CA Rennes, 1re ch., 25 février 2025, n° 24/03018
RENNES
Arrêt
Autre
1ère Chambre
ARRÊT N°
N° RG 24/03018 -
N° Portalis DBVL-V-B7I-UZUG
(Réf 1ère instance : )
S.E.L.A.R.L. FISCAREA LS
C/
Me [L] [K]
Copie exécutoire délivrée
le :
à :
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D'APPEL DE RENNES
ARRÊT DU 25 FEVRIER 2025
COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DÉBATS ET DU DÉLIBÉRÉ :
Président : Monsieur Fabrice ADAM, Premier Président de chambre, entendu en son rapport,
Assesseur : Monsieur Philippe BRICOGNE, Président de chambre,
Assesseur : Madame Caroline BRISSIAUD, Conseillère,
GREFFIER :
Madame Elise BEZIER, lors des débats et lors du prononcé
DÉBATS :
A l'audience publique du 26 novembre 2024, après acceptation des parties
ARRÊT :
Contradictoire, prononcé publiquement le 25 février 2025 par mise à disposition au greffe comme indiqué à l'issue des débats
****
APPELANTE :
S.E.L.A.R.L. FISCAREA LS, prise en la personne de Maître [B] [D]
[Adresse 3]
[Localité 5]
Représentée par Me Alain PALLIER de la SELARL PALLIER-DENIS ASSOCIES, avocat au barreau de NANTES
INTIMÉ :
Maître [L] [K]
né le [Date naissance 4] 1970 à [Localité 8] (71)
[Adresse 2]
[Localité 5]
Représenté par Me Eric CHEDOTAL de la SELARL EC JURIS, avocat au barreau de NANTES
FAITS, PROCÉDURE ET PRÉTENTIONS DES PARTIES :
La société civile de moyens (ci-après la SCM) [Adresse 6] a été constituée entre Me'[L] [K], avocate au barreau de Nantes, et la Selarl Avofisc (anciennement B2M2), société d'exercice de Me [N] [X], avocat au même barreau, et enregistrée au greffe du tribunal de commerce de Nantes le 4 mai 2018.
Suivant acte de cession de parts sociales du 5 juillet 2018, un troisième associé, la Selarl Fiscarea LS (anciennement [D] Avocat Fiscaliste), société d'exercice de Me [B] [D], avocat au barreau de Nantes, a intégré la SCM dont le capital a été réparti à parts égales entre les trois associées, chaque avocat étant co-gérant.
Parallèlement et dans la perspective de fusionner à terme leurs activités dans une seule structure':
- Me [K], Me [X] et Me [D] ont, le 8 mars 2018, déposé de manière indivise et à titre personnel à l'Inpi la marque Fiscarea,
- Me [K] et les sociétés d'exercice de Me'[X] et de Me'[D] ont, le 31'mars 2018, pris à bail des locaux sis à [Adresse 7], propriété de la société civile immobilière Plangloss,
- la SCM a, en mars 2018, réservé le nom de domaine fiscarea.fr et un site internet a été créé sous ce nom de domaine par la société Odiens.
Par courrier du 27 août 2020, Me [K] a exprimé le souhait de se retirer de la SCM, rappelant le préavis de six mois figurant aux statuts. Elle est cependant restée dans les locaux où elle a maintenu son activité.
Par courrier du 24 septembre 2020, la Selarl Avofisc a également demandé son retrait et a quitté les locaux le 30 mars 2021.
Me [X] ayant pris sa retraite, sa société d'exercice a été radiée du registre du commerce et des sociétés le 26 juillet 2023.
Après tentatives de rapprochement et divers incidents (dont les parties se rejettent mutuellement la responsabilité), Me [K] a, par lettre du 29 juin 2023, saisi le bâtonnier de l'ordre des avocats de Nantes des difficultés l'opposant à Me [D] (et à sa société d'exercice), évoquant le souhait de ce dernier de mettre un terme à l'activité exercée en commun et dans les mêmes locaux.
Une première tentative de conciliation a été organisée le 3 juillet 2023. Un procès-verbal de conciliation a été rédigé aux termes duquel les parties se sont engagées à mettre en place des modalités apaisées de relations et à se faire accompagner par un professionnel choisi d'un commun accord.
Une deuxième tentative de conciliation a eu lieu le 7'septembre 2023 au cours de laquelle les parties sont convenues de diverses mesures provisoires dans l'attente de la séparation définitive des associés (informatique, téléphonie, occupation physique du bureau et de la salle de réunion par Me'[K]).
Le 22 septembre 2023, les parties ont constaté l'échec de la conciliation quant aux modalités définitives de leur séparation, mais sans remettre en cause les dispositions provisoires sur lesquelles elles s'étaient accordées le 7 septembre.
Par lettre du 17 octobre 2023 reçue à l'ordre des avocats le 26 octobre, Me [D], associé de la Selarl Fiscarea LS, a saisi, sur le fondement de l'article 142 et suivants du décret n° 91-197 du 27'novembre 1991
1:
En droit, la demande semble être fondée sur les articles 179-1 à 179-7 du décret du 27 novembre 1991 : règlement des différends entre avocats à l'occasion de leur exercice professionnel et non sur les articles 142 à 153 relatifs aux litiges nés à l'occasion d'une collaboration ou d'un contrat de travail.
Ce point a été soulevé par la cour lors de l'audience.
, le bâtonnier de l'ordre des avocats au barreau de Nantes du différend l'opposant à Me [K], sollicitant le départ immédiat de celle-ci des locaux [Adresse 7], le payement de diverses sommes (18'793 euros TTC à titre d'indemnité d'occupation, 135'289,55'euros TTC à titre de rémunération de travaux sous-traitance, de rétrocession, travaux et prestations de secrétariat et dépenses diverses), le rachat par ses soins des parts de Me'[K] dans la SCP et de ses droits sur la marque Fiscarea.
Un protocole d'accord a été signé le 15 novembre 2023 par Me'[D] et par Me'[K] aux termes duquel':
- la quote part définitive de contribution aux charges de la SCM de Me [K] en 2023 a été fixée à la somme de 5'000'euros HT,
- Me [D] s'est engagé à verser à Me [K] la somme de 7'500'euros HT à titre de règlement définitif des factures de sous-traitance dans les dossiers Nombalais, Mood Conseil et Lotijade,
- Me [D] achète les parts de Me [K] dans la SCM à hauteur de leur valeur nominale, soit 100 euros,
- Me [K] concède à Me [D] l'usage exclusif de la marque Fiscarea,
- Me [D] s'est engagé à verser à Me [K] la somme de 9'500'euros HT à titre de complément d'honoraires,
- en contrepartie de l'accord, les parties renoncent à toutes demandes financières l'une envers l'autre au titre de leur exercice en commun,
- Me [D] conservera l'usage de la ligne téléphonique actuelle [XXXXXXXX01], un message d'accueil précisera le nouveau numéro auquel joindre Me [K],
- Me [K] s'engage à quitter les locaux [Adresse 6] au plus tard le 10 décembre 2023,
- les parties s'engagent à mettre en 'uvre tous les actes juridiques nécessaires à la concrétisation des présentes.
Me [D] ayant contesté le 23 novembre 2023 ce protocole, Me [K] a, par mémoire du 22 décembre 2023 adressé au bâtonnier, sollicité son homologation, invitant le bâtonnier à constater son dessaisissement.
Par un mémoire transmis le 6 janvier 2024, Me [D] a contesté la validité du protocole, soulevant sa nullité.
Par décision du 3 avril 2024, la bâtonnier a :
- débouté la Selarl Fiscarea LS de sa demande tendant à voir prononcer la nullité du protocole d'accord en date du 15 novembre 2023,
- homologué le protocole d'accord,
en conséquence':
- dit n'y avoir lieu à statuer sur d'autres demandes,
- constaté l'extinction de l'instance par l'effet de la transaction intervenue,
- condamné la Selarl Fiscarea LS, agissant par Me [D], aux éventuels dépens.
Par déclaration adressée par lettre recommandée postée le 6 mai 2024, la Selarl Fiscarea LS, prise en la personne de son gérant, Me [B] [D], a formé un recours contre cette décision.
Aux termes des ses dernières écritures (18 juillet 2024) développées oralement lors de l'audience, la Selarl Fiscarea (nouvelle dénomination de la Selarl Fiscarea LS), demande à la cour de':
- annuler en toutes ses dispositions la décision d'arbitrage rendue par le bâtonnier de l'ordre des avocats de Nantes le 3 avril 2024,
et statuant à nouveau :
- annuler le protocole d'accord du 15 novembre 2023,
- condamner Me [L] [K] au paiement d'une somme de 20'236,20'euros TTC à la SCM [Adresse 6] à titre de solde de contribution aux charges 2023,
- condamner Me [L] [K] à lui payer la somme de 136'789,55'euros TTC,
- constater l'accord des parties sur le rachat des parts de la SCM [Adresse 6] détenues par Me [K] par ses soins au prix de 100'euros ou, à défaut, inviter les parties à désigner un expert,
- constater l'accord des parties sur le rachat par ses soins de la quote-part indivise de la marque Fiscarea détenue par Me [K] au prix de 2'200'euros HT ou, à défaut, inviter les parties à désigner un expert,
- condamner Me [L] [K] au paiement de la somme de 5'000'euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile, outre les entiers dépens de l'instance.
- rappeler que l'exécution provisoire est de droit.
La Selarl Fiscarea soulève la nullité du protocole du 15 novembre 2022 soutenant que le consentement de Me [D] a été vicié par les violences et le comportement agressif de Me [K] tant à son égard qu'à l'égard de l'ensemble des membres du cabinet Fiscarea LS, comportement à l'origine d'un climat d'insécurité et de souffrances psychologiques. Elle précise que Me [D] a dû consulter fin août 2023 son médecin qui lui a prescrit, dans ce contexte, des anxiolytiques et des antidépresseurs.
Elle rappelle que sa saisine du bâtonnier du 17 octobre 2023 tendait à obtenir le départ immédiat de Me [K] et sa condamnation à lui payer une somme de plus de 150'000'euros qui en est totale contradiction avec l'accord du 15 novembre 2023 qui met à la charge de Me [D] une somme de 20400 euros. Il soutient que ce protocole a été rédigé par Me [K] et que Me [D] l'a signé après un processus de trois heures alors qu'il était malade et déprimé, pour protéger ses salariés et sa collaboratrice et obtenir au plus vite le départ de Me [K]. Elle soutient donc qu'il s'agit d'un simple projet signé sous la violence et qui, au mieux ne peut constituer qu'une lettre d'intention. Elle relève que sur les huit points que l'acte contient quatre sont rédigés à l'indicatif et quatre au conditionnel ce qui démontre bien son caractère imparfait. Elle observe que la rédaction n'est d'ailleurs pas finalisée puisqu'elle ne couvre pas tous les points en litige, que la Selarl Fiscarea n'est pas partie, qu'elle fait état d'un exercice en commun inexistant, que le contenu est imprécis, s'agissant du message téléphonique ou encore de la marque que Me [K] ne pouvait pas concéder.
Elle fait encore valoir l'absence de concessions réciproques, Me [D] ayant abandonné une créance de 175'000'euros sans réelle contrepartie puisque Me [K] avait à la date de l'accord déjà conclu un bail à effet du 1er décembre 2023 et l'accord ne couvrant pas tous les points en litige.
Ce protocole étant nul, elle précise ses créances sur lesquelles elle demande à la cour de statuer': contribution aux charges 2023 (20'236,20 euros TTC après déduction de la somme de 5'000 euros HT payée par Me [K]), travaux de sous-traitance effectués par Me [D], mise à disposition de collaborateurs pour des travaux de sous-traitance, prestations de secrétariat et dépenses diverses pour un total de 136'789,55'euros TTC.
Elle ajoute qu'il y a accord sur la valeur de rachat des parts de la SCM comme celle de la quote-part indivise de la marque Fiscarea.
Aux termes de ses dernières écritures (26 septembre 2024) développées oralement lors de l'audience, Me [L] [K] demande à la cour de':
à titre principal :
- au constat de l'absence de moyens soutenus relativement à la demande d'annulation de la décision du bâtonnier rendue le 3 avril 2024, débouter la Selarl Fiscarea de son appel-nullité et de toutes ses demandes, fins et prétentions,
- subsidiairement et si l'appel interjeté valait demande de réformation de la décision du bâtonnier rendue le 3 avril 2024,
- confirmer la décision dont appel en toutes ses dispositions,
- débouter consécutivement, le Selarl Fiscarea de toutes ses demandes, fins et prétentions,
à titre subsidiaire dans l'hypothèse d'une réformation de la décision de première instance et ainsi, d'annulation du protocole du 15 novembre 2023,
- sur la contribution pour l'année 2023 de Me [K] aux charges de la SCM, débouter la Selarl Fiscarea de sa demande de condamnation au paiement de la somme de 20.236,20'euros TTC au profit de la SCM [Adresse 6] à titre de solde de contribution aux charges 2023, la liquidation définitive de la redevance des associés devant, selon les statuts, être arrêtée par l'assemblée générale des associés à l'unanimité,
subsidiairement,
- fixer sa contribution aux charges de la SCM [Adresse 6] pour l'année 2023 à la somme de 9'052,97'euros HT sous déduction de l'acompte provisionnel versé de 5'000'euros HT soit un solde de contribution aux charges 2023 de 4'052,97'euros HT ou 4'863,56'euros TTC,
sur la demande de condamnation au paiement de la somme de 136.789,55 euros TTC au profit de la Selarl Fiscarea,
- débouter la Selarl Fiscarea de cette demande,
sur le rachat des parts de SCM qu'elle détient,
- débouter la Selarl Fiscarea de sa demande de constat de l'existence d'un accord sur le prix et designer tel expert qu'il plaira avec la mission de valoriser les parts sociales de la SCM [Adresse 6],
- mettre à la charge de la SCM [Adresse 6] les frais et honoraires de l'expert judiciaire désigné,
sur le rachat de la quote-part indivise de la marque Fiscarea':
- débouter la Selarl Fiscarea de sa demande de constat de l'existence d'un accord sur le rachat de la quote part d'indivision de Me [K] par la Selarl Fiscarea,
- constater que la demande de rappel de l'exécution provisoire de droit est sans objet en - conséquence, rejeter cette demande,
- débouter plus généralement la Selarl Fiscarea de toutes ses demandes, fins et prétentions contraires aux présentes,
sur le paiement de ses factures d'honoraires en 2023':
- condamner Me [D] à régler à Me [K] la somme de 8'898'euros TTC au titre des factures d'honoraires pour les travaux exécutés en sous traitance dans les dossiers Nombalais, Mood Conseil et Lotijade,
en tout état de cause :
- condamner la Selarl Fiscarea à lui payer la somme de 7'000'euros sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,
- condamner la même aux entiers dépens.
Me [K] expose les multiples difficultés qu'elle a rencontrées et qui se poursuivent depuis la décision rendue par le bâtonnier. Elle ajoute que face à l'acharnement de Me [D] et de sa collaboratrice, elle a porté plainte contre eux pour harcèlement moral.
Elle relève que la société Fiscarea conclut à l'annulation de la décision du bâtonnier sans soulever le moindre moyen de nullité, que ne sollicitant pas son infirmation, la décision ne peut qu'être confirmée, l'appelante étant déboutée de ses demandes.
Subsidiairement, elle conteste la violence qui lui est reprochée laquelle n'est nullement établie. Elle rappelle qu'au contraire, elle a, dès le 29 juin 2023, décrit dans le courrier qu'elle a adressé au bâtonnier les faits dont elle était l'objet, sollicitant la protection de l'ordre. Elle relève que le 23 août 2023, Me [D] lui a écrit pour chercher à définir des modalités apaisées au sein du même cabinet ce qui est totalement inconciliable avec les prétendues violences dont il fait état. Elle précise avoir quitté le cabinet dès qu'elle a trouvé de nouveaux locaux, après s'être réfugiée en septembre 2023 chez une cons'ur.
Elle critique les attestations produites par son adversaire dont elle relativise les termes.
Elle indique que la réunion du 15 novembre 2023 à l'issue de laquelle l'accord a été signé a eu lieu à l'initiative de Me [D], hors la présence de leurs conseils respectifs. Elle fait valoir que le cabinet de ce dernier était trois fois plus important que le sien et qu'elle se trouvait en situation de dépendance par rapport à lui et que c'est ce dernier et son équipe qui ont tout fait pour lui faire quitter la structure après avoir tenté de la retenir.
Concernant, l'état de Me [D] au jour de la négociation et de la signature de l'accord, elle précise qu'il n'était nullement en arrêt de travail et a pris, sitôt après, un dossier aux enjeux financiers très importants. Elle rapporte les pressions exercées sur elle avant ces négociations et note que ces pressions et menaces se sont poursuivies après son départ des locaux.
Elle soutient que ces négociation n'ont pas abouti à un avantage excessif pour elle puisqu'elle a renoncé à la marque Fiscarea qu'elle a contribué à créer et qui est le fruit de six années de travail.
Elle rappelle les tergiversations de Me [D] qui a tantôt dit vouloir exécuter l'accord (24'novembre 2023) et l'a tantôt remis en cause (23 novembre), après lui avoir demandé de prendre en charge quelques factures supplémentaires (20 novembre).
Elle précise que cet accord ne peut être qualifié de lettre d'intention, le conditionnel était employé pour respecter la concordance des temps, Me [D], gérant de sa société d'exercice, ayant agi pour celle-ci, les parties ayant renoncé à toutes demandes financières l'une envers l'autre au titre de leur exercice, l'accord devant être exécuté de bonne foi quant à la date d'effet ou à la marque qu'elle a renoncé à utiliser.
Elle ajoute que les imperfections de la convention résultent des conditions dans lesquelles elle a été rédigée (en dix minutes après deux heures de négociations et avoir été complétée) et soutient que les prétendues créances de la Selarl Fiscarea auxquelles elle a renoncées qui n'ont jamais donné lieu à la moindre factures constituent un procédé déloyal.
Elle en tire donc la conséquence que ce protocole peut parfaitement être exécuté en l'état.
Très subsidiairement, sur les comptes entre les parties, elle s'étonne des demandes de Me'[D] qui ne lui a jamais réclamé quoi que ce soit avant le 17 octobre 2023. Elle relève que ces demandes ont varié dans le temps et ne résultent d'aucun accord. Elle ajoute qu'un apurement définitif de leurs comptes réciproques a eu lieu fin 2022 aux termes duquel elle était créditrice, créance qui lui a été réglée le 15 décembre. Elle conteste donc que la société Fiscarea puisse lui réclamer des sommes concernant des prestations antérieures à cette date. S'agissant des refacturations 2023, elle expose qu'il s'agit d'un décompte unilatéral de l'appelante qui ne repose sur aucun élément et qu'elle conteste, ayant sa propre secrétaire et Mme [S] n'ayant que très ponctuellement travaillé pour elle avant sa plainte du mois de juin 2023. Elle ajoute qu'elle n'a jamais validé le décompte de Me [W] (28h) ni le taux horaire qui, dans les demandes de la société Fiscarea, a varié entre 41,12 euros et 110 puis 220 euros/h, qu'il en va de même de Mme'[I] (de 6 à 33 h au tarif passé de 45 à 90 euros/h, au demeurant déjà facturé au titre de la sous-traitance). Elle discute les prétendues autres créances qu'elle qualifie d'écran de fumée.
Elle précise qu'elle est créancière au titre de travaux de sous-traitance qu'elle a effectués en 2023 au bénéfice de Me [D]': société Mood Conseil pour lequel seule la première facture a été réglée, Nombalais et loti Jade, factures que Me [D] a reconnu devoir le 23 août 2023.
S'agissant des charges de la SCM, Me [K] rappelle qu'aucun règlement antérieur n'a été établi et qu'il convient de retenir la pratique antérieure (participation limitée à 20 %) tout en tenant compte, à compter du mois de juin 2023, de la restriction de ses droits et du réaménagement effectué par Me [D]. Elle rappelle l'accord trouvé et à défaut indique que la SCM n'est créancière d'aucune somme aussi longtemps qu'un arrêté des comptes n'aura pas été approuvé par l'assemblée générale. Après examen et discussion des factures et comptes de la SCM, elle estime ne pas être redevable d'une somme supérieure à 9'052,97'euros.
Elle conteste la valeur des parts de la SCM et, faute d'accord, sollicite qu'un expert soit désigné, ajoutant qu'elle ne perdra sa qualité d'associé qu'au jour où ses droits lui auront été remboursés. Elle conclut de manière identique pour la marque Fiscarea.
Une ordonnance de clôture a été rendue le 12 novembre 2024.
L'affaire a été prise en audience publique conformément au souhait émis par les parties, interrogées sur ce point.
SUR CE :
Il convient préliminairement de rappeler que l'appel tend, aux termes de l'article 542 du code de procédure civile, par la critique de la décision rendue en première instance, à sa réformation ou à son annulation par la cour d'appel, l'annulation sanctionnant une irrégularité dans l'élaboration de la décision et la réformation, le mal jugé (Nathalie Fricéro JCP procédure fasc. 1000-25).
Il ressort que l'article 954 al 4 du même code que la cour ne statue que sur les prétentions énoncées au dispositif des écritures.
En l'espèce, force est de relever que les écritures de la Selarl Fisacrea, développées oralement lors de l'audience, ne tendent qu'à l'annulation et non à la réformation de la décision critiquée et ce, malgré les conclusions écrites de Me [K] soulevant expressément ce point et auxquelles il n'a pas été répondu.
Sur la demande d'annulation de la décision du bâtonnier':
Les conclusions de la société Fiscaréa ne contiennent aucun développement particulier concernant la nullité de la décision du bâtonnier.
Toutefois, la requérante laisse entendre que la nullité du protocole aurait pour conséquence la nullité de la décision du bâtonnier': ainsi indique-t-elle en en-tête du point 2.1 de ses écritures, en page 12/43': «'la nullité du protocole du 15'novembre 2023 et la nullité corrélative de la décision du bâtonnier du 3'avril 2024'», étant ici observé que le terme corrélative renvoie à l'existence d'un rapport de corrélation qui est défini par le dictionnaire de l'Académie française comme un rapport unissant deux concepts, deux termes dont l'un ne va pas sans l'autre.
Or, et contrairement à ce qui est ainsi présenté, une convention (en l'espèce un protocole d'accord entre avocats) dont la nullité est poursuivie et soumise à l'appréciation d'une juridiction (ou comme, en l'espèce, d'une institution ayant un pouvoir quasi juridictionnel) est évidemment sans conséquence sur la régularité de la décision rendue que celle-ci ait ou non fait droit à la nullité soulevée.
En effet, et à supposer même qu'à la suite d'une erreur de droit ou de fait commise par son auteur, la décision ait, à tort, rejeté la nullité soulevée, cette erreur ne peut justifier que la réformation de la décision critiquée ce qu'en l'espèce, la société Fiscarea ne poursuit pas, et non son annulation.
La demande de la société Fiscarea ne peut donc qu'être rejetée.
En conséquence de ce rejet, il appartient aux parties de mettre en 'uvre le protocole, validé par le bâtonnier, qu'elles ont signé le 15 novembre 2023, ce que d'ailleurs Me [D] sollicitait dans le SMS qu'il a adressé le 24 novembre suivant à 12h32 à Me [K], en lui demandant de rédiger les actes qu'il prévoit expressément, après avoir pris acte de son refus de le renégocier (' [L], J'ai pris note de ton refus de réviser l'accord que tu m'as fait signer. Je souhaite malgré tout en terminer au plus vite. Merci de m'adresser ce jour les projets d'actes envisagés et/ou de revenir vers moi pour régler les détails. Les sommes seront versées en compte carpa pour garantir la bonne exécution '), confirmé par courriel du même jour à 15h01 au conseil de cette dernière.
Sur les dépens et les frais irrépétibles':
Partie succombante la Selarl Fiscaréa supportera la charge des dépens.
Elle devra verser à son adversaire une somme de 5'000'euros sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.
PAR CES MOTIFS':
Statuant par arrêt rendu publiquement et contradictoirement,
Rejette la demande d'annulation de la décision du bâtonnier de Nantes rendue le 3 avril 2024 dans le dossier opposant la Selarl Fiscaréa à Me [K].
Condamne la Selarl Fiscarea aux dépens.
Condamne la Selarl Fiscarea à payer à Me [L] [K] une somme de 5'000'euros sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.
LA GREFFIÈRE LE PRÉSIDENT
9
ARRÊT N°
N° RG 24/03018 -
N° Portalis DBVL-V-B7I-UZUG
(Réf 1ère instance : )
S.E.L.A.R.L. FISCAREA LS
C/
Me [L] [K]
Copie exécutoire délivrée
le :
à :
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D'APPEL DE RENNES
ARRÊT DU 25 FEVRIER 2025
COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DÉBATS ET DU DÉLIBÉRÉ :
Président : Monsieur Fabrice ADAM, Premier Président de chambre, entendu en son rapport,
Assesseur : Monsieur Philippe BRICOGNE, Président de chambre,
Assesseur : Madame Caroline BRISSIAUD, Conseillère,
GREFFIER :
Madame Elise BEZIER, lors des débats et lors du prononcé
DÉBATS :
A l'audience publique du 26 novembre 2024, après acceptation des parties
ARRÊT :
Contradictoire, prononcé publiquement le 25 février 2025 par mise à disposition au greffe comme indiqué à l'issue des débats
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APPELANTE :
S.E.L.A.R.L. FISCAREA LS, prise en la personne de Maître [B] [D]
[Adresse 3]
[Localité 5]
Représentée par Me Alain PALLIER de la SELARL PALLIER-DENIS ASSOCIES, avocat au barreau de NANTES
INTIMÉ :
Maître [L] [K]
né le [Date naissance 4] 1970 à [Localité 8] (71)
[Adresse 2]
[Localité 5]
Représenté par Me Eric CHEDOTAL de la SELARL EC JURIS, avocat au barreau de NANTES
FAITS, PROCÉDURE ET PRÉTENTIONS DES PARTIES :
La société civile de moyens (ci-après la SCM) [Adresse 6] a été constituée entre Me'[L] [K], avocate au barreau de Nantes, et la Selarl Avofisc (anciennement B2M2), société d'exercice de Me [N] [X], avocat au même barreau, et enregistrée au greffe du tribunal de commerce de Nantes le 4 mai 2018.
Suivant acte de cession de parts sociales du 5 juillet 2018, un troisième associé, la Selarl Fiscarea LS (anciennement [D] Avocat Fiscaliste), société d'exercice de Me [B] [D], avocat au barreau de Nantes, a intégré la SCM dont le capital a été réparti à parts égales entre les trois associées, chaque avocat étant co-gérant.
Parallèlement et dans la perspective de fusionner à terme leurs activités dans une seule structure':
- Me [K], Me [X] et Me [D] ont, le 8 mars 2018, déposé de manière indivise et à titre personnel à l'Inpi la marque Fiscarea,
- Me [K] et les sociétés d'exercice de Me'[X] et de Me'[D] ont, le 31'mars 2018, pris à bail des locaux sis à [Adresse 7], propriété de la société civile immobilière Plangloss,
- la SCM a, en mars 2018, réservé le nom de domaine fiscarea.fr et un site internet a été créé sous ce nom de domaine par la société Odiens.
Par courrier du 27 août 2020, Me [K] a exprimé le souhait de se retirer de la SCM, rappelant le préavis de six mois figurant aux statuts. Elle est cependant restée dans les locaux où elle a maintenu son activité.
Par courrier du 24 septembre 2020, la Selarl Avofisc a également demandé son retrait et a quitté les locaux le 30 mars 2021.
Me [X] ayant pris sa retraite, sa société d'exercice a été radiée du registre du commerce et des sociétés le 26 juillet 2023.
Après tentatives de rapprochement et divers incidents (dont les parties se rejettent mutuellement la responsabilité), Me [K] a, par lettre du 29 juin 2023, saisi le bâtonnier de l'ordre des avocats de Nantes des difficultés l'opposant à Me [D] (et à sa société d'exercice), évoquant le souhait de ce dernier de mettre un terme à l'activité exercée en commun et dans les mêmes locaux.
Une première tentative de conciliation a été organisée le 3 juillet 2023. Un procès-verbal de conciliation a été rédigé aux termes duquel les parties se sont engagées à mettre en place des modalités apaisées de relations et à se faire accompagner par un professionnel choisi d'un commun accord.
Une deuxième tentative de conciliation a eu lieu le 7'septembre 2023 au cours de laquelle les parties sont convenues de diverses mesures provisoires dans l'attente de la séparation définitive des associés (informatique, téléphonie, occupation physique du bureau et de la salle de réunion par Me'[K]).
Le 22 septembre 2023, les parties ont constaté l'échec de la conciliation quant aux modalités définitives de leur séparation, mais sans remettre en cause les dispositions provisoires sur lesquelles elles s'étaient accordées le 7 septembre.
Par lettre du 17 octobre 2023 reçue à l'ordre des avocats le 26 octobre, Me [D], associé de la Selarl Fiscarea LS, a saisi, sur le fondement de l'article 142 et suivants du décret n° 91-197 du 27'novembre 1991
1:
En droit, la demande semble être fondée sur les articles 179-1 à 179-7 du décret du 27 novembre 1991 : règlement des différends entre avocats à l'occasion de leur exercice professionnel et non sur les articles 142 à 153 relatifs aux litiges nés à l'occasion d'une collaboration ou d'un contrat de travail.
Ce point a été soulevé par la cour lors de l'audience.
, le bâtonnier de l'ordre des avocats au barreau de Nantes du différend l'opposant à Me [K], sollicitant le départ immédiat de celle-ci des locaux [Adresse 7], le payement de diverses sommes (18'793 euros TTC à titre d'indemnité d'occupation, 135'289,55'euros TTC à titre de rémunération de travaux sous-traitance, de rétrocession, travaux et prestations de secrétariat et dépenses diverses), le rachat par ses soins des parts de Me'[K] dans la SCP et de ses droits sur la marque Fiscarea.
Un protocole d'accord a été signé le 15 novembre 2023 par Me'[D] et par Me'[K] aux termes duquel':
- la quote part définitive de contribution aux charges de la SCM de Me [K] en 2023 a été fixée à la somme de 5'000'euros HT,
- Me [D] s'est engagé à verser à Me [K] la somme de 7'500'euros HT à titre de règlement définitif des factures de sous-traitance dans les dossiers Nombalais, Mood Conseil et Lotijade,
- Me [D] achète les parts de Me [K] dans la SCM à hauteur de leur valeur nominale, soit 100 euros,
- Me [K] concède à Me [D] l'usage exclusif de la marque Fiscarea,
- Me [D] s'est engagé à verser à Me [K] la somme de 9'500'euros HT à titre de complément d'honoraires,
- en contrepartie de l'accord, les parties renoncent à toutes demandes financières l'une envers l'autre au titre de leur exercice en commun,
- Me [D] conservera l'usage de la ligne téléphonique actuelle [XXXXXXXX01], un message d'accueil précisera le nouveau numéro auquel joindre Me [K],
- Me [K] s'engage à quitter les locaux [Adresse 6] au plus tard le 10 décembre 2023,
- les parties s'engagent à mettre en 'uvre tous les actes juridiques nécessaires à la concrétisation des présentes.
Me [D] ayant contesté le 23 novembre 2023 ce protocole, Me [K] a, par mémoire du 22 décembre 2023 adressé au bâtonnier, sollicité son homologation, invitant le bâtonnier à constater son dessaisissement.
Par un mémoire transmis le 6 janvier 2024, Me [D] a contesté la validité du protocole, soulevant sa nullité.
Par décision du 3 avril 2024, la bâtonnier a :
- débouté la Selarl Fiscarea LS de sa demande tendant à voir prononcer la nullité du protocole d'accord en date du 15 novembre 2023,
- homologué le protocole d'accord,
en conséquence':
- dit n'y avoir lieu à statuer sur d'autres demandes,
- constaté l'extinction de l'instance par l'effet de la transaction intervenue,
- condamné la Selarl Fiscarea LS, agissant par Me [D], aux éventuels dépens.
Par déclaration adressée par lettre recommandée postée le 6 mai 2024, la Selarl Fiscarea LS, prise en la personne de son gérant, Me [B] [D], a formé un recours contre cette décision.
Aux termes des ses dernières écritures (18 juillet 2024) développées oralement lors de l'audience, la Selarl Fiscarea (nouvelle dénomination de la Selarl Fiscarea LS), demande à la cour de':
- annuler en toutes ses dispositions la décision d'arbitrage rendue par le bâtonnier de l'ordre des avocats de Nantes le 3 avril 2024,
et statuant à nouveau :
- annuler le protocole d'accord du 15 novembre 2023,
- condamner Me [L] [K] au paiement d'une somme de 20'236,20'euros TTC à la SCM [Adresse 6] à titre de solde de contribution aux charges 2023,
- condamner Me [L] [K] à lui payer la somme de 136'789,55'euros TTC,
- constater l'accord des parties sur le rachat des parts de la SCM [Adresse 6] détenues par Me [K] par ses soins au prix de 100'euros ou, à défaut, inviter les parties à désigner un expert,
- constater l'accord des parties sur le rachat par ses soins de la quote-part indivise de la marque Fiscarea détenue par Me [K] au prix de 2'200'euros HT ou, à défaut, inviter les parties à désigner un expert,
- condamner Me [L] [K] au paiement de la somme de 5'000'euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile, outre les entiers dépens de l'instance.
- rappeler que l'exécution provisoire est de droit.
La Selarl Fiscarea soulève la nullité du protocole du 15 novembre 2022 soutenant que le consentement de Me [D] a été vicié par les violences et le comportement agressif de Me [K] tant à son égard qu'à l'égard de l'ensemble des membres du cabinet Fiscarea LS, comportement à l'origine d'un climat d'insécurité et de souffrances psychologiques. Elle précise que Me [D] a dû consulter fin août 2023 son médecin qui lui a prescrit, dans ce contexte, des anxiolytiques et des antidépresseurs.
Elle rappelle que sa saisine du bâtonnier du 17 octobre 2023 tendait à obtenir le départ immédiat de Me [K] et sa condamnation à lui payer une somme de plus de 150'000'euros qui en est totale contradiction avec l'accord du 15 novembre 2023 qui met à la charge de Me [D] une somme de 20400 euros. Il soutient que ce protocole a été rédigé par Me [K] et que Me [D] l'a signé après un processus de trois heures alors qu'il était malade et déprimé, pour protéger ses salariés et sa collaboratrice et obtenir au plus vite le départ de Me [K]. Elle soutient donc qu'il s'agit d'un simple projet signé sous la violence et qui, au mieux ne peut constituer qu'une lettre d'intention. Elle relève que sur les huit points que l'acte contient quatre sont rédigés à l'indicatif et quatre au conditionnel ce qui démontre bien son caractère imparfait. Elle observe que la rédaction n'est d'ailleurs pas finalisée puisqu'elle ne couvre pas tous les points en litige, que la Selarl Fiscarea n'est pas partie, qu'elle fait état d'un exercice en commun inexistant, que le contenu est imprécis, s'agissant du message téléphonique ou encore de la marque que Me [K] ne pouvait pas concéder.
Elle fait encore valoir l'absence de concessions réciproques, Me [D] ayant abandonné une créance de 175'000'euros sans réelle contrepartie puisque Me [K] avait à la date de l'accord déjà conclu un bail à effet du 1er décembre 2023 et l'accord ne couvrant pas tous les points en litige.
Ce protocole étant nul, elle précise ses créances sur lesquelles elle demande à la cour de statuer': contribution aux charges 2023 (20'236,20 euros TTC après déduction de la somme de 5'000 euros HT payée par Me [K]), travaux de sous-traitance effectués par Me [D], mise à disposition de collaborateurs pour des travaux de sous-traitance, prestations de secrétariat et dépenses diverses pour un total de 136'789,55'euros TTC.
Elle ajoute qu'il y a accord sur la valeur de rachat des parts de la SCM comme celle de la quote-part indivise de la marque Fiscarea.
Aux termes de ses dernières écritures (26 septembre 2024) développées oralement lors de l'audience, Me [L] [K] demande à la cour de':
à titre principal :
- au constat de l'absence de moyens soutenus relativement à la demande d'annulation de la décision du bâtonnier rendue le 3 avril 2024, débouter la Selarl Fiscarea de son appel-nullité et de toutes ses demandes, fins et prétentions,
- subsidiairement et si l'appel interjeté valait demande de réformation de la décision du bâtonnier rendue le 3 avril 2024,
- confirmer la décision dont appel en toutes ses dispositions,
- débouter consécutivement, le Selarl Fiscarea de toutes ses demandes, fins et prétentions,
à titre subsidiaire dans l'hypothèse d'une réformation de la décision de première instance et ainsi, d'annulation du protocole du 15 novembre 2023,
- sur la contribution pour l'année 2023 de Me [K] aux charges de la SCM, débouter la Selarl Fiscarea de sa demande de condamnation au paiement de la somme de 20.236,20'euros TTC au profit de la SCM [Adresse 6] à titre de solde de contribution aux charges 2023, la liquidation définitive de la redevance des associés devant, selon les statuts, être arrêtée par l'assemblée générale des associés à l'unanimité,
subsidiairement,
- fixer sa contribution aux charges de la SCM [Adresse 6] pour l'année 2023 à la somme de 9'052,97'euros HT sous déduction de l'acompte provisionnel versé de 5'000'euros HT soit un solde de contribution aux charges 2023 de 4'052,97'euros HT ou 4'863,56'euros TTC,
sur la demande de condamnation au paiement de la somme de 136.789,55 euros TTC au profit de la Selarl Fiscarea,
- débouter la Selarl Fiscarea de cette demande,
sur le rachat des parts de SCM qu'elle détient,
- débouter la Selarl Fiscarea de sa demande de constat de l'existence d'un accord sur le prix et designer tel expert qu'il plaira avec la mission de valoriser les parts sociales de la SCM [Adresse 6],
- mettre à la charge de la SCM [Adresse 6] les frais et honoraires de l'expert judiciaire désigné,
sur le rachat de la quote-part indivise de la marque Fiscarea':
- débouter la Selarl Fiscarea de sa demande de constat de l'existence d'un accord sur le rachat de la quote part d'indivision de Me [K] par la Selarl Fiscarea,
- constater que la demande de rappel de l'exécution provisoire de droit est sans objet en - conséquence, rejeter cette demande,
- débouter plus généralement la Selarl Fiscarea de toutes ses demandes, fins et prétentions contraires aux présentes,
sur le paiement de ses factures d'honoraires en 2023':
- condamner Me [D] à régler à Me [K] la somme de 8'898'euros TTC au titre des factures d'honoraires pour les travaux exécutés en sous traitance dans les dossiers Nombalais, Mood Conseil et Lotijade,
en tout état de cause :
- condamner la Selarl Fiscarea à lui payer la somme de 7'000'euros sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,
- condamner la même aux entiers dépens.
Me [K] expose les multiples difficultés qu'elle a rencontrées et qui se poursuivent depuis la décision rendue par le bâtonnier. Elle ajoute que face à l'acharnement de Me [D] et de sa collaboratrice, elle a porté plainte contre eux pour harcèlement moral.
Elle relève que la société Fiscarea conclut à l'annulation de la décision du bâtonnier sans soulever le moindre moyen de nullité, que ne sollicitant pas son infirmation, la décision ne peut qu'être confirmée, l'appelante étant déboutée de ses demandes.
Subsidiairement, elle conteste la violence qui lui est reprochée laquelle n'est nullement établie. Elle rappelle qu'au contraire, elle a, dès le 29 juin 2023, décrit dans le courrier qu'elle a adressé au bâtonnier les faits dont elle était l'objet, sollicitant la protection de l'ordre. Elle relève que le 23 août 2023, Me [D] lui a écrit pour chercher à définir des modalités apaisées au sein du même cabinet ce qui est totalement inconciliable avec les prétendues violences dont il fait état. Elle précise avoir quitté le cabinet dès qu'elle a trouvé de nouveaux locaux, après s'être réfugiée en septembre 2023 chez une cons'ur.
Elle critique les attestations produites par son adversaire dont elle relativise les termes.
Elle indique que la réunion du 15 novembre 2023 à l'issue de laquelle l'accord a été signé a eu lieu à l'initiative de Me [D], hors la présence de leurs conseils respectifs. Elle fait valoir que le cabinet de ce dernier était trois fois plus important que le sien et qu'elle se trouvait en situation de dépendance par rapport à lui et que c'est ce dernier et son équipe qui ont tout fait pour lui faire quitter la structure après avoir tenté de la retenir.
Concernant, l'état de Me [D] au jour de la négociation et de la signature de l'accord, elle précise qu'il n'était nullement en arrêt de travail et a pris, sitôt après, un dossier aux enjeux financiers très importants. Elle rapporte les pressions exercées sur elle avant ces négociations et note que ces pressions et menaces se sont poursuivies après son départ des locaux.
Elle soutient que ces négociation n'ont pas abouti à un avantage excessif pour elle puisqu'elle a renoncé à la marque Fiscarea qu'elle a contribué à créer et qui est le fruit de six années de travail.
Elle rappelle les tergiversations de Me [D] qui a tantôt dit vouloir exécuter l'accord (24'novembre 2023) et l'a tantôt remis en cause (23 novembre), après lui avoir demandé de prendre en charge quelques factures supplémentaires (20 novembre).
Elle précise que cet accord ne peut être qualifié de lettre d'intention, le conditionnel était employé pour respecter la concordance des temps, Me [D], gérant de sa société d'exercice, ayant agi pour celle-ci, les parties ayant renoncé à toutes demandes financières l'une envers l'autre au titre de leur exercice, l'accord devant être exécuté de bonne foi quant à la date d'effet ou à la marque qu'elle a renoncé à utiliser.
Elle ajoute que les imperfections de la convention résultent des conditions dans lesquelles elle a été rédigée (en dix minutes après deux heures de négociations et avoir été complétée) et soutient que les prétendues créances de la Selarl Fiscarea auxquelles elle a renoncées qui n'ont jamais donné lieu à la moindre factures constituent un procédé déloyal.
Elle en tire donc la conséquence que ce protocole peut parfaitement être exécuté en l'état.
Très subsidiairement, sur les comptes entre les parties, elle s'étonne des demandes de Me'[D] qui ne lui a jamais réclamé quoi que ce soit avant le 17 octobre 2023. Elle relève que ces demandes ont varié dans le temps et ne résultent d'aucun accord. Elle ajoute qu'un apurement définitif de leurs comptes réciproques a eu lieu fin 2022 aux termes duquel elle était créditrice, créance qui lui a été réglée le 15 décembre. Elle conteste donc que la société Fiscarea puisse lui réclamer des sommes concernant des prestations antérieures à cette date. S'agissant des refacturations 2023, elle expose qu'il s'agit d'un décompte unilatéral de l'appelante qui ne repose sur aucun élément et qu'elle conteste, ayant sa propre secrétaire et Mme [S] n'ayant que très ponctuellement travaillé pour elle avant sa plainte du mois de juin 2023. Elle ajoute qu'elle n'a jamais validé le décompte de Me [W] (28h) ni le taux horaire qui, dans les demandes de la société Fiscarea, a varié entre 41,12 euros et 110 puis 220 euros/h, qu'il en va de même de Mme'[I] (de 6 à 33 h au tarif passé de 45 à 90 euros/h, au demeurant déjà facturé au titre de la sous-traitance). Elle discute les prétendues autres créances qu'elle qualifie d'écran de fumée.
Elle précise qu'elle est créancière au titre de travaux de sous-traitance qu'elle a effectués en 2023 au bénéfice de Me [D]': société Mood Conseil pour lequel seule la première facture a été réglée, Nombalais et loti Jade, factures que Me [D] a reconnu devoir le 23 août 2023.
S'agissant des charges de la SCM, Me [K] rappelle qu'aucun règlement antérieur n'a été établi et qu'il convient de retenir la pratique antérieure (participation limitée à 20 %) tout en tenant compte, à compter du mois de juin 2023, de la restriction de ses droits et du réaménagement effectué par Me [D]. Elle rappelle l'accord trouvé et à défaut indique que la SCM n'est créancière d'aucune somme aussi longtemps qu'un arrêté des comptes n'aura pas été approuvé par l'assemblée générale. Après examen et discussion des factures et comptes de la SCM, elle estime ne pas être redevable d'une somme supérieure à 9'052,97'euros.
Elle conteste la valeur des parts de la SCM et, faute d'accord, sollicite qu'un expert soit désigné, ajoutant qu'elle ne perdra sa qualité d'associé qu'au jour où ses droits lui auront été remboursés. Elle conclut de manière identique pour la marque Fiscarea.
Une ordonnance de clôture a été rendue le 12 novembre 2024.
L'affaire a été prise en audience publique conformément au souhait émis par les parties, interrogées sur ce point.
SUR CE :
Il convient préliminairement de rappeler que l'appel tend, aux termes de l'article 542 du code de procédure civile, par la critique de la décision rendue en première instance, à sa réformation ou à son annulation par la cour d'appel, l'annulation sanctionnant une irrégularité dans l'élaboration de la décision et la réformation, le mal jugé (Nathalie Fricéro JCP procédure fasc. 1000-25).
Il ressort que l'article 954 al 4 du même code que la cour ne statue que sur les prétentions énoncées au dispositif des écritures.
En l'espèce, force est de relever que les écritures de la Selarl Fisacrea, développées oralement lors de l'audience, ne tendent qu'à l'annulation et non à la réformation de la décision critiquée et ce, malgré les conclusions écrites de Me [K] soulevant expressément ce point et auxquelles il n'a pas été répondu.
Sur la demande d'annulation de la décision du bâtonnier':
Les conclusions de la société Fiscaréa ne contiennent aucun développement particulier concernant la nullité de la décision du bâtonnier.
Toutefois, la requérante laisse entendre que la nullité du protocole aurait pour conséquence la nullité de la décision du bâtonnier': ainsi indique-t-elle en en-tête du point 2.1 de ses écritures, en page 12/43': «'la nullité du protocole du 15'novembre 2023 et la nullité corrélative de la décision du bâtonnier du 3'avril 2024'», étant ici observé que le terme corrélative renvoie à l'existence d'un rapport de corrélation qui est défini par le dictionnaire de l'Académie française comme un rapport unissant deux concepts, deux termes dont l'un ne va pas sans l'autre.
Or, et contrairement à ce qui est ainsi présenté, une convention (en l'espèce un protocole d'accord entre avocats) dont la nullité est poursuivie et soumise à l'appréciation d'une juridiction (ou comme, en l'espèce, d'une institution ayant un pouvoir quasi juridictionnel) est évidemment sans conséquence sur la régularité de la décision rendue que celle-ci ait ou non fait droit à la nullité soulevée.
En effet, et à supposer même qu'à la suite d'une erreur de droit ou de fait commise par son auteur, la décision ait, à tort, rejeté la nullité soulevée, cette erreur ne peut justifier que la réformation de la décision critiquée ce qu'en l'espèce, la société Fiscarea ne poursuit pas, et non son annulation.
La demande de la société Fiscarea ne peut donc qu'être rejetée.
En conséquence de ce rejet, il appartient aux parties de mettre en 'uvre le protocole, validé par le bâtonnier, qu'elles ont signé le 15 novembre 2023, ce que d'ailleurs Me [D] sollicitait dans le SMS qu'il a adressé le 24 novembre suivant à 12h32 à Me [K], en lui demandant de rédiger les actes qu'il prévoit expressément, après avoir pris acte de son refus de le renégocier (' [L], J'ai pris note de ton refus de réviser l'accord que tu m'as fait signer. Je souhaite malgré tout en terminer au plus vite. Merci de m'adresser ce jour les projets d'actes envisagés et/ou de revenir vers moi pour régler les détails. Les sommes seront versées en compte carpa pour garantir la bonne exécution '), confirmé par courriel du même jour à 15h01 au conseil de cette dernière.
Sur les dépens et les frais irrépétibles':
Partie succombante la Selarl Fiscaréa supportera la charge des dépens.
Elle devra verser à son adversaire une somme de 5'000'euros sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.
PAR CES MOTIFS':
Statuant par arrêt rendu publiquement et contradictoirement,
Rejette la demande d'annulation de la décision du bâtonnier de Nantes rendue le 3 avril 2024 dans le dossier opposant la Selarl Fiscaréa à Me [K].
Condamne la Selarl Fiscarea aux dépens.
Condamne la Selarl Fiscarea à payer à Me [L] [K] une somme de 5'000'euros sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.
LA GREFFIÈRE LE PRÉSIDENT
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