CA Aix-en-Provence, ch. 3-2, 27 février 2025, n° 24/03775
AIX-EN-PROVENCE
Arrêt
Autre
COUR D'APPEL D'AIX-EN-PROVENCE
Chambre 3-2
ARRÊT AU FOND
DU 27 FEVRIER 2025
Rôle N° RG 24/03775 - N° Portalis DBVB-V-B7I-BMY2A
[Z] [R]
(AJ Totale BAJ AIX EN PROVENCE n°C1300012024006641 du 26/12/2024)
C/
SAS SAN MARINA
S.A.S. SAN MARINA AND CO
SAS LES MANDATAIRES
S.C.P. [M] [U] & [H] [K]
Copie exécutoire délivrée
le : 27 Février 2025
à :
Me Joseph MAGNAN
Me Roselyne SIMON-THIBAUD
Décision déférée à la Cour :
Jugement du Tribunal de Commerce de MARSEILLE en date du 07 Mars 2024 enregistré(e) au répertoire général sous le n° 2023L01548.
APPELANT
Monsieur [Z] [R]
(bénéficie d'une aide juridictionnelle Totale numéro C1300012024006641 du 26/12/2024 accordée par le bureau d'aide juridictionnelle de AIX-EN-PROVENCE) né le [Date naissance 1] 1976 à [Localité 5], de nationalité française, demeurant [Adresse 2]
représenté par Me Joseph MAGNAN de la SCP PAUL ET JOSEPH MAGNAN, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE
INTIMEES
SAS SAN MARINA
dont le siège social est situé à [Adresse 4], prise en la personne de son représentant légal domicilié en cette qualité audit siège
représentée par Me Roselyne SIMON-THIBAUD de la SCP BADIE, SIMON-THIBAUD, JUSTON, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE
S.A.S. SAN MARINA AND CO
dont le siège social est situé à [Adresse 4], prise en la personne de son représentant légal domicilié en cette qualité audit siège
défaillante
SAS LES MANDATAIRES
Mandataire Judiciaire, dont le siège social est situé à [Adresse 7], pris en sa qualité de mandataire liquidateur à la liquidation judiciaire de la SAS SAN MARINA, mission conduite par Maître [C] [S] désigné à cette mission par jugement du Tribunal de Commerce de MARSEILLE en date du 20 février 2023
représentée par Me Roselyne SIMON-THIBAUD de la SCP BADIE, SIMON-THIBAUD, JUSTON, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE
SCP [M] [U] & [H] [K]
Mandataire Judiciaire, dont le siège social est situé à [Adresse 6], pris es qualité de mandataire liquidateur de la SAS SAN MARINA, mission conduite par Maître [M] [U], désigné à cette mission par jugement du Tribunal de Commerce de Marseille en date du 20 février 2023
représentée par Me Roselyne SIMON-THIBAUD de la SCP BADIE, SIMON-THIBAUD, JUSTON, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE
*-*-*-*-*
COMPOSITION DE LA COUR
L'affaire a été débattue le 08 Janvier 2025 en audience publique devant la cour composée de :
Madame Gwenael KEROMES, Présidente de chambre
Madame Muriel VASSAIL, Conseillère
Mme Isabelle MIQUEL, Conseillère rapporteure
qui en ont délibéré.
Greffière lors des débats : Madame Chantal DESSI.
Les parties ont été avisées que le prononcé de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 27 Février 2025.
MINISTERE PUBLIC :
Auquel l'affaire a été régulièrement communiquée.
ARRÊT
Défaut,
Prononcé par mise à disposition au greffe le 27 Février 2025,
Signé par Madame Gwenael KEROMES, Présidente de chambre et Madame Chantal DESSI, greffière à laquelle la minute de la décision a été remise par la magistrate signataire
***
EXPOSE DU LITIGE
M. [Z] [R], soutenant avoir été victime, le 23 janvier 2017, d'une chute dans le magasin San Marina situé dans le centre commercial Carrefour [3] a saisi le tribunal judiciaire de Besançon aux fins d'obtenir la condamnation de la SAS San Marina à lui verser des dommages et intérêts.
Selon jugement en date du 23 février 2021, le tribunal judiciaire de Besançon a débouté M. [R] de sa demande en dommages et intérêts et l'a condamné reconventionnellement à verser à la SAS San Marina la somme de 6 916,04 euros à titre de dommages et intérêts pour les frais d'expertise et d'investigation privée.
M. [R] a interjeté appel de cette décision devant la cour d'appel de Besançon.
Selon jugement en date du 22 Septembre 2022, le tribunal de commerce de Marseille a ouvert une procédure de redressement judiciaire à l'égard de la SAS San Marina et a désigné la SCP [B]-[F] prise en la personne de Me [B] et la SELARL [J] & associés, prise en la personne de Me [J], en qualités d'administrateurs judiciaires, la SAS Les Mandataires prise en la personne de Me [S] et la SCP [M] [U] & [H] [K] prise en la personne de Me [U], en qualités de mandataires judiciaires.
La décision du tribunal a été publiée au BODACC des 26 et 27 Septembre 2022.
Saisi par requête en date du 9 janvier 2023, enrôlée le 16 janvier 2023, le juge commissaire du tribunal de commerce de Marseille a, par ordonnance en date du 02 juin 2023, rejeté la demande en relevé de forclusion de M. [R].
Selon jugement en date du 20 février 2023, le tribunal de commerce de Marseille a converti la procédure de redressement judiciaire en liquidation judiciaire et désigné la SAS Les Mandataires prise en la personne de Me [S] et la SCP [M] [U] & [H] [K] prise en la personne de Me [U], en qualités de co-liquidateurs judiciaires.
Selon jugement en date du 7 mars 2024, le tribunal de commerce de Marseille a rejeté le recours formé par M. [R] contre l'ordonnance du juge commissaire.
Pour prendre leur décision, les premiers juges ont considéré que :
- aucun élément ne permet d'établir la qualité de créancier de M. [R] ;
- le relevé de forclusion dit " d'office " en cas d'absence de mention du créancier sur la liste prévue par l'article L. 622-6 du code de commerce ne s'entend que comme un manque de chance pour ce créancier de pouvoir être informé de l'ouverture de la procédure et donc de déclarer utilement sa créance et M. [R] ne peut arguer utilement de son absence d'information de l'ouverture d'une procédure collective à l'égard de la SAS San Marina, compte-tenu de la large couverture médiatique de ce dossier avant même que le jugement d'ouverture soit rendu par le tribunal ;
- la démonstration n'est pas faite par le requérant, à la fois de sa qualité de créancier et de son absence d'information de l'ouverture d'une procédure collective.
M. [R] a interjeté appel de cette décision par déclaration en date du 22 mars 2024.
Selon conclusions notifiées le 21 août 2024 par la voie électronique, M. [R] demande à la cour de :
- déclarer l'ensemble des demandes de M. [R] recevables et biens fondées ;
- infirmer en toutes ses dispositions le jugement rendu par le tribunal de commerce de Marseille en date du 07 mars 2024, notamment en ce qu'il a :
- rejeté le recours formé par Monsieur [Z] [R] contre l'ordonnance rendue par le juge commissaire le 2 juin 2023,
- confirmé cette ordonnance en toutes ses dispositions,
- rejeté tout surplus de demandes comme non fondé et non justifié,
- laissé les dépens de la présente instance à la charge de M. [R] ;
Statuant à nouveau,
- juger M. [R] recevable et bien fondé en sa demande de relevé de forclusion contre la SAS San Marina ;
En conséquence,
- relever de la forclusion la créance éventuelle de M. [R] ;
- condamner in solidum la SAS San Marina et l'ensemble des organes de la procédure de la liquidation judiciaire au paiement de la somme de 2 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'à supporter les entiers dépens de l'instance.
A l'appui de ses demandes, M. [R] soutient d'une part qu'il était de fait, compte-tenu de la déclaration d'appel régulièrement adressée à la SAS San marina, créancier éventuel, ayant qualité à ce titre pour déclarer sa créance et le cas échéant, solliciter d'être relevé de la forclusion.
Il soutient ensuite que la société San marina a commis une faute en omettant de déclarer sa créance alors qu'une instance était en cours devant la cour d'appel de Besançon, de telle sorte qu'il n'est pas tenu de prouver que sa défaillance est de son fait.
Il fait également valoir que le juge commissaire n'a aucune compétence au fond pour statuer sur sa créance.
Selon conclusions notifiées par la voie électronique le 26 juillet 2024 et le 2 août 2024 par voie d'huissier, la SAS Les Mandataires prise en la personne de Me [S] et la SCP [M] [U] & [H] [K] prise en la personne de Me [U], ès-qualités de liquidateurs, et la SAS San Marina, demandent à la cour de :
- confirmer le jugement du tribunal de commerce de Marseille du 7 mars 2024 en toutes ses dispositions en ce qu'il a :
- déclaré recevable en la forme le recours formé par M. [R] contre l'ordonnance rendue par le juge commissaire le 2 juin 2023,
Sur le fond,
- rejeté le recours formé par M. [R],
- confirmé cette ordonnance en toutes ses dispositions,
- rejeté tout surplus de demandes comme non fondé et non justifié,
- laissé les dépens de la présente instance à la charge de M. [R] ;
En tout état de cause,
- débouter M. [R] de l'ensemble de ses prétentions, fins et conclusions ;
- condamner M. [R] à verser une somme de 2000 € à la SAS San Marina et à SAS Les Mandataires prise en la personne de Me [S] et à la SCP [M] [U] & [H] [K] prise en la personne de Me [U], ès-qualité de coliquidateurs judiciaires de San Marina, en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile, outre les entiers frais et dépens de première instance et d'instance d'appel distraits au profit de la SCP Badie, Simon, Juston.
A l'appui de leurs demandes, la SAS Les Mandataires et la SCP [M] [U] & [H] [K] ès-qualités de co-liquidateurs et la SAS San Marina font valoir que l'article L.622-6 n'impose au débiteur que de déclarer ses créanciers connus et que ce n'est pas le cas de M. [R] qui ne dispose d'aucune créance à l'encontre de la SAS San Marina, l'appel interjeté par M. [R] étant indifférent.
Ils soutiennent que l'absence de mention de la créance de M. [R] ne relève pas d'une omission de leur part mais de l'application des textes et considèrent que M. [R] ne pouvait ignorer l'ouverture de la procédure collective compte tenu de la couverture médiatique l'ayant précédée puis entourée.
La SAS San marina and co, assignée selon les dispositions de l'article 659 par acte extrajudiciaire en date du 5 juin 2024 est défaillante.
Selon avis notifié par la voie électronique le 11 décembre 2024, le procureur général près la cour d'appel d'Aix-en-Provence sollicite la confirmation du jugement du tribunal de commerce de Marseille en toutes ses dispositions. Il précise au visa de l'article 12 du code de procédure pénale que M. [R] n'est pas, à ce jour, poursuivi des chefs d'escroquerie mais qu'une enquête pénale pourrait être diligentée sur les faits révélés par l'instance commerciale.
Les parties ont été avisées le 28 mai 2024 de l'appel de l'affaire à l'audience du 8 janvier 2025 et de la date prévisible de la clôture.
L'instruction a été close par ordonnance du 12 décembre 2024.
La SAS Les mandataires prise en la personne de Me [S] et la SCP [M] [U] & [H] [K] prise en la personne de Me [U] ès-qualités de liquidateurs et la SAS San marina ont notifié, par la voie du RPVA le 16 décembre 2024 les conclusions qu'elles avaient précédemment déposées le 26 juillet 2024.
MOTIFS DE LA DECISION
Sur les mérites de l'appel
La cour n'étant saisie d'aucun moyen de contestation de la recevabilité de l'appel, il est sans objet de statuer sur la demande de M. [R] tendant à le recevoir en son appel.
En application de l'alinéa 2 de l'article L.622-6 du code commerce, dès l'ouverture de la procédure, le débiteur remet à l'administrateur et au mandataire judiciaire, pour les besoins de l'exercice de leur mandat, la liste de ses créanciers, du montant de ses dettes et des principaux contrats en cours. Il les informe des instances en cours auxquelles il est partie.
Selon les articles L.622-24 et R.622-24, à partir de la publication du jugement d'ouverture au BODACC, tous les créanciers dont la créance est née antérieurement au jugement d'ouverture, à l'exception des salariés, adressent la déclaration de leurs créances au mandataire judiciaire dans le délai de deux mois.
L'article L.622-26 du code de commerce dispose également que " A défaut de déclaration dans les délais prévus à l'article L. 622-24, les créanciers ne sont pas admis dans les répartitions et les dividendes à moins que le juge-commissaire ne les relève de leur forclusion s'ils établissent que leur défaillance n'est pas due à leur fait ou qu'elle est due à une omission du débiteur lors de l'établissement de la liste prévue au deuxième alinéa de l'article L. 622-6. Ils ne peuvent alors concourir que pour les distributions postérieures à leur demande.
Les créances non déclarées régulièrement dans ces délais sont inopposables au débiteur pendant l'exécution du plan et après cette exécution lorsque les engagements énoncés dans le plan ou décidés par le tribunal ont été tenus. Pendant l'exécution du plan, elles sont également inopposables aux personnes physiques coobligées ou ayant consenti une sûreté personnelle ou ayant affecté ou cédé un bien en garantie.
L'action en relevé de forclusion ne peut être exercée que dans le délai de six mois. Ce délai court à compter de la publication du jugement d'ouverture. (')Par exception, si le créancier justifie avoir été placé dans l'impossibilité de connaître l'obligation du débiteur avant l'expiration du délai de six mois, le délai court à compter de la date à laquelle il est établi qu'il ne pouvait ignorer l'existence de sa créance.'
La décision du tribunal ouvrant la procédure de redressement judiciaire a été publiée au BODACC des 26 et 27 septembre 2022 et la requête en relevé de forclusion date du 9 janvier 2023. La requête est donc recevable.
Les deux motifs de relevé de forclusion prévus à l'article L.622-26 du code de commerce sont alternatifs et l'omission du débiteur lors de l'établissement de la liste des créanciers en constitue un cas autonome, indépendant du premier et de la connaissance que le créancier pouvait avoir de l'ouverture de la procédure collective, celui-ci n'ayant pas alors à prouver que sa défaillance n'est pas due à son fait.
Les intimés confirment dans leurs conclusions que la créance de M. [R] ne figure pas à l'état des créances.
Cependant, les intimés ne peuvent valablement soutenir que la SAS San Marina n'avait pas à mentionner la créance de M. [R] au motif qu'il ne peut lui être imposé de déclarer pour le compte d'un prétendu créancier une créance dont elle conteste l'existence. Au contraire, dès lors que M. [R] avait interjeté appel de la décision des premiers juges qui l'avaient débouté de sa demande en paiement dirigée contre la SAS San Marina, elle avait l'obligation de déclarer la créance éventuelle de M. [R] en application de l'article L.622-6 du code de commerce.
Il convient par conséquent d'infirmer le jugement de première instance en ce qu'il a rejeté le recours formé par M. [R], confirmé l'ordonnance en toutes ses dispositions et rejeté tout surplus de demandes comme non fondé et non justifié, et d'accueillir la demande de relevé de forclusion de M. [R].
L'article L624-2 du code de commerce dispose que " Au vu des propositions du mandataire judiciaire, le juge-commissaire, si la demande d'admission est recevable, décide de l'admission ou du rejet des créances ou constate soit qu'une instance est en cours, soit que la contestation ne relève pas de sa compétence. En l'absence de contestation sérieuse, le juge-commissaire a également compétence, dans les limites de la compétence matérielle de la juridiction qui l'a désigné, pour statuer sur tout moyen opposé à la demande d'admission. "
M. [R] justifie d'avoir interjeté appel de la décision du tribunal judiciaire de Besançon l'ayant débouté de sa demande indemnitaire.
Il y a donc lieu de constater l'existence d'une instance en cours introduite avant le jugement d'ouverture de la procédure collective par M. [R].
En application de l'article R.622-25 du code de commerce, les frais de l'instance en relevé de forclusion seront supportés par la SAS San marina qui n'a pas mentionné la créance sur la liste prévue par l'article L.622-6.
Il convient donc d'infirmer le jugement de première instance en ce qu'il a laissé les dépens à la charge de M. [R] et de prévoir que les dépens de première instance et d'appel seront supportés par la SAS San Marina et liquidés en frais privilégiés de la procédure collective.
Il n'y a pas lieu en équité et au regard de la situation économique de la société liquidée à condamnation sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile
PAR CES MOTIFS
La cour, statuant publiquement, après débats publics et par arrêt par défaut, mis à disposition au greffe,
Déclare sans objet la demande de M. [Z] [R] tendant à ce que l'appel soit déclaré recevable ;
Infirme le jugement rendu le 7 mars 2024 par le tribunal de commerce de Marseille en toutes ses dispositions ;
Statuant à nouveau du chef d'infirmation et y ajoutant,
Relève M. [Z] [R] de la forclusion prévue à l'article L.622-24 du code de commerce ;
Déboute M. [Z] [R] de sa demande titre de l'article 700 du code de procédure civile ;
Dit que les dépens de première instance et d'appel seront supportés par la société San Marina et recouvrés en frais privilégiés de la procédure collective de cette dernière.
LA GREFFIERE LA PRESIDENTE
Chambre 3-2
ARRÊT AU FOND
DU 27 FEVRIER 2025
Rôle N° RG 24/03775 - N° Portalis DBVB-V-B7I-BMY2A
[Z] [R]
(AJ Totale BAJ AIX EN PROVENCE n°C1300012024006641 du 26/12/2024)
C/
SAS SAN MARINA
S.A.S. SAN MARINA AND CO
SAS LES MANDATAIRES
S.C.P. [M] [U] & [H] [K]
Copie exécutoire délivrée
le : 27 Février 2025
à :
Me Joseph MAGNAN
Me Roselyne SIMON-THIBAUD
Décision déférée à la Cour :
Jugement du Tribunal de Commerce de MARSEILLE en date du 07 Mars 2024 enregistré(e) au répertoire général sous le n° 2023L01548.
APPELANT
Monsieur [Z] [R]
(bénéficie d'une aide juridictionnelle Totale numéro C1300012024006641 du 26/12/2024 accordée par le bureau d'aide juridictionnelle de AIX-EN-PROVENCE) né le [Date naissance 1] 1976 à [Localité 5], de nationalité française, demeurant [Adresse 2]
représenté par Me Joseph MAGNAN de la SCP PAUL ET JOSEPH MAGNAN, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE
INTIMEES
SAS SAN MARINA
dont le siège social est situé à [Adresse 4], prise en la personne de son représentant légal domicilié en cette qualité audit siège
représentée par Me Roselyne SIMON-THIBAUD de la SCP BADIE, SIMON-THIBAUD, JUSTON, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE
S.A.S. SAN MARINA AND CO
dont le siège social est situé à [Adresse 4], prise en la personne de son représentant légal domicilié en cette qualité audit siège
défaillante
SAS LES MANDATAIRES
Mandataire Judiciaire, dont le siège social est situé à [Adresse 7], pris en sa qualité de mandataire liquidateur à la liquidation judiciaire de la SAS SAN MARINA, mission conduite par Maître [C] [S] désigné à cette mission par jugement du Tribunal de Commerce de MARSEILLE en date du 20 février 2023
représentée par Me Roselyne SIMON-THIBAUD de la SCP BADIE, SIMON-THIBAUD, JUSTON, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE
SCP [M] [U] & [H] [K]
Mandataire Judiciaire, dont le siège social est situé à [Adresse 6], pris es qualité de mandataire liquidateur de la SAS SAN MARINA, mission conduite par Maître [M] [U], désigné à cette mission par jugement du Tribunal de Commerce de Marseille en date du 20 février 2023
représentée par Me Roselyne SIMON-THIBAUD de la SCP BADIE, SIMON-THIBAUD, JUSTON, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE
*-*-*-*-*
COMPOSITION DE LA COUR
L'affaire a été débattue le 08 Janvier 2025 en audience publique devant la cour composée de :
Madame Gwenael KEROMES, Présidente de chambre
Madame Muriel VASSAIL, Conseillère
Mme Isabelle MIQUEL, Conseillère rapporteure
qui en ont délibéré.
Greffière lors des débats : Madame Chantal DESSI.
Les parties ont été avisées que le prononcé de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 27 Février 2025.
MINISTERE PUBLIC :
Auquel l'affaire a été régulièrement communiquée.
ARRÊT
Défaut,
Prononcé par mise à disposition au greffe le 27 Février 2025,
Signé par Madame Gwenael KEROMES, Présidente de chambre et Madame Chantal DESSI, greffière à laquelle la minute de la décision a été remise par la magistrate signataire
***
EXPOSE DU LITIGE
M. [Z] [R], soutenant avoir été victime, le 23 janvier 2017, d'une chute dans le magasin San Marina situé dans le centre commercial Carrefour [3] a saisi le tribunal judiciaire de Besançon aux fins d'obtenir la condamnation de la SAS San Marina à lui verser des dommages et intérêts.
Selon jugement en date du 23 février 2021, le tribunal judiciaire de Besançon a débouté M. [R] de sa demande en dommages et intérêts et l'a condamné reconventionnellement à verser à la SAS San Marina la somme de 6 916,04 euros à titre de dommages et intérêts pour les frais d'expertise et d'investigation privée.
M. [R] a interjeté appel de cette décision devant la cour d'appel de Besançon.
Selon jugement en date du 22 Septembre 2022, le tribunal de commerce de Marseille a ouvert une procédure de redressement judiciaire à l'égard de la SAS San Marina et a désigné la SCP [B]-[F] prise en la personne de Me [B] et la SELARL [J] & associés, prise en la personne de Me [J], en qualités d'administrateurs judiciaires, la SAS Les Mandataires prise en la personne de Me [S] et la SCP [M] [U] & [H] [K] prise en la personne de Me [U], en qualités de mandataires judiciaires.
La décision du tribunal a été publiée au BODACC des 26 et 27 Septembre 2022.
Saisi par requête en date du 9 janvier 2023, enrôlée le 16 janvier 2023, le juge commissaire du tribunal de commerce de Marseille a, par ordonnance en date du 02 juin 2023, rejeté la demande en relevé de forclusion de M. [R].
Selon jugement en date du 20 février 2023, le tribunal de commerce de Marseille a converti la procédure de redressement judiciaire en liquidation judiciaire et désigné la SAS Les Mandataires prise en la personne de Me [S] et la SCP [M] [U] & [H] [K] prise en la personne de Me [U], en qualités de co-liquidateurs judiciaires.
Selon jugement en date du 7 mars 2024, le tribunal de commerce de Marseille a rejeté le recours formé par M. [R] contre l'ordonnance du juge commissaire.
Pour prendre leur décision, les premiers juges ont considéré que :
- aucun élément ne permet d'établir la qualité de créancier de M. [R] ;
- le relevé de forclusion dit " d'office " en cas d'absence de mention du créancier sur la liste prévue par l'article L. 622-6 du code de commerce ne s'entend que comme un manque de chance pour ce créancier de pouvoir être informé de l'ouverture de la procédure et donc de déclarer utilement sa créance et M. [R] ne peut arguer utilement de son absence d'information de l'ouverture d'une procédure collective à l'égard de la SAS San Marina, compte-tenu de la large couverture médiatique de ce dossier avant même que le jugement d'ouverture soit rendu par le tribunal ;
- la démonstration n'est pas faite par le requérant, à la fois de sa qualité de créancier et de son absence d'information de l'ouverture d'une procédure collective.
M. [R] a interjeté appel de cette décision par déclaration en date du 22 mars 2024.
Selon conclusions notifiées le 21 août 2024 par la voie électronique, M. [R] demande à la cour de :
- déclarer l'ensemble des demandes de M. [R] recevables et biens fondées ;
- infirmer en toutes ses dispositions le jugement rendu par le tribunal de commerce de Marseille en date du 07 mars 2024, notamment en ce qu'il a :
- rejeté le recours formé par Monsieur [Z] [R] contre l'ordonnance rendue par le juge commissaire le 2 juin 2023,
- confirmé cette ordonnance en toutes ses dispositions,
- rejeté tout surplus de demandes comme non fondé et non justifié,
- laissé les dépens de la présente instance à la charge de M. [R] ;
Statuant à nouveau,
- juger M. [R] recevable et bien fondé en sa demande de relevé de forclusion contre la SAS San Marina ;
En conséquence,
- relever de la forclusion la créance éventuelle de M. [R] ;
- condamner in solidum la SAS San Marina et l'ensemble des organes de la procédure de la liquidation judiciaire au paiement de la somme de 2 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'à supporter les entiers dépens de l'instance.
A l'appui de ses demandes, M. [R] soutient d'une part qu'il était de fait, compte-tenu de la déclaration d'appel régulièrement adressée à la SAS San marina, créancier éventuel, ayant qualité à ce titre pour déclarer sa créance et le cas échéant, solliciter d'être relevé de la forclusion.
Il soutient ensuite que la société San marina a commis une faute en omettant de déclarer sa créance alors qu'une instance était en cours devant la cour d'appel de Besançon, de telle sorte qu'il n'est pas tenu de prouver que sa défaillance est de son fait.
Il fait également valoir que le juge commissaire n'a aucune compétence au fond pour statuer sur sa créance.
Selon conclusions notifiées par la voie électronique le 26 juillet 2024 et le 2 août 2024 par voie d'huissier, la SAS Les Mandataires prise en la personne de Me [S] et la SCP [M] [U] & [H] [K] prise en la personne de Me [U], ès-qualités de liquidateurs, et la SAS San Marina, demandent à la cour de :
- confirmer le jugement du tribunal de commerce de Marseille du 7 mars 2024 en toutes ses dispositions en ce qu'il a :
- déclaré recevable en la forme le recours formé par M. [R] contre l'ordonnance rendue par le juge commissaire le 2 juin 2023,
Sur le fond,
- rejeté le recours formé par M. [R],
- confirmé cette ordonnance en toutes ses dispositions,
- rejeté tout surplus de demandes comme non fondé et non justifié,
- laissé les dépens de la présente instance à la charge de M. [R] ;
En tout état de cause,
- débouter M. [R] de l'ensemble de ses prétentions, fins et conclusions ;
- condamner M. [R] à verser une somme de 2000 € à la SAS San Marina et à SAS Les Mandataires prise en la personne de Me [S] et à la SCP [M] [U] & [H] [K] prise en la personne de Me [U], ès-qualité de coliquidateurs judiciaires de San Marina, en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile, outre les entiers frais et dépens de première instance et d'instance d'appel distraits au profit de la SCP Badie, Simon, Juston.
A l'appui de leurs demandes, la SAS Les Mandataires et la SCP [M] [U] & [H] [K] ès-qualités de co-liquidateurs et la SAS San Marina font valoir que l'article L.622-6 n'impose au débiteur que de déclarer ses créanciers connus et que ce n'est pas le cas de M. [R] qui ne dispose d'aucune créance à l'encontre de la SAS San Marina, l'appel interjeté par M. [R] étant indifférent.
Ils soutiennent que l'absence de mention de la créance de M. [R] ne relève pas d'une omission de leur part mais de l'application des textes et considèrent que M. [R] ne pouvait ignorer l'ouverture de la procédure collective compte tenu de la couverture médiatique l'ayant précédée puis entourée.
La SAS San marina and co, assignée selon les dispositions de l'article 659 par acte extrajudiciaire en date du 5 juin 2024 est défaillante.
Selon avis notifié par la voie électronique le 11 décembre 2024, le procureur général près la cour d'appel d'Aix-en-Provence sollicite la confirmation du jugement du tribunal de commerce de Marseille en toutes ses dispositions. Il précise au visa de l'article 12 du code de procédure pénale que M. [R] n'est pas, à ce jour, poursuivi des chefs d'escroquerie mais qu'une enquête pénale pourrait être diligentée sur les faits révélés par l'instance commerciale.
Les parties ont été avisées le 28 mai 2024 de l'appel de l'affaire à l'audience du 8 janvier 2025 et de la date prévisible de la clôture.
L'instruction a été close par ordonnance du 12 décembre 2024.
La SAS Les mandataires prise en la personne de Me [S] et la SCP [M] [U] & [H] [K] prise en la personne de Me [U] ès-qualités de liquidateurs et la SAS San marina ont notifié, par la voie du RPVA le 16 décembre 2024 les conclusions qu'elles avaient précédemment déposées le 26 juillet 2024.
MOTIFS DE LA DECISION
Sur les mérites de l'appel
La cour n'étant saisie d'aucun moyen de contestation de la recevabilité de l'appel, il est sans objet de statuer sur la demande de M. [R] tendant à le recevoir en son appel.
En application de l'alinéa 2 de l'article L.622-6 du code commerce, dès l'ouverture de la procédure, le débiteur remet à l'administrateur et au mandataire judiciaire, pour les besoins de l'exercice de leur mandat, la liste de ses créanciers, du montant de ses dettes et des principaux contrats en cours. Il les informe des instances en cours auxquelles il est partie.
Selon les articles L.622-24 et R.622-24, à partir de la publication du jugement d'ouverture au BODACC, tous les créanciers dont la créance est née antérieurement au jugement d'ouverture, à l'exception des salariés, adressent la déclaration de leurs créances au mandataire judiciaire dans le délai de deux mois.
L'article L.622-26 du code de commerce dispose également que " A défaut de déclaration dans les délais prévus à l'article L. 622-24, les créanciers ne sont pas admis dans les répartitions et les dividendes à moins que le juge-commissaire ne les relève de leur forclusion s'ils établissent que leur défaillance n'est pas due à leur fait ou qu'elle est due à une omission du débiteur lors de l'établissement de la liste prévue au deuxième alinéa de l'article L. 622-6. Ils ne peuvent alors concourir que pour les distributions postérieures à leur demande.
Les créances non déclarées régulièrement dans ces délais sont inopposables au débiteur pendant l'exécution du plan et après cette exécution lorsque les engagements énoncés dans le plan ou décidés par le tribunal ont été tenus. Pendant l'exécution du plan, elles sont également inopposables aux personnes physiques coobligées ou ayant consenti une sûreté personnelle ou ayant affecté ou cédé un bien en garantie.
L'action en relevé de forclusion ne peut être exercée que dans le délai de six mois. Ce délai court à compter de la publication du jugement d'ouverture. (')Par exception, si le créancier justifie avoir été placé dans l'impossibilité de connaître l'obligation du débiteur avant l'expiration du délai de six mois, le délai court à compter de la date à laquelle il est établi qu'il ne pouvait ignorer l'existence de sa créance.'
La décision du tribunal ouvrant la procédure de redressement judiciaire a été publiée au BODACC des 26 et 27 septembre 2022 et la requête en relevé de forclusion date du 9 janvier 2023. La requête est donc recevable.
Les deux motifs de relevé de forclusion prévus à l'article L.622-26 du code de commerce sont alternatifs et l'omission du débiteur lors de l'établissement de la liste des créanciers en constitue un cas autonome, indépendant du premier et de la connaissance que le créancier pouvait avoir de l'ouverture de la procédure collective, celui-ci n'ayant pas alors à prouver que sa défaillance n'est pas due à son fait.
Les intimés confirment dans leurs conclusions que la créance de M. [R] ne figure pas à l'état des créances.
Cependant, les intimés ne peuvent valablement soutenir que la SAS San Marina n'avait pas à mentionner la créance de M. [R] au motif qu'il ne peut lui être imposé de déclarer pour le compte d'un prétendu créancier une créance dont elle conteste l'existence. Au contraire, dès lors que M. [R] avait interjeté appel de la décision des premiers juges qui l'avaient débouté de sa demande en paiement dirigée contre la SAS San Marina, elle avait l'obligation de déclarer la créance éventuelle de M. [R] en application de l'article L.622-6 du code de commerce.
Il convient par conséquent d'infirmer le jugement de première instance en ce qu'il a rejeté le recours formé par M. [R], confirmé l'ordonnance en toutes ses dispositions et rejeté tout surplus de demandes comme non fondé et non justifié, et d'accueillir la demande de relevé de forclusion de M. [R].
L'article L624-2 du code de commerce dispose que " Au vu des propositions du mandataire judiciaire, le juge-commissaire, si la demande d'admission est recevable, décide de l'admission ou du rejet des créances ou constate soit qu'une instance est en cours, soit que la contestation ne relève pas de sa compétence. En l'absence de contestation sérieuse, le juge-commissaire a également compétence, dans les limites de la compétence matérielle de la juridiction qui l'a désigné, pour statuer sur tout moyen opposé à la demande d'admission. "
M. [R] justifie d'avoir interjeté appel de la décision du tribunal judiciaire de Besançon l'ayant débouté de sa demande indemnitaire.
Il y a donc lieu de constater l'existence d'une instance en cours introduite avant le jugement d'ouverture de la procédure collective par M. [R].
En application de l'article R.622-25 du code de commerce, les frais de l'instance en relevé de forclusion seront supportés par la SAS San marina qui n'a pas mentionné la créance sur la liste prévue par l'article L.622-6.
Il convient donc d'infirmer le jugement de première instance en ce qu'il a laissé les dépens à la charge de M. [R] et de prévoir que les dépens de première instance et d'appel seront supportés par la SAS San Marina et liquidés en frais privilégiés de la procédure collective.
Il n'y a pas lieu en équité et au regard de la situation économique de la société liquidée à condamnation sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile
PAR CES MOTIFS
La cour, statuant publiquement, après débats publics et par arrêt par défaut, mis à disposition au greffe,
Déclare sans objet la demande de M. [Z] [R] tendant à ce que l'appel soit déclaré recevable ;
Infirme le jugement rendu le 7 mars 2024 par le tribunal de commerce de Marseille en toutes ses dispositions ;
Statuant à nouveau du chef d'infirmation et y ajoutant,
Relève M. [Z] [R] de la forclusion prévue à l'article L.622-24 du code de commerce ;
Déboute M. [Z] [R] de sa demande titre de l'article 700 du code de procédure civile ;
Dit que les dépens de première instance et d'appel seront supportés par la société San Marina et recouvrés en frais privilégiés de la procédure collective de cette dernière.
LA GREFFIERE LA PRESIDENTE