CA Paris, Pôle 4 ch. 1, 21 février 2025, n° 24/00939
PARIS
Arrêt
Infirmation
ARRÊT :
- réputé contradictoire
- par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.
- signé par Marie-Ange SENTUCQ, présidente de chambre et par Marylène BOGAERS, greffier, présent lors de la mise à disposition.
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Conclusions société Stanroc Breizh : 25 septembre 2024
Conclusions sociétés Avec, DG hôtels et DG urbans : 28 mars 2024
Clôture : 19 décembre 2024
L'Etablissement national des invalides de la marine (l'ENIM) a pour mission de gérer le régime spécial de sécurité sociale des marins et des gens de mer du commerce de la pêche, des cultures maritimes et de la plaisance. Elle était propriétaire d'un ensemble immobilier situé à [Adresse 12], qui héberge des personnes retraitées de la marine marchande et en avait confié l'exploitation à l'Association pour la gestion des institutions sociales maritimes (l'AGISM), qui a été placée en redressement judiciaire le 16 mai 2013. Par jugement du 30 juin 2016, le tribunal de commerce a arrêté le plan de cession de l'AGISM et confié la reprise du site de Saint Quay Portireux à la société Doctegestio. L'AGISM exploitant ce site sans convention d'occupation, l'offre de reprise de la société Doctegestio prévoit qu'elle 'établira les contacts nécessaires avec l'ENIM pour définir une nouvelle convention d'occupation de la résidence, permettre ainsi la continuation de l'activité et préserver la situation des occupants'.
Faisant valoir que la société Doctegestio exploitait les locaux sans droit ni titre, l'ENIM l'a assignée, ainsi que ses fililiales, les sociétés DG hôtels et DG urbans, en expulsion devant le juge des référés. Les sociétés Doctegestio, DG hôtels et DG urbans ayant fait valoir qu'elles bénéficiaient du statut des baux commerciaux, le juge des référés a constaté l'existence d'une contestation sérieuse.
L'ENIM a alors assigné au fond la société Doctegestio, la société DG hôtels et la société DG urbans en expulsion.
Suite à la cession par l'ENIM de l'immeuble à la société Stanroc Breizh qu'elle a subrogée dans ses droits et actions, celle-ci est volontairement intervenue à l'instance.
Les sociétés Doctegestio, DG hôtel et DG urbans, prétendant bénéficier du statut des baux commerciaux, ont formé une demande reconventionnelle en nullité de la vente au motif qu'elle aurait été conclue en violation des dispositions de l'article L. 145-46-1 du code de commerce qui accorde au locataire commercial un droit de préemption.
L'ENIM a saisi le juge de la mise en état d'un incident aux fins de déclarer irrecevable cette demande reconventionnelle qui ne se rattache pas à la demande originaire par un lien suffisant. La société Stanroc Breizh s'est associée à la demande de l'ENIM.
Par ordonnance du 6 novembre 2023, le juge de la mise en état a rejeté cette fin de non-recevoir au motif qu'il existe un lien entre la question de l'existence de la vente de l'immeuble à la société Stanroc Breizh et celle de l'expulsion de la société Doctegestion, devenue la société Avec, et des sociétés DG hôtel et DG urbans.
La société Stanroc-Breizh a interjeté appel de cette ordonnance. Elle explique que, pour être recevable, une demande reconventionnelle doit avoir une incidence sur l'issue de la demande initiale et soutient que ce n'est pas le cas en l'espèce puisque, si la nullité de la vente est prononcée, l'ENIM maintiendra ses demandes de libération des locaux et, si cette demande est rejetée, c'est elle qui soutiendra ces demandes en sa qualité de subrogée dans les droits et action de l'ENIM.
Elle conclut à l'irrecevabilité de la demande reconventionnelle de la société Doctegestion et de ses filiales et sollicite leur condamnation à lui payer la somme de 3 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.
Les sociétés Avec, DG hôtels et DG urbans concluent à la confirmation de l'ordonnance et sollicitent la condamnation de la société Stanroc Breizh à lui payer la somme de 2 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
Pour justifier l'existence d'un lien suffisant entre la demande initiale de la société Stanroc Breizh et leur demande reconventionnelle en nullité de la vente conclue entre cette dernière et l'ENIM, elle fait valoir qu'elles revendiquent l'existence d'un bail commercial leur permettant de bénéficier du statut des baux commerciaux, ce qui leur permettait de bénéficier, à l'occasion de la vente des locaux, d'un droit de préemption qu'elles auraient exercé et, qu'ainsi, devenues propriétaires de ces locaux, le litige n'aurait pu naître puisque la société Stanroc Breizh n'auraient pu en acquérir la propriété.
MOTIFS DE L'ARRÊT
Considérant que la demande reconventionnelle formée par les sociétés Avec, DG hôtels et DG urbans tend d'une part à faire constater l'existence d'un bail commercial et, partant, le rejet de la demande principale d'expulsion, d'autre part à l'annulation de la vente de l'immeuble conclue entre l'AGIM et la société Stanroc Breizh pour non respect du droit de préemption dont elles seraient titulaires ; que cette dernière demande, qui n'a pas pour objet le rejet de la demande initiale mais seulement à l'obtention d'un avantage autre, n'a pas de lien suffisant avec la demande originaire ; qu'en application de l'article 70 du code de procédure civile, elle doit être déclarée irrecevable ;
PAR CES MOTIFS :
LA COUR,
Infirme l'ordonnance du 6 novembre 2023 en ce qu'elle déclare recevable la demande des sociétés Avec, DG hôtels et DG urbans tendant à déclarer nulle la vente du 29 septembre 2021 entre l'ENIM et la société Stanroc Breizh portant sur l'immeuble situé à [Adresse 12] ;
Statuant à nouveau,
Déclare irrecevable la demande reconventionnelle des sociétés Avec, DG hôtels et DG urbans tendant à déclarer nulle la vente du 29 septembre 2021 entre l'ENIM et la société Stanroc Breizh ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande des sociétés Avec, DG hôtels et DG urbans et les condamne à payer à la société Stanroc Breizh la somme de 2 000 euros ;
LE GREFFIER,
LA PRÉSIDENTE,