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Décisions

CA Rouen, 1re ch. civ., 26 février 2025, n° 24/02338

ROUEN

Arrêt

Infirmation partielle

PARTIES

Demandeur :

Axa France IARD (SA)

Défendeur :

Delarue Couverture (SARL), MMA IARD (SA), MMA IARD Assurances Mutuelles (Sté)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

Mme Wittrant

Vice-président :

Mme Berthiau-Jezequel

Conseiller :

Mme Deguette

Avocats :

Me Mosquet-Leveneur, Me Hellot, Me Bouillet-Guillaume, Me Deshayes, Me Scolan, Me Griffiths, Me Nautou, Me Etcheverry, Me Ferretti

TGI Caen, du 25 févr. 2019

25 février 2019

EXPOS'' DES FAITS ET DE LA PROC''DURE

En octobre 2011, M. [Y] [D] et Mme [N] [S], son épouse, ont confié à la Sarl Delarue Couverture des travaux notamment de remplacement des tuiles mécaniques par des tuiles plates de l'extension à l'arrière de leur maison d'habitation, située [Adresse 8], [Localité 1].

Les travaux ont été achevés en janvier 2012. La réception est intervenue tacitement.

Par ordonnance du 15 septembre 2016, le juge des référés du tribunal de grande instance de Caen a fait droit à la demande d'expertise de M. et Mme [D], se plaignant notamment d'un affaissement de la charpente dans la chambre au 2ème étage de l'extension. Il a désigné pour y procéder M. [B] [T] au contradictoire de la Sarl Delarue Couverture.

Cette mesure a été étendue à la Sa Axa France Iard, assureur de la Sarl Delarue Couverture à l'ouverture du chantier, et à la Sa Mma Iard, assureur de la même société à compter du 17 mars 2017.

L'expert judiciaire a établi son rapport d'expertise le 14 février 2018. Il a notamment indiqué que le désordre constaté de flexion de la charpente trouvait son origine dans son sous-dimensionnement, cette charpente n'étant pas suffisamment résistante pour supporter le différentiel de charges (+ 35kg/m²) amené par les tuiles plates venant en remplacement des tuiles mécaniques. Il a estimé que la Sarl Delarue Couverture avait exécuté son ouvrage de couverture sur une structure qui n'avait pas la résistance nécessaire pour le recevoir et n'avait pas demandé au maître de l'ouvrage de faire vérifier au préalable la capacité portante de la charpente. Il a ajouté que la solidité de la charpente était gravement affectée puisque les valeurs limites de contrainte des éléments structurels bois atteignaient 216 à 278 % des valeurs admissibles selon les combinaisons de calculs et qu'en présence de neige, les taux de contraintes se rapprochaient dangereusement de la limite théorique de rupture.

Par actes d'huissier de justice des 31 août et 3 septembre 2018, M. et Mme [D] ont fait assigner à jour fixe les sociétés Delarue Couverture, Axa France Iard, et Mma Iard devant le tribunal de grande instance de Caen en indemnisation de leurs préjudices.

La société Mma Iard Assurances Mutuelles est intervenue volontairement à l'instance.

Par jugement du 25 février 2019, le tribunal a :

- dit que les désordres litigieux relèvent de la responsabilité décennale de la société Delarue Couverture,

- constaté que les sociétés Mma Iard et Mma Iard Assurances Mutuelles n'étaient pas l'assureur décennal de la société Delarue Couverture au moment de l'ouverture du chantier,

- condamné in solidum la société Delarue Couverture et la société Axa France Iard à payer à M. [Y] [D] et à Mme [N] [S] épouse [D], au titre du coût des travaux de reprise des désordres, la somme de 60 797,54 euros TTC, valeur février 2018, avec indexation sur l'indice du coût de la construction BT 01 au jour du présent jugement,

- débouté M. [Y] [D] et Mme [N] [S] épouse [D] du surplus de leurs demandes indemnitaires,

- condamné in solidum la société Delarue Couverture et la société Axa France Iard à payer à M. [Y] [D] et à Mme [N] [S] épouse [D] la somme de 3 500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

- débouté les sociétés Mma Iard et Mma Iard Assurances Mutuelles de leur demande d'indemnité au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- dit n'y avoir lieu à application de l'article 700 du code de procédure civile au profit de la société Delarue Couverture et de la société Axa France Iard,

- condamné la société Axa France Iard à garantir la société Delarue Couverture de l'ensemble des condamnations ci-dessus prononcées à son encontre au profit de M. [Y] [D] et de Mme [N] [S] épouse [D], sous réserve de la franchise contractuelle opposable à l'assuré,

- débouté la société Axa France Iard de son recours en garantie formé à l'encontre des sociétés Mma Iard et Mma Iard Assurances Mutuelles,

- condamné in solidum la société Delarue Couverture et la société Axa France Iard aux entiers dépens, lesquels comprendront les frais de l'instance en référé-expertise préalable et de la présente instance, outre les frais de l'expertise judiciaire effectuée par M. [B] [T],

- ordonné l'exécution provisoire.

La Sa Axa France Iard a formé appel du jugement le 3 avril 2019.

Par arrêt du 14 juin 2022, la cour d'appel de Caen a :

- confirmé le jugement entrepris sauf en ce qu'il a débouté M. et Mme [D] de leur demande d'indemnité au titre des préjudices complémentaires,

- infirmé le jugement de ce chef,

statuant à nouveau et y ajoutant,

- condamné in solidum la Sarl Delarue Couverture et la Sa Axa France Iard à payer à M. [Y] [D] et Mme [N] [S] son épouse la somme de 3 000 euros au titre de leur préjudice de jouissance, sous réserve de la franchise contractuelle,

- condamné la Sa Axa France Iard à garantir la Sarl Delarue Couverture au titre de cette condamnation sous réserve de la franchise contractuelle,

- débouté la Sa Axa France Iard de toutes ses demandes dirigées contre les Mma Iard et les Mma Iard Assurances Mutuelles,

- condamné in solidum la Sarl Delarue Couverture, la Sa Axa France Iard à payer à M. [Y] [D] et Mme [N] [S] son épouse la somme de

3 500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

- débouté la Sarl Delarue Couverture, la Sa Axa France Iard et les Mma Iard et les Mma Iard Assurances Mutuelles de leurs demandes d'indemnités sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamné in solidum la Sarl Delarue Couverture, la Sa Axa France Iard. [omission faite par la CA]

La Sa Axa France Iard a formé un pourvoi contre cet arrêt le 26 août 2022.

Par arrêt du 30 mai 2024, la troisième chambre civile de la Cour de cassation a :

- cassé et annulé, mais seulement en ce qu'il condamne la société Axa France Iard à payer à M. [Y] [D] et [N] [D] la somme de

60 797,54 euros TTC, valeur février 2018, avec indexation sur l'indice du coût de la construction BT 01 au jour du jugement, en ce qu'il condamne la société Axa France Iard à payer à M. [Y] [D] et [N] [D] la somme de 3 000 euros au titre de leur préjudice de jouissance, sous réserve de la franchise contractuelle, et en ce qu'il statue sur les dépens et l'application de l'article 700 du code de procédure civile, l'arrêt rendu le 14 juin 2022, entre les parties, par la cour d'appel de Caen,

- remis, sur ces points, l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Rouen,

- condamné MM. [Y] et [Z] [D] et Mme [O] [D] aux dépens,

- en application de l'article 700 du code de procédure civile, rejeté les demandes.

Par déclaration reçue au greffe le 1er juillet 2024, la Sa Axa France Iard a saisi la cour d'appel de Rouen.

Par décision du président de chambre du 2 septembre 2024, l'affaire a été fixée suivant les modalités de l'article 1037-1 du code de procédure civile.

EXPOS'' DES PR''TENTIONS ET DES MOYENS DES PARTIES

Par dernières conclusions notifiées le 3 janvier 2025, la Sa Axa France Iard ès qualités d'assureur de la Sarl Delarue Couverture demande de voir en application des articles L.241-1, L.241-2, L.242-1, L.243-1-1 II, et L.124-5 du code des assurances :

- infirmer le jugement rendu par le tribunal judiciaire le 25 février 2019, en ce qu'il a :

. dit que les désordres litigieux relèvent de la responsabilité décennale de la société Delarue Couverture,

. constaté que les sociétés Mma Iard et Mma Iard Assurances Mutuelles n'étaient pas l'assureur décennal de la société Delarue Couverture au moment de l'ouverture du chantier,

. condamné in solidum la société Delarue Couverture et la société Axa France Iard à payer à M. [Y] [D] et à Mme [N] [S] épouse [D], au titre du coût des travaux de reprise des désordres, la somme de 60 797,54 euros TTC, valeur février 2018, avec indexation sur l'indice du coût de la construction BT 01 au jour du présent jugement,

. condamné in solidum la société Delarue Couverture et la société Axa France Iard à payer à M. [Y] [D] et à Mme [N] [S] épouse [D] la somme de 3 500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

. dit n'y avoir lieu à application de l'article 700 du code de procédure civile au profit de la société Delarue Couverture et de la société Axa France Iard,

. condamné la société Axa France Iard à garantir la société Delarue Couverture de l'ensemble des condamnations ci-dessus prononcées à son encontre au profit de M. [Y] [D] et de Mme [N] [S] épouse [D], sous réserve de la franchise contractuelle opposable à l'assuré,

. débouté la société Axa France Iard de son recours en garantie formé à l'encontre des sociétés Mma Iard et Mma Iard Assurances Mutuelles,

. condamné in solidum la société Delarue Couverture et la société Axa France Iard aux entiers dépens, lesquels comprendront les frais de l'instance en référé-expertise préalable et de la présente instance, outre les frais de l'expertise judiciaire effectuée par M. [B] [T],

statuant à nouveau,

à titre principal,

- débouter intégralement M. [D], en son nom personnel et en sa qualité d'ayant droit de Mme [N] [S] épouse [D] décédée, M. [Z] [D] et Mme [O] [D], en leur qualité d'ayants droit de Mme [N] [S] épouse [D], de l'ensemble de leurs demandes à son encontre,

- condamner in solidum M. [D], en son nom personnel et en sa qualité d'ayant droit de Mme [N] [S] épouse [D], M. [Z] [D] et Mme [O] [D], en leur qualité d'ayants droit de Mme [N] [S] épouse [D], ou toutes personnes succombantes à lui payer la somme de 6 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile, outre les entiers dépens,

à titre subsidiaire, si la cour d'appel devait estimer mobilisable sa garantie sur le fondement de la responsabilité civile professionnelle,

- faire application des plafonds et franchise opposables assortissant sa garantie,

- condamner in solidum les sociétés Mma Iard et Mma Iard Assurances Mutuelles à la garantir intégralement de toutes condamnations pouvant être prononcées à son encontre, en principal, intérêts, frais, article 700 du code de procédure civile et entiers dépens.

Elle souligne que ne doivent pas être confondues responsabilité décennale et obligation d'assurance.

Elle fait valoir que ses garanties obligatoires telles que visées par l'article L.243-1-1 II du code des assurances, qui est d'interprétation stricte, ne sont pas mobilisables car les travaux confiés à son assurée, consistant à poser une nouvelle toiture sur une charpente préexistante, n'implique pas l'incorporation totale de cet ouvrage ancien dans l'ouvrage neuf et, en conséquence, la toiture et la charpente ne sont pas devenues techniquement indivisibles ; que la preuve de ces deux conditions pour engager son obligation à garantie n'est pas apportée.

Elle ajoute en tout état de cause que l'ancienne jurisprudence de la Cour de cassation de 2017 sur les désordres décennaux affectant des éléments d'équipement, dissociables ou non, d'origine ou installés sur existant, visée par le tribunal, n'est pas transposable car elle a trait à la question du régime de responsabilité applicable aux dommages causés à des existants par la pose d'un élément d'équipement lui-même défectueux, alors qu'en l'espèce, les désordres à l'ouvrage existant trouvent leur origine dans la réalisation de travaux neufs de toiture sur un existant ; que cette jurisprudence n'est plus d'actualité depuis un arrêt de la troisième chambre civile de la Cour de cassation du 21 mars 2024.

Elle en conclut que le régime applicable est celui de la responsabilité civile facultative d'un dommage créé par le lot couverture sur un lot préexistant relevant des garanties du contrat d'assurance en cours à la date de réclamation en vertu de l'article L.124-5 du code des assurances.

Elle expose que sa garantie responsabilité civile n'est pas mobilisable au motif qu'elle n'était pas l'assureur de la Sarl Delarue Couverture au moment de la réclamation relative à la seule reprise des existants, le contrat d'assurance ayant été résilié le 3 avril 2013 ; que seules les garanties souscrites auprès des sociétés Mma Iard Assurances Mutuelles et Mma Iard Sa, assureur au moment de la réclamation, sont susceptibles d'être engagées.

Elle considère que les demandes indemnitaires des maîtres de l'ouvrage au titre de préjudices relatifs au déménagement, aux travaux et aux frais de relogement ne sont pas justifiées, que les travaux de reprise affectent deux des trois chambres de l'habitation mais pas les pièces de vie, les sanitaires, et la cuisine.

Par dernières conclusions notifiées le 22 octobre 2024, la Sarl Delarue Couverture sollicite de voir en vertu des articles 1792 et suivants du code civil et du code des assurances :

à titre principal,

- confirmer le jugement rendu par le tribunal de grande instance de Caen le 29 février 2019 en l'ensemble de ses dispositions,

- condamner la Sa Axa France Iard à la garantir de toutes sommes pouvant être mises à sa charge au profit des consorts [D],

à titre subsidiaire,

- condamner les société Mma Iard et Mma Iard Assurances Mutuelles à la garantir de toutes sommes complémentaires pouvant être mises à sa charge au profit des consorts [D] sauf à voir statuer sur l'opposabilité de sa franchise,

en tout état de cause,

- débouter les consorts [D] de leurs demandes au titre de l'article 700 et des dépens à son encontre,

- condamner tout succombant à lui régler 5 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi que les entiers dépens.

Elle fait valoir qu'il n'est pas contestable au vu du rapport d'expertise judiciaire que les désordres, qui portent atteinte à la solidité de l'ouvrage constitué par l'ensemble de la toiture de l'habitation, sont de nature décennale, de sorte qu'il y a lieu à la mise en 'uvre au titre des préjudices matériels des maîtres de l'ouvrage de la garantie d'assurance obligatoire de la Sa Axa France Iard, assureur décennal à l'ouverture du chantier, même si un changement d'assureur est survenu ultérieurement ; que le tribunal a à bon droit appliqué la jurisprudence de la troisième chambre civile de la Cour de cassation du 15 juin 2017, confirmée le 29 juin 2017.

Elle indique qu'aux termes de l'arrêt de la Cour de cassation du 30 mai 2024, la cassation a été prononcée pour manque de base légale, c'est-à-dire insuffisance de constatations de fait, et non pas pour raison normative, c'est-à-dire pour violation de la loi ou erreur de droit ; qu'il est évident que la couverture et la charpente constituent un tout indivisible de la couverture de l'habitation des maîtres de l'ouvrage permettant d'assurer son habitabilité ; que les désordres trouvent leur origine dans la réalisation d'éléments défectueux préexistants ; que la charpente est intégrée à la couverture puisque les travaux de reprise de la couverture nécessiteront la dépose de celle-ci mais aussi la reprise de la charpente, avant que l'ouvrage ne puisse à nouveau recevoir des tuiles, tel que cela a été chiffré par l'expert judiciaire.

Elle recherche à titre subsidiaire la garantie des sociétés Mma Iard et Mma Iard Assurances Mutuelles au titre de sa responsabilité civile.

Elle conclut à la confirmation du rejet des demandes indemnitaires des consorts [D] aux motifs que les travaux de reprise n'ont affecté que deux des trois chambres de l'habitation et n'ont pas impacté les pièces de vie, les sanitaires, et la cuisine ; que les préjudices relatifs au déménagement et aux frais de relogement ne sont pas justifiés ; que n'a pas été retenue l'indemnisation de frais de ménage et du coût de stockage des meubles ; que les demandes sont présentées aujourd'hui par les héritiers de M. et Mme [D] qui n'ont pas subi eux-mêmes les préjudices invoqués.

Par conclusions notifiées le 15 octobre 2024, M. [Y] [D] et

M. [Z] [D] et Mme [O] [D], tous deux pris en leur qualité d'ayants droit de Mme [N] [D] décédée le 3 mai 2021, demandent de voir :

à titre principal :

- confirmer le jugement rendu par le tribunal de grande instance de Caen en ce qu'il a condamné la Sa Axa France Iard à leur payer in solidum avec la Sarl Delarue Couverture le coût des travaux de reprise des désordres, soit la somme de 60 797,54 euros TTC, valeur février 2018, avec indexation sur l'indice du coût de la construction BT 01,

- condamner la Sa Axa France Iard à leur payer in solidum avec la Sarl Delarue Couverture la somme de 3 000 euros au titre du préjudice de jouissance,

à titre subsidiaire :

- condamner les sociétés Mma Iard et Mma Iard Assurances Mutuelles à leur payer in solidum avec la Sarl Delarue Couverture le coût des travaux de reprise des désordres, soit la somme de 60 797,54 euros TTC, valeur février 2018, avec indexation sur l'indice du coût de la construction BT 01,

- condamner les sociétés Mma Iard et Mma Iard Assurances Mutuelles à leur payer in solidum avec la Sarl Delarue Couverture la somme de 3 000 euros au titre du préjudice de jouissance,

en toute hypothèse,

- débouter les sociétés Delarue Couverture, Axa France Iard, Mma Iard et Mma Iard Assurances Mutuelles de toutes demandes présentées à leur encontre,

- condamner tout succombant à leur régler une somme de 3 500 euros au titre des frais irrépétibles de première instance et une somme de 6 000 euros au titre des frais irrépétibles en cause d'appel, en application de l'article 700 du code de procédure civile, en plus des entiers dépens en ce compris le cout de l'expertise.

Ils exposent que les désordres incriminés relèvent incontestablement de la garantie obligatoire décennale de la Sarl Delarue Couverture telle que prévue par les articles 1792 et suivants du code civil et L.242-1 du code des assurances et doivent être garantis par la Sa Axa France Iard ; qu'il ne s'agit pas d'un désordre sur un ouvrage existant mais d'une atteinte à la solidité de la toiture mettant en cause la pérennité de l'ouvrage dans son ensemble ; que la couverture et la charpente constituent un tout indivisible qui permet d'assurer l'étanchéité de la construction et consécutivement son habitabilité ; que les travaux de reprise préconisés par l'expert judiciaire consistent à reprendre la couverture dans son ensemble, ce qui induit que la charpente est intégrée à la couverture et qu'elle en est techniquement indivisible.

Dans l'hypothèse où la responsabilité décennale de la Sarl Delarue Couverture ne pourrait être retenue et les garanties de la Sa Axa France Iard ne seraient pas mobilisables, ils recherchent subsidiairement la responsabilité civile de la Sarl Delarue Couverture pour les travaux faisant naître un risque d'effondrement de la toiture et la garantie des sociétés Mma que celles-ci ne contestent pas.

Ils avancent que leur préjudice de jouissance est réel, que les travaux réalisés au cours de l'été 2019 ont rendu impossible l'utilisation de deux chambres à l'étage et leur ont causé des nuisances pendant deux mois ; que la condamnation de la Sarl Delarue Couverture au paiement à ce titre d'une indemnité de 3 000 euros est définitive.

Par conclusions notifiées le 11 septembre 2024, la Sa Mma Iard et la société Mma Iard Assurances Mutuelles demandent de voir sur la base de l'article 1792 du code civil :

à titre principal,

- confirmer le jugement du tribunal de grande instance de Caen du 25 février 2019 en ce qu'il a rejeté toute demande formulée à leur encontre,

à titre subsidiaire, dans l'hypothèse où une condamnation quelconque serait prononcée à leur encontre,

- rejeter le recours en garantie de la Sa Axa France Iard s'agissant des travaux de reprise de la couverture chiffrés par l'expert à la somme de 24 756,57 euros TTC outre indexation,

- juger leur franchise contractuelle de 800 euros opposable et la déduire de toute éventuelle condamnation prononcée à leur encontre,

en toute hypothèse,

- rejeter toute demande formulée à leur encontre,

- infirmer le jugement de première instance en ce qu'il a rejeté la demande d'article 700 du code de procédure civile qu'elles ont formulée,

- condamner tout succombant à leur payer la somme de 1 500 euros au titre des frais irrépétibles de première instance, outre 3 500 euros au titre des frais irrépétibles d'appel,

- condamner les succombants aux entiers dépens de référé, de première instance, d'appel, ainsi qu'aux frais d'expertise judiciaire.

Elles font valoir à titre principal que les désordres affectant la couverture, qui relèvent de la garantie décennale de leur assurée, et l'ensemble des travaux de reprise doivent être garantis par la Sa Axa France Iard, assureur au moment de la déclaration d'ouverture de chantier ; que, dans l'hypothèse où l'article L.243-1-1 du code des assurances serait appliqué, c'est également la garantie de cette dernière qui est mobilisable car la charpente est bien intégrée à la couverture et lui est indivisible techniquement puisque les travaux de remplacement de la couverture nécessitent la reprise de la charpente et de l'ensemble des travaux chiffrés par l'expert judiciaire.

Elles indiquent à titre très subsidiaire, si elles étaient condamnées, que le coût de remplacement de la couverture chiffré par l'expert judiciaire à 24 756,57 euros TTC relève nécessairement des garanties de la Sa Axa France Iard, de sorte que le recours en garantie formé contre elles par cette dernière ne saurait aboutir. Elles s'en rapportent à justice sur le montant des travaux de reprise de 60 797,54 euros TTC conforme à l'estimation retenue par l'expert judiciaire.

Pour un plus ample exposé des faits et des moyens, il est renvoyé aux écritures des parties ci-dessus.

La clôture de l'instruction a été ordonnée le 8 janvier 2025.

MOTIFS

Sur la garantie de la Sa Axa France Iard

1) Sur la garantie obligatoire de responsabilité décennale

Selon l'article L.243-1-1, II, du code des assurances, les obligations d'assurance édictées par les articles L.241-1, L.241-2, et L.242-1 du code des assurances ne sont pas applicables aux ouvrages existants avant l'ouverture du chantier, à l'exception de ceux qui, totalement incorporés dans l'ouvrage neuf, en deviennent techniquement indivisibles.

Il en résulte que l'assurance obligatoire ne garantit les dommages à l'ouvrage existant provoqués par la construction d'un ouvrage neuf que dans le cas d'une indivisibilité technique des deux ouvrages et si celle-ci procède de l'incorporation totale de l'existant dans le neuf.

Les deux conditions sont, ainsi, cumulatives et les dommages subis par l'ouvrage existant ne sont pas garantis lorsque c'est l'ouvrage neuf qui vient s'y incorporer.

En l'espèce, les travaux réalisés par la Sarl Delarue Couverture ont consisté à remplacer les tuiles mécaniques en place par des tuiles plates sur la charpente existante. Ils n'ont pas donné lieu à une reprise sur cet ouvrage existant conservé.

Ces deux ouvrages étaient bien distincts. La charpente ne s'est pas trouvée totalement incorporée à l'ouvrage neuf de couverture et ne lui est pas devenue techniquement indivisible. Les travaux de reprise préconisés par l'expert judiciaire, s'ils portent sur ces deux ouvrages qui tendent à la même destination d'habitabilité, ne permettent pas de remettre en cause leur dissociation technique.

Dès lors, la Sa Axa France Iard ne doit sa garantie de responsabilité décennale que pour les travaux de reprise des désordres atteignant l'ouvrage neuf réalisé par son assurée dont la garantie décennale est engagée, soit le poste 'Couverture' évalué par l'expert judiciaire à 24 756,57 euros TTC.

2) Sur les garanties facultatives 'Dommages matériels aux existants' et 'Dommages immatériels consécutifs'

Aux termes de l'article L.124-5 alinéa 4 du code des assurances dont l'application visée par la Sa Axa France Iard n'est pas contestée, la garantie déclenchée par la réclamation couvre l'assuré contre les conséquences pécuniaires des sinistres, dès lors que le fait dommageable est antérieur à la date de résiliation ou d'expiration de la garantie, et que la première réclamation est adressée à l'assuré ou à son assureur entre la prise d'effet initiale de la garantie et l'expiration d'un délai subséquent à sa date de résiliation ou d'expiration mentionné par le contrat, quelle que soit la date des autres éléments constitutifs des sinistres. Toutefois, la garantie ne couvre les sinistres dont le fait dommageable a été connu de l'assuré postérieurement à la date de résiliation ou d'expiration que si, au moment où l'assuré a eu connaissance de ce fait dommageable, cette garantie n'a pas été resouscrite ou l'a été sur la base du déclenchement par le fait dommageable.

Il résulte de ce texte que, lorsque l'assuré a eu connaissance du dommage postérieurement à la date de résiliation ou d'expiration de la garantie d'un premier contrat, en base réclamation, la souscription de la même garantie, en base réclamation, auprès d'un second assureur met irrévocablement fin à la période de garantie subséquente attachée au contrat initial.

En l'espèce, la police d'assurance souscrite auprès de la Sa Axa France Iard par la Sarl Delarue Couverture a été résiliée le 3 avril 2013. Cette dernière a conclu un nouveau contrat d'assurance avec les sociétés Mma Iard Assurances Mutuelles et Mma Iard à compter du 17 mars 2017 notamment pour les deux mêmes garanties complémentaires 'Dommages aux existants' et 'Dommages immatériels consécutifs' en base réclamation. Les maîtres de l'ouvrage ont adressé leur réclamation postérieurement à ces deux dates, au moyen des assignations délivrées les 31 août et 3 septembre 2018.

En conséquence, le sinistre ayant été connu de la Sarl Delarue Couverture postérieurement à la résiliation de la police souscrite auprès de la Sa Axa France Iard, celle-ci n'est pas tenue aux garanties de l'assurance facultative au titre de la période subséquente. Les demandes dirigées contre elle à ce titre seront rejetées.

* * *

En définitive, la Sa Axa France Iard sera condamnée, in solidum avec son assurée, à payer aux consorts [D] la somme de 24 756,57 euros TTC, valeur février 2018, avec indexation sur l'indice du coût de la construction BT 01 au jour du jugement, en réparation du coût des travaux de reprise de la couverture.

En exécution du contrat les liant, la Sa Axa France Iard sera condamnée à garantir son assurée des condamnations prononcées contre elle au profit des maîtres de l'ouvrage au titre du coût des travaux de reprise des désordres dans la limite de la somme précitée, ainsi qu'au titre des frais de procédure et des dépens et, sous réserve de la franchise contractuelle opposable à l'assurée.

Le jugement du tribunal ayant condamné la Sa Axa France Iard à indemniser l'entier dommage matériel des maîtres de l'ouvrage et à garantir son assurée de l'ensemble des condamnations prononcées contre elle sera infirmé. Il sera en revanche confirmé en ce qu'il a rejeté le surplus des demandes indemnitaires dirigées contre la Sa Axa France Iard.

Sur la garantie de la Sa Mma Iard et de la société Mma Iard Assurances Mutuelles

Ces deux sociétés étaient l'assureur de la Sarl Delarue Couverture au moment de la réclamation.

1) sur la garantie 'Dommages matériels aux existants'

Ni les conditions d'application de cette garantie, ni le chiffrage évalué par l'expert judiciaire, ne sont contestés.

La Sa Mma Iard et la société Mma Iard Assurances Mutuelles seront donc condamnées, in solidum avec la Sarl Delarue Couverture, à payer aux consorts [D] la somme de 36 040,97 euros TTC, valeur février 2018, avec indexation sur l'indice du coût de la construction BT 01 au jour du jugement, en réparation du coût des travaux de reprise sur les dommages aux existants, sous réserve de la franchise contractuelle opposable à l'assurée.

Le jugement contraire du tribunal sera infirmé.

2) sur la garantie 'Dommages immatériels consécutifs'

Les conditions d'application de cette garantie ne sont pas davantage contestées.

L'expert judiciaire a indiqué que les travaux de reprise affectaient deux chambres à l'étage pendant 11 semaines, mais pas les pièces de vie, ni les sanitaires, ni encore la cuisine.

L'indemnité de 3 000 euros que M. [D] et les héritiers de Mme [D], représentant les intérêts personnels de celle-ci, réclament pour réparer leur impossibilité d'utiliser ces deux chambres pendant presque trois mois et leur restriction de ne disposer que de la troisième chambre de leur habitation n'est pas exagérée. Celle-ci correspond à une somme journalière de 19,48 euros par chambre rendue indisponible par la réalisation des travaux.

En définitive, la Sa Mma Iard et la société Mma Iard Assurances Mutuelles seront condamnées, in solidum avec la Sarl Delarue Couverture, à payer cette somme aux consorts [D] en réparation de leur préjudice de jouissance, sous réserve de la franchise contractuelle.

Le jugement contraire du tribunal sera infirmé.

* * *

En exécution de la police d'assurance les liant, la Sa Mma Iard et la société Mma Iard Assurances Mutuelles seront condamnées à garantir leur assurée des condamnations prononcées contre elle au profit des maîtres de l'ouvrage au titre du coût des travaux de reprise des désordres dans la limite de la somme de

36 040,97 euros TTC, au titre de l'indemnisation de leur préjudice de jouissance, ainsi qu'au titre des frais de procédure et des dépens et, sous réserve de la franchise contractuelle opposable à l'assurée.

Sur le recours en garantie de la Sa Axa France Iard contre la Sa Mma Iard et la société Mma Iard Assurances Mutuelles

La garantie décennale de la Sarl Delarue Couverture est engagée. La mobilisation des garanties de son assureur décennal au moment de l'ouverture du chantier exclut celle de la garantie des sociétés Mma pour le montant retenu au titre du coût de la reprise de la couverture.

Ce recours en garantie sera donc rejeté. Le jugement du tribunal ayant statué en ce sens sera confirmé.

Sur les demandes accessoires

Les dispositions de première instance sur les dépens et les frais de procédure seront partiellement infirmées.

Parties perdantes, la Sa Mma Iard et la société Mma Iard Assurances Mutuelles seront condamnées, in solidum avec la Sarl Delarue Couverture et la Sa Axa France Iard, aux dépens de première instance. Les mêmes parties seront condamnées aux dépens d'appel.

Il est équitable de condamner également la Sa Mma Iard et la société Mma Iard Assurances Mutuelles, in solidum avec la Sarl Delarue Couverture et la Sa Axa France Iard, à payer aux consorts [D] la somme de 3 500 euros au titre des frais non compris dans les dépens exposés par ces derniers pour la procédure de première instance. Une indemnité de 4 000 euros sera mise à la charge des mêmes parties pour les frais de la procédure d'appel des consorts [D].

La contribution des assureurs de la Sarl Delarue Couverture à la dette finale est fixée selon les quote-parts suivantes dans leurs rapports entre elles : 40 % à la charge de la Sa Axa France Iard, 60 % à la charge de la Sa Mma Iard et de la société Mma Iard Assurances Mutuelles.

PAR CES MOTIFS

La cour, statuant par arrêt contradictoire, mis à disposition,

Dans les limites de la saisine de la cour sur renvoi après cassation partielle,

Confirme le jugement entrepris, sauf en ce qu'il a :

- condamné la société Axa France Iard à payer à M. [Y] [D] et à Mme [N] [S] épouse [D], au titre du coût des travaux de reprise des désordres, la somme de 60 797,54 euros TTC, valeur février 2018, avec indexation sur l'indice du coût de la construction BT 01 au jour du présent jugement,

- débouté M. [Y] [D] et Mme [N] [S] épouse [D] du surplus de leurs demandes indemnitaires dirigées contre la Sa Mma Iard et la société Mma Iard Assurances Mutuelles ,

- condamné la société Axa France Iard à garantir la société Delarue Couverture de l'ensemble des condamnations ci-dessus prononcées à son encontre au profit de M. [Y] [D] et de Mme [N] [S] épouse [D], sous réserve de la franchise contractuelle opposable à l'assuré,

L'infirme de ces chefs,

Statuant à nouveau et y ajoutant,

Condamne la Sa Axa France Iard, in solidum avec la Sarl Delarue Couverture, à payer à M. [Y] [D] et à M. [Z] [D] et à Mme [O] [D], tous deux pris en leur qualité d'ayants droit de Mme [N] [S] épouse [D], la somme de 24 756,57 euros TTC, valeur février 2018, avec indexation sur l'indice du coût de la construction BT 01 au jour du jugement, en réparation du coût des travaux de reprise de la couverture,

Condamne la Sa Axa France Iard à garantir la Sarl Delarue Couverture de cette condamnation ci-dessus prononcée contre elle, ainsi que de celles prononcées au profit de M. [Y] [D] et de M. [Z] [D] et de Mme [O] [D], tous deux pris en leur qualité d'ayants droit de Mme [N] [S] épouse [D], au titre des frais de procédure et des dépens, et, sous réserve de la franchise contractuelle opposable à l'assurée,

Condamne la Sa Mma Iard et la société Mma Iard Assurances Mutuelles, in solidum avec la Sarl Delarue Couverture, à payer à M. [Y] [D] et à M. [Z] [D] et à Mme [O] [D], tous deux pris en leur qualité d'ayants droit de Mme [N] [S] épouse [D], les sommes suivantes, sous réserve de la franchise contractuelle :

- 36 040,97 euros TTC, valeur février 2018, avec indexation sur l'indice du coût de la construction BT 01 au jour du jugement, en réparation du coût des travaux de reprise sur les dommages aux existants,

- 3 000 euros en réparation de leur préjudice de jouissance,

Condamne la Sa Mma Iard et la société Mma Iard Assurances Mutuelles à garantir la Sarl Delarue Couverture des condamnations prononcées contre elle au profit de M. [Y] [D] et de M. [Z] [D] et de Mme [O] [D], tous deux pris en leur qualité d'ayants droit de Mme [N] [S] épouse [D], au titre du coût des travaux de reprise des désordres dans la limite de la somme de 36 040,97 euros TTC, au titre de l'indemnisation de leur préjudice de jouissance, ainsi qu'au titre des frais de procédure et des dépens et, sous réserve de la franchise contractuelle opposable à l'assurée,

Condamne la Sa Mma Iard et la société Mma Iard Assurances Mutuelles, in solidum avec la Sarl Delarue Couverture et la Sa Axa France Iard, à payer à

M. [Y] [D], M. [Z] [D] et Mme [O] [D], tous deux pris en leur qualité d'ayants droit de Mme [N] [S] épouse [D], la somme de 3 500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile au titre de la procédure de première instance,

Condamne la Sarl Delarue Couverture, la Sa Axa France Iard, la Sa Mma Iard et la société Mma Iard Assurances Mutuelles, à payer à M. [Y] [D],

M. [Z] [D] et Mme [O] [D], tous deux pris en leur qualité d'ayants droit de Mme [N] [S] épouse [D], la somme de 4 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile au titre de la procédure d'appel,

Déboute les parties du surplus des demandes,

Condamne la Sa Mma Iard et la société Mma Iard Assurances Mutuelles, in solidum avec la Sarl Delarue Couverture et la Sa Axa France Iard, aux dépens de première instance qui comprendront les dépens de référé et les frais de l'expertise judiciaire,

Condamne la Sarl Delarue Couverture, la Sa Axa France Iard, la Sa Mma Iard et la société Mma Iard Assurances Mutuelles, aux dépens d'appel,

Dit que, dans leurs rapports entre elles, la contribution à la dette finale au titre des condamnations aux frais de procédure et aux dépens sera fixée selon les quote-parts suivantes : 40 % à la charge de la Sa Axa France Iard, 60 % à la charge de la Sa Mma Iard et de la société Mma Iard Assurances Mutuelles.

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