CA Paris, Pôle 5 ch. 2, 21 février 2025, n° 23/17375
PARIS
Arrêt
Autre
PARTIES
Demandeur :
Louison (SARL)
Défendeur :
Onet (SA)
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
Mme Renard
Vice-président :
Mme Salord
Conseiller :
M. Buffet
Avocats :
Me Boccon-Gibod, Cabinet TGS France Avocats, Me Moatty
ARRET :
Contradictoire
Par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile
Signé par Mme Véronique RENARD, Présidente de chambre, Présidente, et par Mme Carole TREJAUT, Greffière, présente lors de la mise à disposition.
Vu le recours formé le 23 octobre 2023 par la société Louison contre la décision du 27 septembre 2023 par laquelle le directeur général de l'Institut national de la propriété industrielle (l'INPI) a reconnu justifiée l'opposition formée le 11 octobre 2022 par la société Onet sur la base de sa marque verbale française « ONET » et de sa dénomination sociale Onet à la demande d'enregistrement n° 22 4 885 811 du 20 juillet 2022 par la société Louison du signe figuratif NÉONET et a rejeté la demande d'enregistrement,
Vu les dernières conclusions déposées au greffe et notifiées par la société Louison le 12 novembre 2024 dans lesquelles elle demande :
- d'annuler la décision (OPP 22-4102) rendue par le directeur général de l'INPI en date du 27 septembre 2023,
- de constater que la preuve de l'usage sérieux de la marque antérieure «ONET » n°3550283 n'est pas démontrée pour les services invoqués dans le cadre de la procédure d'opposition OPP 22-4102, et
- de constater l'opposition non fondée,
Par voie de conséquence, et en tout état de cause,
- de rejeter l'opposition n° OPP 22-4102 formée par la société Onet, fondée sur la marque antérieure n°3550283 et sur la dénomination sociale Onet, à l'encontre de la demande d'enregistrement n°4885811 déposée par la société Louison, car non justifiée,
- d'admettre l'enregistrement de la marque n°4885811, déposée le 20 juillet 2022 par la société Louison,
- de condamner la société Onet au paiement de la somme de 1 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
Vu les dernières conclusions déposées au greffe et notifiées par la société Onet le 14 octobre 2024 aux termes desquelles elle demande à la cour de :
- rejeter le recours à l'encontre de la décision n°OPP 22-4102 du 27 septembre 2023 rendue par le directeur général de l'INPI,
- ordonner la notification de l'arrêt à intervenir au directeur général de l'INPI conformément aux dispositions de l'article R. 411-42 du code de la propriété intellectuelle,
- condamner la société Louison à lui payer la somme de 3 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,
- condamner la société Louison en tous les dépens de l'instance dont le montant sera recouvré par Maître Moatty, Avocat, conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile,
Vu les observations écrites du directeur général de l'INPI déposées au greffe le 12 août 2024 en vue de l'audience du 28 novembre 2024,
Le ministère public a été avisé de la date de l'audience.
SUR CE :
Il est expressément renvoyé, pour un examen complet des faits de la cause et de la procédure à la décision entreprise et aux écritures précédemment visées des parties et du directeur général de l'INPI.
Il sera rappelé que la société Louison a déposé le 20 juillet 2022 la demande d'enregistrement de marque française sur le signe figuratif déposé en couleurs n°22 4 885 811 pour les services suivants :
- en classe 37 : « services de nettoyage ; nettoyage domestique ; nettoyage d'immeubles ; nettoyage intérieur et extérieur d'immeubles ; nettoyage de bâtiments ; nettoyage d'usines ; nettoyage de locaux industriels et commerciaux ; nettoyage de sols ; nettoyages de bâtiments publics ; nettoyage de revêtements de sols ; nettoyage de fenêtres ; nettoyage d'intérieurs de bâtiments ; services de nettoyage de bureaux ; services d'entretien ménager [services de nettoyage] ; mise à disposition d'informations en matière de nettoyage de bâtiments ; mise à disposition d'informations, de conseils et d'assistance en matière de nettoyage ; entretien et réparation d'immeubles ; services de réparation et d'entretien de bâtiments fournis par un homme à tout faire ; à l'exclusion des services d'entretien et de nettoyage de véhicules automobiles »,
- en classe 41 : « services de formation ; formation pratique ; formation continue ; formation professionnelle ; formation pour adultes ; services de formation en matière de nettoyage de locaux industriels et commerciaux »,
- en classe 44 : « services d'entretien de jardins, de parterres de fleurs et d'espaces verts ; entretien de pelouses ; services de jardinage ; horticulture, jardinage et aménagement paysager ; conception de paysages [services de jardiniers paysagistes], services de conseils et d'informations concernant la conception et l'entretien de jardins et d'espaces verts »,
- et en classe 45 : « services de conciergerie ».
Le 11 octobre 2022, la société Onet a formé opposition à l'enregistrement de cette marque à l'encontre de l'ensemble des services visés dans la demande en invoquant un risque de confusion sur la base de :
- sa marque française verbale « ONET » déposée le 21 janvier 2008, enregistrée sous le n°3550283 et valablement renouvelée pour des produits et services en classes 1 à 45 ;
- sa dénomination sociale Onet.
Dans le cadre de la procédure d'opposition, la société Louison a demandé, conformément à l'article L.712-5-1 du code de la propriété intellectuelle, des preuves d'usage de la marque antérieure pour les services sur lesquels est fondée l'opposition.
Sur l'usage sérieux de la marque antérieure
La requérante conteste l'appréciation du directeur général de l'INPI qui a considéré que la marque antérieure faisait l'objet d'un usage sérieux.
Aux termes de l'article L.714-5 du code de la propriété intellectuelle, «Encourt la déchéance de ses droits le titulaire de la marque qui, sans justes motifs, n'en a pas fait un usage sérieux, pour les produits ou services pour lesquels la marque est enregistrée, pendant une période ininterrompue de cinq ans. (')
Est assimilé à un usage au sens du premier alinéa :
1° L'usage fait avec le consentement du titulaire de la marque ; (')
3° L'usage de la marque, par le titulaire ou avec son consentement, sous une forme modifiée n'en altérant pas le caractère distinctif, que la marque soit ou non enregistrée au nom du titulaire sous la forme utilisée ; (') ».
Doit seul être considéré comme sérieux l'usage de la marque dans la vie des affaires et dans sa fonction de garantie d'identité d'origine des produits et services pour lesquels elle est déposée, aux fins de créer, de développer ou de conforter ses parts de marché dans le secteur économique considéré. Cet usage doit donc être suffisant et non seulement symbolique et au seul but de maintien des droits conférés par la marque. L'appréciation du caractère sérieux de l'usage de la marque s'apprécie en tenant compte des usages du secteur économique concerné, de la nature de ces produits ou de ces services, des caractéristiques du marché, de l'étendue et de la fréquence de l'usage de la marque.
La société Onet ne conteste pas l'absence d'usage sérieux de la marque dont elle est titulaire qui a été retenue par le directeur de l'INPI pour les services de « lavage, nettoyage de vaisselle, entretien de la maison et travaux ménagers, balayage, lavage, nettoyage, repassage, rangement, rénovation ; réparation de locaux ; réparation d'édifices, d'immeubles, de bureaux, de commerces, entrepôts, usines, laboratoires et de toutes installations industrielles ou à usage professionnel, conseils en matière d'éducation, d'orientation professionnelle, services d'horticulture ; services de pépiniéristes ; composition florale, chirurgies des arbres ».
La demande contestée ayant été déposée le 20 juillet 2022, la société Onet doit démontrer que la marque antérieure dont elle est titulaire avait fait l'objet d'un usage sérieux en France au cours de la période de cinq ans précédant cette date, soit du 20 juillet 2017 au 20 juillet 2022 inclus, pour les services réputés enregistrés à l'appui de l'opposition, soit en classe 37, « entretien, nettoyage à savoir : lavage, nettoyage de bâtiments [ménage], de mobiliers, entretien de locaux ; informations en matière de maintenance, d'entretien, de lavage et de nettoyage ; nettoyage (extérieur et intérieur), maintenance, entretien et d'édifices, d'immeubles, de bureaux, de commerces, entrepôts, usines, laboratoires et de toutes installations industrielles ou à usage professionnel », en classe 41 « organisation d'ateliers de formation, organisation et conduites de formation pratique [démonstration], conseils en matière de formation, formation de personnel ; formation », en classe 44 « jardinage, services de jardiniers paysagistes, création et entretien d'espaces verts, de pelouses, de parcs et de jardins, plantations, extractions d'arbres ; destruction des mauvaises herbes » et en classe 45 « services de surveillance de gardiennage, de sécurité et de télésurveillance destinés à assurer la protection des personnes et des biens meubles, immeubles, escorte [protection rapprochée ».
La société Louison soutient d'une part que les pièces ne démontrent pas l'importance de l'usage de la marque antérieure qui ne peut être qualifié de sérieux et d'autre part que les éléments produits, qui se rapportent à l'identification du groupe Onet sans établir de lien avec la marque et les services, n'établissent pas un usage à titre de marque.
Or, il résulte suffisamment des factures produites et des contrats de licence que sont démontrées pour la période pertinente des prestations effectuées pour les services en cause par les licenciées de la société Onet, ce qui établit un usage du signe à titre de marque, étant relevé qu'en matière de services, la marque ne peut, à la différence des produits, être apposées sur ceux-ci. De plus, le site goupeonet.com présente ces services et les met au contact du consommateur qui peut demander un devis.
Le signe Onet est associé notamment aux services de propreté pour lesquels le groupe est présenté par la presse comme un des leader du marché français et il résulte du site « papers.fr » que la société Onet a réalisé pour les années 2018 à 2022 un chiffre d'affaires annuel autour de 40 millions d'euros.
En conséquence, il est justifié de l'usage sérieux de la marque antérieure pour la période pertinente.
Sur le risque de confusion entre la marque antérieur et le signe
- Sur la comparaison des services
La société Louison ne conteste pas l'appréciation du directeur général de l'INPI sur l'identité ou la similarité de services en classe 47, 41 et 44 visés à sa demande d'enregistrement avec ceux opposés dans le cadre de la marque antérieure à l'exception de celle concernant les services de conciergerie qui selon elle sont dissimilaires à ceux couverts par la marque antérieure compte tenu de leur différence de nature, d'objet et de destination. Elle soutient que ces services sont rendus indépendamment les uns et d'autres et ne sont pas offerts par les mêmes prestataires, si bien que le public visé n'est pas susceptible de les confondre.
La société Onet répond que les services de conciergerie correspondent à une catégorie générale qui inclut notamment les services visés par la marque dont elle est titulaire et sont donc similaires.
Compte tenu des services visés par la demande d'enregistrement, le public pertinent et le consommateur sont à la fois des professionnels, auxquels s'adressent certains services, et des particuliers.
Les services de conciergerie recouvrent ceux mis en 'uvre par une personne qui s'occupe d'un immeuble et effectue des tâches d'accueil, de distribution de courrier, de surveillance et d'entretien des parties communes intérieures et extérieures.
C'est donc à bon droit que le directeur général de l'INPI a retenu que les services de conciergerie étaient similaires aux services de surveillance de gardiennage, de sécurité et de télésurveillance destinés à assurer la protection des personnes et des biens, à ceux d'entretien et nettoyage notamment de bâtiment et à ceux de jardinage.
- Sur la comparaison des signes
La requérante fait valoir que les signes se distinguent nettement d'un point de vue visuel, phonétique et conceptuel, ce qui écarte tout risque de confusion dans l'esprit du consommateur.
Les signes en présence « ONET » pour la marque antérieure et pour la demande d'enregistrement concernée n'étant pas identiques, il convient de rechercher s'il existe entre eux un risque de confusion, incluant le risque d'association, qui doit être apprécié globalement à la lumière de tous les facteurs pertinents du cas d'espèce. Cette appréciation globale doit, en ce qui concerne la similitude visuelle, auditive ou conceptuelle des signes en cause, être fondée sur l'impression d'ensemble qu'ils produisent en tenant compte notamment de leurs éléments distinctifs.
Visuellement, les signes ont en commun le terme « Onet ». Ils diffèrent compte tenu du fait que le signe comprend le préfixe « né » avec un accent composé d'un train horizontal, une seconde syllabe en vert suivie d'une astérisque et une calligraphie particulière. Le préfixe « né », s'il est placé en position d'attaque, ne retient pas l'attention du consommateur en l'absence de sens évident, pas plus que les éléments en couleurs ou graphiques qui s'apparentent à une déclinaison d'un signe. Il existe donc des ressemblances visuelles entre les signes.
Phonétiquement, les signes se lisent en deux temps pour la marque antérieure et en trois temps pour le signe contesté. En dépit de leur longueur différente, leur sonorité se rapproche en raison du mot terme commun « ONET ».
Conceptuellement, compte tenu de ce terme commun, les signes renvoient tous les deux à ce qui est net, à savoir la propreté et le nettoyage, le signe signifiant un nouveau nettoyage, soit des services innovants. Il en découle une forte similarité conceptuelle entre les signes.
La requérante conteste la connaissance par une partie significative du public concerné des services en cause de la marque antérieure, les éléments produits se rapportant selon elle au groupe Onet et ne permettant pas déterminer la connaissance de la marque.
Cependant, les articles de presse produits dans le cadre de la procédure d'opposition établissent une connaissance importante de la marque Onet par rapport aux services opposés compte tenu de l'ancienneté de la société éponyme qui a été immatriculée en 1959 et dont les articles de presse évoquent une origine en 1860. La marque est associée au nom de la société qui a été classée première entreprise en France pour les services de propreté à destination des entreprises en 2016, 2019 et en 2020, peu importe si ces éléments concernent le groupe ou le titulaire de la marque dès lors que les services sont bien proposés sous la marque « ONET ».
Par ailleurs, il résulte du sondage réalisé en 2022 que sur 1 025 personnes interrogées, qui constituent un échantillon représentatif de la population française, 64% connaissent la marque « ONET » de nom et 26% savent à quoi elle fait référence. La société Louison souligne que ce pourcentage est faible mais il convient de prendre en compte le fait que les services visés par la marque sont proposés à des professionnels et non à des particuliers, si bien que la proportion de 26% est importante.
Compte tenu des ressemblances relevées entre les signes, de l'identité ou de la similarité des services en cause et de la notoriété de la marque, le public pertinent sera amené à percevoir le signe contesté comme une variation de la marque antérieure qui, en raison de la couleur verte, évoquera une évolution des services vers le respect de l'environnement.
En conséquence, le risque de confusion entre la marque opposée et le signe dont l'enregistrement était sollicité est établi.
Sur le risque de confusion entre la dénomination sociale Onet et le signe
- Sur l'exploitation de la dénomination sociale
La requérante soutient que la société Onet ne démontre pas l'exploitation effective de sa dénomination pour les activités qu'elle invoque et que la décision du directeur de l'INPI a assimilé le groupe Onet à la société Onet.
La société Onet ne conteste pas la décision du directeur général de l'INPI en ce qu'elle n'a reconnu l'existence d'une exploitation effective de la dénomination sociale que pour les activités suivantes : « toute prestation de services dans le domaine du nettoyage et services annexes sous toutes ses formes telles que entretien des bureaux et devantures, gestion des déchets, entretien des espaces verts extérieurs et intérieurs ; toute prestation de services dans le domaine de la formation telle que formation inter-entreprise et formation intraentreprise ; toute prestation de services dans le domaine de l'accueil tels que l'accueil d'entreprise, l'accueil événementielles services de conciergerie et les prestations d'accueil », estimant que la société opposante n'apportait pas la preuve qu'elle exerce sous la dénomination sociale les activités suivantes : « désinfection, désinsectisation, dératisation ; la promotion des ventes, l'aide à la gestion des relations partenaires ; toute prestation de services dans le domaine de la maintenance technique des installations telles que la maintenance préventive et curative, la maintenance des installations électriques et électroniques, la maintenance immobilière et les prestations de calage ».
Si des articles de presse font référence au groupe Onet, d'autres évoquent uniquement l'entreprise marseillaise. Il se déduit de l'ensemble de ces éléments que le directeur général de l'Inpi a fait une exacte appréciation des éléments produits en estimant que l'exploitation de la dénomination sociale était effective pour les activités opposées.
La requérante ne conteste pas que ces activités sont identiques ou similaires aux services désignés dans la demande d'enregistrement.
- Sur la comparaison du signe et de la dénomination sociale
Les articles de presse démontrent la connaissance importante de la dénomination sociale Onet, compte tenu de son ancienneté et de sa renommée notamment dans le secteur des services de propreté.
Compte tenu des ressemblances relevées ci-dessus entre le signe et la marque « ONET » identique à la dénomination sociale Onet, de l'identité ou de la similarité des activités de la société Onet et des services visés à la demande et de la connaissance élevée de la dénomination sociale, le public pertinent sera amené à percevoir le signe contesté comme se rattachant à cette dénomination sociale.
En conséquence, le risque de confusion entre la dénomination sociale Onet et le signe dont l'enregistrement était sollicité est établi.
C'est à bon droit que le directeur de l'INPI en a refusé l'enregistrement.
Le recours de la société Louison doit donc être rejeté.
Sur les autres demandes
La procédure de recours contre une décision du directeur général de l'INPI ne donne pas lieu à condamnation aux dépens et à l'application de l'article 699 du code de procédure civile.
Le recours de la société Louison étant rejeté, elle devra indemniser les frais irrépétibles engagés par la société Onet à hauteur de 3 000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile.
PAR CES MOTIFS
Rejette le recours de la société Louison contre la décision du directeur général de l'Institut national de la propriété industrielle du 27 septembre 2023 portant sur l'opposition à l'enregistrement du signe ,
Condamne la société la société Louison à payer à la société Onet la somme de 3 000 euros au titre des frais irrépétibles,
Dit que le présent arrêt sera notifié par lettre recommandée avec avis de réception par les soins du greffier aux parties et au directeur général de l'Institut national de la propriété industrielle.