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Décisions

CA Paris, Pôle 4 - ch. 13, 4 mars 2025, n° 24/03355

PARIS

Arrêt

Autre

CA Paris n° 24/03355

4 mars 2025

Copies exécutoires REPUBLIQUE FRANCAISE

délivrées aux parties le : AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 4 - Chambre 13

ARRET DU 04 MARS 2025

(n° , 8 pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 24/03355 - N° Portalis 35L7-V-B7I-CI6CG

Décision déférée à la Cour : Jugement du 05 Décembre 2023- Président du TJ de paris - RG n° 23/54092

APPELANT

Monsieur [O] [C]

[Adresse 2]

[Localité 4]

Représenté par Maître Frédéric LALLEMENT, avocat au barreau de PARIS, avocat postulant,

par Maître Jack DEMAISON, avocat au barreau de PARIS, avocat plaidant,

et par Maître Emilie SULLO, avocate au barreau de PARIS, avocat plaidant

INTIMEE

S.C.I. [Adresse 5]

[Adresse 1]

[Localité 3]

Représentée par Maître Olga MILHEIRO - CARREIRA, avocat au barreau de PARIS, toque : P0531

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions des articles 805 et 905 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 04 Décembre 2024, en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant Madame Sophie VALAY-BRIERE, Première Présidente de chambre, et Madame Estelle MOREAU, Conseillère, chargée du rapport.

Ces magistrates ont rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :

Madame Sophie VALAY-BRIERE, Première Présidente de chambre

Madame Marie-Françoise d'ARDAILHON MIRAMON, Présidente de chambre

Madame Estelle MOREAU, Conseillère

Greffier, lors des débats : Madame Michelle NOMO

ARRET :

- contradictoire

- par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour le 04 mars 2025, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

- signé par Sophie VALAY-BRIERE, Première Présidente de chambre et par Michelle NOMO, Greffière, présente lors de la mise à disposition.

***

M. [O] [C] (M. [C]) et ses deux frères, MM. [U] et [G] [C], sont associés à hauteur d'un tiers des parts sociales chacun au sein de la société civile immobilière [Adresse 5] (la Sci) dont le siège social est situé [Adresse 5] à [Localité 6].

En mars 2007, M. [C] a fait assigner la Sci en retrait judiciaire pour justes motifs et moyennant remboursement de ses parts au prix de 250 000 euros, laquelle demande a été jugée irrecevable par jugement du tribunal judiciaire de Paris du 20 décembre 2009.

M. [C] a formé une demande de retrait le 7 mai 2010 moyenant le paiement d'une somme de 250 000 euros. Son retrait a été autorisé lors de l'assemblée générale des 11 et 18 octobre 2010 avec effet à la date de l'assemblée.

M. [C], refusant la proposition de rachat de ses parts par la Sci au prix de 125 077 euros, a saisi le président du tribunal de grande instance de Paris lequel, statuant au visa de l'article 1843-4 du code civil par ordonnance en la forme des référés du 7 juillet 2011, a désigné M. [E] [N] en qualité d'expert avec mission d'évaluer la valeur de remboursement des parts de M. [O] [C] dans la Sci.

M. [N] a déposé son rapport le 1er août 2014, valorisant les parts de M. [O] [C] à la somme de 177 333 euros.

Après avoir signifié à la Sci, le 17 septembre 2014, une demande d'agrément de la Sarl Immobilière [J] en qualité de cessionnaire de ses parts au prix de 266 000 euros, qui a été refusée par les associés le 23 septembre suivant, M. [C] a vainement mis en demeure la Sci de lui rembourser ses parts sociales à la valeur fixée par l'expert, par lettre recommandée avec demande d'avis de réception du 17 octobre 2014.

M. [C] a cédé ses parts à la Sarl Immobilière [J] par acte du 24 avril 2015 au prix de 266 000 euros. Cette cession a été validée par jugement du tribunal de grande instance de Paris du 22 février 2019, puis annulée par arrêt infirmatif de la cour d'appel de Paris du 5 avril 2022 aux motifs que la cession ne pouvait se substituer à l'opération de retrait entreprise, acceptée par la Sci ayant formé une proposition de rachat des parts et inachevée nonobstant la fixation du prix de cession par l'expert conformément à l'article 1843-4 du code civil, M. [C] devant consécutivement à la lettre de mise en demeure du 17 octobre 2014 aux fins de paiement de la valeur de ses droits sociaux, mener la procédure de retrait à son terme en assignant la Sci en cession forcée pour obtenir le paiement de ses parts à leur valeur d'expertise. Par arrêt du 25 mai 2023, la Cour de cassation a rejeté le pourvoi formé par M. [C] à l'encontre de cet arrêt aux motifs que l'associé qui s'est engagé dans une procédure de retrait avec rachat de ses parts, acceptée par la société, ne peut céder lesdites parts à un tiers en méconnaissance de la procédure de retrait en cours.

Lors de l'assemblée générale de la Sci du 3 mai 2022, M. [U] [C] et M. [G] [C] ont voté en faveur d'une résolution mettant à disposition de M. [C], retrayant de la Sci, un chèque de banque du 2 mai 2022 d'un montant de 177 333 euros correspondant à l'évaluation de l'expert.

M. [C] a refusé d'encaisser ce chèque, considérant la somme de 177 333 euros comme insuffisante au regard de la valeur actualisée de ses parts sociales.

C'est dans ces circonstances que, par acte du 15 mai 2023, M. [C] a fait assigner la Sci devant le président du tribunal judiciaire de Paris, statuant selon la procédure accélérée au fond, aux fins d'obtenir la désignation d'un expert sur le fondement de l'article 1843-4 du code civil.

Par jugement rendu selon la procédure accélérée au fond du 5 décembre 2023, le président du tribunal judiciaire de Paris a :

- débouté la Sci de son exception d'incompétence,

- dit M. [C] irrecevable en sa demande de désignation d'un expert sur le fondement de l'article 1843-4 du code civil,

- débouté la Sci de sa demande au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamné M. [C] aux dépens, dont distraction au profit de Mme Olga Milheiro Carreira conformément à l'article 699 du code de procédure civile.

Par déclaration du 9 février 2024, M. [C] a interjeté appel de cette décision.

Dans ses dernières conclusions, notifiées et déposées le 4 novembre 2024, M. [O] [C] demande à la cour de :

- infirmer le jugement en toutes ses dispositions,

statuant de nouveau,

- ordonner une actualisation du rapport d'expertise du 1er août 2014,

- désigner tel expert qu'il lui plaira conformément aux dispositions de l'article 1843-4 du code civil, avec pour unique mission de déterminer la valeur de ses parts sociales dans la Sci [Adresse 5], société civile immobilière au capital de 278 981,70 euros dont le siège social est [Adresse 1], RCS Paris D 349 964 171, à la date la plus proche du paiement à intervenir, en exécution de la décision de remboursement du 3 mai 2022,

- débouter la Sci de ses demandes plus amples ou contraires,

- condamner la Sci à lui payer la somme de 20 000 euros au titre des frais irrépétibles qu'il a exposés, en application de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamner la Sci en tous dépens.

Dans ses dernières conclusions, notifiées et déposées le 18 novembre 2024, la Sci du Cherche Midi demande à la cour de :

- confirmer le jugement qui a déclaré M. [C] irrecevable en sa demande de 'complément d'expertise' ou 'd'actualisation du rapport d'expertise de M. [N]', comme se heurtant à l'autorité de la chose jugée attachée à la précédente décision rendue en la forme des référés en date du 7 juillet 2011, ce nonobstant l'augmentation de la valeur des parts sociales alléguée par l'intéressé, et ce faisant l'en a débouté,

à titre subsidiaire, dans l'hypothèse où la cour infirmerait le jugement,

- juger spécifiquement que la mission de l'expert doit porter sur son bien social, affecté à l'objet social statutaire de conservation et d'usage familial, qui n'est nullement à valoriser nu et libre à la vente; son bien étant devenu au surplus la résidence principale d'un des associés, M. [G] [C],

- juger que dans le cadre de sa mission, l'expert devra prendre en compte les travaux qu'elle a contractés pour la restauration de l'appartement, conformément à son objet social, travaux réalisés et restant à réaliser ainsi que des travaux réalisés par le syndicat de copropriétaires pour le ravalement, la réfection de couverture et l'entretien de l'immeuble,

- juger que les frais d'expertise seront mis à la charge de M. [C],

en tout état de cause,

- condamner M. [C] au règlement de la somme de 5 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile, outre les entiers dépens, dont distraction au profit de Mme Olga Milheiro Carreira, avocat au barreau de Paris.

La clôture de l'instruction a été prononcée le 3 décembre 2024.

SUR CE,

Sur la demande d'expertise sur le fondement de l'article 1844-3 du code civil :

Le président du tribunal a jugé que la demande de désignation d'un expert formée par M. [C] est irrecevable comme se heurtant à l'autorité de chose jugée attachée à l'ordonnance du 7 juillet 2011 rendue en la forme des référés ayant désigné M. [N] en application de l'article 1843-4 du code civil et ce nonobstant l'augmentation de la valeur de ses parts sociales alléguée par l'intéressé.

M. [C] fait valoir qu'aucune autorité de la chose jugée ne peut lui être opposée en ce que :

- l'ordonnance du 7 juillet 2011, fondée sur l'article 1843-4 du code civil, désignant un expert évaluateur, et non pas un juge, aux fins de déterminer la valeur des droits sociaux de l'associé retrayant et dont le rapport lie les parties et le juge, sans qu'il y ait d'instance judiciaire en 'ouverture de rapport' pour entériner celui-ci, ne relève pas des dispositions des articles 145 et 232 du code de procédure civile applicables aux expertises judiciaires de droit commun, sur lesquelles le tribunal s'est fondé à tort, et ne tranche aucune prétention en tout ou partie, en sorte qu'il est recevable à solliciter l'actualisation de la valeur de ses droits sociaux, figurant dans un rapport ancien de dix ans, ce à la date de leur remboursement conformément aux articles 1869 et 1843-4 du code civil,

- l'arrêt de la cour d'appel de Paris du 5 avril 2022 ayant statué sur l'annulation de la cession de ses parts sociales à la Sarl immobilière [J] et son préjudice, n'a pas le même objet ni la même cause que sa demande d'expertise complémentaire qui diffère d'une demande d'indemnisation d'un quelconque préjudice.

Au soutien de sa demande de désignation d'un expert évaluateur aux fins d'actualisation de la valeur de ses parts sociales à la date la plus proche de leur remboursement, il fait valoir que :

- le non remboursement par la Sci de la valeur de ses droits sociaux en qualité d'associé retrayant n'est pas lié à la cession de ses parts par acte du 24 avril 2015 ni à l'annulation de cet acte par l'arrêt du 5 avril 2022, mais à l'inertie de la Sci qui n'a formé aucune proposition de remboursement de 2013 à 2015 malgré l'évaluation des parts sociales par l'expert dès le 19 juin 2013, confirmée dans son rapport du 1er août 2014, et une mise en demeure du 17 octobre 2014,

- il a cédé ses parts faute de proposition de rachat par la Sci conformément aux statuts et après mise en oeuvre de la procédure d'agrément, et plutôt que de procéder au remboursement de la valeur de ses parts au vu du rapport de l'expert évaluateur, la Sci a introduit une action en contestation de la cession de ses parts sociales, retardant indéfiniment le remboursement de ses parts sociales alors qu'une offre ferme de rachat au prix fixé par l'expert aurait suffi à rendre caduque la cession et que la procédure de l'article 1843-4 du code civil a pour objet de permettre à l'associé d'être rapidement fixé sur le mondant du remboursement qui lui est dû,

- il n'a pas accepté la proposition de paiement du 3 mai 2022 qui reposait sur un rapport ancien de dix ans ayant évalué ses droits en octobre 2012, obsolète au regard de l'augmentation, de 61%, de la valeur vénale des biens immobiliers de la Sci, et dépourvu de toute valeur juridique dès lors qu'il n'a toujours pas été remboursé de ses parts,

- la Sci ne peut donc utilement faire valoir un empêchement de procéder au règlement de la valeur de ses parts sociales,

- l'associé retrayant ne perd la qualité d'associé qu'après le remboursement de ses parts et la valeur de ses droits sociaux doit être déterminée à la date la plus proche de leur remboursement effectif,

- les parties étant en désaccord sur la valeur de ses droits sociaux, la désignation d'un expert afin d'évaluer ses droits conformément à l'article 1843-4 du code civil est justifiée,

- la Cour de cassation reconnaît la possibilité d'un complément d'expertise déterminant la valeur des parts sociales après le dépôt d'un premier rapport par l'expert évaluateur,

- les arguments et jurisprudences alléguées par la Sci sont inopérants et le seul défaut de remboursement de ses parts suffit à fonder sa demande d'expertise aux fins d'actualisation de leur valeur.

La Sci soulève l'irrecevabilité de la demande de 'complément' d'expertise au visa de l'article 1843-4 du code civil compte tenu de :

- l'autorité de la chose jugée attachée à l'ordonnance du 7 juillet 2011 ayant ordonné une expertise sur ce fondement et donné lieu à un rapport d'expertise déposé par M. [N] le 1er août 2014, qui ne peut être remis en cause qu'en cas d'erreur grossière et devant le juge du fond et non pas par une nouvelle assignation devant le président du tribunal judiciaire statuant selon la procédure accélérée au fond, et peut, le cas échéant, fonder une demande de paiement de la valeur des parts sociales,

- l'autorité de la chose jugée attachée à l'arrêt irrévocable de la cour d'appel de Paris du 5 avril 2022 s'étant prononcé sur l'exercice du droit de retrait de M. [C] et l'impossibilité de céder ses parts sociales, ayant jugé que le retard du paiement du prix fixé par l'expert avait été causé par la cession illicite des parts de M. [C], que ce prix était payable à compter de l'arrêt et qu'un préjudice éventuel de retard sur le paiement du prix ne pouvait dépendre que des conditions d'exécution dudit arrêt.

Elle souligne que :

- elle a engagé des diligences aux fins de remboursement des droits sociaux de M. [C], qui a refusé à tort d'encaisser le chèque de 177 333 euros correspondant à la valeur fixée par l'expert, remis en exécution de l'arrêt du 5 avril 2022 ayant annulé la cession des droits sociaux conclue par M. [C] insatisfait de cette valeur,

- la demande d'expertise complémentaire, en l'absence de faits nouveaux, se heurte à l'autorité de la chose jugée

- ainsi que l'a jugé la cour dans son arrêt du 5 avril 2022, M. [C] aurait dû assigner en ouverture du rapport aux fins d'être réglé de la valeur de ses droits sociaux telle que fixée par l'expert, au lieu d'engager une procédure de cession illicite, qui est la cause du retard occasionné,

- la variation à la hausse ou à la baisse de la valeur de l'immobilier ne constitue pas un fait nouveau susceptible de remettre en cause l'autorité de la chose jugée,

- la loi ne fixe pas de délai entre la date de l'expertise et la date du paiement et M. [C] qui a refusé de percevoir le remboursement de ses parts en 2022 intervenu consécutivement à l'arrêt de la cour d'appel de Paris du 3 mai 2022, ne peut se prévaloir d'un retard de paiement qu'il a occasionné.

Au fond, elle réplique que :

- les jurisprudences alléguées par l'appelant sont inopérantes à fonder la demande de complément d'expertise, dès lors que la prétention du retrayant, selon laquelle il resterait associé tant qu'il n'a pas été remboursé de ses parts, ne repose sur aucun texte de loi et ne constitue qu'une interprétation abusive de jurisprudences, relatives à des cas de retrait judiciaire et dérogeant au droit commun, que le retrait de M. [C] est volontaire et non pas judiciaire et que ses droits ont été évalués au moment de l'expertise dont le rapport a été déposé le 1er août 2014, et non pas à la date de sa demande de retrait ou de son retrait,

- subsidiairement, l'expert, au cas où il devrait être désigné, ne devra pas être un simple évaluateur des prix de vente de l'immobilier mais devra être architecturalement compétent pour apprécier la réalité, la qualité technique et le montant des travaux décidés par la Sci, réalisés ou en cours de réalisation durant la période où M. [C] réclame la réévaluation du montant de ses parts.

Selon l'article122 du code de procédure civile, 'Constitue une fin de non-recevoir tout moyen qui tend à faire déclarer l'adversaire irrecevable en sa demande, sans examen au fond, pour défaut de droit d'agir, tel le défaut de qualité, le défaut d'intérêt, la prescription, le délai préfix, la chose jugée'.

L'article 1351 ancien, devenu 1355, du code civil, précise que 'L'autorité de la chose jugée n'a lieu qu'à l'égard de celui qui a fait l'objet d'un jugement. Il faut que la demande soit la même ; que la demande soit fondée sur la même cause ; que la demande soit entre les mêmes parties, et formée par elles et contre elles en la même qualité'.

L'autorité de la chose jugée n'a lieu qu'à l'égard de ce qui fait l'objet d'un jugement et qui a été tranché dans son dispositif.

L'article 1843-4 du code civil, dans sa version applicable lors de la désignation de l'expert, énonce que 'Dans les cas où la loi renvoie au présent article pour fixer les conditions de prix d'une cession des droits sociaux d'un associé, ou le rachat de ceux-ci par la société, la valeur de ces droits est déterminée, en cas de contestation, par un expert désigné, soit par les parties, soit à défaut d'accord entre elles, par ordonnance du président du tribunal statuant en la forme des référés et sans recours possible'.

Il résulte de ces dispositions que la décision par laquelle le président du tribunal de grande instance, statuant en application de ce texte, procède à la désignation d'un expert chargé de déterminer la valeur de droits sociaux, fût-ce en remplacement d'un premier expert ayant renoncé à sa mission, est sans recours possible ; que cette disposition s'applique, par sa généralité, au pourvoi en cassation comme à toute autre voie de recours ; qu'il n'y est dérogé qu'en cas d'excès de pouvoir.

La décision par laquelle le président du tribunal, saisi en application de l'article 1843-4 du code civil, refuse, pour quelque cause que ce soit et, notamment, en raison de l'autorité de chose jugée attachée à une précédente décision de refus, de désigner un expert est susceptible d'appel. En ce cas, au terme d'un réexamen complet des faits et circonstances de la cause, la cour d'appel peut, si elle décide d'infirmer l'ordonnance qui lui est déférée, désigner elle-même un expert, et ce, par une décision sans recours possible, sauf excès de pouvoir.

En se remettant, en cas de désaccord sur le prix de cession de droits sociaux, à l'estimation d'un expert désigné conformément à l'article 1843-4 du code civil, les contractants font de la décision de celui-ci leur loi et, à défaut d'erreur grossière, il n'appartient pas au juge de remettre en cause le caractère définitif de cette décision.

Par ordonnance en la forme des référés rendue le 7 juillet 2011 à la demande de M. [O] [C] au visa de l'article 1843-4 du code civil, le président du tribunal de grande instance de Paris, constatant que le retrait de M. [C] était intervenu à l'occasion de l'assemblée générale s'étant tenue les 11 et 18 octobre 2010, a désigné M. [E] [N] en qualité d'expert avec mission d'évaluer la valeur de remboursement des parts de M. [O] [C] dans la Sci à la date de son retrait.

Aux termes du rapport déposé le 1er août 2014, l'expert a évalué les parts sociales de M. [C] non pas à la date du retrait, mais à la date la plus proche de celle de l'estimation, en application de la jurisprudence en vigueur (Cass com. 4 mai 2010), et conclu à une valeur de 177 333 euros.

L'ordonnance en la forme des référés rendue par le président du tribunal de grande instance de Paris le 7 juillet 2011, ayant désigné, sur le fondement de l'article 1843-4 du code civil, M. [N] en qualité d'expert avec mission d'évaluer la valeur de remboursement des parts de M. [C] dans la Sci oppose les mêmes parties en la même qualité, soit M. [C] en qualité d'associé retrayant et la Sci, est fondée sur la même cause, à savoir la détermination de la valeur des parts sociales du retrayant en application de l'article 1843-4 du code civil compte tenu de la contestation des parties, et tranche la même prétention que celle formée devant la cour, soit la désignation d'un expert à cette fin.

La circonstance que le pouvoir juridictionnel du président statuant en la forme des référés, ordonnant une expertise sur le fondement de l'article 1843-4 du code civil, soit limité à examiner les conditions d'application de ce texte, à l'exclusion de la fixation de la valeur des parts sociales qui incombe au seul expert et lie les parties et le juge, est impropre à écarter la qualification de jugement de sa décision au sens de l'article 1351 ancien, devenu 1355 du code civil.

L'ordonnance du 7 juillet 2011 a donc autorité de la chose jugée.

Outre que M. [C] n'invoque aucun fait nouveau rendant inopposable l'autorité de la chose jugée attachée à cette décision, il n'y a pas autorité de la chose jugée lorsqu'un fait ou un acte postérieur à la décision dont l'autorité est invoquée modifie la situation antérieurement reconnue en justice, ce dont il est nullement justifié.

A ce titre, le prétendu caractère obsolète de l'expertise qui évaluerait les droits sociaux de M. [C] en octobre 2012 et dont le rapport a été déposé le 1er août 2014 est inopérant, dès lors que la décision de désignation d'un expert chargé de déterminer la valeur de droits sociaux en application de l'article 1843-4 du code civil est sans recours possible, sauf excès de pouvoir, et que l'estimation de la valeur des parts sociales par l'expert ainsi désigné s'impose aux parties et au juge sauf erreur grossière.

Pour ces mêmes motifs, la variation de la valeur des biens composant la Sci depuis les conclusions du rapport d'expertise est vainement alléguée.

La circonstance que la valeur des droits sociaux de M. [C] fixée par l'expert évaluateur dans son rapport du 1er août 2014, et non pas antérieurement, n'ait pas été remboursée à la date du dépôt dudit rapport ou à tout le moins à la date de la première demande de M. [C] à la Sci par lettre recommandée avec demande d'avis de réception du 17 octobre 2014, est tout aussi inopérante.

En effet, outre que le défaut d'exécution d'une décision, à laquelle est assimilable le rapport d'expertise rendu sur le fondement de l'article 1843-4 du code civil s'imposant aux parties et au juge, ne constitue pas un fait nouveau de nature à remettre en cause l'autorité de la chose jugée de l'ordonnance ayant désigné l'expert, le défaut de remboursement des droits sociaux de M. [C] lui est en grande partie imputable.

A ce titre, alors que le rapport d'expertise a été rendu le 1er août 2014 en fixant la valeur de ses droits à la somme de 177 333 euros, M. [C] a formé, dès le 17 septembre 2014, une demande d'agrément de la Sarl Immobilière [J] à laquelle il souhaitait céder ses parts sociales au prix de 266 000 euros, supérieur à celui évalué par l'expert, ce en méconnaissance de la procédure de retrait engagée par ses soins, acceptée par la Sci et ayant donné lieu à un rapport d'expertise fondé sur l'article 1843-4 du code civil, dont les conclusions lient les parties. Il lui incombait de mettre en demeure la Sci de lui rembourser ses parts sociales à la valeur fixée par l'expert puis, constatant l'échec de cette mise en demeure finalement délivrée le 17 octobre 2014 à la suite du refus d'agrément par les associés de la cession de ses parts, d'assigner la Sci en paiement forcé de ses droits à la valeur fixée par l'expert. Il a refusé l'offre de rachat de ses parts sociales par la Sci du 3 mai 2022, à l'issue de l'arrêt du 5 avril 2022, au prix fixé par l'expert.

Le choix de M. [C] d'engager une procédure de cession de ses parts sociales à un prix supérieur à celui évalué par l'expert, plutôt que de poursuivre la procédure de retrait à son terme aux fins de remboursement de la valeur des parts sociales fixée par l'expert, ne saurait caractériser un fait nouveau rendant inopposable l'autorité de la chose jugée attachée à l'ordonnance de désignation de l'expert sur le fondement de l'article 1843-4 du code civil.

Si en l'absence de dispositions statutaires, la valeur des droits sociaux de l'associé d'une Sci qui se retire doit être déterminée à la date la plus proche de celle du remboursement de la valeur de ces droits, ni la critique des modalités d'évaluation des parts sociales par l'expert, ni le retard dans le remboursement des droits sociaux de M. [C], auquel il a amplement contribué, ne sauraient davantage être de nature à remettre en cause l'autorité de la chose jugée attachée à la décision de désignation de l'expert dont les conclusions d'expertise lient les parties et le cas échéant le juge, sauf à démontrer une erreur grossière justifiant l'annulation du rapport.

La circonstance que l'associé retrayant ne perd la qualité d'associé qu'après le remboursement de ses parts, qui n'est toujours pas effectif, ne justifie pas le prononcé d'une nouvelle désignation d'un expert sur le fondement de l'article 1843-4 du code civil se substituant à l'ordonnance du 7 juillet 2011, ayant autorité de la chose jugée et dont la procédure de retrait afférente est toujours en cours.

C'est donc par des motifs pertinents que le premier juge aretenu la fin de non-recevoir tirée de l'autorité de la chose jugée attachée à l'ordonnance du 7 juillet 2011.

Le jugement est donc confirmé dans toutes ses dispositions.

Sur les dépens et l'article 700 du code de procédure civile :

M. [C] échouant en ses prétentions est condamné aux dépens avec les modalités de recouvrement de l'article 699 du code de procédure civile. L'équité commande de débouter la Sci de sa demande au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS

La cour,

Confirme le jugement en toutes ses dispositions,

y ajoutant,

Déboute la Sci [Adresse 5] de sa demande au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

Condamne M. [O] [C] aux dépens d'appel qui pourront être recouvrés selon les modalités de l'article 699 du code de procédure civile.

LA GREFFIERE LA PRESIDENTE

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