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CA Paris, Pôle 5 - ch. 8, 21 février 2025, n° 23/08560

PARIS

Arrêt

Autre

CA Paris n° 23/08560

21 février 2025

Copies exécutoires RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

délivrées aux parties le : AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 5 - Chambre 8

ARRÊT DU 21 FÉVRIER 2025

(n° / 2025, 6 pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 23/08560 - N° Portalis 35L7-V-B7H-CHTF6

Décision déférée à la Cour : Jugement du 22 mars 2023 -Tribunal de commerce de PARIS - RG n° 2021041220

APPELANTE

Madame [R] [D] épouse [Z]

Née le [Date naissance 2] 1987 à [Localité 6] (MAROC)

De nationalité française

Demeurant [Adresse 1]

[Localité 5]

Représentée et assistée de Me Jean-Marc BOCCARA, avocat au barreau de PARIS, toque : B0198,

INTIMÉE

S.E.L.A.R.L. AXYME, prise en la personne de Maître [N] [G], en qualité de liquidateur judiciaire de la société BK PATRIMOINE, immatriculée au registre du commerce et des sociétés de BOBIGNY sous le numéro 794 304 642,

Immatriculée au registre du commerce et des sociétés de PARIS sous le numéro 830 793 972,

Dont le siège social est situé [Adresse 3]

[Localité 4]

Représentée et assistée de Me Jean-Paul PETRESCHI de l'AARPI SAINT-LOUIS AVOCATS, avocat au barreau de PARIS, toque : K0079, substitué par Me Mireille MARCHI, avocate au barreau de PARIS, toque : C0926,

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions des articles 805 et 907 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 21 mai 2024, en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant Madame Marie-Christine HÉBERT-PAGEOT, présidente de chambre, et Madame Constance LACHEZE, conseillère.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :

Madame Marie-Christine HÉBERT-PAGEOT, présidente de chambre

Madame Constance LACHEZE, conseillère

Madame Alexandra PELIER-TETREAU, conseillère.

Un rapport a été présenté à l'audience par Madame Constance LACHEZE dans le respect des conditions prévues à l'article 804 du code de procédure civile.

Greffier, lors des débats : Madame Liselotte FENOUIL

ARRÊT :

- Contradictoire

- par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

- signé par Marie-Christine HÉBERT-PAGEOT, présidente de chambre et par Liselotte FENOUIL, greffière, présente lors de la mise à disposition.

***

FAITS CONSTANTS, PROCÉDURE ET PRÉTENTIONS

La SARL BK Patrimoine est une société spécialisée dans le montage d'opérations immobilières. Mme [R] [D] épouse [Z] en était la gérante, l'associée à hauteur de 99,6% du capital social et l'unique salariée.

Par jugement du 3 octobre 2018, le tribunal de commerce de Paris a ouvert une procédure de liquidation judiciaire à l'égard de la société BK Patrimoine puis, par jugement rendu sur tierce-opposition du 19 novembre 2018, il a rétracté son précédent jugement et a ouvert une procédure de redressement judiciaire au bénéfice de la société.

Par jugement du 6 février 2019, le tribunal de commerce de Paris a converti les opérations de redressement judiciaire en liquidation judiciaire et a désigné la SELARL Axyme prise en la personne de Me [N] [G] en qualité de liquidateur judiciaire.

Au terme d'une vérification de sa comptabilité pour les exercices clos en 2015, 2016 et 2017, l'administration fiscale a notifié à la société BK Patrimoine le 16 juillet 2018 une proposition de rectification remettant en cause deux apports (cession d'une propriété située à [Localité 7] et cession des titres de la SCI Lawine), en qualifiant le compte courant d'associée de Mme [Z] de compte courant débiteur d'un montant de 448 106,93 euros et les dépenses personnelles comptabilisées au débit de ce compte de revenus distribués.

Selon le liquidateur judiciaire, cette proposition de rectification n'ayant pas été contestée par la société BK Patrimoine ni par Mme [Z], il a vainement mis en demeure cette dernière le 29 juin 2021 d'avoir à procéder au remboursement de ce compte courant débiteur puis initié la présente instance au fond.

En parallèle, Mme [D] a été condamnée par le tribunal de commerce de Paris le 24 mai 2022 à une mesure de faillite personnelle d'une durée de 7 ans dans le cadre d'une procédure initiée par le ministère public. Le tribunal a retenu que Mme [Z] avait disposé des biens de la société BK Patrimoine comme des siens propres et qu'elle n'avait pas dressé une comptabilité régulière.

Par jugement du 22 mars 2023, le tribunal de commerce de Paris a :

- rejeté les fin de non-recevoir, exception de connexité et demande de sursis à statuer soulevées par la défenderesse, à savoir l'irrecevabilité pour cause d'absence d'ordonnance de non conciliation, une exception de connexité avec l'instance en sanction personnelle pendante devant la cour d'appel,

- condamné Mme [R] [D] épouse [Z] à payer à la SELARL Axyme prise en la personne de Me [N] [G] agissant en qualité de liquidateur judiciaire de la SARL BK Patrimoine la somme de 448 106,93 euros au titre de la créance de cette dernière en compte courant débiteur, la somme de 2 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'aux dépens de l'instance.

Par déclaration du 9 mai 2023, Mme [Z] a interjeté appel de ce jugement.

Par dernières conclusions remises au greffe et notifiées par voie électronique le 9 août 2023, Mme [R] [D] épouse [Z] demande à la cour :

- de déclarer son appel et ses demandes recevables et bien fondés ;

- y faisant droit, de débouter la SELARL Axyme de l'ensemble de ses demandes, fins et conclusions ;

- à titre principal, d'infirmer le jugement en toutes ses dispositions ;

- de dire et juger qu'elle a d'ores et déjà été condamnée pour les mêmes causes de l'instance dont appel relative au jugement rendu le 22 mars 2023 par la 7ème chambre du tribunal de commerce de Paris n° RG 2021041220 (jugement dont appel), par le jugement de faillite personnelle prononcé par la 5ème chambre du tribunal de commerce de Paris le 24 mai 2022 (RG 2021041170) à son encontre,

- de dire et juger qu'elle ne saurait être condamnée deux fois pour la même cause par deux décisions différentes et successives toutes rendues par le tribunal de commerce de Paris,

- de statuer ce que de droit quant aux dépens.

Par dernières conclusions remises au greffe et notifiées par voie électronique le 7 octobre 2023, la SELARL Axyme agissant en qualité de mandataire liquidateur de la SARL BK Patrimoine demande à la cour :

- de confirmer le jugement du 22 mars 2023 en toutes ses dispositions,

- de débouter Mme [D] épouse [Z] de l'ensemble de ses demandes, prétentions, fins de non-recevoir et demande de connexité,

- y ajoutant, de la condamner à lui verser la somme de 3 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens.

La clôture de l'instruction a été prononcée le 23 avril 2024.

SUR CE,

Sur la recevabilité de l'action

Mme [Z] soutient que le juge rapporteur du tribunal de commerce de Paris a méconnu le principe du contradictoire en statuant sur le litige sans qu'une ordonnance de non conciliation ou de constat d'échec ait été rendu par le conciliateur et qu'à défaut de ce préalable essentiel, les demandes n'étaient pas recevables.

La SELARL Axyme ès qualités explique qu'une procédure de conciliation a été ouverte mais n'a pu aboutir en raison des nombreux renvois dilatoires dont Mme [Z] a été à l'initiative, que le tribunal a acté cet échec à l'audience publique du 3 novembre 2022 puis dans son jugement du 22 mars 2023, que la demande d'irrecevabilité de l'appelante pour défaut d'ordonnance de non conciliation participe également d'une intention dilatoire de la part de Mme [Z].

Sur ce,

Aux termes de l'article 863, alinéa 1er, du code de procédure civile, le juge chargé d'instruire l'affaire constate la conciliation, même partielle, des parties.

Ce texte n'impose aucun formalisme particulier lorsque les parties ne se concilient pas.

En l'espèce, il ressort du jugement déféré se référant au plumitif des audiences de mise en état du tribunal de commerce des 8 septembre et 3 novembre 2022 que l'affaire avait été « renvoyée au rôle d'attente dès le 27 janvier 2022, et confirmée les 24 mars et 19 mai de cette même année pour conciliation » et qu'elle avait été « sortie du rôle d'attente le 3 novembre 2022 pour conclusions en défense du fait de l'échec de la conciliation dont il a été acté à l'audience ».

Il en résulte qu'après une tentative infructueuse de conciliation dont le tribunal ne pouvait que prendre acte, l'affaire a été renvoyée afin que Mme [Z] puisse présenter sa défense, ce qu'elle a fait en déposant des conclusions à l'audience du 18 janvier 2023.

La décision attaquée expose succinctement les prétentions respectives des parties et leurs moyens, auxquels il répond expressément dans sa motivation.

Le moyen tiré du défaut de respect du principe du contradictoire et la demande d'irrecevabilité ne sont donc pas fondés.

En conséquence, le jugement sera confirmé en ce qu'il a rejeté la fin de non-recevoir.

Sur l'exception de connexité

Mme [Z] affirme qu'elle a d'ores et déjà été condamnée pour les mêmes causes par le jugement de faillite personnelle prononcé le 24 mai 2022 qui s'est fondé dans sa motivation sur le constat dressé par l'administration fiscale de l'existence d'un compte courant débiteur, que cette décision aura pour conséquence de mettre à sa charge tout ou partie de l'insuffisance d'actif, qu'en présence de deux affaires connexes, la présente procédure devait être renvoyée devant la cour d'appel de Paris saisie sur appel du jugement du 24 mai 2022, subsidiairement il devait être sursis à statuer ou a minima il convenait de renvoyer au rôle les parties. Elle ajoute qu'elle ne saurait être condamnée deux fois pour la même cause par deux décisions différentes et successives toutes rendues par le tribunal de commerce de Paris.

La SELARL Axyme ès qualités réplique qu'il n'existe aucune connexité entre les deux affaires, que l'instance en sanction personnelle a été initiée par le ministère public, que Mme [Z] était poursuivie en sa qualité de dirigeante, que l'appel interjeté dans le cadre de la première procédure ayant abouti à la condamnation pour faillite personnelle a été introduit la veille de l'audience de plaidoiries de la seconde dans un but dilatoire, que cet appel est irrecevable dès lors qu'il méconnait le délai de 10 jours prévu par les dispositions de l'article R. 661-3 du code de commerce.

Sur ce,

Il ressort du jugement du 24 mai 2022 que Mme [Z] a été condamnée à une mesure de faillite personnelle en sa qualité de dirigeante de la société BK Patrimoine et que sa responsabilité pour insuffisance d'actif n'était pas l'objet de ce litige.

Une action en responsabilité pour insuffisance d'actif implique de rechercher les fautes de gestion du dirigeant de la personne morale, alors que la présente action en remboursement de compte courant débiteur est dirigée contre Mme [Z] en qualité d'associée. De surcroît en l'occurrence, il n'y a pas identité de parties.

Si les affaires sont incontestablement liées en ce qu'elles touchent au passif de la société BK Patrimoine, ce lien n'est pas tel qu'il exige de les juger ensemble. C'est donc à bon droit que le tribunal a rejeté l'exception de connexité et la demande de sursis à statuer de Mme [Z].

En outre et contrairement à ce qu'elle affirme, Mme [Z] n'a pas été condamnée une première fois à contribuer à l'insuffisance d'actif de la liquidation judiciaire et sa responsabilité n'est pas recherchée à ce titre dans le cadre de la présente instance, de sorte qu'il ne saurait être jugé que le tribunal, ou la cour à sa suite, l'a jugée deux fois pour la même cause.

Au vu de ces éléments, les moyens soulevés à l'appui de l'appel doivent être rejetés.

En conséquence, le jugement sera confirmé en ce qu'il a rejeté les exception de connexité et demande de sursis à statuer.

Sur la demande de remboursement du compte courant d'associé

Mme [Z] ne conclut pas sur le fond.

La SELARL Axyme ès qualités fait valoir que la vérification de comptabilité de la société BK Patrimoine a révélé l'existence d'un compte courant d'associé débiteur d'un montant de 448 106,93 euros, que cette rectification n'a pas été contestée, ni par Mme [D] ni par la société BK Patrimoine, et que ce compte courant d'associé, en ce qu'il est débiteur, encourt la nullité absolue en application des articles L. 223-21 et L. 225-43 du code de commerce.

Sur ce,

Mme [Z] ne faisant valoir aucun moyen au soutien de sa demande d'infirmation sur ce point, la cour ne peut que confirmer le jugement déféré.

Sur les dépens et l'article 700 du code de procédure civile

Mme [Z], qui succombe en son appel, sera condamnée aux dépens, le jugement étant confirmé s'agissant des dépens de première instance.

Elle sera en outre condamnée à verser au liquidateur judiciaire une indemnité de procédure que l'équité commande de fixer à la somme de 3 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS,

La cour statuant publiquement et contradictoirement,

Confirme le jugement déféré en toutes ses dispositions ;

Y ajoutant,

Condamne Mme [R] [D] épouse [Z] aux dépens d'appel ;

Condamne Mme [R] [D] épouse [Z] à payer à la SELARL Axyme, prise en la personne de Me [N] [G], agissant en qualité de liquidateur judiciaire de la SARL BK Patrimoine, la somme de 3 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

La greffière,

Liselotte FENOUIL

La présidente,

Marie-Christine HÉBERT-PAGEOT

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