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Décisions

CA Amiens, ch. économique, 27 février 2025, n° 24/00319

AMIENS

Ordonnance

Autre

CA Amiens n° 24/00319

27 février 2025

ORDONNANCE



[U]

[J]

S.A.S. THD OPTIC

C/

S.A.S. INFRACTIVE

OG

COUR D'APPEL D'AMIENS

CHAMBRE ÉCONOMIQUE

ORDONNANCE DU 27 FEVRIER 2025

DU CONSEILLER DE LA MISE EN ETAT

N° RG 24/00319 - N° Portalis DBV4-V-B7I-I7A7

JUGEMENT DU TRIBUNAL DE COMMERCE DE COMPIEGNE DU 10 OCTOBRE 2023 (référence dossier N° RG 19F00134)

PARTIES EN CAUSE

APPELANTS

Monsieur [Z] [U]

[Adresse 1]

[Localité 6]

Représenté par Me Jérôme LE ROY de la SELARL LX AMIENS-DOUAI, avocat au barreau d'AMIENS, vestiaire : 101

Monsieur [N] [J]

[Adresse 2]

[Localité 8]

Représenté par Me Jérôme LE ROY de la SELARL LX AMIENS-DOUAI, avocat au barreau d'AMIENS, vestiaire : 101

S.A.S. THD OPTIC agissant poursuites et diligences de son représentant légal domicilié en cette qualité audit siège :

[Adresse 4]

[Localité 7]

Représentée par Me Jérôme LE ROY de la SELARL LX AMIENS-DOUAI, avocat au barreau d'AMIENS, vestiaire : 101

ET :

INTIMEE

S.A.S. INFRACTIVE agissant poursuites et diligences de son représentant légal domicilié en cette qualité audit siège :

[Adresse 3]

[Localité 5]

Représentée par Me Aurélie GUYOT, avocat au barreau d'AMIENS, vestiaire : 80

DEBATS :

A l'audience publique du 09 février 2025 devant Mme Odile GREVIN, Présidente faisant fonction de conseiller de la mise en état de la chambre économique de la cour d'appel d'Amiens qui a avisé les parties à l'issue des débats que l'ordonnance sera prononcée par sa mise à disposition au greffe le 27 février 2025.

GREFFIER LORS DES DÉBATS :

Mme Diénéba KONÉ

PRONONCE :

Les conseils des parties ont été informés du prorogés du délibéré au 27 février 2025.

Le 27 février 2025 par mise à disposition de l'ordonnance au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au 2ème alinéa de l'article 450 du code de procédure civile, Mme Odile GREVIN, Présidente, faisant fonction de Conseiller de la mise en état a signé la minute avec

Madame Malika RABHI, Greffière.

DECISION

Par jugement du tribunal de commerce de Compiègne en date du 10 octobre 2023 il a été constaté que la société THD Optic, MM [Z] [U] et [N] [J] ses deux dirigeants et associés ont commis des actes constitutifs de concurrence déloyale à l'égard de la société Infractive mais que celle-ci n'a commis aucun acte de concurrence déloyale à l'égard de la société THD Optic.

En conséquence, la société THD Optic et MM [U] et [J] ès qualités de dirigeants de celle-ci ont été condamnés solidairement à payer à la société Infractive la somme de 544000 euros au titre de la réparation de son préjudice financier, la somme de 100000 euros au titre de la réparation du trouble commercial subi et la société THD Optic a été condamnée au paiement de la somme de 20000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens, les parties étant déboutées du surplus de leurs autres demandes.

Par déclaration reçue au greffe de la cour le 15 janvier 2024, la société THD Optic et MM [U] et [J] ont interjeté appel de cette décision.

Par conclusions d'incident en date du 11 juillet 2024, la société Infractive a demandé au conseiller de la mise en état de déclarer recevable sa demande de radiation de l'affaire pour défaut d'exécution par les appelants et à titre principal d'ordonner le sursis à statuer sur la demande de radiation de l'affaire jusqu'au prononcé de l'ordonnance à intervenir rectifiant le jugement du 10 octobre 2023, de compléter le dispositif du jugement entrepris avec la mention 'ordonne l'exécution provisoire' et de prononcer la radiation de l'affaire pour défaut d'exécution.

A titre subsidiaire, elle a demandé que le dispositif du jugement entrepris soit complété avec la mention 'ordonne l'exécution provisoire' et que soit prononcée la radiation de l'affaire pour défaut d'exécution par les appelants.

Par dernières conclusions d'incident en date du 7 janvier 2025, la société Infractive maintient ses demandes et demande au conseiller de la mise en état de rejeter les demandes des appelants et de les condamner au paiement de la somme de 3000 euros chacun au titre de l'article 700 du code de procédure civile et de réserver les dépens.

Par dernières conclusions d'incident, les appelants demandent au conseiller de la mise en état de constater l'absence d'omission de statuer relative à l'exécution provisoire du jugement entrepris et de constater que la demande de radiation de l'appel est mal fondée, de débouter la société Infractive de l'ensemble de ses demandes et de la condamner au paiement d'une amende civile de 5000 euros et d'une somme de 5000 euros à chacun d'entre eux en réparation du préjudice causé par ses demandes abusives.

Ils demandent enfin la condamnation de la société Infractive à leur verser une somme de 10000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile et sa condamnation aux entiers dépens.

SUR CE,

Il convient de relever que les parties ne contestent pas que la procédure au titre de l'exécution provisoire est soumise au droit antérieur au décret du 11 décembre 2019 qui ne s'applique qu'aux instances introduites devant les juridictions du premier degré à compter du 1er janvier 2020.

Sur l'existence d'une omission de statuer

La société Infractive soutient qu'en application de l'article 525-1 ancien du code de procédure civile lorsque l'exécution provisoire n'a pas été demandée ou si l'ayant été le juge a omis de statuer elle ne peut être demandée en cas d'appel qu'au premier président ou dès lors qu'il est saisi au magistrat chargé de la mise en état.

Elle fait valoir qu'en l'espèce l'exécution provisoire a bien été sollicitée par les deux parties en première instance et que si les premiers juges ont rappelé cette demande ils ont omis tout simplement de statuer sur ces demandes ainsi qu'en témoigne l'absence de toute motivation contenue au jugement manifestant la volonté du tribunal de ne pas donner suite à ces demandes, vraisemblablement influencé par la pratique issue de la réforme selon laquelle les jugements sont automatiquement assortis de l'exécution provisoire de droit.

Elle ajoute que la formule générale du dispositif qui déboute les parties de leurs demandes plus amples ou contraires ne s'oppose pas à la rectification d'une omission de statuer dès lors que les motifs ne démontrent pas que le tribunal a bien examiné cette demande et qu'en l'espèce si les motifs du jugement ont expressément écarté certaines demandes comme celle de la publication de la décision ils n'indiquent rien au sujet des demandes d'exécution provisoire.

Les appelants soutiennent qu'en déboutant les parties dont il avait rappelé toutes les demandes, du surplus de leurs demandes le tribunal a refusé de faire droit à l'ensemble des demandes non expressément reprises dans le dispositif du jugement et n'ayant pas repris la demande d'exécution provisoire dans son dispositif il a rejeté la demande d'exécution provisoire formée par la société Infractive, comme il l'a fait pour la demande de publication de la décision qui n'est pas reprise au dispositif sans que la société Infractive ne déplore une omission de statuer.

Ils contestent toute omission de statuer

Selon l'article 515 ancien du code de procédure civile hors les cas où elle était de droit l'exécution provisoire pouvait être ordonnée à la demande des parties ou d'office chaque fois que le juge l'estimait nécessaire et compatible avec la nature de l'affaire à condition qu'elle ne soit pas interdite par la loi et pouvait être ordonnée pour tout ou partie de la condamnation.

Il résulte du jugement entrepris que chacune des parties avait sollicité au regard de ses demandes d'indemnisation que soit prononcée l'exécution provisoire de la décision à intervenir et le tribunal a bien repris ce chef de demande.

Si le tribunal de commerce dans son dispositif a retenu l'existence d'actes de concurrence déloyale commis par la seule société Infractive et fixé son indemnisation puis statué sur les dépens et frais irrépétibles il a par ailleurs débouté les parties du surplus de leurs demandes.

Toutefois, dans ses motifs s'il a consacré un paragraphe aux autres demandes et motivé son rejet de la demande de voir ordonner la cessation de toute activité concurrente, de la demande de publication de la décision et de la demande de voir constater que la condamnation de la société THD Optic est superfétatoire il n'a aucunement motivé un rejet de la demande d'exécution provisoire formée par la société Infractive dont seules les demandes étaient partiellement admises.

Il convient d'en déduire que le tribunal ainsi n'a pas entendu rejeter la demande d'exécution provisoire mais a omis de statuer sur celle-ci.

Sur la demande relative à l'exécution provisoire

La société Infractive soutient que les conditions permettant d'assortir de l'exécution provisoire le jugement entrepris sont réunies puisqu'en l'espèce l'exécution provisoire ne présente aucune incompatibilité avec la nature de l'affaire et est particulièrement nécessaire dans la mesure où l'indemnisation octroyée par le tribunal de commerce correspond à une infime partie du préjudice financier conséquent subi par elle il y a plus de cinq ans.

Elle fait valoir que refuser d'assortir le jugement de l'exécution provisoire reviendrait en réalité à permettre aux appelants de continuer à jouir des fruits de leur comportement sanctionné en première instance.

Elle soutient, par ailleurs, qu'aux termes de l'article 525-1 du code de procédure civile aucune urgence n'est requise pour qu'une omission de statuer soit rectifiée et qu'en l'espèce l'urgence est toutefois constituée au regard du montage patrimonial orchestré par les dirigeants ne détenant plus le capital de la société THD Optic apporté à leur société patrimoniale respective et à la situation d'impécuniosité créée artificiellement par les appelants.

Elle fait valoir qu'elle n'avait pas à motiver sa demande d'exécution provisoire ce qu'aucune des parties n'a d'ailleurs fait.

Les appelants soutiennent que la demande de la société Infractive n'est pas justifiée par l'urgence qui ne saurait être retenue dès lors que le jugement est en date du 10 octobre 2023 et que les conclusions d'incident sont du 11 juillet 2024.

Ils font valoir que cette demande n'est formée qu'à seule fin de pouvoir solliciter la radiation de la procédure d'appel pour inexécution et échapper à la procédure d'appel ou contraindre les appelants à s'exécuter.

Ils soutiennent que la demande est injustifiée et qu'elle n'était pas motivée en première instance.

Ils en déduisent que l'exécution provisoire du jugement n'a jamais été essentielle pour la société qui a mis plus de cinq mois après le jugement pour saisir le tribunal d'une requête en omission de statuer.

Ils ajoutent que le prononcé de l'exécution provisoire n'ayant pas d'effet rétroactif la radiation ne pourrait être prononcée.

Ils font valoir enfin que le montage patrimonial dénoncé par la société Infractive est un montage tout à fait classique consistant en la création d'une holding détentrice du capital de la société opérationnelle et qui n'a rien de frauduleux

En application de l'article 525-1 ancien du code de procédure civile, lorsque l'exécution provisoire n'a pas été demandée ou si l'ayant été le juge a omis de statuer elle peut être demandée en cas d'appel au magistrat chargé de la mise en état dès lors qu'il est saisi.

Cette mesure n'est aucunement subordonnée à l'urgence qui n'était exigée qu'en cas de refus en première instance selon l'article 525 ancien.

Il appartient au magistrat saisi de cette demande de vérifier que les conditions de l'article 515 sont réunies.

Il est manifeste que l'exécution provisoire est compatible avec la nature de l'affaire s'agissant de l'indemnisation d'un préjudice.

Cependant, il convient d'observer que les condamnations tendent à l'indemnisation de la société Infractive pour les faits de concurrence déloyale retenus à l'encontre des appelants sur une période de deux années concernant la perte de marge sur les exercices 2018 et 2019 correspondant à la période de désorganisation entraînée par la création de la société THD Optic, que le jugement date du 10 octobre 2023 et que la société Infractive a attendu le mois de juillet 2024 pour solliciter que soit ordonnée l'exécution provisoire omise par le premier juge.

Il n'est pas démontré par ailleurs par la société Infractive l'existence de manoeuvres des dirigeants destinées à organiser un schéma patrimonial qui lui serait défavorable ou à mettre en péril le recouvrement des sommes dues en cas de confirmation de la décision ou d'accueil de son appel incident. En particulier, elle ne démontre aucunement que les bénéfices de la société THD Optic soient remontés aux sociétés patrimoniales de MM. [K] et [J] et ce alors même qu'elle invoque la situation particulièrement favorable de la société THD Optic qu'elle estime parfaitement en mesure d'exécuter la décision en relevant dans la liasse fiscale 2023 un report à nouveau de 670083 euros.

Au regard de ces éléments, de l'avancée de la procédure d'appel et du fait qu'il est sollicité par les appelants l'infirmation totale des condamnations prononcées à leur encontre tant au regard de l'existence même des actes de concurrence déloyale que des préjudices invoqués, l'exécution provisoire n'est pas nécessaire et il n'y a pas lieu de la prononcer.

Il sera précisé que si les deux parties avaient en première instance sollicité le prononcé de l'exécution provisoire leur demande ne visait que les chefs de condamnations faisant droit à leurs demandes d'indemnisation respectives.

Il sera ajouté que la décision qui réparant une omission de statuer prononce l'exécution provisoire n'a pas d'effet rétroactif et en conséquence la radiation de la procédure d'appel, sanction de l'inexécution de la décision de première instance ne saurait être prononcée par la décision même qui sur le fondement de l'article 525-1 ancien du code de procédure civile assortit la décision de première instance de l'exécution provisoire.

Il convient en conséquence réparant sur le fondement de l'article 525-1 du code de procédure civile l'omission de statuer des premiers juges quant à l'exécution provisoire sollicitée, de dire n'y avoir lieu de prononcer cette exécution provisoire et de débouter en conséquence la société Infractive de ses demandes de voir assortir le jugement entrepris de l'exécution provisoire et prononcer la radiation de la procédure d'appel.

Il n'est pas justifié que le présent incident constitue un abus de droit en présence d'une véritable omission de statuer des premiers juges.

Il convient en conséquence de débouter les appelants de leurs demandes relatives au prononcé d'une amende civile et de dommages et intérêts pour procédure abusive.

Il convient de condamner la société Infractive aux entiers dépens de l'incident et de dire n'y avoir lieu à application de l'article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS

Nous conseiller de la mise en état statuant contradictoirement et par mise à disposition de la décision au greffe,

Disons que les premiers juges ont omis de statuer sur la demande relative à l'exécution provisoire ;

Disons n'y avoir lieu à assortir la décision entreprise de l'exécution provisoire ;

Déboutons la société Infractive de ces demandes de prononcé de l'exécution provisoire et de radiation de l'affaire ;

Déboutons les appelants de leurs demandes relatives au prononcé d'une amende civile et de dommages et intérêts pour procédure abusive ;

Condamnons la société Infractive aux entiers dépens de l'incident ;

Disons n'y avoir lieu à application de l'article 700 du code de procédure civile ;

Renvoyons la procédure à l'audience de mise en état en date du 3 avril 2025.

Le Greffier, Le Conseiller

de la mise en état,

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