CA Versailles, ch. com. 3-1, 26 février 2025, n° 24/00182
VERSAILLES
Arrêt
Autre
PARTIES
Demandeur :
Monoprix Holding (SAS)
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
Mme Dubois-Stevant
Conseillers :
Mme Gautron-Audic, Mme Meurant
Avocats :
Me de Carfort, Me Durand, Me Moatty, Cabinet Cousin & Associés
EXPOSE DES FAITS
Le 23 février 2023, M. [P] [B] [I] a déposé la demande d'enregistrement n° 4939870 portant sur le signe verbal Ti'Boutchou pour désigner en classe 28 des « Jouets ; trottinettes [jouets] ; balles et ballons de jeux ; décorations pour arbres de Noël excepté les articles d'éclairage et les sucreries ; figurines [jouets] ; maquettes [jouets] ; jeux de table ; tapis d'éveil ».
Le 21 juin 2023, la société Monoprix a, sur le fondement de sa marque antérieure BOUT'CHOU désignant notamment « hochets, jouets, tous autres objets en matières plastiques », formé opposition à l'égard d'une partie des produits visés par cette demande, à savoir : « Jouets ; trottinettes [jouets] ; balles et ballons de jeux ; figurines [jouets] ; maquettes [jouets] ; jeux de table ; tapis d'éveil ».
Par décision du 1er décembre 2023, le directeur général de l'INPI (l'INPI) a rejeté l'opposition en écartant le risque de confusion en raison de l'absence de caractère distinctif de l'élément BOUTCHOU du signe contesté au regard des produits à l'encontre desquels il est fait opposition.
Par déclaration du 2 janvier 2024, la société Monoprix a formé un recours en annulation à l'encontre de cette décision et a, le 28 mars 2024, déposé un premier jeu de conclusions ; l'ensemble a fait l'objet d'une signification à M. [B] [I] le 15 avril 2024.
Par dernières conclusions déposées le 31 décembre 2024, la société Monoprix demande à la cour d'annuler la décision de l'INPI du 1er décembre 2023, de juger que la demande d'enregistrement de la marque Ti'Boutchou n° 4939870 ne peut être enregistrée sans porter atteinte à ses droits antérieurs sur la marque BOUT'CHOU n° 1208550, d'ordonner la notification de l'arrêt à intervenir à monsieur le directeur général de l'INPI conformément aux dispositions de l'article R. 411-42 du code de la propriété intellectuelle, de condamner M. [B] [I] à lui payer la somme de 3.000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile, de condamner M. [B] [I] en tous les dépens de l'instance dont le montant sera recouvré par maître de Carfort, avocat, conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.
Par observations du 18 octobre 2024, l'INPI réitère l'absence de risque de confusion en raison des différences d'ensemble entre les marques et du défaut de distinctivité de leurs éléments communs.
Par avis du 18 novembre 2024, le ministère public préconise la confirmation de la décision de l'INPI, la marque nouvelle ne constituant pas l'imitation de la marque antérieure.
L'acte de recours a été signifié le 15 avril 2024, par acte déposé à l'étude du commissaire de justice, à M. [B] [I] qui n'a pas constitué avocat.
SUR CE,
L'article L.711-3 du code de la propriété intellectuelle dispose que « ne peut être valablement enregistrée ['] une marque portant atteinte à des droits antérieurs ayant effet en France, notamment : 1° Une marque antérieure : ['] b) Lorsqu'elle est identique ou similaire à la marque antérieure et que les produits ou les services qu'elle désigne sont identiques ou similaires à ceux pour lesquels la marque antérieure est protégée, s'il existe, dans l'esprit du public, un risque de confusion incluant le risque d'association avec la marque antérieure ».
La société Monoprix approuve la décision de l'INPI en ce qu'elle a considéré les produits de la demande d'enregistrement contestée identiques ou au moins similaires aux produits invoqués (hochets, jouets, tous autres objets en matières plastique) de la marque antérieure.
Elle reproche en revanche à la décision de l'INPI d'avoir conclu à l'absence de similarité entre les signes BOUT'CHOU et Ti'Boutchou.
S'agissant de la comparaison des signes, la demande de marque comprend la marque antérieure dans son ensemble et contient également une apostrophe, bien que n'étant pas placée de la même façon.
Phonétiquement, les signes sont proches, ne se distinguant que par la syllabe [ti] en attaque de la demande de marque.
Intellectuellement, les deux signes évoquent l'univers des bébés ou des jeunes enfants, l'adjonction de Ti pour la demande de marque contestée ne venant que renforcer cette évocation.
L'élément BOUTCHOU renvoie effectivement à l'expression « bout de chou » définie, selon le dictionnaire Larousse, comme des « termes affectueux pour désigner un petit enfant assez mignon » ; il est toutefois à noter que la contraction des deux syllabes [de] et [chou] en une seule syllabe [tchou] et l'adjonction, au sein de la marque antérieure BOUT'CHOU, d'une apostrophe, confèrent à cette dernière une légère singularité, n'existant pas en tant que telle dans la langue française.
En outre, si la marque BOUT'CHOU est très évocatrice du public visé par les produits en cause, elle ne désigne pour autant pas directement ces derniers ni ne renseigne sur leurs caractéristiques et n'est par conséquent pas dépourvue de toute distinctivité.
Enfin, il sera également retenu que la séquence Boutchou est l'élément dominant au sein de la demande de marque contestée, l'élément Ti, perçu comme un diminutif du mot « petit », étant de nature à introduire ou qualifier l'élément suivant Boutchou.
Ainsi, considérant que la marque BOUT'CHOU n'est pas dépourvue de tout caractère distinctif, qu'elle est reprise de façon quasi identique par l'élément dominant de la demande de marque Ti'Boutchou, que les signes en cause visent des produits identiques ou très similaires, il convient de retenir l'existence d'un risque de confusion dans l'esprit du consommateur, qui sera tenté de voir dans la marque contestée une déclinaison de la marque antérieure.
La marque Ti'Boutchou n° 4939870 ne pouvant être enregistrée sans porter atteinte aux droits antérieurs de la société Monoprix sur la marque BOUT'CHOU n° 1208550, la décision de l'INPI ayant rejeté l'opposition à son encontre sera annulée.
M. [P] [B] [I] sera condamné aux dépens du recours. Il n'y a pas lieu de faire application de l'article 700 du code de procédure civile.
PAR CES MOTIFS
La Cour, statuant par défaut,
Annule la décision de l'INPI du 1er décembre 2023 ayant rejeté l'opposition à la demande d'enregistrement de la marque Ti'Boutchou n° 4939870 ;
Fait droit à l'opposition formée par la société Monoprix à la demande d'enregistrement de la marque Ti'Boutchou n° 4939870 ;
Dit n'y avoir lieu de faire application de l'article 700 du code de procédure civile ;
Condamne M. [B] [I] aux dépens du recours.
Prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.