariats pour étudier la possibilité de créer une offre d'optimisation des services de Cloud, la société ALE a conclu en 2013 un partenariat avec la société Cloud pour le développement d'une application de stockage, de synchronisation et de partage de fichiers (ci-après désignée, OTTS pour 'Open Touch Team Share'), dérivée du logiciel WIMI, et destinée à être concédée sous licence à la société ALE déployée depuis sa plateforme et accessible à son réseau de ses partenaires commerciaux chargés de vendre aux clients finaux.
4. Le 19 février 2014, aux termes d'un avant-contrat ('term sheet'), les parties ont fixé les conditions de leur collaboration pour la négociation d'un futur contrat définitif.
5. Ensuite des estimations sur la valorisation des volumes des ventes à venir de l'application OTTS et échangées entre les parties en janvier 2015 (pièce 13), et après que la société ALE ait versé à la société Cloud la somme de 300.000 euros au titre des coûts non récurrents ('NRE') dédiés à l'adaptation de l'application pour sa mise en ligne sur la plateforme Opentouch de la société ALE ouverte à ses propres clients et distributeurs, les parties ont convenu le 26 février 2015 un accord d'achat global de logiciels et de services sous licence ('global purchase agreement for licensed software and services', ci-après 'le contrat') pour une durée de trois ans sans exclusivité.
6. En décembre 2015, dans le cadre de la réunion trimestrielle de concertation, la société ALE a informé la société Cloud des difficultés rencontrées, les freins structurels au succès de l'offre OTTS, compte tenu du retour négatif de sa promotion par les agents commerciaux.
7. Le 23 mars 2016, les parties se sont vainement accordées sur les actions commerciales à réaliser solution OTTS et en avril 2016, la société ALE a procédé au lancement d'une nouvelle application 'Rainbow' qu'elle a développée en interne, et dont la société Cloud a estimé qu'elle était concurrente directe de sa solution OTTS.
8. La société Cloud a en outre reproché à la société ALE d'avoir consacré toute son action marketing et commerciale à sa solution Rainbow plutôt qu'à la solution OTTS et l'a mise en demeure le 23 juin 2016 de trouver une solution à leur différend dans le délai de 30 jours.
9. Le 28 septembre 2017, la société ALE a dénié toute responsabilité et dénoncé son refus de renouveler le contrat à l'échéance de février 2018.
10. Par acte du 19 novembre 2018, la société Cloud a assigné la société ALE devant le tribunal de commerce de Paris en dommages et intérêts fondés sur la responsabilité contractuelle ou subsidiairement, extracontractuelle.
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11. Vu l'appel interjeté le 4 juin 2021 par la société Cloud solutions (ci-après 'société Cloud') du jugement du tribunal de commerce de Paris du 10 mars 2021 par lequel il a déclaré irrecevable l'action de la société Cloud solutions à l'encontre de la société ALE international (ci-après 'société ALE') sur le fondement de l'article 122 du code de procédure civile et en application de la clause figurant à l'article 2.1.2 du contrat des parties, débouté la société Cloud de l'ensemble de ses demandes de dommages et intérêts, débouté la société ALE de sa demande reconventionnelle de dommages et intérêts, condamné la société Cloud à payer la somme de 25.000 euros en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile, débouté les parties de leurs demandes plus amples ou contraires, condamné la société Cloud solutions aux dépens et ordonné l'exécution provisoire du jugement ;
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12. Vu les conclusions remises par le réseau privé virtuel des avocats le 24 septembre 2024 pour la société Cloud solutions, afin d'entendre, en application des articles 122 du code de procédure civile, 1131, 1134, 1135, 1147, 1149, 1150, 1156 et 1165 du code civil, et L. 442-6, I, 2°, du code de commerce, dans leur rédaction applicable en la cause, 1112-1 et 1170 du code civil, issus de l'ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016, 1240 (anciennement 1382) et 1241 (anciennement 1383) du code civil, et L. 442-6, I, 2°, du code de commerce, dans leur rédaction applicable en la cause :
- déclarer la société Cloud recevable et bien fondée en son appel,
- infirmer le jugement en ce qu'il a jugé irrecevable l'action de la société Cloud à l'encontre de la société ALE et l'a déboutée de ses demandes, et en ce qu'il l'a condamnée à payer à la société ALE une somme de 25 000 euros sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile, ainsi qu'aux dépens,
- déclarer recevables l'ensemble des demandes de la société Cloud à l'encontre de la société ALE,
à titre principal, sur la responsabilité contractuelle de la société ALE :
- déclarer réputée non écrite ou nulle, ou, à défaut, inapplicable en raison des manquements commis par la société ALE, la clause stipulée à l'article 2.1.2 du Global Purchase Agreement du 26 février 2015, pour le cas elle estimerait que les demandes de la société Cloud entrent dans le champ d'application de ladite clause,
- déclarer inapplicable en raison des manquements commis par la société ALE la clause stipulée à l'article 16.1 du même contrat en ce qu'elle concerne la responsabilité de la société ALE,
- condamner la société ALE à payer la somme de 18 millions d'euros à titre de dommages et intérêts en réparation des préjudices causés par l'inexécution du Global Purchase Agreement du 26 février 2015,
- désigner subsidiairement tel expert avec pour mission d'évaluer l'intégralité des préjudices causés à la société Cloud,
à titre subsidiaire, sur la responsabilité délictuelle de la société ALE :
- déclarer recevables les demandes de la société Cloud à l'égard de la société ALE au titre de la responsabilité délictuelle,
- condamner la société ALE à payer la somme de 18 millions d'euros à titre de dommages et intérêts en réparation des préjudices causés par l'inexécution du Global Purchase Agreement du 26 février 2015,
- désigner subsidiairement tel expert avec pour mission d'évaluer l'intégralité des préjudices causés à la société Cloud,
en tout état de cause,
- confirmer le jugement en ce qu'il a débouté la société ALE de sa demande reconventionnelle en dommages et intérêts,
- débouter la société ALE de l'ensemble de ses demandes, fins et conclusions,
- condamner la société ALE à payer à la société Cloud une somme de 40.000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile,
- condamner la société ALE aux entiers dépens de première instance et d'appel ;
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13. Vu les conclusions remises par le réseau privé virtuel des avocats le 25 septembre 2024 pour la société ALE international, afin d'entendre, en application des articles 122 du code de procédure civile, 1134 et 1147 du code civil, en vigueur au moment du litige et L. 442-6, I, 2° du code de commerce :
I. à titre principal, sur la confirmation du jugement dont appel en ce qu'il a déclaré irrecevables les demandes de la société Cloud en application de la clause de non-obligation prévue au contrat :
- juger que la présente action a pour objet un prétendu manquement de la société ALE à une obligation de permettre à la société Cloud de réaliser un chiffre d'affaires,
- juger que la société Cloud a pourtant renoncé, aux termes de l'article 2.1.2 du contrat, à tout recours lié à une non-utilisation de la solution OTTS ou à une insuffisance de chiffre d'affaires,
- juger que la société Cloud a souscrit à cette clause en parfaite connaissance de cause,
- juger que la clause 2.1.2 du contrat, qui est un contrat de licence sans obligation d'achat, n'a pas pour objet de permettre à la société ALE de manquer à une obligation essentielle, le contrat excluant expressément toute obligation pour ALE en matière d'utilisation ou de chiffre d'affaires (clause de non-obligation),
- juger qu'il n'est pas du pouvoir du juger de dénaturer une clause d'un contrat, encore moins quand elle est claire et précise,
- juger que la clause 2.1.2 du contrat n'est pas une clause limitative ou exonératoire de responsabilité mais une clause de non-obligation,
- juger que l'article 2.1.2 du Contrat est parfaitement conforme à l'équilibre du contrat et au caractère aléatoire inhérent au projet,
- juger que l'article 2.1.2 du Contrat ne créée pas de « déséquilibre significatif » au sens de l'article L. 442-6 I du Code de commerce,
- juger que l'article 2.1.2 du Contrat est une clause de non-obligation et non une clause limitative ou exonératoire de responsabilité, les allégations du dol ou de la faute dolosive étant inopérantes,
- juger que l'invocation de la responsabilité délictuelle au titre des mêmes préjudices et des mêmes faits que ceux invoqués au soutien d'une responsabilité contractuelle, en violation du principe de non-cumul, se heurte également à l'article 2.1.2 du contrat qui ne saurait être contourné,
- confirmer le jugement en ce qu'il a déclaré irrecevable la présente action introduite par la société Cloud à l'encontre de la société ALE en méconnaissance de la clause 2.1.2 du contrat,
- débouter la société Cloud de ses plus amples demandes, fins et conclusions,
II. à titre subsidiaire et au fond, sur le principe même d'une responsabilité de la société ALE le au titre de prétendues fautes
II.1. à titre liminaire, sur l'irrecevabilité de la demande formée subsidiairement par Cloud au titre d'une faute délictuelle
- constater que les demandes ainsi présentées par la société Cloud au titre d'une prétendue faute délictuelle se rapportent à des faits allégués identiques à ceux invoqués au soutien d'une faute contractuelle,
- constater que les préjudices invoqués sont également strictement les mêmes que ce soit au titre de la responsabilité délictuelle ou au titre de la responsabilité contractuelle,
- déclarer irrecevable la demande ainsi présentée par la société Cloud comme se heurtant au principe du non-cumul des responsabilités délictuelle et contractuelle,
II.2. sur la demande, à titre principal, de la société Cloud fondée sur une prétendue inexécution contractuelle
Sur l'absence d'inexécution du contrat par la société ALE et à plus forte raison d'inexécution dolosive
- constater que la société Cloud ne démontre pas que la société ALE aurait violé une quelconque obligation, la société ALE s'étant investie, à tous égards, pour l'étude, le développement et le déploiement commercial de la solution OTTS, ce que Cloud reconnaît expressément pour la période jusqu'au lancement commercial,
- constater que la seule allégation de Cloud d'une absence de revenus, allégation au demeurant factuellement inexacte (compte tenu du chiffre d'affaires de 354.000 euros réalisé par Cloud au titre du Contrat), ne saurait démontrer l'existence d'une faute,
- constater à plus forte raison l'absence d'inexécution dolosive de la part d'ALE,
- débouter la société Cloud de l'ensemble de ses demandes, moyens, fins et prétentions au titre d'une prétendue inexécution dolosive du Contrat par la société ALE.
II.3. à la supposer recevable, sur le caractère mal fondé de la demande subsidiaire de Cloud au titre de la responsabilité délictuelle
sur l'absence de réticence dolosive pendant la négociation du contrat,
- constater que pour tenter de contourner les clauses du Contrat faisant clairement échec à son action, Cloud invoque, également, l'existence d'une faute dolosive dans la négociation du contrat, au cours de laquelle ALE aurait omis de mentionner le développement d'une offre concurrente Rainbow afin de 'tromper Cloud et de profiter de son savoir-faire',
- constater que le développement par ALE de la solution Rainbow, qui a commencé avant le projet OTTS et s'est fait de manière publique, ne s'est pas fait à l'insu de Cloud et encore moins en aspirant le savoir-faire de Cloud (qui ne dispose d'aucune compétence pour développer la solution Rainbow) ou les équipes dédiées à OTTS (d'autres équipes ont développé Rainbow),
- constater qu'en tout état de cause, l'offre Rainbow développée en interne par ALE n'est pas une solution concurrente à l'offre OTTS compte tenu de leurs fonctionnalités et marchés différents,
- constater à titre surabondant que les résultats très limités de la solution Rainbow en termes de chiffre d'affaires rendent totalement vaine la thèse selon laquelle OTTS aurait été privée du succès de Rainbow,
- débouter la société Cloud de l'ensemble de ses demandes, moyens, fins et prétentions au titre d'une prétendue réticence dolosive de la société ALE au cours de la négociation du Contrat,
sur l'absence de déséquilibre significatif du contrat,
- constater qu'il n'existe aucun rapport de force entre les sociétés ALE et Cloud au sens de l'article L.442-6, I, 2° du code de commerce,
- constater que la société ALE n'a, en aucun cas, soumis, ou tenté de soumettre, la société Cloud à la clause que Cloud cherche aujourd'hui à contourner, le Contrat ayant fait l'objet de négociations effectives, et ce, d'autant plus que les dirigeants de Cloud, eux-mêmes très aguerris, ont été assistés et conseillés par différents avocats tout au long des négociations,
- constater que le contrat n'est manifestement pas déséquilibré alors que :
la clause 2.1.2 du contrat ayant été souscrite en contrepartie d'obligations sérieuses, notamment financières, mises à la charge de la société ALE,
aucune d'exclusivité n'ayant été concédée à la société ALE, la société Cloud ayant ainsi pu développer et distribuer sa solution générique Wimi pour son propre compte et auprès de tiers, ce qu'elle ne s'est pas privée de faire ,
la société Cloud ayant bénéficié des améliorations apportées à sa solution générique Wimi par la collaboration des équipes de la société ALE, sans aucune contrepartie financière de la part de la société Cloud,
les Parties ayant prévu au contrat un mécanisme de concertation en cas de difficulté, notamment dans l'exploitation de la solution OTTS,
- constater, qu'aucun déséquilibre significatif ne peut être valablement invoqué par la société Cloud,
- débouter la société Cloud de l'ensemble de ses demandes, moyens, fins et prétentions à ce titre,
sur l'absence de concurrence déloyale pendant l'exécution du contrat,
- constater que Cloud ne démontre ni défaut d'information concernant le développement de la solution Rainbow, ni aspiration de savoir-faire de la société Cloud par la société ALE, ni similitudes entre les solutions Rainbow et OTTS,
- constater qu'en toute hypothèse, le contrat ne prévoyait aucune restriction concernant l'utilisation de l'information communiquée par l'une des parties à l'autre, ni clause d'exclusivité au bénéfice de l'une ou de l'autre,
- constater, à titre surabondant, que la société Cloud ne démontre pas que l'offre Rainbow aurait connu un succès financier que des prétendus actes de concurrence déloyale auraient pu apporter ; et pour cause les résultats de Rainbow en termes de chiffre d'affaires étant très limités et sans commune mesure avec ceux dont se prévaut Cloud,
- débouter la société Cloud de l'ensemble de ses demandes au titre d'une prétendue concurrence déloyale qui aurait été commise par la société ALE au cours de l'exécution du contrat,
II.4. sur la clause limitative de responsabilité et l'absence totale de préjudice démontré par la société Cloud et à plus forte raison de lien de causalité
- constater que le montant total de condamnation, tous préjudices cumulés, ne pourrait excéder le plafond de responsabilité d'ALE à hauteur de 1.000.000 d'euros (toutes actions en responsabilité confondues) prévu aux termes de l'article 16.1 du contrat, étant encore précisé que cet article exclut tout dommage indirect (dont notamment perte de revenu ou de bénéfice et tout autre perte financière),
- constater, que la société Cloud ne démontre toutefois ni faute, ni préjudice, ni à plus forte raison lien de causalité entre les deux,
- constater reviendraient à solliciter l'avantage qu'aurait procuré la réalisation du contrat ou de partenariats avec des concurrents (selon la présentation totalement fantaisiste qu'en fait la société Cloud) en contradiction avec les règles en matière de réparation en cas de perte de chance alléguée ; que ces préjudices sont en toute hypothèse des préjudice indirects que les parties ont expressément entendu exclure,
- déclarer de plus fort irrecevables de telles demandes,
- débouter la société Cloud de l'ensemble de ses demandes, moyens, fins et prétentions au titre de l'indemnisation des préjudices qu'elle allègue,
III. sur l'infirmation du jugement dont appel en ce qu'il a débouté la société ALE de sa demande reconventionnelle aux fins d'indemnisation du préjudice qu'elle a subi
- infirmer le jugement dont appel en ce qu'il a débouté la société ALE de sa demande reconventionnelle de dommages et intérêts,
- constater que la société Cloud a manifestement fait preuve de mauvaise foi tant dans la négociation du contrat, dans l'exécution du Term Sheet que pendant l'exécution du Contrat plaçant délibérément ALE en situation d'échec,
- constater que la société ALE a investi en pure perte un minimum de 4.522.000 euros,
- constater que la clause 16.1 du contrat limite toutefois la responsabilité respective des parties à hauteur de 1.000.000 d'euros,
condamner la société Cloud à verser la somme de 1.000.000 euros à titre de dommages et intérêts,
IV. En tout état de cause,
- condamner la société Cloud à verser la somme de 170.000 euros à parfaire au titre de l'article 700 du Code de procédure civile à raison des frais irrépétibles exposés par la société ALE en première instance ainsi qu'en cause d'appel.
SUR CE, LA COUR,
La cour renvoie expressément au jugement déféré ainsi qu'aux conclusions des parties.
I. Sur l'application de la clause de non-recours à l'action en responsabilité contractuelle
14. La société Cloud poursuit à nouveau en cause d'appel la condamnation de la société ALE à dommages et intérêts qu'elle fonde, au principal, sur sa responsabilité contractuelle tirée, en substance, de la faute dolosive qu'elle lui reproche dans l'absence totale d'acte de promotion pour la commercialisation de la solution OTTS que lui impartissait leur contrat, ceci avec l'intention de promouvoir sa propre application Rainbow à compter d'octobre 2015 lorsque le nouveau directeur de la société ALE a inspiré un changement de stratégie du groupe Alcatel.
15. La société ALE entend pour sa part voir confirmer le jugement en ce qu'il a déclaré irrecevable cette action sur le fondement de l'article 122 du code de procédure civile et en application de la clause de non-recours de l'article 2.1.2 du contrat et stipulant que :
'Le Licencié n'a pas l'obligation de générer un niveau minimum de ventes ou de revenus pour le Licencieur pendant une période donnée, et le Licencieur renonce expressément à toute réclamation ou droit à une compensation dans le cas où, pour quelque raison que ce soit, le Licencieur n'a pas réalisé un volume minimal d'usage des Produits Licenciés ou le Licencieur n'a pas reçu en tout ou partie les revenus qu'il s'attendait à recevoir, peu important que cette attente était connue du Licencié ou que des prévisions aient été fournies ou non du Licencié, ou que des prévisions aient ou non été communiquées.'
16. En liminaire, la société ALE discute la nature du contrat dont elle soutient que l'obligation essentielle qu'il met à sa charge ne concerne pas la vente du logiciel OTTS, mais seulement l'autorisation concédée par la société Cloud d'exploiter son logiciel en contrepartie de redevances en fonction du nombre d'utilisations payantes dans les conditions stipulées à l'article 6.2 du contrat et de son annexe A.
17. La société ALE relève que le contrat ne stipule aucune obligation de la société ALE pour la promotion ou la commercialisation de l'offre du logiciel et conclut que la notion de 'contrat de distribution' que la société Cloud invoque pour déduire une obligation essentielle de commercialisation est inopérante, alors que cette notion n'est pas légalement définie et se heurte en outre à la définition que le contrat en donne à l'article 1.6 selon lequel :
'Distribuer signifie, relativement aux Produits et Services d'Alcatel-Lucent et au Logiciel sous licence et la Documentation associée, concéder sous licence ou sous-licencier directement ou indirectement le droit d'utiliser, louer, mettre à disposition ou autrement fournir de tels produits et services ou Logiciel sous licence et Documentation à un Client Utilisateur final.'
18. Elle déduit de la lettre de l'article 2.1 qu'il stipule une non obligation de générer un niveau minimum de ventes ou de revenus pour le Licencieur et que le licencieur renonce expressément à toute réclamation ou droit à une compensation, quelqu'en soit la cause.
19. La société ALE ajoute que le principe de cette non obligation et la clause de non-recours étaient acquis aux parties depuis l'origine des négociations formalisées à l'article 2.3 du term sheet du 19 février 2014 et dont la portée a été encore confirmée par la société Cloud dans un courriel du 11 février 2015 dans lequel elle indiquait 'nous avons bien compris (...) qu'il n'y avait pas de minimum de ventes garanti dans le contrat'.
20. Enfin, la société ALE conclut qu'au terme de deux années de négociation de ce contrat, la société Cloud a souscrit à cette clause en parfaite connaissance de cause, et tandis que la non-obligation qu'elle exprime est claire et précise, elle ne souffre d'aucune interprétation.
21. Par ailleurs, en réplique à la société Cloud, la société ALE estime que la clause de non-recours est conforme à l'équilibre du contrat, au caractère aléatoire inhérent au projet et conteste qu'elle crée un déséquilibre significatif au sens de l'article L. 442-6 I du code de commerce que la société Cloud invoque subsidairement dans ses conclusions.
22. Toutefois, l'article 2.1.2 précité a pour objet d'instituer entre les parties une clause de non-recours, de sorte qu'en ayant pour effet d'exclure toute contestation judiciaire, cette clause doit être interprétée strictement.
23. D'autre part, l'appréciation de cette clause est soumise à la prescription, dont l'application est d'ordre public, de l'article 1134 du code civil qui, dans sa version en vigueur jusqu'au 1er octobre 2016, dispose que :
Les conventions légalement formées tiennent lieu de loi à ceux qui les ont faites.
Elles ne peuvent être révoquées que de leur consentement mutuel, ou pour les causes que la loi autorise.
Elles doivent être exécutées de bonne foi.
24. Et tandis, d'une part, que la renonciation au droit commun de tout recours vise, littéralement, l'attente du licencieur de revenus ou la réalisation d'un volume minimal d'usage des produits Licenciés, ce qui est étranger au grief reproché à la société ALE d'avoir déloyalement violé ses obligations de distribution de l'application OTTS, et d'autre part, que l'élargissement de cette renonciation aux résultats 'quelle qu'en soit la cause', ne peut avoir pour objet ou pour effet d'interdire les allégations de la société Cloud relatives à la mauvaise foi dans l'exécution du contrat prohibée par l'article 1134 précité, la clause de l'article l'article 2.1.2 est sans application à l'action en responsabilité contractuelle de la société Cloud, de sorte que le jugement sera infirmé de ce chef et l'action déclarée recevable.
II. Sur le bien fondé de la responsabilité contractuelle de la société ALE
25. Pour conclure à la responsabilité contractuelle de la société ALE, la société Cloud soutient, en premier lieu, que dès l'origine de leur partenariat, puis aux termes de leur contrat, il était convenu que celui-ci avait pour objet, pour la société ALE, d'acheter la solution OTTS de la société Cloud et de la vendre à ses propres clients, soit par elle-même, soit par l'intermédiaire de distributeurs, le tout, en contrepartie de royalties payées à la société Cloud, ces ventes justifiant des actes de promotion et de commercialisation que le contrat mettait à la charge de la société ALE,soit une obligation essentielle de distribution de l'application OTTS que la société Cloud entend déduire des termes du contrat selon lesquels, il est énoncé, en particulier dans les stipulations soulignées en caractères gras ci-dessous :
en préambule, que
'Le Licencieur [Cloud] octroie des licences pour certains logiciels qui fournissent des fonctionnalités et/ou des programmes tels que définis dans l'annexe A et fournit les services de maintenance et d'assistance associés'
'Alcatel-Lucent Enterprise souhaite avoir une licence pour ces logiciels et services afin de fournir des services de cloud personnel à ses clients directement et/ou indirectement par le biais du réseau de ses Distributeurs'.
'ALE souhaite obtenir une licence de ces logiciels et/ou de ces services auprès du Licencieur afin d'incorporer ou d'intégrer ces logiciels et/ou services dans la solution Alcatel-Lucent OpenTouchPersonnal Cloud aux Clients dans le cadre ou en association avec le(s) Produit(s) et Service(s) Alcatel-Lucent Enterprise'
'Le produit Wimi Entreprise de Cloud Solutions est une version dérivée de Wimi, le logiciel générique de Cloud Solution pour le stockage et la collaboration dans le cloud (tous "le Logiciel"), destiné à être licencié à des sociétés capables de l'offrir sous leur marque à une variété de Clients Utilisateurs Finaux'
'Cloud Solutions fournira un logiciel de collaboration et de stockage dans le cloud personnalisé (le "Produit" ou le "Logiciel Licencié") à partir de sa solution Wimi Entreprise à Alcatel-Lucent Entreprise pour son offre OpenTouchPersonal Cloud'
'Alcatel-Lucent Entreprise souhaite revendre le Produit [OTTS] (') à travers son propre Réseau de Business Partners, sous la marque et l"identité Alcatel-Lucent (...) [ALE s'est] assurée (') de l'adéquation [du produit] à ses objectifs commerciaux'.
à l'article 1, que :
'Alcatel-Lucent souhaite revendre le produit tel que défini ci-après par le biais de son propre réseau de partenaires commerciaux, sous la marque et l"identité d"Alcatel Lucent'
à l'avenant n°1/2014 du contrat, que :
'Contenu et outils' désigne l'un quelconque des outils de marketing, de vente, d'assistance et de formation suivants de Cloud Solutions et les contenus liés que Cloud Solutions pourrait fournir à Alcatel -Lucent pendant le Projet , actuellement également connu sous le nom de 'Team Share'
(...)
'Compte tenu de ce qui précède, Cloud Solutions accorde à Alcatel-Lucent une licence gratuite et mondiale d'utilisation de tous les Contenus et Outils effectivement fournis par Cloud Solutions à Alcatel-Lucent, pour la commercialisation de Team Share par Alcatel-Lucent, sous réserve des termes suivants : (') Cloud Solutions concède à Alcatel-Lucent le droit d'utiliser librement les Contenus & Outils avec ou sans les modifications et adaptations qu'Alcatel-Lucent jugera appropriées, et à sa propre initiative de l'intégrer partiellement ou totalement dans ses propres contenus et outils commerciaux, supports à communiquer aux clients, partenaires commerciaux et utilisateurs finaux d'Alcatel Lucent'.
à l'article 3.1.1 relatif à la 'Concession de licence', que :
'Cloud Solutions accorde au Licencié [ALE] et à ses Affiliés le droit de Distribuer le Logiciel Licencié et sa Documentation'
'[Cloud] accorde également à ALE, sans charges, le droit 'd'utiliser le Logiciel Licencié, pour en faire la démonstration aux Distributeurs et potentiels clients, [et pour] l"installer'.
à l'article 1.6 sur la notion de 'Distribution' ('Distribute'), que :
'en ce qui concerne les Produits et Services Alcatel-Lucent, le Logiciel Licencié et la documentation y afférente, de concéder directement ou indirectement une licence ou une sous-licence pour l'utilisation, la location, de louer, de mettre à disposition ou de fournir de toute autre manière ces produits et services ou le Logiciel Licencié Documentation à un Client Utilisateur Final.'
à l'article 6.1.2, que :
'Après un an de commercialisation, une procédure de benchmarking peut être mise en 'uvre, sur demande de l'une ou l'autre des parties, une fois par an, afin de comparer les prix actuels d'OTTS Solutions aux prix du marché dans le segment des petites et moyennes entreprises.'
à l'article 13, metant en place un process en application duquel les deux parties doivent se réunir tous les trimestres pour, et détaillant notamment que :
'- examiner l'ensemble du business, y compris les mises à jour de l'organisation (Alcatel-Lucent et le Licencieur), l'évolution du marché (Alcatel-Lucent et le Licencieur) :
- fixer les principaux objectifs pour la période à venir, y compris les objectifs concernant l'évolution de tout process ou l'évolution du business modèle, ainsi que les objectifs d'amélioration de la performance du Licencieur ;
- examiner les performances globales du Licencieur par rapport à l'accord de niveau de service (SLA) tel qu'il figure en Annexe B », et « examiner la performance globale du Licencié et de ses partenaires commerciaux dans la distribution » du produit ;
- fixer les principaux objectifs pour la période à venir, y compris les objectifs relatifs aux performances commerciale du Licencié'.
Toutefois, les parties peuvent également décider de se réunir à titre exceptionnel en cas de besoin. En vertu de cette disposition, et nonobstant le fait qu'il n'y a pas d"obligation pour Alcatel Lucent de générer un niveau minimum de ventes ou de revenus pendant une période donnée, les parties reconnaissent que ce GPA doit être rentable pour les deux parties d'un point de vue économique. Ainsi, si les parties ne rencontrent pas cette exigence de rentabilité après les douze premiers mois de commercialisation, elles peuvent décider de se rencontrer afin de discuter, de bonne foi, d'un plan d'action commun, écrit et convenu, qui pourrait, entre autres, aboutir à une collaboration en termes de marketing, révision de la base contractuelles.'
à l'annexe A du contrat que :
'Alcatel-Lucent Enterprise paiera à Cloud Solutions des droits de licence variables (droits de licence) en fonction de la distribution par Alcatel-Lucent Enterprise du produit comme indiqué ci-dessous, sous réserve de l'acceptation de la licence de distribution par Alcatel-Lucent Enterprise du Produit comme indiqué ci-dessous sous réserve de l'acceptation de la version pertinente du Produit par Alcatel-Lucent.'
26. Pour l'appréciation de la portée de ces stipulations contractuelles, la société Cloud invoque les dispositions d'une part, de l'article 1135 du code civil, dans sa version applicable au litige, selon lesquelles 'Les conventions obligent non seulement à ce qui y est exprimé, mais encore à toutes les suites que l'équité, l'usage ou la loi donnent à l'obligation d'après sa nature' et d'autre part les dispositions de l'article 1156 du code civil, aussi dans sa version applicable au litige, selon lesquelles 'On doit dans les conventions rechercher quelle a été la commune intention des parties contractantes, plutôt que de s'arrêter au sens littéral des termes'.
27. Pour déduire l'usage et la nature de l'obligation essentielle de la société ALE ainsi que l'intention commune des parties rapportées aux autres stipulations contractuelles, la société Cloud résume page 50 de ses écritures l'économie générale du contrat selon laquelle : 'i) la société ALE souhaitait licencier/revendre le logiciel et les services y afférents auprès de ses clients après s'être assurée de l'adéquation de ce projet à ses propres objectifs commerciaux, ii) envisage le « lancement commercial », la « commercialisation » et la « distribution » de ceux-ci de sa propre initiative ainsi que par l'intermédiaire des sociétés du groupe ALE et de ses distributeurs, iii) autorise ALE à utiliser le logiciel et la documentation à des fins de démonstration auprès de ses distributeurs et de ses clients, iv) organise l'émission d'ordres d'achats ou de licence par ALE auprès de Cloud Solutions, v) prévoit que la rémunération de Cloud Solutions sera constituée de Royalties assises sur le chiffre d'affaires réalisé par ALE, vi) oblige à ce titre ALE à fournir mensuellement à Cloud Solutions des Royalty Reports et le nombre de clients traités avec la possibilité, pour Cloud Solutions, de faire réaliser un audit pour en vérifier l'exactitude, vii) précise qu'après un an de commercialisation une comparaison des prix d'OTTS aux prix du marché sera effectuée, et viii) organise un examen trimestriel des performances d'ALE et de ses partenaires dans la distribution du produit et des objectifs relatifs aux performances commerciales d'ALE tout en rappelant que les parties s'inscrivent dans une exigence de rentabilité économique.'
28. Enfin, la société Cloud se prévaut du mode de rémunération convenu au contrat consistant dans le versement de royalties proportionnelles au volume des produits et services vendus par ALE pour déduire la preuve du lien entre la détermination de la rémunération due à Cloud Solutions et, partant, la rentabilité qui dépendaient nécessairement de l'activité de la société ALE pour la promotion et la commercialisation des licences.
29. En second lieu, la société Cloud conclut que la société ALE s'est délibérément abstenue de promouvoir et de commercialiser ses licences ainsi que l'établit l'absence totale de vente de licence intervenue entre 2015 et 2018 auprès des 900 distributeurs de la société ALE et d'un marché potentiel de quarante millions d'utilisateurs sur 25 pays.
30. Elle conteste par ailleurs les actions de commercialisation que la société ALE soutient avoir réalisées, soit que ces actions étaient antérieures à la mise à disposition de la solution OTTS, soit que la preuve de leur exécution n'est pas sérieusement établie soit enfin qu'elles étaient inefficaces comme c'est le cas en particulier des offres de la société ALE d'action de commercialisation de la licence offerte le 23 mars 2016.;
31. Ainsi, la société Cloud estime que cette abstention dolosive était motivée par la volonté de la société de commercialiser son offre concurrente de son application Rainbow à la suite d'un changement de stratégie annoncé le 9 décembre 2015, moins de deux mois après le lancement officiel de l'application OTTS, la société ALE a informé la sociétéCloud des conséquences sur leur partenariat d'un changement de stratégie de ALE en 2016 pour son 'Business Unit Cloud Services', la société Cloud concluant enfin que l'application Rainbow est, sinon contrefaisante, largement inspirée de la sienne.
32. Au demeurant, en premier lieu, aucune des stipulations du contrat précitées au paragraphe 25 n'est assortie de condition ou d'obligation particulières pour la mise en oeuvre d'action positive de promotion ou de commercialisation autre que celles nécessaires à la mise à disposition juridique et technique de la licence de la société Cloud sur la platetorme Opentouch auxquels ont accès les clients et les distributeurs de la société ALE.
33. En deuxième lieu, dés l'origine de leur partenariat, les parties ont expréssement exclu toute concession d'exclusivité dans leur offre de licence de leurs applications ainsi que cela est stipulé à l'article 2.1.3 du contrat selon lequel :
'Le présent CCA n'accorde pas au Licencié le droit ou le privilège exclusif de concéder sous licence le Logiciel sous licence et/ou de fournir des Services, et n'empêche pas le Licencié de développer et/ou d'acquérir et/ou d'obtenir une concession dela part de tiers de logiciels similaires ni de fournir des services similaires, y compris des logiciels similaires qui seraient incorporés ou intégrés dans les Produits et Services d'Alcatel-Lucent. Il est donc entendu et convenu que le Licencié peut conclure des contrats avec d'autres concédants pour l'acquisition de logiciels et de services similaires, et le Concédant peut conclure des contrats avec d'autres tiers, le cas échéant, pour I'octroi d'une licence du Logiciel sous licence et l'achat des Services.'
34. Enfin, cette concurrence entre les parties dans la vente de licences est renforcée par la stipulation à l'article 2.1.2 du contrat cité au paragraphe 15 ci-dessus d'une renonciation expresse à toute obligation de réalisation d'un chiffre d'affaires dans la licence ou la sous-licence du logiciel OTTS de la société Cloud par la société ALE, de sorte que par ailleurs, le mode de rémunération des licences offertes par la société ALE ne permet pas davantage d'inférer la contrepartie d'une obligation de promotion ou de commercialisation.
35. En troisième lieu, la société ALE établit pertinemment que le développement de sa solution Rainbow en décembre 2015 était précédé de ses autres applications 'VoiceAssist' et 'MDM' disponibles depuis 2013, et que la combinaison des fonctionnalités de la solution Rainbow différe de celles de l'application OTTS alors au surplus que seule la société ALE maîtrisait la technologie de communication unifiée, spécialiste de longue date de la conception informatique des réseaux de télécommunications électroniques.
36. Enfin, s'il est manifeste que les parties ne se sont pas accordées sur les actions commerciales que la société Cloud voulait imposer à la société ALE lors de leur réunion du 23 mars 2016, il ne se déduit pas du recensement des actions que la société ALE a réalisées et de celles qu'elle justifie devoir être supportées par ses correspondants commerciaux - lesquels ne sont tenus par aucune exclusivité avec la société ALE - la preuve d'une mauvaise foi dans l'exécution du contrat.
37. Il en résulte que la société Cloud est malfondée à déduire que la société ALE avait souscrit à une obligation essentielle pour la promotion ou la commercialisation de l'application OTTS au delà de la mise en ligne sur sa plateforme Opentouch de la société ALE et disponible à son réseau commercial ainsi qu'à ses clients finals, et qu'elle a déloyalement exécuté le contrat, de sorte que la société Cloud sera déboutée de ce chef de demande.
III. Sur la recevabilité et le bien fondé des chefs de responsabilité extra-contractuelle
- tirée de la faute dans l'exécution du contrat fondée sur les articles 1240 et 1241 du code civil
38. Pour voir infirmer le jugement en ce qu'il a rejeté sa demande de dommages et intérêts sur le fondement de la responsabilité délictuelle de la société ALE, la société Cloud reproche à cette dernière et en substance les mêmes manquements que ceux qu'elle a soutenus sur le fondement de la responsabilité contractuelle au point II ci-dessus.
39. Au demeurant et ainsi que le conclut la société ALE, la règle du non-cumul des responsabilités interdit au créancier d'une obligation contractuelle de se prévaloir, contre le débiteur de cette obligation, des règles de la responsabilité délictuelle, de sorte que par ce motif substitué à celui des premiers juges, la décision sera confirmée de ce chef.
- tirée de la soumission à déséquilibre significatif des droits et obligations fondée sur l'article L. 442-6 I 2° du code de commerce
40. Aux termes de l'article L. 442-6 I 2° du code de commerce, dans sa version en vigueur du 19 mars 2014 au 8 août 2015, il est disposé que :
Engage la responsabilité de son auteur et l'oblige à réparer le préjudice causé le fait, par tout producteur, commerçant, industriel ou personne immatriculée au répertoire des métiers de soumettre ou de tenter de soumettre un partenaire commercial à des obligations créant un déséquilibre significatif dans les droits et obligations des parties ;
41. Il est rappelé que dans leur esprit, ces dispositions attachent à l'ordre public économique, une action en responsabilité délictuelle dont l'objet est de préserver les agents économiques en situation de dépendance envers leurs partenaires des pratiques restrictives à l'occasion de la négociation de leurs contrats comme à celle de leur exécution.
42. La société Cloud conclut à la nullité de la clause de non recours stipulée à l'article 2.1.2 du contrat citée au paragraphe 25 ci-dessus en soutenant qu'elle n'est pas équilibrée dans le contrat par des contreparties sérieuses alors que la société Cloud Solutions supportait les obligations de mettre à jour et faire évoluer le logiciel Wimi, de rendre le logiciel Wimi interopérable avec la solution OTTS et ses prochaines versions, de fournir une prestation de maintenance, de respecter des conditions de qualité et de souscrire à une nouvelle assurance couvrant le projet.
43. La société Cloud ajoutant que ce déséquilibre est d'autant plus manifeste quand il est rapporté aux prévisions de vente établies par la société ALE lors des négociations de 20000 à 85000 utilisateurs la première année et 100000 à 570000 la troisième année.
44. Cependant, ainsi que cela est déjà relevé ci-dessus, la société Cloud a pu éprouver et évaluer avec la société ALE pendant plus de deux ans, la portée de la clause critiquée avant de souscrire au contrat, de sorte qu'il ne peut se déduire la preuve de la soumission ou la tentative de soumission auxquelles se serait livrée sa partenaire commerciale, de sorte qu'à défaut de remplir cette première condition de l'article L. 442-6 I 2° précité, et sans qu'il soit nécessaire de discuter le surplus des moyens, le jugement sera confirmé en ce qu'il a rejeté ce chef de nullité.
- tirée de la concurrence déloyale fondée sur l'article 1382 du code civil devenu 1240
45. Enfin, la société Cloud revendique ses dommages et intérêts sur le fondement des actes de concurrence déloyale qu'elle reproche à la société ALE et qu'elle déduit, d'abord, du développement d'une offre de sa solution Rainbow concurrente à sa solution OTTS dont elle ne l'a jamais informée préalablement à leur négociation. Ensuite par le savoir-faire de la société Cloud que la société ALE a pu détourner pendant la période de négociation et à l'occasion de ses demandes de test de la solution OTTS ainsi que de son accès aux éléments techniques et graphiques de la solution Wimi devant servir de modèle en marque blanche pour fournir l'offre OTTS aux clients d'ALE, ce que la société recense par une comparaison, page 105 de ses conclusions, des fonctionnalités communes des solutions 'Rainbow' et 'Wimi'.
46. Toutefois, la société ALE établit la preuve des partenariats qu'elle avait entrepris dès 2012 avec d'autres prestataires informatiques, en particulier la société LooUp pour le développement de solutions pour la gestion communications audio, de conférences, de messagerie instantanée, de partage d'écran et de transmission suivant la technologie du cloud. Elle établit aussi la preuve de ses propres développements et offres d'applications informatiques sur le cloud dès 2013 'VoiceAssist' et 'MDM', puis en 2014 sous les noms de 'Attendant' et 'Recording' et enfin en 2015, sous les noms de 'Assistant' et 'Colleagues' avant d'adopter le nom de 'Rainbow'.
47. Alors qu'il est rappelé que les parties n'étaient tenues à aucune exclusivité, qu'ainsi que cela est aussi relevé ci-dessus, la société Cloud ne pouvait ignorer les compétences et les ressources de développement informatique de la société Alcatel ainsi que son positionnement sur les marchés d'applications à partir des infrastructures et des services du cloud et tandis enfin, que les vocations générales des applications communes aux deux solutions telles que la société Cloud se limitent à décrire ne permettent pas de caractériser le détournement de son savoir-faire particulier ayant une valeur économique identifiable, le jugement sera confirmé en ce qu'il a rejeté ce chef de demande.
IV. Sur la demande de dommages et intérêts de la société ALE
48. La société ALE entend infirmer le jugement en ce qu'il l'a déboutée de sa demande reconventionnelle de condamnation de la société Cloud en paiement de la somme d'un million d'euros de dommages et intérêts en soutenant que, par la mauvaise foi de la société Cloud lors la négociation du contrat puis à l'occasion de son exécution, elle a délibérément placé sa partenaire en 'situation d'échec' alors qu'elle a investi en pure perte un minimum de 4.522.000 euros.
49. Néanmoins, il ne résulte ni des motifs retenus ci-dessus pour lesquels la société Cloud perd son procès, ni de l'intérêt qu'elle poursuivait dans la commercialisation de son application par l'intermédiaire de la société ALE, la preuve d'une faute commise à l'endroit de la société ALE, et au surplus les attestations générales des dépenses de 4.522.000 euros dont la société ALE se prévaut ne sont pas corroborées par un état d'engagement de ces sommes précisément en rapport avec les prestations réalisées dans le seul intérêt de la société Cloud, de sorte que le jugement sera aussi confirmé en ce qu'il a rejeté ce chef de demande.
V. les dépens et les frais irrépétibles
50. Alors que la société Cloud succombe à l'action, il convient de confirmer le jugement en en ce qu'il a tranché les demandes relatives aux dépens et aux frais irrépétibles, et statuant de ces chefs en cause d'appel, la société Cloud sera aussi condamnée et il n'est pas inéquitable de limiter à 10.000 euros l'indemnité prise en application de l'article 700 du code de procédure civile.
PAR CES MOTIFS :
CONFIRME le jugement en toutes ses dispositions, sauf celle qui a déclaré irrecevable l'action de la société Cloud solutions tendant à revendiquer la responsabilité contractuelle de la société ALE international ;
Statuant à nouveau de ce chef et ajoutant au jugement,
DECLARE recevable l'action en responsabilité contractuelle de la société Cloud solutions ;
REJETTE les demandes de la société Cloud solutions de ce chef ;
CONDAMNE la société Cloud solutions aux dépens ;
CONDAMNE la société Cloud solutions à payer à la société ALE international la somme de 10.000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.