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Cass. 2e civ., 6 mars 2025, n° 22-18.209

COUR DE CASSATION

Arrêt

Cassation

PARTIES

Demandeur :

Quick grill (Sté)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

Mme Martinel

Rapporteur :

M. Cardini

Avocat général :

M. Adida-Canac

Avocats :

SCP Célice, Texidor, Périer, SCP Gatineau, Fattaccini et Rebeyrol

Rouen, ch. civ. et com., du 5 mai 2022

5 mai 2022

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Rouen, 5 mai 2022) et les productions, la société Quick grill (la société) a été créée par MM. [P], [W], [V] [G] et [Z] [G], chacun détenant 25 % des parts.

2. Par une ordonnance du 9 avril 2018, un juge des référés a, sur la saisine de MM. [W] et [P], ordonné la révocation de M. [Z] [G] dans ses fonctions de co-gérant, ordonné la suspension de M. [V] [G] dans ses fonctions de gérant, nommé un administrateur provisoire qui, pour la gestion au quotidien, pourra se faire aider par M. [P], ordonné que, dans le délai d'un mois, l'administrateur convoque une assemblée générale extraordinaire afin de nommer un nouveau gérant et fixer sa rémunération et que, suite aux décisions prises lors de cette assemblée, il fasse le nécessaire auprès du registre du commerce et des sociétés pour modifier les mentions afférentes.

3. L'administrateur provisoire a convoqué les parties à une assemblée générale qui s'est tenue le 30 mai 2018. L'ordonnance a été signifiée le 20 juillet 2018 et MM. [G] en ont interjeté appel le 2 août 2018.

4. Par un arrêt du 20 juin 2019, une cour d'appel a infirmé l'ordonnance et dit n'y avoir lieu à référé.

5. Par une ordonnance du 13 mai 2020, les frais de l'administrateur provisoire ont été taxés à une certaine somme et mis à la charge de la société.

6. Par acte des 5 et 10 août 2020, la société a assigné MM. [P] et [W] devant un tribunal de commerce à fin d'obtenir leur condamnation à lui payer diverses sommes au titre des frais et honoraires de l'administrateur provisoire et de dommages et intérêts.

Examen des moyens

Sur le troisième moyen

7. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ce moyen qui n'est manifestement pas de nature à entraîner la cassation.

Mais sur le moyen relevé d'office

8. Après avis donné aux parties, conformément à l'article 1015 du code de procédure civile, il est fait application de l'article 620, alinéa 2, du même code.

Vu les articles L. 111-1 et L. 111-10 du code des procédures civiles d'exécution :

9. Selon le premier de ces textes, tout créancier peut, dans les conditions prévues par la loi, contraindre son débiteur défaillant à exécuter ses obligations à son égard.

10. Selon le second, l'exécution forcée peut être poursuivie jusqu'à son terme en vertu d'un titre exécutoire à titre provisoire. L'exécution est poursuivie aux risques du créancier. Celui-ci rétablit le débiteur dans ses droits en nature ou par équivalent si le titre est ultérieurement modifié.

11. Il résulte de la combinaison de ces textes que seul un débiteur condamné à exécuter une obligation, exécutoire à titre provisoire, au profit d'un créancier peut agir contre ce dernier, sur le fondement de l'article L. 111-10 du code des procédures civiles d'exécution, en réparation du préjudice résultant de l'exécution du titre ultérieurement modifié.

12. Pour débouter la société de sa demande en paiement de la somme de 9 147,73 euros, l'arrêt retient, d'une part, que l'ordonnance a été exécutée spontanément avant toute signification, d'autre part, que l'intervention de l'administrateur provisoire ayant été profitable pour la société qui est une personne distincte de ses associés et dirigeants, il est légitime que le coût induit par cette intervention soit supporté par elle.

13. En statuant ainsi, alors que l'ordonnance de référé ayant désigné un administrateur provisoire ne pouvait être regardée comme ayant condamné la société à exécuter une obligation au profit de MM. [W] et [P], les demandes indemnitaires que la société avait formées à leur encontre, au titre des frais et honoraires de l'administrateur provisoire et des dommages et intérêts, n'entraient pas dans les prévisions de l'article L. 111-10 du code des procédures civiles d'exécution, la cour d'appel a violé les textes susvisés.

PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs du pourvoi, la Cour :

CASSE ET ANNULE, sauf en ce qu'il confirme le jugement du 13 septembre 2021 en ce qu'il a débouté la société Quick grill de sa demande au titre de dommages et intérêts en raison des préjudices d'image et commerciaux nés de l'administration provisoire et en ce qu'il a débouté la société Quick grill de sa demande au titre de dommages et intérêts pour résistance abusive, l'arrêt rendu le 5 mai 2022, entre les parties, par la cour d'appel de Rouen ;

Remet, sauf sur ces points, l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Rennes ;

Condamne M. [P] et M. [W] aux dépens ;

En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par M. [P] et M. [W] et les condamne in solidum à payer à la société Quick grill la somme de 3 000 euros ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;

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