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Décisions

CA Nîmes, 5e ch. soc. ph, 4 mars 2025, n° 23/00362

NÎMES

Arrêt

Autre

CA Nîmes n° 23/00362

4 mars 2025

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

ARRÊT N°

N° RG 23/00362 - N° Portalis DBVH-V-B7H-IWKN

LR EB

CONSEIL DE PRUD'HOMMES - FORMATION PARITAIRE D'AVIGNON

05 janvier 2023

RG :

[H]

C/

Me [L] [Z] [X] - Mandataire liquidateur de SELARL ETUDE BALINCOURT

S.A.S. ROZENBAL FRANCE

SELARL ETUDE BALINCOURT

Association UNEDIC DELEGATION AGS CGEADE [Localité 9]

Grosse délivrée le 04 MARS 2025 à :

- Me

- Me

COUR D'APPEL DE NÎMES

CHAMBRE CIVILE

5ème chambre sociale PH

ARRÊT DU 04 MARS 2025

Décision déférée à la Cour : Jugement du Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire d'AVIGNON en date du 05 Janvier 2023, N°

COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DÉBATS :

Mme Leila REMILI, Conseillère, a entendu les plaidoiries en application de l'article 805 du code de procédure civile, sans opposition des avocats, et en a rendu compte à la cour lors de son délibéré.

COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ :

Mme Nathalie ROCCI, Présidente

Mme Leila REMILI, Conseillère

M. Michel SORIANO, Conseiller

GREFFIER :

Mme Emmanuelle BERGERAS, Greffier, lors des débats et du prononcé de la décision.

DÉBATS :

A l'audience publique du 21 Novembre 2024, où l'affaire a été mise en délibéré au 11 Février 2025 prorogé à ce jour

Les parties ont été avisées que l'arrêt sera prononcé par sa mise à disposition au greffe de la cour d'appel.

APPELANT :

Monsieur [J] [H]

né le 12 Juin 1932 à [Localité 7]

[Adresse 6]

[Adresse 6]

[Localité 5]

Représenté par Me Philippe PERICCHI de la SELARL AVOUEPERICCHI, avocat au barreau de NIMES

Représenté par Me Jérémie CAUCHI de la SCP SCP ERMENEUX - CAUCHI & ASSOCIES, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE

INTIMÉES :

[Z] [X] [L] - Mandataire liquidateur de SELARL ETUDE BALINCOURT

[Adresse 3]

[Localité 4]

Représenté par Me Laurent ERRERA de la SELAS BARTHELEMY AVOCATS, avocat au barreau de MONTPELLIER

S.A.S. ROZENBAL FRANCE

[Adresse 2]

[Localité 4]

Représentée par Me Laurent ERRERA de la SELAS BARTHELEMY AVOCATS, avocat au barreau de MONTPELLIER

SELARL ETUDE BALINCOURT représenté par [Z] [L] [X] agissant en qualité de Mandataire liquidateur à la liquidation judiciaire de la société ROZENBAL FRANCE domicilié en cette qualité

[Adresse 3]

[Adresse 8]

[Localité 4]

UNEDIC DELEGATION AGS CGEADE [Localité 9]

[Adresse 1]

[Adresse 1]

[Localité 9]

Ordonnance de clôture du 21 Octobre 2024, révoquée sur le siège sur demande conjointe des parties et clôturée à nouveau au jour de l'audience avant l'ouverture des débats,

ARRÊT :

Arrêt contradictoire, prononcé publiquement et signé par Mme Nathalie ROCCI, Présidente, le 04 mars 2025, par mise à disposition au greffe de la cour.

FAITS PROCÉDURE ET PRÉTENTIONS

M. [J] [H] a été engagé par la société [R] à compter du 22 février 1988 suivant contrat de travail à durée indéterminée à temps complet, en qualité de comptable 1er échelon K 185. La société exerçait une activité de négoce de brosserie et accessoires de ménage.

En décembre 1997, outre ses fonctions de directeur administratif et financier, le salarié a été nommé directeur général, statut cadre, emploi dépendant de la convention collective nationale du commerce de gros non alimentaire.

Le 02 juin 2006, M. [J] [H] a été nommé président de la société et percevait ainsi une rémunération distincte de 500 euros par mois pour ces fonctions.

En mai 2011, la société [R] a changé de dénomination et est devenue la société Rozenbal France.

Le 23 décembre 2019, la société a révoqué M. [J] [H] de ses fonctions de président.

M. [J] [H] a saisi le conseil de prud'hommes d'Avignon, par requête en date du 04 décembre 2020, afin de demander la résiliation judiciaire de son contrat de travail. Cette instance a été enrôlée sous le numéro F 20/00448.

M. [J] [H] a été convoqué, par lettre du 1er février 2021, à un entretien préalable, puis licencié pour motif économique par courrier daté du 11 février 2021.

M. [J] [H] a alors saisi le conseil de prud'hommes d'Avignon, par un nouveau recours en date du 06 avril 2021, afin de contester son licenciement et de le voir dire sans cause réelle et sérieuse. Cette instance a été enrôlée sous le numéro F 21/00111.

Par jugement du tribunal de commerce d'Avignon en date du 19 janvier 2022, la société a été placée en redressement judiciaire, puis en liquidation judiciaire par jugement du 06 juillet 2022. La société Balincourt, représentée par Me [L] [X], a été nommée en qualité de mandataire judiciaire.

Par jugement contradictoire du 05 janvier 2023, le conseil de prud'hommes d'Avignon :

- ordonne la jonction de la procédure F 20/00447 et de la procédure F 21/00111 ;

- constate que la société Rozenbal France n'a commis aucun manquement grave justifiant la résiliation judiciaire du contrat de travail à ses torts ;

- constate que le licenciement pour motif économique est parfaitement valable ;

- constate que M. [H] n'a subi aucun acte constitutif de harcèlement moral et traitement vexatoire ;

- dit que la clause à la rupture du contrat de travail de M. [H] est applicable ;

En conséquence :

- déboute M. [H] de sa demande de résiliation judiciaire de son contrat de travail aux torts de la société Rozenbal France ;

- déboute M. [H] de sa demande de requalification de la rupture de son contrat de travail pour cause économique en licenciement sans cause réelle et sérieuse ;

- fixe la créance de M. [J] [H] au passif de la procédure de liquidation judiciaire de la société Rozenbal France, à savoir la somme suivante :

- 96 462,48 euros à titre d'indemnité de rupture contractuellement prévue par le contrat de travail à titre superprivilégié

- déboute M. [H] du surplus de ses demandes ;

- déboute la société Rozenbal France du surplus de ses demandes ;

- laisse les dépens éventuels à la charge de chacune des parties pour ce qui les concerne ;

Par acte du 1er février 2023, M. [J] [H] a régulièrement interjeté appel de cette décision.

Aux termes de ses dernières conclusions du 15 octobre 2024, M. [J] [H] demande à la cour de :

I. Sur l'appel de M. [J] [H]

Débouter la société Rozenbal France de l'ensemble de ses moyens, fins et conclusions ;

Réformer le jugement du conseil de prud'hommes d'Avignon en date du 5 janvier 2023 en ce qu'il a :

- Constaté que la Société Rozenbal France n'avait commis aucun manquement grave justifiant la résiliation judiciaire du contrat de travail de M. [H]

- Constaté le licenciement pour motif économique de M. [H] comme parfaitement valable

- Constaté que M. [H] n'aurait subi aucun acte constitutif de harcèlement moral et traitement vexatoire ;

- Débouté M. [H] de sa demande de résiliation judiciaire de son contrat de travail aux torts de la société Rozenbal France

- Débouté M. [H] de sa demande de requalification de la rupture de son contrat de travail pour cause économique en licenciement sans cause réelle et sérieuse ;

- Débouté M. [H] du surplus de ses demandes ;

- Laissé les dépens éventuels à la charge de chacune des parties pour ce qui les concerne ;

Et statuant de nouveau,

A titre principal

Prononcer la résiliation judiciaire du contrat de travail de M. [H] et dire qu'elle produit les effets d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse à la date du 11 février 2021 ;

Fixer les créances de M. [J] [H] au passif de la procédure de liquidation judiciaire de la société Rozenbal France, à savoir les sommes suivantes :

- 160.770,80 Euros à titre d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse en application des dispositions de l'article L.1235-3 du code du travail à titre privilégié ;

- 24.115,62 Euros à titre d'indemnité de préavis correspondant à trois mois de salaire soit la somme de 8.038,54 x 3 = 24.115,62 Euros brut à titre superprivilégié.

- 2.411,56 Euros à titre d'indemnité de congés subséquent de préavis à titre superprivilégié

- 117,50 Euros à titre superprivilégié à titre d'indemnité compensatrice de congés payés correspondant à la régularisation du contenu erroné mentionné de ce chef dans le solde de tout compte et le bulletin de salaire du requérant

En tout état de cause

Ordonner à la SELARL Etude Balincourt, représentée par [X] [L] es-qualité de mandataire judiciaire la remise à M. [J] [H] de l'ensemble des documents de fin de contrat et bulletins de salaires conforment au jugement à intervenir ;

Fixer les créances de M. [J] [H] au passif de la procédure de liquidation judiciaire de la société Rozenbal France, à savoir les sommes suivantes :

- 60.000 euros à titre chirographaire en réparation du préjudice subi en l'état du comportement vexatoire et harcelant de l'employeur

- 4.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile

Dire que les condamnations produiront intérêt au taux légal à compter de la saisine du conseil de prud'hommes ;

Fixer au passif de la procédure collective de la société Rozenbal France les frais et dépens de la présente procédure ;

Constater le désistement d'appel partiel de M. [H] en ce qui concerne le seul chef du jugement qui dit 'Dit que la clause à la rupture du contrat de travail de M. [H] est applicable.'

II. Sur l'appel incident de la société Rozenbal France

Déclarer la cour non saisie des demandes de la SELARL Etude Balincourt, représentée par Me [L] [X], es qualité de mandataire judiciaire (liquidataire) à la liquidation judiciaire de la société Rozenbal France, aucune demandant tendant à la réformation ou la confirmation n'étant formulée.

Le cas échéant,

Débouter la SELARL Etude Balincourt, représentée par Me [L] [X], es qualité de mandataire liquidateur de la société Rozenbal France de sa demande tendant à voir débouter M. [H] de sa demande d'indemnité contractuelle de licenciement à hauteur de 96.462,48 euros, et ce d'autant que la cour n'a pas été saisie tant par M. [H] que par la société Rozenbal, d'une quelconque demande tendant à voir réformer le jugement dont appel sur ce point.

Débouter en conséquence, la SELARL Etude Balincourt, représentée par Me [L] [X], es qualité de mandataire liquidateur de la la société Rozenbal France de sa demande tendant à voir déclarer abusive la clause de Golden Parachute et la déclarer inapplicable, aucun élément du dossier ne permettant objectivement de faire droit à une telle demande tant en droit qu'en fait.

Confirmer en tant que de besoin, le jugement du conseil de prud'hommes d'Avignon en ce qu'il a fixé au passif de la procédure de liquidation judiciaire de la société Rozenbal France le montant de l'indemnité contractuelle d'un montant de 96 462,48 euros due par la société à M. [J] [H].

Dire que l'arrêt à intervenir sera commun et opposable aux organes de la procédure collective de la société Rozenbal France et notamment au CGEA-AGS de [Localité 9].

En l'état de ses dernières écritures en date du 21 juillet 2023, la société Etude Balincourt, représentée par Me [L] [X], ès qualités de mandataire judiciaire à la liquidation judiciaire de la société Rozenbal France, demande à la cour de :

A titre principal :

Débouter M.[H] de l'ensemble de ses demandes ;

- Sur la résiliation judiciaire du contrat de travail :

Constater que la société n'a commis aucun manquement grave justifiant la résiliation judiciaire du contrat de travail à ses torts ;

Débouter M.[H] de sa demande de résiliation judiciaire et de ses demandes financières afférentes ;

Débouter M. [H] de sa demande d'indemnité contractuelle de licenciement à hauteur de 96.462,48 euros ;

- Sur le licenciement pour motif économique :

Constater que le licenciement pour motif économique est parfaitement valable ;

Débouter le salarié de ses demandes financières afférentes ;

Déclarer abusive la clause de golden parachute et la déclarer inapplicable. A titre subsidiaire, réduire son montant à de plus juste proportions ;

- Sur le harcèlement moral :

Constater que M.[H] n'a fait l'objet d'aucun harcèlement moral et débouter le salarié de sa demande d'indemnisation à ce titre ;

Débouter le salarié de l'ensemble de ses autres demandes.

A titre reconventionnel :

Condamner M.[H] au versement de la somme de 2 000 euros, au titre de l'article 700 du code de procédure civile, outre les dépens de l'instance.

L'Unedic Délégation AGS CGEA de [Localité 9], régulièrement assignée à personne morale, n'a pas constitué avocat. Par courrier reçu le 13 février 2023, elle a indiqué qu'elle ne serait pas représentée.

Pour un plus ample exposé des faits et de la procédure, ainsi que des moyens et prétentions des parties, il convient de se référer à leurs dernières écritures.

Par ordonnance en date du 11 juin 2024, le conseiller de la mise en état a prononcé la clôture de la procédure à effet au 21 octobre 2024. L'affaire a été fixée à l'audience du 21 novembre 2024.

MOTIFS

Sur la résiliation judiciaire du contrat de travail

M. [J] [H] fait valoir que les manquements de l'employeur sont suffisamment graves pour justifier la résiliation judiciaire du contrat de travail et les détaille ainsi :

- le défaut de cotisation aux caisses d'assurance chômage

-à compter de la révocation de son mandat social intervenue le 23 décembre 2019, il a retrouvé son statut de salarié, cependant, l'employeur n'a pas procédé à son affiliation à la caisse d'assurance chômage et versé les cotisations afférentes, comme en attestent ses bulletins de salaire alors qu'il s'agit pourtant d'une obligation légale résultant des dispositions des articles L.5422-13 et 14 du code du travail

- cette situation ne fera pourtant l'objet d'une régularisation qu'à compter du mois de décembre 2020, soit près d'un an plus tard pour faire réponse à la saisine de la juridiction prud'homale

- une mise à l'écart matérialisée par :

- la décision de le licencier arrêtée dès le mois de janvier 2020, soit près de douze mois avant la première saisine du conseil de prud'hommes au mois de décembre 2021

- la disparition de ses coordonnées de l'ensemble des listings téléphoniques de l'entreprise dès le mois de janvier 2020 soit plus d'un an avant son licenciement économique

- l'annonce de son départ auprès des clients de l'entreprise dès le mois de juin 2020

- sa disparition de l'organigramme de l'entreprise

- il devait restituer sa clé électronique et était contraint de déférer aux demandes de transmission d'informations afférentes à la gestion des dossiers de l'entreprise

- le manquement à l'obligation de fournir du travail :

- ne souhaitant pas le voir revenir au sein de l'entreprise à compter de la fin de son arrêt de travail qui intervenait le 31 août 2020, l'employeur l'a donc dispensé de manière parfaitement incohérente de toute activité jusqu'au jour de son licenciement prétendument économique, les dispenses de travail lui ayant été imposées

- sur son remplacement :

-à compter de la révocation de son mandat social, il devait reprendre son poste de directeur administratif et financier et à cette époque, ce poste était déjà occupé par M. [P] mais ce dernier étant parti en novembre 2020, au lieu de l'affecter à son remplacement, l'employeur a privilégié le recrutement d'un autre salarié, M. [M] [E]

- sur la dégradation de son état de santé :

- si les faits à l'origine de son état dépressif peuvent partiellement être rattachés à la cessation de ses fonctions de mandataire social, cet état va s'aggraver plus encore par l'attitude délétère, stigmatisante et de placardisation ainsi que par les annonces de cessation de ses fonctions au sein de l'entreprise et auprès des partenaires de cette dernière

- l'employeur est débiteur d'une obligation de prévention des risques et des situations de harcèlement au travail et la société ne justifie pas avoir mis en place les moyens nécessaires sur ce point

- sur la négociation d'une éventuelle rupture conventionnelle :

- la société a engagé, dès son retour d'arrêt maladie, soit au cours du mois de septembre 2020 une tentative de rupture conventionnelle de son contrat de travail et elle a essayé de lui imposer la vente de ses droits sociaux à vil prix, ce qu'il a refusé, de sorte que la société n'a pas poursuivi les opérations de rupture conventionnelle, escomptant sur un épuisement de son salarié.

L'employeur conteste les manquements reprochés et formule des observations sur chacun d'entre eux :

- sur le défaut de cotisation aux caisses d'assurance chômage :

- en sa qualité de président de la SAS, M. [J] [H] ne bénéficiait pas de l'assurance chômage mais il adhérait à une assurance privée, la GSC, assurance chômage couvrant les dirigeants indépendants, ce depuis le 1er avril 1998, M. [J] [H] ayant d'ailleurs décidé tout seul de s'octroyer, aux frais de la société, cette assurance

- si la société omettait, lors de la révocation de son mandat de président, en décembre 2019, de l'affilier à Pôle emploi, pour autant, M. [J] [H] restait bien affilié à la GSC sur 2020, démontrant ainsi parfaitement l'absence de toute faute de la société qui régularisait la situation auprès de la GSC pour 2020 (un montant de 8348 euros lui étant payé par la GSC) et, en toute hypothèse, la situation était aussi régularisée en décembre 2020 auprès de l'assurance chômage salariée, puisque la somme de 3534,59 euros de cotisations patronales était payée pour couvrir M.[H] au titre de son assurance chômage

- enfin, les juges du fond apprécient les manquements imputés à l'employeur au jour de leur décision et s'ils constatent que ceux-ci ont disparu à la date du jugement parce que l'employeur les a entièrement régularisés avant la décision de justice, la résiliation judiciaire n'est

plus justifiée

- sur la mise à l'écart de M. [H] :

- il est faux de prétendre qu'elle aurait décidé, dès janvier 2020 de se séparer de lui, les attestations de MM. [O] [F] et [A] [P] étant mensongères

- la liste des numéros de téléphone est mise à jour très régulièrement en fonction des présences et absences des uns et des autres

- aucun élément n'est versé par le salarié pour démontrer la prétendue intention de l'employeur de se séparer de lui

- c'est le salarié lui-même qui a sollicité une rupture conventionnelle et une dispense d'activité à compter du 2 septembre 2020 puisqu'il souhaitait quitter l'entreprise et la société ne pouvait attendre et ne pas se réorganiser, compte tenu de son poste stratégique, de sorte que ses fonctions devaient nécessairement être reprises, même de façon temporaire par un autre collaborateur

- la remise de la clé électronique de signature, qui permet d'effectuer l'ensemble des paiements de la société, était justifiée pour ne pas paralyser le fonctionnement de la société pendant cette dispense d'activité voulue par le salarié, tout comme il était évident que le salarié transmette un certain nombre d'informations et certains dossiers pendant cette dispense d'activité

- sur le manquement à l'obligation de fournir du travail :

- c'est le salarié qui lui-même était à l'origine de la demande de dispense d'activité, étant ainsi rémunéré en restant chez lui

- la société indiquait au salarié les conditions de reprise de son poste de travail dès le 2 septembre 2020, ne souhaitant pas laisser perdurer la dispense d'activité

- particulièrement vexé et offensé d'avoir été révoqué de son mandat de président en décembre 2019, M. [J] [H] ne se voyait pas reprendre son poste de directeur administratif et financier et affronter le regard des autres salariés

- sur le remplacement de M. [J] [H] :

- M. [P] occupait le poste de directeur financier depuis des années et rien n'a été modifié à compter de l'arrêt maladie de M. [J] [H]

- la société ne pouvait pas lui proposer le poste de M. [P] puisque des pourparlers étaient en cours pour une rupture du contrat de travail et M. [E] a été recruté en tant que responsable administratif et financier, le poste de DAF ne se justifiant plus au regard de l'évolution des indicateurs économiques

- sur la dégradation de l'état de santé de M. [J] [H] :

- M. [J] [H] a été révoqué de ses fonctions de président le 23 décembre 2019 et son arrêt de travail, non professionnel au demeurant, démarrait à compter du 26 décembre 2019 jusqu'au 31 août 2020

- il tente de semer le trouble entre sa situation de mandataire social et sa situation de salarié ; en réalité, le 26.12.2019, M. [H] venait d'être révoqué de ses fonctions de président, conformément au pacte d'associés et en toute légalité, ce que ce dernier n'a pas supporté, sachant qu'il réclame 556 490 euros dans le cadre d'un second contentieux s'agissant de sa révocation de mandataire social

- sur la négociation d'une éventuelle rupture conventionnelle :

- le salarié souhaitait cette rupture avant le 31 octobre 2020

- elle ne sera pas signée malgré l'indemnité conséquente proposée de 285 755 euros, les prétentions de M. [J] [H] étant démesurées, déloyales et abusives.

Le juge prononce la résiliation judiciaire du contrat de travail aux torts de l'employeur en cas de manquements suffisamment graves de ce dernier à ses obligations, de nature à empêcher la poursuite du contrat de travail.

La résiliation judiciaire du contrat de travail produit les effets d'un licenciement nul ou sans cause réelle et sérieuse avec toutes ses conséquences de droit.

Les juges doivent dès lors caractériser l'existence d'un ou plusieurs manquements de l'employeur et, cela fait, ils doivent, dans un second temps, apprécier si ce ou ces manquements sont d'une gravité suffisante pour justifier l'impossibilité de poursuivre le contrat de travail.

En matière de résiliation judiciaire, les manquements s'apprécient à la date à laquelle le juge prend sa décision.

Si le salarié saisit le conseil des prud'hommes d'une demande de résiliation de son contrat de travail et qu'il est ensuite licencié, le juge doit examiner d'abord la demande de résiliation judiciaire, avant de se prononcer sur la régularité du licenciement.

S'il fait droit à la demande de résiliation judiciaire :

- les effets de la résiliation judiciaire sont fixés à la date du licenciement,

- il n'y a pas lieu de statuer sur l'éventuelle contestation du licenciement.

Lorsqu'un salarié demande la résiliation judiciaire de son contrat de travail en raison de faits qu'il reproche à son employeur, tout en continuant à travailler à son service, et que ce dernier le licencie ultérieurement pour d'autres faits survenus au cours de la poursuite du contrat, le juge doit en priorité rechercher si la demande de résiliation du contrat est justifiée. C'est seulement dans le cas contraire qu'il doit se prononcer sur le licenciement notifié par l'employeur.

Lorsque le salarié n'est plus au service de son employeur au jour où il est statué sur la demande de résiliation judiciaire, cette dernière prend effet, si le juge la prononce, au jour du licenciement.

En l'espèce, M. [J] [H] ayant saisi le conseil de prud'hommes d'Avignon, par requête en date du 04 décembre 2020, afin de demander la résiliation judiciaire de son contrat de travail puis ayant ultérieurement été licencié pour motif économique par courrier daté du 11 février 2021, la rupture du contrat de travail prenant effet le 4 mars 2021, il y a lieu d'examiner d'abord la demande de résiliation judiciaire.

- Sur le défaut de cotisation aux caisses d'assurance chômage :

Il n'est pas contesté qu'avant la révocation de son mandat social, M. [J] [H] ne pouvait bénéficier de l'assurance chômage du régime des salariés, ainsi que l'indiquait par courrier du 3 mars 2008, l'Assédic Alpes Provence.

Il n'est de même pas contesté que M. [J] [H] a procédé lui-même à son affiliation, à compter du 1er avril 1998, auprès de la société GAN VIE - GSC, à une assurance privée qui a été prise en charge par la SAS Rozenbal, alors qu'aucune obligation ne pesait sur cette dernière.

M. [J] [H] produit le pacte d'associés de la société Rozenbal Group qui prévoit qu''à défaut de prise en charge de M. [J] [H] par les Assedic, les signataires conviennent d'ores et déjà du principe de souscription d'une police d'assurances de type 'GSC' ou d'une autre forme de protection à définir par le Comité Stratégique'. Ceci étant, ce pacte n'a été signé que le 10 juillet 2009 et l'appelant ne produit aucune décision du comité stratégique.

La société ne conteste pas ne pas avoir affilié M. [J] [H] à Pôle emploi, à compter de la révocation de son mandat en décembre 2019 mais elle justifie qu'il est resté affilié à la GSC au titre de l'année 2020 et qu'un montant de 8348 euros lui a été remboursé le 27 janvier 2021. M. [J] [H], devenu salarié, une assurance privée ne pouvait certes plus le couvrir mais la société justifie que la situation a été régularisée en décembre 2020 auprès de l'assurance chômage des salariés, la somme de 3534,59 euros de cotisations patronales ayant été payée pour le couvrir, ainsi que cela ressort des bulletins de salaire de décembre 2020 à mars 2021.

Ainsi, très rapidement après la saisine du conseil de prud'hommes, l'employeur a régularisé la situation et le salarié ne prétend pas avoir subi un préjudice, étant relevé également qu'entre décembre 2019 et décembre 2020, il n'a formulé aucune demande à ce titre alors que, dans le cadre de ses fonctions précédentes de dirigeant, il s'était bien préoccupé de son affiliation à une assurance chômage.

Dans ces conditions, le seul retard dans le paiement des cotisations d'assurance chômage ne saurait être retenu comme un manquement suffisamment grave.

- Sur les autres griefs

Il est constant que M. [J] [H], à la cessation de ses fonctions de mandataire social, soit le 23 décembre 2019, devait être rétabli dans ses droits salariés.

L'attestation de M. [O] [F], ancien directeur commercial de la société, est particulièrement précise et circonstanciée :

'J'étais Directeur Commercial de la Société ROZENBAL de janvier 2019 à juin 2020. A la rentrée de janvier 2020, Mr [B] prenait ses fonctions de PDG au sein de l'entreprise. Il a réuni les cadres chefs de services pour nous expliquer que [J] [H] avait été remercié du poste de PDG car les résultats n'étaient pas au rendez-vous, que celui-ci s'était mis en arrêt de travail et que dès sa reprise, il allait s'en séparer, que ce serait assez simple, en le mettant Directeur Export avec de gros objectifs et beaucoup de déplacements. Puis lors des réunions régulières de ce comité, à chaque fois que la question sur la situation de [J] [H] était posée il n'y avait aucune ambiguïté, il allait s'en séparer, dès la reprise du travail, à une date qu'il ne connaissait pas encore. (...) Encore aujourd'hui, pour l'équipe de commerciaux, [J] [H] ne fait plus partie de la société. Il aurait été licencié par Mr [B]. Lors de la première rencontre individuel, Mr [B] m'a demandé si j'étais allé voir son profil sur les réseaux sociaux « On m'appelle [K] le Nettoyeur ». Tout est dit.'

Il n'y a pas lieu d'écarter cette attestation du seul fait que M. [F] a quitté la structure en juin 2020, suite à une rupture conventionnelle ou que son témoignage n'est pas corroboré par des attestations de cadres chefs de services présents notamment à la réunion de janvier 2020. Il n'est en outre pas démontré que cet ancien salarié aurait souhaité nuire à la société comme le prétend le liquidateur.

M. [A] [P], directeur administratif et financier de la société, atteste encore :

' Dès le début de l'année 2020, il est clairement apparu que le nouveau président [G] [B] souhaitait mettre fin au contrat de [J] [H] quand bien même aucune communication 'officielle' n'était mise en place avec les clients. (...). Au mois de février [G] [B] m'a demandé le chiffrage du coût de licenciement de [J] [H] dans l'optique de s'en séparer, le covid et le confinement devaient retarder l'exécution de cette volonté. Avant même la nomination de [I] [Y] comme directeur opérationnel, [G] [B] m'avait indiqué que [J] [H] était clairement devenu « persona non grata » auprès des actionnaires financiers Sofimac et Sofipaca et que ceux-ci ne voulaient plus le voir dans la société, ces propos m'ont été confirmés par [I] [Y] par la suite. Ainsi, une des premières instructions reçues par [I] [Y] était de licencier immédiatement [J] [H] si jamais celui-ci devait revenir dans la société. (...)

Il importe peu que M. [P] a initié une procédure de référé, étant relevé que cette attestation est corroborée par la production des échanges de courriels auxquels fait référence M. [P] dans son attestation, au terme desquels ce dernier demande au cabinet d'expertise comptable de la société Rozenbal France qu'il soit procédé au calcul des indemnités de licenciement de M. [H]. Le fait que M. [P] puisse être ami avec ce dernier, ce que les éléments précédents permettent au contraire d'écarter, ne rend en rien ce témoignage non probant au vu des précisions non remises en cause apportées. Il n'est d'ailleurs pas contesté que le calcul des droits de M. [H] était établi par le cabinet d'expertise comptable dès le 19 février 2020.

Cette situation exprimée par M. [P] est en outre corroborée par le fait que, dès le mois de janvier 2020, M. [H] disparaîtra des listings téléphoniques internes à l'entreprise, l'employeur ne pouvant sérieusement prétendre que la mise à jour régulière du listing des numéros de téléphone entraînait la suppression de celui des salariés absents, aucun autre exemple que celui de M. [J] [H] n'étant donné et le salarié n'étant à cette époque en arrêt de travail que jusqu'au mois de février 2020.

Il ressort également des comptes-rendus de plusieurs rendez-vous avec des clients que le départ de M. [J] [H] a été annoncé dès le mois de juin 2020.

De plus, le salarié disparaîtra de l'organigramme de la société daté du 10 septembre 2020. Le fait qu'une discussion en vue d'une éventuelle rupture conventionnelle était en cours, au demeurant manifestement contrainte par l'attitude de l'employeur, n'était pas de nature à permettre à l'employeur de considérer que le salarié ne faisait plus partie des effectifs.

Si le salarié a fait l'objet de dispenses successives d'activité à compter du 4 septembre 2020, aucune pièce au débat ne démontre que le salarié souhaitait lui-même quitter l'entreprise alors que le 25 juillet 2020, il demandait à être réintégré dans ses fonctions de directeur administratif et financier, ne formulant aucune demande de dispense d'activité ou de proposition de rupture conventionnelle.

Dans un courriel du 29 décembre 2020, il précisait d'ailleurs que la mesure de dispense d'activité ne résultait pas d'un commun accord et que les différentes dispenses dont il avait fait et continuait de faire l'objet lui avaient toujours été imposées, ce à quoi l'employeur n'a nullement répliqué. En tout état de cause, il ne ressort pas des courriels visés par l'intimée et dans lesquels il était confirmé à M. [J] [H] sa dispense de présence et de travail que cette situation aurait fait l'objet d'une quelconque discussion avec le salarié.

M. [P] atteste d'ailleurs sur ce point 'Lors du retour de M. [J] [H] le 1er septembre et pendant les jours ayant précédé cette reprise, j'ai senti un 'flottement de la direction' ne pensant pas qu'il allait revenir. Quoi qu'il en soit la volonté établie de la direction était de ne pas le revoir dans la société et c'est ainsi qu'il m'a été donné pour instruction de confirmer à [J] [H] qu'il pouvait rester chez lui tout en étant payé intégralement, ces instructions ayant été renouvelées ensuite par le biais de Mme [N], responsable ressources humaines. »

Si, par courriel du 2 septembre 2020, l'employeur indiquait 'pour faire suite à votre reprise du travail en date du mardi 1er, votre visite médicale de reprise de ce jour vous déclarant apte, et notre entretien de ce jour, nous avons le plaisir de vous confirmer vos fonctions de Directeur Administratif et Financier', il ressort des éléments précédents que la société n'avait manifestement pas l'intention de voir M. [J] [H] reprendre ses fonctions, le recrutement de M. [M] [E], le 2 novembre 2020, en qualité de responsable administratif et financier, participant, quoi qu'en dise l'intimée, de cette attitude.

Les pièces médicales font état d'un syndrome anxio-dépressif. Le certificat médical établi par le médecin psychiatre évoquant en particulier un suivi régulier en consultation depuis février 2020 'pour un tableau anxio-dépressif avec souffrance au travail'. Si ce certificat médical est effectivement impuissant à établir la matérialité de faits que le médecin n'a pas constaté lui-même, puisqu'il retranscrit les propos de son patient, il permet néanmoins de relever un vécu et de poser un diagnostic lié à une souffrance au travail.

Si les faits à l'origine de cet état dépressif peuvent pour partie correspondre à la cessation des fonctions de mandataire social, la persistance de la pathologie pendant plusieurs mois dans un contexte manifeste de mise à l'écart du salarié visant à le voir quitter l'entreprise, est en lien avec le comportement de l'employeur.

La dégradation de l'état de santé du salarié résulte également du suivi renforcé mis en place par la médecin du travail à compter du mois de septembre 2020. Le dossier de l'AIST 84 évoque d'ailleurs des épisodes dépressifs depuis le 2 septembre 2020 : '(...) Me dit être placardisé, pas de travail, ne supporte plus de rester à son domicile sans travail à fournir, angoisse et insomnie à nouveau ( ...). 17/11/2020 : me dit recevoir tous les mois un mail lui dispensant de se rendre sur son lien de travail ; angoissé, me dit 'j'ai l'impression qu'ils veulent que je craque'.

Il ressort donc suffisamment de ce qui précède que M. [J] [H] a été confronté à des manquements graves de son employeur ayant eu une incidence sur son état de santé, justifiant qu'il soit prononcé la résiliation judiciaire du contrat de travail aux torts de l'employeur, prenant effet à la date du licenciement intervenu ultérieurement le 4 mars 2021.

Sur les conséquences indemnitaires

En application des dispositions de l'article 1235-3 du code du travail, le salarié qui justifie d'une ancienneté de 33 années complètes dans une entreprise dont il n'est pas contesté qu'elle occupait habituellement au moins onze salariés, peut prétendre à une indemnité comprise entre trois et 20 mois de salaire brut.

Compte tenu de l'effectif de l'entreprise, des circonstances de la rupture, du montant de la rémunération versée à M. [J] [H] âgé de 58 ans lors de la rupture, de son ancienneté de 33 années complètes, de ce qu'il ne justifie en rien de sa situation après le licenciement, alors que l'employeur indique sans être contesté que le salarié a été pris en charge par l'assurance chômage dans des conditions très favorables et qu'il bénéficie d'une indemnité contractuelle de licenciement de 96 462,48 euros, la cour estime que le préjudice résultant pour ce dernier de la rupture doit être indemnisé par la somme 24 115,62 euros, sur la base du salaire de référence de 8038,54 euros, comprenant le salaire forfaitaire et l'avantage en nature véhicule.

M. [J] [H] a droit à l'indemnité compensatrice de préavis de trois mois de salaire, peu important que dans le cadre du licenciement économique, il a accepté le contrat de sécurisation professionnelle puisque la résiliation judiciaire produit les effets d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse. Il convient donc d'accorder à l'appelant la somme de 24 115,62 euros outre les congés payés afférents.

Sur le comportement vexatoire et harcelant de l'employeur

M. [J] [H] fait valoir que :

- il a longuement décrit le dispositif mis en place au fil des mois par la société pour l'isoler, le priver unilatéralement d'activité, lui ôter tout crédit auprès des équipes et des clients, tenter d'obtenir par tous moyens son départ et salir sa réputation, annoncer à tous la fin de la relation salariale

- il a été victime de harcèlement moral au sens de l'article L. 1152-1 du code du travail, en l'état

- des agissements répétés de l'employeur qui a annoncé à l'ensemble du personnel son licenciement, qui l'a sciemment et de manière répétée maintenu à l'écart de l'entreprise s'abstenant de lui fournir du travail ; cette situation traduisant une transgression et une anormalité de l'exercice du pouvoir de direction de l'employeur

- d'une dégradation des conditions de travail : l'annonce de son départ dès le mois de janvier 2020 et l'absence de fourniture de travail caractérisent cette dégradation

- une atteinte aux droits, à la dignité, à la santé physique et mentale ou à l'avenir professionnel du salarié, cette placardisation dont il a fait l'objet étant avérée et ayant eu une incidence non seulement sur sa santé mentale (comme cela ressort de son dossier médical) mais aussi est constitutive d'une atteinte aux droits du salarié, celle de pouvoir travailler.

L'employeur réplique que :

- M. [J] [H] n'apporte aucun élément de fait laissant supposer l'existence d'un harcèlement moral

- rien n'a été fait pour isoler M. [J] [H], ce dernier s'étant mis en arrêt de travail à compter de sa révocation de président

- il n'y a eu aucune privation unilatérale d'activité, les dispenses d'activités ayant été voulues par M. [J] [H] comme la rupture conventionnelle

- aucun élément n'est versé au débat concernant le fait que la société ait sali sa réputation ainsi que s'agissant d'un traitement vexatoire.

Selon l'article L.1152-1 du code du travail, aucun salarié ne doit subir les agissements répétés de harcèlement moral qui ont pour objet ou pour effet une dégradation de ses conditions de travail susceptible de porter atteinte à ses droits et à sa dignité, d'altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel.

Il sera rappelé qu'une situation de harcèlement se déduit ainsi essentiellement de la constatation d'une dégradation préjudiciable au salarié de ses conditions de travail consécutive à des agissements répétés de l'employeur révélateurs d'un exercice anormal et abusif par celui-ci de ses pouvoirs, d'autorité, de direction, de contrôle et de sanction.

Aux termes de l'article L. 1154-1 du code du travail, dans sa version en vigueur depuis le 10 août 2016, lorsque survient un litige relatif à l'application des articles L. 1152-1 à L. 1152-3 et L. 1153-1 à L. 1153-4, le candidat à un emploi, à un stage ou à une période de formation en entreprise ou le salarié présente des éléments de fait laissant supposer l'existence d'un harcèlement.

Au vu de ces éléments, il incombe à la partie défenderesse de prouver que ces agissements ne sont pas constitutifs d'un tel harcèlement et que sa décision est justifiée par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement.

Le juge forme sa conviction après avoir ordonné, en cas de besoin, toutes les mesures d'instruction qu'il estime utiles.

Il résulte de ces dispositions que pour se prononcer sur l'existence d'un harcèlement moral, il appartient au juge d'examiner l'ensemble des éléments invoqués par le salarié et d'apprécier si les faits matériellement établis, pris dans leur ensemble, laissent supposer l'existence d'un harcèlement moral au sens de l'article L. 1152-1 du code du travail. Dans l'affirmative, il revient au juge d'apprécier si l'employeur prouve que les agissements invoqués ne sont pas constitutifs d'un tel harcèlement et que ses décisions sont justifiées par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement.

Sous réserve d'exercer son office dans les conditions qui précèdent, le juge apprécie souverainement si le salarié établit des faits qui permettent de présumer l'existence d'un harcèlement et si l'employeur prouve que les agissements invoqués sont étrangers à tout harcèlement.

En l'espèce, il résulte suffisamment des développements consacrés à la résiliation judiciaire que le salarié a produit des éléments qui dans leur ensemble laissent supposer l'existence d'un harcèlement moral (mise à l'écart, volonté annoncée de le licencier, dispense d'activité en réalité imposée, documents médicaux attestant de la dégradation de son état de santé) et que l'employeur n'a pas rapporté la preuve que ses décisions étaient étrangères à tout harcèlement moral.

Les agissements de l'employeur sont donc constitutifs d'un harcèlement moral et il convient d'accorder à l'appelant la somme de 5000 euros à titre de dommages et intérêts, son préjudice moral étant suffisamment démontré au regard des pièces médicales produites. M. [J] [H] ne justifie cependant pas d'une atteinte à sa réputation ou des circonstances vexatoires de la rupture intervenue justifiant de lui accorder une indemnisation supérieure.

Sur le versement de l'indemnité contractuelle de licenciement

L'employeur fait valoir notamment que :

- M. [J] [H] a inséré lui-même dans son contrat de travail, une clause de golden parachute prévoyant le versement d'une indemnité de rupture égale à 12 mois de salaire en cas de rupture de son contrat de travail, sauf cas de licenciement pour faute grave

- cette clause, qui n'était encadrée par aucune limitation temporelle, était manifestement abusive, M. [J] [H] se l'octroyant même en cas de démission de sa part, son montant était excessif alors que le salarié a déjà bénéficié d'une indemnité de licenciement de 82 272 euros nets auxquels s'est ajouté 33 483 euros soumis à cotisations, l'employeur ayant été en outre affaibli par la crise sanitaire et connaissant des difficultés économiques

- elle a le caractère d'une clause pénale et faisait obstacle au droit du licenciement

-'dans ces conditions, le conseil déboutera à titre principal le salarié de sa demande abusive. A titre subsidiaire, il est demandé au Conseil de réduire cette clause à une plus juste proportion'

M. [J] [H] réplique que :

-à l'occasion de la rupture de son contrat de travail cette indemnité ne lui a pas été versée et nonobstant un jugement sanctionnant cette situation, force est de constater que sa créance ne demeure toujours pas inscrite au passif de la société Rozenbal France en l'état de la présente procédure

- contrairement à ce qui est prétendu, la lecture du contrat travail montre que c'est l'un des frères [R], associé fondateur et dirigeant de la société à l'époque qui lui a consenti cette clause alors qu'il était déjà depuis 10 ans dans l'entreprise

- il n'existe aucun élément objectif permettant de considérer que cette clause aurait un caractère manifestement excessif et rien ne permet de considérer qu'elle était de nature à faire échec au droit de licenciement puisque l'employeur y a procédé

- en tout état de cause, dans le dispositif de ses seules et uniques écritures notifiées le 21 juillet 2023 par la SELARL Etude Balincourt représentée par Me [L] [X] ès qualités de mandataire judiciaire à la liquidation judiciaire de la société Rozenbal France, il n'est pas demandé la réformation du jugement du conseil de prud'hommes d'Avignon du 5 janvier 2023, de son chef qui à fixé la créance au passif de la procédure de liquidation judiciaire, à savoir la somme suivante : '96 462,48 euros à titre d'indemnité de rupture contractuellement prévue par le contrat de travail à titre superprivilégié.'

- la cour n'est donc pas saisie de la demande tendant :

- à déclarer abusive et inapplicable la clause de golden parachute

- à titre subsidiaire à voir réduire le montant de cette clause à de plus justes proportions

En application de l'article 954 alinéa 3 du code de procédure civile, la cour d'appel ne statue que sur les prétentions énoncées au dispositif des conclusions d'une partie, cette obligation procédurale s'imposant à l'appelant principal ou incident qui entend saisir la cour d'un appel.

En vertu de l'article 542 du code de procédure civile, pour pouvoir saisir valablement la cour d'appel, l'appelant doit former une demande de réformation ou d'annulation du jugement ou de certains de ses chefs.

En application des articles 551 et 909 du code de procédure civile, l'intimé forme appel incident en remettant au greffe ses conclusions dans le délai de trois mois qui lui est ouvert à compter de la notification des conclusions de l'appelant principal.

L'appelant incident doit impérativement formuler une prétention tendant à l'infirmation ou à l'annulation du jugement ou de certains de ses chefs dans le dispositif de ses conclusions pour saisir valablement la cour, au regard des dispositions des articles 954 alinéa 3 et 542 du code de procédure civile.

Faute d'appel incident valablement formé, la cour n'en est pas saisie et ne peut que confirmer les chefs de jugements dont l'infirmation n'a pas été demandée.

En l'espèce, dans le dispositif de ses premières et uniques conclusions d'intimée notifiées le 21 juillet 2023, la SELARL Etude Balincourt, représentée par Me [L] [X], ès qualités de mandataire judiciaire à la liquidation judiciaire de l'employeur, sollicite :

'A titre principal :

DEBOUTER M.[H] de l'ensemble de ses demandes ;

- Sur la résiliation judiciaire du contrat de travail :

CONSTATER que la Société n'a commis aucun manquement grave justifiant la résiliation judiciaire du contrat de travail à ses torts ;

DEBOUTER M.[H] de sa demande de résiliation judiciaire et de ses demandes financières afférentes ;

DEBOUTER M. [H] de sa demande d'indemnité contractuelle de licenciement à hauteur de 96.462,48 euros ;

- Sur le licenciement pour motif économique :

CONSTATER que le licenciement pour motif économique est parfaitement valable ;

DEBOUTER le salarié de ses demandes financières afférentes ;

DECLARER abusive la clause de GOLDEN PARACHUTE et la DECLARER inapplicable. A titre subsidiaire, REDUIRE son montant à de plus juste proportions ;

- Sur le harcèlement moral :

CONSTATER que M.[H] n'a fait l'objet d'aucun harcèlement moral et DEBOUTER le salarié de sa demande d'indemnisation à ce titre ;

DEBOUTER le salarié de l'ensemble de ses autres demandes.

A titre reconventionnel :

CONDAMNER M.[H] au versement de la somme de 2 000 €, au titre de l'article 700 du CPC, outre les dépens de l'instance.'

L'intimée n'a donc pas sollicité explicitement dans le dispositif de ses premières conclusions l'infirmation du jugement en ce qu'il a débouté l'employeur de sa demande et a fixé la créance de 96 462,48 euros à titre d'indemnité de rupture contractuellement prévue par le contrat de travail, de sorte que la cour n'est saisie d'aucun appel incident.

Sur le solde de congés payés

M. [J] [H] fait valoir que :

- le bulletin de paie établi en mars 2021 à l'occasion de son solde de tout compte fait apparaître un solde de congés payés d'un montant de 4845,41 euros bruts alors que sur la période de référence, il a perçu un salaire total de 49 629,19 euros

- il résulte des articles L. 3141-28 et L. 3141-24 du code du travail qu'il existe deux méthodes de calcul de l'indemnité compensatrice de congés payés, la solution la plus favorable devant être retenue au bénéfice du salarié

- en l'espèce, si l'on applique la règle du dixième au salaire perçu par lui sur la période de référence, l'indemnité compensatrice de congés payés ressort à hauteur de 4962,91 euros et non de 4845,41 euros comme retenu par l'employeur.

- dès lors l'employeur reste devoir un solde positif en faveur du salarié d'un montant de 117,50 euros.

L'employeur réplique que :

- il a appliqué la règle du maintien de salaire, avec le calcul suivant :

7500 euros bruts /21,66 (correspondant au nombre de jours moyen par mois) * 14 jours de congés payés, soit la somme de 4845,41 euros bruts à lui régler, ce qui a été le cas

-à l'inverse la règle de 10% conduisait au versement de la somme de 4797,36 euros bruts.

- en outre, le salarié ne donne aucune explication s'agissant de la prétendue rémunération annuelle de 49 626,19 euros (bruts ' nets '), aucune pièce justificative n'étant versée à ce titre.

La cour relève que M. [J] [H] n'explique en effet pas comment il parvient au montant de 49 629,19 euros au titre de la période de référence, de sorte que le jugement sera confirmé en ce qu'il a débouté celui-ci de sa demande à ce titre.

Sur les demandes accessoires et les dépens

Les intérêts sont dus dans les termes du dispositif ci-après.

Il y a lieu d'ordonner la délivrance des documents de fin de contrat et d'un bulletin de salaire conformes présent arrêt.

Les dépens de première instance et d'appel seront déclarés frais privilégiés de la procédure collective et l'équité justifie de faire application de l'article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS

LA COUR,

Par arrêt réputé contradictoire, rendu publiquement en dernier ressort

- Constate le désistement d'appel partiel de M. [H] en ce qui concerne le seul chef du jugement qui « DIT que la clause à la rupture du contrat de travail de M. [H] est applicable »,

- Constate que la cour n'est saisie d'aucun appel incident formé par l'intimée,

- Confirme le jugement rendu le 5 janvier 2023 par le conseil de prud'hommes d'Avignon en ce qu'il a :

- ordonné la jonction de la procédure F 20/00447 et de la procédure F 21/00111 ;

- dit que la clause à la rupture du contrat de travail de M. [H] est applicable ;

- fixé la créance de M. [J] [H] au passif de la procédure de liquidation judiciaire de la société Rozenbal France, à savoir la somme suivante :

- 96 462,48 euros à titre d'indemnité de rupture contractuellement prévue par le contrat de travail à titre superprivilégié

- débouté M. [J] [H] de sa demande de complément d'indemnité compensatrice de congés payés

- débouté la société Rozenbal France du surplus de ses demandes

- L'infirme pour le surplus,

- Statuant à nouveau sur les chefs infirmés et y ajoutant,

- Prononce la résiliation judiciaire du contrat de travail de M. [H] et dit qu'elle produit les effets d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse à la date du 4 mars 2021,

- Fixe ainsi que suit la créance de M. [J] [H] :

- 24 115,62 euros d'indemnité de licenciement sans cause réelle et sérieuse

- 24 115,62 euros d'indemnité compensatrice de congés payés

- 2411,56 euros de congés payés afférents

- 5000 euros de dommages et intérêts pour harcèlement moral

- Dit que ces sommes seront inscrites par le mandataire liquidateur sur l'état des créances de la procédure collective ouverte à l'encontre de la société,

- Dit qu'en application des articles L 622-28 et L 641-3 du Code de commerce, le jugement d'ouverture de la procédure collective arrête définitivement à sa date le cours des intérêts au taux légal des créances salariales nées antérieurement,

- Ordonne à la SELARL Etude Balincourt, représentée par Me [L] [X] ès qualités de liquidateur judiciaire de remettre à M. [J] [H] les documents de fin de contrat et un bulletin de salaire conformes au présent arrêt, dans les deux mois de sa notification,

- Rappelle que le présent arrêt est opposable au CGEA-AGS de [Localité 9] dans les limites légales de sa garantie,

- Condamne le liquidateur ès qualités à payer à M. [J] [H] la somme de 3000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

- Rejette le surplus des demandes,

- Dit que les dépens seront considérés comme frais privilégiés dans le cadre de la procédure collective.

Arrêt signé par la présidente et par la greffière.

LE GREFFIER, LE PRÉSIDENT,

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