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Décisions

CA Lyon, ch. soc. c, 21 février 2025, n° 22/00404

LYON

Arrêt

Autre

CA Lyon n° 22/00404

21 février 2025

AFFAIRE PRUD'HOMALE

DOUBLE RAPPORTEUR

N° RG 22/00404 - N° Portalis DBVX-V-B7G-OB23

SASU AUCHAN HYPERMARCHE

C/

[A]

APPEL D'UNE DÉCISION DU :

Conseil de Prud'hommes - Formation de départage de SAINT-ETIENNE

du 14 Décembre 2021

RG : F 19/00298

COUR D'APPEL DE LYON

CHAMBRE SOCIALE C

ARRET DU 21 Février 2025

APPELANTE :

SASU AUCHAN HYPERMARCHE

[Adresse 2]

[Localité 4]

représentée par Me Elodie LEGROS de la SELARL UNITE DE DROIT DES AFFAIRES, avocat plaidant du barreau de SAINT-ETIENNE et Me Emmanuelle BAUFUME de la SCP BAUFUME ET SOURBE, avocat postulant du barreau de LYON

INTIME :

[C] [A]

[Adresse 1]

[Localité 3]

représenté par Me Filomène FERNANDES de la SAS FILOMENE FERNANDES, avocat au barreau de SAINT-ETIENNE

DEBATS EN AUDIENCE PUBLIQUE DU : 19 Décembre 2024

Présidée par Agnès DELETANG, présidente et Yolande ROGNARD, conseillère, magistrats rapporteurs (sans opposition des parties dûment avisées) qui en ont rendu compte à la Cour dans son délibéré, assistés pendant les débats de Fernand CHAPPRON, greffier

COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ :

- Agnès DELETANG, Présidente

- Yolande ROGNARD, Conseillère

- Françoise CARRIER, Conseillère honoraire exerçant des fonctions juridictionnelles

ARRET : CONTRADICTOIRE

rendu publiquement le 21 Février 2025 par mise à disposition au greffe de la cour d'appel, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l'article 450 alinéa 2 du code de procédure civile,

Signé par Agnès DELETANG, présidente, et par Fernand CHAPPRON, greffier, auquel la minute a été remise par le magistrat signataire.

EXPOSE DU LITIGE

La SA Auchan Hypermarché exerce une activité de commerce. Elle applique la convention collective nationale de commerce de détail et de gros à prédominance alimentaire.

Par contrat du 2 août 1993, Monsieur [C] [A] a été embauché par la SA Auchan Hypermarché en qualité d'employé. Par avenant du 13 mars 2006, Monsieur [C] [A] a été employé au rayon boulangerie, pour un temps partiel de 21 heures par semaine, réparti sur 3 jours fixes.

Par avenant du 22 avril 2015, la rémunération brute a été fixée à 1.334,28 euros.

Trois avertissements lui ont été notifiés, les 31 août 2016 et les 12 et 25 octobre 2017.

Par lettre du 25 juillet 2018, la SA Auchan Hypermarché a notifié à Monsieur [C] [A] son licenciement pour faute grave pour des faits commis le 6 juillet 2018. L'employeur a rappelé les trois avertissements précédents.

Par requête du 25 juillet 2019, Monsieur [C] [A] a saisi le conseil des prud'hommes de Saint Etienne aux fins d'annulation des trois avertissements qu'il qualifie d'actes de harcèlement moral et dont il demande réparation. Il a également contesté son licenciement qu'il estime sans cause réelle et sérieuse. Il a également formé diverses demandes de nature salariale et indemnitaire.

Par jugement du 14 décembre 2021, le conseil des prud'hommes a :

Déclaré prescrite la demande concernant l'avertissement du 31 août 2016,

Annulé les avertissements des 12 et 25 octobre 2017,

Débouté Monsieur [C] [A] de sa demande de dommages et intérêts pour harcèlement moral,

Requalifié le licenciement pour faute en licenciement dépourvu de cause réelle et sérieuse,

Condamné la SA Auchan Hypermarché à payer à Monsieur [C] [A] les sommes de :

- 3.524,64 euros au titre de l'indemnité compensatrice de préavis et celle de 3.521,56 euros ( sic) de congés payés afférents,

- 13.221,15 euros au titre de l'indemnité de licenciement,

- 25.000 euros de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

- 1.000 euros au titre l'article 700 du code de procédure civile.

Il a été rappelé que les intérêts au taux légal courraient à compter du 5 août 2019 en ce qui concerne les créances de nature salariale et à compter de la décision pour les autres sommes.

La SA Auchan Hypermarché a été déboutée de ses demandes et condamnée aux dépens.

Par déclaration au greffe du 7 janvier 2022, la SA Auchan Hypermarché a fait appel du jugement dont elle demande la réformation.

Dans ses dernières conclusions, notifiées par voie électronique le 29 septembre 2022, la SA Auchan Hypermarché demande à la cour d'infirmer le jugement en toutes ses dispositions

et :

Statuant à nouveau,

Confirmer les avertissements des 12 octobre 2017 et 25 octobre 2017,

Déclarer que le Conseil de Prud'hommes a violé l'article 16 du code de procédure civile,

Déclarer que la lettre de licenciement du 25 juillet 2018 notifiée à Monsieur [C] [A] est signée par une personne ayant reçu délégation de pouvoir,

Confirmer le licenciement pour faute grave notifié à Monsieur [C] [A] et le débouter de ses demandes relatives à un licenciement sans cause réelle et sérieuse,

Débouter Monsieur [C] [A] de sa demande au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

Condamner Monsieur [C] [A] à verser à la SA Auchan Hypermarché la somme de 2.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile au titre de la procédure de première instance et le condamner aux dépens.

Dans ses dernières conclusions, notifiées par voie électronique le 7 juillet 2022, Monsieur [C] [A] demande à la cour de :

Annuler les avertissements injustifiés des 12 Octobre 2017 et 25 Octobre 2017,

Condamner la SA Auchan Hypermarché à lui verser la somme de 30.000,00 euros à titre de dommages et intérêts au titre du harcèlement moral dont il a été victime,

Juger que le licenciement pour faute grave, notifié le 25 Juillet 2018, est sans cause réelle et sérieuse,

Condamner la SA Auchan Hypermarché à lui verser les sommes suivantes :

- 3.525,64 euros à titre d'indemnité compensatrice de préavis et 352,56 euros de congés payés y afférents,

- 13.221,15 euros à titre d'indemnité de licenciement,

- 31.800,00 euros à titre d'indemnité pour licenciement, sans cause réelle et sérieuse,

Condamner la SA Auchan Hypermarché à verser la somme de 2.000,00 euros au titre de l'article 700 du Code de Procédure Civile,

Condamner la SA Auchan Hypermarché aux intérêts légaux,

Condamner la SA Auchan Hypermarché aux dépens de l'instance.

L'ordonnance de clôture a été prononcée le 14 mai 2024.

Pour un plus ample exposé des moyens des parties, la cour se réfère aux conclusions des parties, conformément à l'article 455 du code de procédure civile.

SUR CE

1) Sur la demande d'annulation des avertissements des 12 et 25 octobre 2017

A titre liminaire, il convient de constater que la disposition du jugement concernant la prescription de l'avertissement, notifié le 31 août 2016, n'est remise en cause par l'appelant.

S'agissant des deux avertissements contestés :

En application de l'article L 1333-1 du code du travail, constitue une sanction toute mesure, autre que les observations verbales, prise par l'employeur à la suite d'un agissement du salarié considéré par l'employeur comme fautif, que cette mesure soit de nature à affecter immédiatement ou non la présence du salarié dans l'entreprise, sa fonction, sa carrière ou sa rémunération.

En cas de contestation, il appartient au juge d'apprécier la régularité de la procédure suivie et si les faits reprochés sont de nature à justifier une sanction. L'employeur doit fournir au juge les éléments retenus pour prendre la sanction. Si un doute persiste, il profite au salarié.

- Concernant l'avertissement du 12 octobre 2017 :

Monsieur [C] [A] soutient avoir quitté son poste en avance le 30 septembre 2017 parce qu'il avait fini ses tâches et que c'était une pratique du rayon de partir le travail fait. Le retard d'arrivée de 10 minutes, le 5 octobre 2017, s'explique par les nécessités de revêtir sa tenue de travail.

La SA Auchan Hypermarché réplique qu'il n'appartient pas aux salariés d'aménager leurs horaires et qu'ils doivent être à leur poste, en tenue, à l'heure fixée.

Sur quoi,

Monsieur [C] [A] ne conteste pas avoir quitté son poste en avance sans établir la réalité de pratique alléguée et sa validation par l'employeur. Dès lors, Monsieur [C] [A] ne peut se prévaloir d'une situation contraire au règlement de l'entreprise.

Monsieur [C] [A] ne conteste pas, non plus, avoir pris son service avec retard. Cependant, il appartient au salarié de se vêtir avant de prendre son service en rayon, à l'heure fixée par l'employeur, et ce d'autant plus que le temps consacré à l'habillement est considéré comme du travail effectif et donc payé.

Dès lors, l'avertissement donné était justifié et c'est à tort que les premiers juges l'ont annulé au motif que les retards n'étaient pas prouvés alors que Monsieur [C] [A] les reconnaît.

Le jugement est infirmé sur ce chef de disposition.

- Concernant l'avertissement du 25 octobre 2017 :

Monsieur [C] [A] conteste avoir harcelé téléphoniquement un collègue de travail, le 5 octobre 2017. Il explique avoir souhaité le joindre car ce salarié était en charge des planning horaire du rayon. Il a insisté car son collègue ne répondait pas. Monsieur [C] [A] précise que les numéros de téléphone des employés étaient accessibles par tous.

La SA Auchan Hypermarché réplique que le salarié concerné s'est plaint de ce comportement et qu'il n'était pas le seul.

Il résulte de l'attestation de Monsieur [Y] [L] que Monsieur [C] [A] l'a appelé téléphoniquement à de nombreuses reprises, en lui laissant des messages ambiguës et parfois tard le soir. Il précise que Monsieur [C] [A] avait un comportement agressif et harcelant, qu'il en avait " la boule au ventre " et ne pouvait plus dormir.

Les explications de Monsieur [C] [A] ne sont pas de nature à justifier des appels répétés et notamment en dehors des temps de travail.

Ces faits ont justifié l'avertissement donné.

C'est donc à tort que les premiers juges ont annulé l'avertissement au motif que les faits n'étaient pas démontrés alors que Monsieur [C] [A] a admis avoir appelé son collègue avec insistance sans juste motif.

Le jugement est infirmé sur ce chef de disposition.

2) Sur la demande demandes au titre du harcèlement moral

Aux termes de l'article L.1152-1 du code du travail, aucun salarié ne doit subir des agissements répétés de harcèlement moral qui ont pour objet ou pour effet une dégradation des conditions de travail susceptible de porter atteinte à ses droits et à sa dignité, d'altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel.

En application de l'article L.1154-1 du même code, lorsque le salarié présente des éléments de fait laissant supposer l'existence d'un harcèlement moral, il incombe à l'employeur de prouver que ces agissements ne sont pas constitutifs d'un tel harcèlement et que sa décision est justifiée par des éléments objectifs, étrangers à tout harcèlement.

Il résulte de ces dispositions que, pour se prononcer sur l'existence d'un harcèlement moral, il appartient au juge d'examiner l'ensemble des éléments invoqués par le salarié, en prenant en compte les documents médicaux éventuellement produits, et d'apprécier si les faits matériellement établis, pris dans leur ensemble, permettent de présumer ou laissent supposer l'existence d'un harcèlement moral au sens de l'article L.1152-1 du code du travail. Dans l'affirmative, il revient au juge d'apprécier si l'employeur prouve que les agissements invoqués ne sont pas constitutifs d'un tel harcèlement et que ses décisions sont justifiées par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement.

En application de l'article L 1152-3 toute rupture de travail intervenue en méconnaissance des dispositions des articles L 1152-1 et L 1152-2 est nul.

Monsieur [C] [A] soutient avoir été victime de harcèlement dès 2004, étant convoqué à des entretiens disciplinaires injustifiés, avoir été victime d'un acte inapproprié lors d'une commande personnelle d'un pain, et ce sans réaction de sa hiérarchie, avoir été dénigré auprès d'un apprenti, avoir été écarté des réunions de rayons, ne pas avoir bénéficié d'un entretien annuel en 2017.

Monsieur [C] [A] conteste avoir eu des différents avec d'autres salariés ou les avoir dénigrés ou harcelés.

La SA Auchan Hypermarché réplique que Monsieur [C] [A] allègue des faits anciens et prescrits ou des faits commis par d'autres salariés et dont elle n'a pas été informée. Elle a contesté le surplus des griefs.

Sur quoi,

Les avertissements ou observations écrites adressés par l'employeur à Monsieur [C] [A] durant l'année 2004 ne peuvent constituer des actes d'abus du pouvoir disciplinaire de l'employeur dès lors qu'ils n'ont pas été contestés et annulés.

S'agissant du pain commandé spécialement par Monsieur [C] [A] le 11 novembre 2017 et confectionné par l'un des boulangers en forme de sexe d'homme, il n'est pas démontré que Monsieur [C] [A] ait informé sa hiérarchie et que cette dernière n'ait pas interrogé voire sanctionné le salarié concerné.

Si Messieurs [E] et [M] attestent que d'autres salariés leur ont recommandé de ne pas fréquenter Monsieur [C] [A] pour ne pas perdre leur emploi, ces faits sont soit anciens (2012 ou 2013) pour le premier témoin ou isolés pour le second.

Il ressort également d'une attestation (Monsieur [P]) produite par Monsieur [C] [A] qu'il y avait une mauvaise entente au sein du rayon, le motif étant les horaires. Il est aussi déclaré que l'équipe du matin avait une attitude égoïste envers Monsieur [C] [A].

L'attestation de Monsieur [O] fait état de faits anciens de 2000 qui ne peuvent être retenus.

Les attestations de Monsieur [N] et de Madame [B] ne permettent pas d'imputer à l'employeur des pratiques de surveillances illicites (prises possibles de photos) ou des actes d'humiliation (appel par micro), les faits évoqués étant imprécis et incertains dans leur destination.

Les attestations produites par le salarié ne permettent donc pas le constat d'actes constitutifs d'un harcèlement.

S'agissant de son exclusion des réunions de rayons, Monsieur [C] [A] ne produit aucun élément au soutien de cette affirmation.

Contrairement aux affirmations de Monsieur [C] [A], a bénéficié d'un entretien professionnel en 2017, comme le démontre la SA Auchan Hypermarché.

En conséquence, Monsieur [C] [A] ne rapporte pas la preuve de faits laissant supposer l'existence d'un harcèlement moral.

C'est à bon droit que les premiers juges ont débouté Monsieur [C] [A] de ses demandes tendant à voir reconnaitre l'existence d'un harcèlement moral à son encontre et de ses demandes d'indemnisation du préjudice allégué.

Le jugement est confirmé sur ce chef de dispositif et Monsieur [C] [A] est débouté de ses demandes.

3) Sur le licenciement et ses conséquences

En application de l'article L 1232-1 du code du travail, le licenciement pour motif personnel doit être fondé sur une cause réelle et sérieuse.

La faute grave est celle qui rend impossible la poursuite du contrat de travail. Il appartient à celui qui s'en prévaut de prouver la réalité des faits reprochés et leur portée quant à l'impossible maintien du lien contractuel.

La lettre de licenciement fixe les limites du litige.

Monsieur [C] [A] conteste avoir tenu des propos dénigrants envers ses collègues. il s'explique sur le retard de prise de poste du 6 juillet 2018 et l'infraction de vapotage par l'existence d'une pratique parfaitement tolérée par l'employeur.

La SA Auchan Hypermarché réplique que les premiers juges ont soulevé un moyen de droit sans faire respecter le contradictoire pour juger que la lettre de licenciement était irrégulière en la forme. Cette violation de l'article 16 du code de procédure civile commande l'infirmation de la décision. Sur le fond, elle soutient que les faits reprochés sont avérés et constituent une faute grave qui justifie le licenciement prononcé.

Sur quoi,

Aux termes de la lettre de licenciement, il est fait grief à Monsieur [C] [A] d'avoir, le 6 juillet 2018 :

- eu une attitude et des propos dénigrants dont un collaborateur s'est plaint,

- vapoté dans l'atelier de fabrication boulangerie,

Il lui est aussi reproché de n'avoir pas travaillé de la journée. L'employeur précise que, ce jour-là, Monsieur [C] [A] était attendu en rayon à 12 heures, qu'il s'est présenté à 12H10 en tenant des propos dénigrants sur sa hiérarchie, qu'il n'a pas rempli le rayon et n'a rien fait jusqu'à 13h56, heure à laquelle il a pris une pause laissant son collègue faire le travail, qu'à son retour de pause à 14h34 il n'a pas travaillé, gardant les bras croisés et tournant le dos aux clients.

Il est encore précisé que Monsieur [C] [A] a vapoté en toute impunité dans l'atelier de fabrication du pain, devant les autres employés et le nouvel apprenti, ce qui constitue un acte d'insubordination supplémentaire mettant en danger la santé des employés et des clients et pouvant nuire gravement à l'image du magasin et de l'entreprise.

L'employeur a considéré que ces actes démontraient un état d'esprit négatif et provocateur, nuisible à la bonne marche du rayon et à l'ambiance de travail, que plusieurs plaintes verbales concernant le comportement de Monsieur [C] [A] et les propos qu'il tenait ont été rapportés à l'employeur par les délégués du personnel.

Il est rappelé les trois avertissements prononcés.

S'agissant de la régularité formelle de la lettre de licenciement pour faute grave :

la lettre est signée " P/O Monsieur [V]", directeur du magasin, et par Madame [D], responsable des ressources humaines. La signature apposée pour le directeur est celle de Madame [D].

Il ressort de la délégation de pouvoirs et de responsabilité, signée par Monsieur [V] et de Madame [D], le 1er juillet 2016, que cette dernière, en sa qualité de responsable des ressources humaines, est en charge de la gestion des contrats de travail, de la conclusion, de l'exécution et de la rupture de contrats et, qu'à cette fin, elle a délégation de pouvoir pour accomplir sa mission.

En conséquence, Madame [D] était habilitée à signer seule la lettre de licenciement.

C'est donc à tort que les premiers juges ont soulevé un moyen de droit, sans respecter le principe du contradictoire, et jugé, en méconnaissance de la délégation de pouvoir, que Madame [D] n'était pas habilitée à signer la lettre de licenciement.

La décision est infirmée pour ce motif.

Il convient de statuer à nouveau sur la cause du licenciement.

Il ressort de l'attestation de Madame [I], délégué du personnel, que le 6 juillet 2018, une employée est venue à elle, en larmes, se plaindre du comportement de Monsieur [C] [A]. Madame [I] précise que ce n'était pas la première plainte qu'elle recevait, d'autres employés s'étant plaint du comportement harcelant de Monsieur [C] [A] et de ce que ce dernier ne faisait pas son travail, obligeant ses collègues à le faire à sa place. Elle précise avoir entendu Monsieur [C] [A] proférer des menaces de mort à l'encontre de son chef de secteur.

Cette attestation très précise établit la réalité du premier grief relatif à la plainte d'une employée. Si les propos exacts de cette employée ne sont pas énoncés, la détresse de cette dernière et son besoin de se plaindre à la responsable du personnel du comportement de Monsieur [C] [A] démontrent que ce dernier a eu une attitude incompatible avec des relations normales de travail.

S'agissant du retard et l'absence de travail du 6 juillet 2018, l'employeur ne produit pas d'attestation concernant ce jour. Cependant, Monsieur [C] [A] admet être arrivé avec un léger retard et explique que l'activité était réduite ce jour-là.

Or, le retard reconnu n'est pas sans gravité dès lors qu'une de ses collègue, Madame [H], atteste que c'était une pratique récurrente de Monsieur [C] [A] et que deux avertissements lui avait déjà été notifiés, le 31 août 2016 et le 12 octobre 2017, pour un retard dans la prise de son service en rayon.

Enfin, le vapotage au sein de l'atelier de fabrication de pains, le 6 juillet 2018, n'est pas démontré par l'employeur. Cependant, Monsieur [C] [A] le reconnaît et le justifie par une tolérance de l'employeur.

Or, Madame [H] atteste de cette pratique de Monsieur [C] [A] et dit ne plus " en pouvoir de ce comportement ".

Le fait de pratiquer une activité contraire aux règles d'hygiène au sein d'un atelier de fabrication d'aliments à destination du public est interdite par la loi et les règlements. Par ailleurs, Monsieur [C] [A] ne démontre pas que l'employeur était informé de cette activité et qu'il l'ait tolérée.

L'employeur a également considéré que les actes commis le 6 juillet 2018 démontraient un état d'esprit négatif et provocateur, nuisible à la bonne marche du rayon et à l'ambiance de travail, et que plusieurs plaintes verbales concernant le comportement de Monsieur [C] [A] et ses propos dénigrants.

Ces éléments de contexte font partie des griefs. L'attestation de Monsieur [T], affecté au rayon de Monsieur [C] [A], depuis le 4 septembre 2017, fait état de ce que Monsieur [C] [A] dénigrait de manière répétée, sa hiérarchie et le travail de ses collègues, ce qui générait une mauvaise ambiance de travail. Monsieur [K], chef de secteur, a aussi attesté avoir reçu plusieurs plaintes de ses collaborateurs concernant le comportement agressif de Monsieur [C] [A] et avoir été lui-même victime de ce dernier (menaces verbales quant à son intégrité physique).

Les attestations produites par Monsieur [C] [A] et tendant à démontrer qu'il était un collègue agréable et courtois ne sont pas de nature à contredire les éléments présentés par l'employeur et dont la matérialité est établie.

Ces faits sont d'une particulière gravité en ce qu'ils font suite à plusieurs avertissements et à des observations faites oralement par Madame [J], déléguée du personnel, comme en atteste cette dernière qui déclare avoir " essayé de raisonner Monsieur [C] [A] ".

En conséquence, le licenciement prononcé pour faute grave est justifié.

Les demandes présentées par Monsieur [C] [A] au titre d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse sont rejetées et le jugement qui a statué autrement est infirmé.

4) Sur les dépens et l'article 700 du code de procédure civile

Le jugement étant infirmé sur les demandes principales, l'équité commande de réformer la disposition qui a alloué 1.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile à Monsieur [C] [A].

Monsieur [C] [A] succombe, ses demandes au titre de cet article sont rejetées pour la procédure de première instance et d'appel.

L'équité et la situation respective des parties commandent de ne pas faire droit aux demandes de la SA Auchan Hypermarché au titre l'article 700 du code de procédure civile pour les procédures de première instance et d'appel.

Monsieur [C] [A] succombe, il supportera les entiers dépens de première instance et d'appel.

PAR CES MOTIFS

La cour, après en avoir délibéré, statuant par arrêt contradictoire, prononcé par mise à disposition au greffe,

Constate que la disposition du jugement relative à la prescription de la demande d'annulation de l'avertissement du 31 août 2016 n'est pas contestée en appel,

Pour le surplus,

Infirme le jugement en toutes ses dispositions sauf celle ayant débouté Monsieur [C] [A] de ses demandes au titre du harcèlement moral,

Statuant à nouveau :

Dit fondés les avertissements prononcés le 12 octobre et le 25 octobre 2017,

Dit le licenciement fondé sur une faute grave justifié,

Déboute Monsieur [C] [A] de toutes ses demandes,

Déboute Monsieur [C] [A] et la SA Auchan Hypermarché de leurs demandes au titre de l'article 700 du code de procédure civile pour les procédures de première instance et d'appel,

Condamne Monsieur [C] [A] aux dépens de première instance et d'appel.

Le greffier La présidente

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