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Décisions

CA Paris, Pôle 1 ch. 8, 21 février 2025, n° 24/10921

PARIS

Arrêt

Infirmation partielle

PARTIES

Demandeur :

ALI (SARL)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

Mme Lagemi

Conseiller :

Mme Gaffinel

Avocats :

Me Coudert, Me Devillers

TJ Créteil, du 2 mai 2024, n° 24/00231

2 mai 2024

*****

Par acte du 13 juillet 2019, Mmes [W] et [U] [K] et M. [T] [K] ont donné à bail commercial à la société A.L.I. des locaux situés [Adresse 6], à [Localité 8] (Val-de-Marne), moyennant un loyer mensuel de 1.500 euros hors taxes et hors charges, pour l'exploitation d'un commerce de services funéraires et marbrerie.

Des loyers étant restés impayés, les consorts [K] ont, par acte du 19 juin 2023, fait signifier à la société A.L.I. un commandement, visant la clause résolutoire insérée au bail, de leur payer la somme de 7.500 euros au titre de l'arriéré locatif de février à juin 2023, puis, par acte du 7 février 2024, l'ont fait assigner devant le juge des référés du tribunal judiciaire de Créteil aux fins de constat de l'acquisition de la clause résolutoire, expulsion et condamnation au paiement, à titre provisionnel, d'une indemnité d'occupation et de l'arriéré locatif.

Par ordonnance réputée contradictoire rendue 2 mai 2024, le juge des référés du tribunal judiciaire de Créteil a :

- constaté l'acquisition de la clause résolutoire insérée au bail à la date du 20 juillet 2023 ;

- ordonné, à défaut de restitution volontaire des lieux dans les quinze jours de la signification de l'ordonnance, l'expulsion de la société A.L.I. et de tout occupant de son chef des lieux situés [Adresse 6], à [Localité 8] (Val-de-Marne), avec le concours, en tant que de besoin, de la force publique et d'un serrurier ;

- dit que le sort des meubles se trouvant sur les lieux sera réglé conformément aux articles L.433-1 et suivants et R.433-1 et suivants du code des procédures civiles d'exécution ;

- fixé à titre provisionnel l'indemnité d'occupation due par la société A.L.I., à compter de la résiliation du bail et jusqu'à la libération effective des lieux par la remise des clés, à une somme égale au montant du loyer contractuel, outre les taxes, charges et accessoires ;

- condamné par provision la société A.L.I. à payer à Mmes et M. [K] la somme de 16.500 euros au titre du solde des loyers, charges, accessoires et indemnités d'occupation arriérés au 7 février 2024 ;

- rejeté toute autre demande plus ample ou contraire ;

- condamné la société A.L.I. aux entiers dépens, en ce compris le coût du commandement, et à payer à Mmes et M. [K] la somme de 1.800 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile.

Par déclaration du 5 juin 2024, la société A.L.I. a relevé appel de cette décision en critiquant l'ensemble de ses chefs de dispositif.

Par dernières conclusions remises et notifiées le 9 janvier 2025, elle demande à la cour de :

liminairement,

- débouter Mmes et M. [K] de leur demande de rejet de ses pièces et conclusions ;

à titre principal,

- infirmer l'ordonnance entreprise en toutes ses dispositions ;

statuant à nouveau,

- débouter Mmes et M. [K] de toutes leurs demandes ;

à titre subsidiaire,

- suspendre les effets de la clause résolutoire insérée au bail du 13 juillet 2019 ;

- dire que la société A.L.I. pourra s'acquitter de sa dette en vingt-quatre mensualités d'égal montant et que les sommes correspondant aux échéances reportées porteront intérêts au taux légal sans majoration ;

- en tout état de cause, condamner Mmes et M. [K] à lui payer la somme de 2.000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens.

Par dernières conclusions remises et notifiées le 9 janvier 2025, ils demandent à la cour de :

- confirmer l'ordonnance entreprise en toutes ses dispositions ;

y ajoutant,

- condamner la société A.L.I. à leur payer la somme de 34.500 euros au titre des loyers et indemnités d'occupation dus au 1er janvier 2025 et au paiement la somme supplémentaire de 2.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens d'appel.

L'ordonnance de clôture a été rendue le 10 janvier 2025.

Pour un exposé plus détaillé des faits, de la procédure, des moyens et prétentions des parties, la cour renvoie expressément à la décision déférée ainsi qu'aux conclusions susvisées, conformément aux dispositions de l'article 455 du code de procédure civile.

SUR CE, LA COUR

Sur l'acquisition de la clause résolutoire

Selon l'article 834 du code de procédure civile, dans tous les cas d'urgence, le président du tribunal judiciaire ou le juge des contentieux de la protection dans les limites de sa compétence, peuvent ordonner en référé toutes les mesures qui ne se heurtent à aucune contestation sérieuse ou que justifie l'existence d'un différend.

Selon l'article 835, alinéa 1er, du même code, le président du tribunal judiciaire ou le juge des contentieux de la protection dans les limites de sa compétence peuvent toujours, même en présence d'une contestation sérieuse, prescrire en référé les mesures conservatoires ou de remise en état qui s'imposent, soit pour prévenir un dommage imminent soit pour faire cesser un trouble manifestement illicite.

Aux termes de l'article L. 145-41 du code de commerce, toute clause insérée dans le bail prévoyant la résiliation de plein droit ne produit effet qu'un mois après un commandement demeuré infructueux. Le commandement doit, à peine de nullité, mentionner ce délai.

La société A.L.I. fait valoir que les bailleurs ne démontrent pas avoir fait valablement délivrer un commandement de payer et que les conditions de l'acquisition de la clause résolutoire ne sont donc pas réunies.

Il ressort cependant des pièces versées aux débats qu'un commandement, visant la clause résolutoire du bail, a été signifié à la société A.L.I. à l'initiative des consorts [K] par acte d'huissier du 19 juin 2023 délivré dans les conditions de l'article 656 du code de procédure civile, pour la somme de 7.500 euros au titre d'un arriéré de loyers et de charges portant sur la période de février à juin 2023 (pièce [K] n°2). L'appelante ne critique pas les conditions de la signification de cet acte.

Il est, par ailleurs, constant que les causes du commandement de payer du 19 juin 2023 n'ont pas été réglées dans le délai d'un mois imparti par cet acte, de sorte que les conditions d'acquisition de la clause résolutoire étaient réunies au 20 juillet 2023. L'ordonnance entreprise sera, dès lors, confirmée sur ce point.

Sur la demande de provision

Le décompte produit par Mmes et M. [K] (pièce n°5), non contesté par la locataire, fait apparaître un arriéré de loyers et de charges dû au 1er décembre 2024 de 33.000 euros. Il n'est en outre pas discuté que le loyer de janvier 2025 n'a pas été payé. L'obligation de la société A.L.I. n'apparaît dès lors pas sérieusement contestable à hauteur de la somme réclamée de 34.500 euros.

Il convient d'actualiser la créance de Mmes et M. [K], de condamner la société A.L.I., par provision, au paiement de la somme de 34.500 euros et de réformer en ce sens l'ordonnance entreprise.

Sur la demande de délais

Conformément à l'article L. 145-41 du code de commerce précité, le juge peut accorder des délais de paiement et suspendre la réalisation et les effets de la clause résolutoire.

La société A.L.I. sollicite l'octroi d'un délai de 24 mois pour s'acquitter de l'arriéré locatif en soulignant que sa situation est en train de se redresser et qu'elle a entrepris de rembourser sa dette.

La société A.L.I. produit un reçu de consignation de la somme de 1.375 euros au compte Carpa de son avocat en date du 27 décembre 2024. Si, par ailleurs, elle prétend avoir payé la somme de 10.000 euros, elle n'en justifie pas, la pièce qu'elle produit sous le numéro 8 à cet égard étant partiellement inexploitable.

La cour observe que la société A.L.I. ne s'engage sur aucun échéancier précis, ne produit aucun document susceptible de justifier de sa capacité à apurer sa dette et, en particulier, aucune pièce comptable actuelle - elle ne verse aux débats que ses comptes au 31 décembre 2021, lesquels font apparaître, à cette date, un résultat d'exploitation négatif de - 3.304 euros - et n'établit ni l'état de son chiffre d'affaires, ni plan de remboursement. En outre, l'arriéré locatif de la société A.L.I., qui s'élevait, au 19 juin 2023, à la somme de 7.500 euros, a fortement augmenté en cours de procédure pour atteindre la somme de 34.500 euros au 1er janvier 2025, aucun loyer n'ayant plus été payé à partir du 1er mars 2023.

Il en résulte que la locataire ne rapporte pas la preuve de sa capacité à apurer sa dette en faisant face aux loyers courants, la consignation très tardive de la somme de 1.375 euros étant manifestement insuffisante à établir une telle preuve.

En l'absence de tout élément produit au soutien de la demande de délais, celle-ci ne peut qu'être

rejetée.

Sur les demandes d'expulsion et d'indemnité d'occupation

Le maintien dans les lieux de la société A.L.I. alors qu'elle se trouve sans droit ni titre du fait de l'acquisition des effets de la clause résolutoire, constitue un trouble manifestement illicite qui justifie, en application de l'article 835, alinéa 1er, du code de procédure civile, la mesure d'expulsion et la condamnation de la société A.L.I. au paiement, à titre provisionnel, d'une indemnité d'occupation. L'ordonnance entreprise sera confirmée de ces chefs.

Sur les dépens et les frais irrépétibles

Le sort des dépens de première instance et l'application de l'article 700 du code de procédure civile ont été exactement appréciés par le premier juge.

La société A.L.I. sera tenue aux dépens d'appel et déboutée de sa demande d'indemnité sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.

L'équité commande de la condamner à payer à Mmes et M. [K] la somme de 2.000 euros en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile en cause d'appel.

PAR CES MOTIFS

Confirme l'ordonnance entreprise sauf en sa disposition relative à la condamnation au paiement d'une provision à valoir sur la dette locative ;

Statuant à nouveau du chef infirmé, vu l'évolution du litige,

Condamne la société A.L.I. à payer à Mmes et M. [K], à titre provisionnel, la somme de 34.500 euros au titre de l'arriéré de loyers, charges et indemnités d'occupation arrêté au 1er janvier 2025 ;

Déboute la société A.L.I. de sa demande de délais de paiement ;

La condamne aux dépens d'appel et à payer à Mmes et M. [K] la somme de 2.000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile en cause d'appel.

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