CA Orléans, ch. des retentions, 3 mars 2025, n° 25/00678
ORLÉANS
Ordonnance
Autre
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D'APPEL D'ORLÉANS
Rétention Administrative
des Ressortissants Étrangers
ORDONNANCE du 3 MARS 2025
Minute N° 211/2025
N° RG 25/00678 - N° Portalis DBVN-V-B7J-HFNC
(1 pages)
Décision déférée : ordonnance du tribunal judiciaire d'Orléans en date du 28 février 2025 à 12h48
Nous, Cécile DUGENET, juge placée auprès de la première présidente de la cour d'appel d'Orléans, déléguée à la cour d'appel d'Orléans pour y exercer les fonctions de conseillère affectée à la chambre des urgences par ordonnance n° 439/2024 de Madame la première présidente de la cour d'appel d'Orléans en date du 18 décembre 2024, agissant par délégation de la première présidente de cette cour, assistée de Hermine BILDSTEIN, greffier, aux débats et au prononcé de l'ordonnance,
APPELANT :
M. X se disant [L] [J] alias [O]
né le 29 novembre 1998 à [Localité 1] (Algérie), de nationalité algérienne,
actuellement en rétention administrative au centre de rétention administrative d'[Localité 3] dans des locaux ne dépendant pas de l'administration pénitentiaire,
comparant par visioconférence, assisté de Me Bénédicte GREFFARD-POISSON, avocat au barreau d'Orléans,
assisté de Mme [P] [X], interprète en langue arabe, expert près la cour d'appel d'Orléans, qui a prêté son concours lors de l'audience et du prononcé ;
INTIMÉ :
M. le préfet de la Gironde
non comparant, non représenté ;
MINISTÈRE PUBLIC : avisé de la date et de l'heure de l'audience ;
À notre audience publique tenue en visioconférence au Palais de Justice d'Orléans le 3 mars 2025 à 14h00, conformément à l'article L. 743-7 du Code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile (CESEDA), aucune salle d'audience attribuée au ministère de la justice spécialement aménagée à proximité immédiate du lieu de rétention n'étant disponible pour l'audience de ce jour ;
Statuant en application des articles L. 743-21 à L. 743-23 du Code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile (CESEDA), et des articles R. 743-10 à R. 743-20 du même code ;
Vu l'ordonnance rendue le 28 février 2025 à 12h48 par le tribunal judiciaire d'Orléans ordonnant la jonction des procédures de demande de prolongation par la préfecture et de recours contre l'arrêté de placement en rétention administrative par le retenu, rejetant l'exception de nullité soulevée, rejetant le recours formé contre l'arrêté de placement en rétention administrative et ordonnant la prolongation du maintien de M. X se disant [L] [J] alias [O] dans les locaux non pénitentiaires pour une durée de vingt six jours à compter du 27 février 2025 ;
Vu l'appel de ladite ordonnance interjeté le 1er mars 2025 à 15h31 par M. X se disant [L] [J] alias [O] ;
Après avoir entendu Me Bénédicte GREFFARD-POISSON, en sa plaidoirie, et M. X se disant [L] [J] alias [O], en ses observations, ayant eu la parole en dernier ;
AVONS RENDU ce jour l'ordonnance publique et réputée contradictoire suivante :
FAITS ET PRÉTENTIONS :
M. X se disant [L] [J] alias [O] a, par courriel transmis au greffe de la cour le 1er mars 2025 à 15h51, interjeté appel de la décision du magistrat du siège du tribunal judiciaire d'Orléans, rendue en audience publique le 28 février 2025 à 12h48 et prolongeant sa rétention administrative pour une durée de vingt-six jours à compter du 27 février 2025.
Dans son recours, il indique reprendre en cause d'appel l'intégralité des moyens de nullité et de rejet de la requête soulevés devant le premier juge tels qu'ils ressortent des conclusions déposées, de la décision dont il est interjeté appel, de la note d'audience, des moyens développés oralement lors de l'audience et auxquels il est expressément référé pour un plus ample exposé.
À ce titre, la cour constate qu'ont été soulevés en première instance le défaut d'habilitation des personnes ayant consulté le FAED et le FNAEG, l'incompétence de l'auteur de l'arrêté de placement en rétention administrative, l'insuffisance de motivation de ce même arrêté, l'absence de justificatifs sur la compatibilité de l'état de santé avec la rétention, et le défaut d'actualisation de registre à propos de la visite médicale d'admission au centre.
La motivation propre à l'acte d'appel n'apporte pas d'autres moyens.
MOTIFS :
Il résulte de l'article 66 de la Constitution et de l'article L. 743-9 du CESEDA que le juge doit s'assurer que l'étranger est pleinement informé de ses droits et placé en état de les faire valoir lorsqu'il se trouve placé en rétention administrative.
Aux termes de l'article L. 743-12 du CESEDA, en cas de violation des formes prescrites par la loi à peine de nullité ou d'inobservation des formalités substantielles, le magistrat du siège du tribunal judiciaire saisi d'une demande sur ce motif ou qui relève d'office une telle irrégularité ne peut prononcer la mainlevée du placement ou du maintien en rétention que lorsque celle-ci a eu pour effet de porter substantiellement atteinte aux droits de l'étranger dont l'effectivité n'a pu être rétablie par une régularisation intervenue avant la clôture des débats.
Selon l'article L. 741-3 du CESEDA, « Un étranger ne peut être placé ou maintenu en rétention que pour le temps strictement nécessaire à son départ. L'administration exerce toute diligence à cet effet ».
1. Sur la recevabilité de la requête en prolongation
Le conseil de M. X se disant [L] [J] alias [O] a soulevé le défaut d'actualisation du registre de rétention, en ce que le document produit par l'administration ne mentionne pas l'existence potentielle d'une visite auprès de l'unité médicale du centre de rétention administrative, en vue d'étudier la compatibilité de l'état de santé du retenu avec la rétention.
Vu les articles L. 744-2, L. 743-9 du CESEDA, et l'annexe n° 2 de l'arrêté du 6 mars 2018 portant autorisation du registre de rétention ;
Il résulte de la combinaison des deux premiers textes susvisés qu'il est tenu, dans tous les lieux de rétention, un registre mentionnant l'état civil des personnes retenues ainsi que les conditions de leur placement ou de leur maintien en rétention. Ce document doit permettre au magistrat du siège du tribunal judiciaire, saisi aux fins de prolongation de la rétention, de s'assurer que l'étranger placé en rétention a été pleinement informé de ses droits et placé en état de les faire valoir à compter de son arrivée au lieu de rétention.
Ces droits incluent notamment pour l'étranger, en application des articles L. 744-4 et L. 744-6 du CESEDA, la possibilité de demander l'assistance d'un interprète, d'un conseil et d'un médecin, de communiquer avec le consulat et toute personne de son choix, et de demander l'asile en rétention.
S'agissant de l'annexe n° 2, cette dernière prévoit notamment que doivent être mentionnés au registre le compte-rendu des incidents au centre de rétention, dont les informations concernant les mises à l'écart et les demandes d'examen médical, ainsi que les hospitalisations éventuelles.
À cet égard, le défaut de production d'une copie actualisée du registre permettant un contrôle de l'effectivité des droits reconnus à l'étranger au cours de la mesure de rétention constitue une fin de non-recevoir, sans que celui qui l'invoque ait à justifier d'un grief (1ère Civ., 15 décembre 2021, pourvoi n° 20-50.034 ; 1ère Civ., 5 juin 2024, pourvoi n° 22-23.567).
Par ailleurs, il ne peut être suppléé à l'absence du dépôt de cette pièce par sa seule communication à l'audience, sauf s'il est justifié de l'impossibilité de la joindre à la requête (1ère Civ., 13 février 2019, pourvoi n° 18-11.655).
En l'espèce, il ne ressort d'aucune pièce du dossier transmis par la préfecture, ni des documents produits par M. X se disant [L] [J] alias [O] et son conseil, que ce dernier ait fait l'objet d'une visite médicale au centre de rétention administrative d'[Localité 3]. Il n'y a donc pas lieu d'imposer la retranscription d'un tel événement sur le registre.
Le moyen est rejeté.
Sur la compétence de l'auteur de la requête, la cour constate que la requête en prolongation du 26 février 2025 a été signée par M. [Y] [U], qui détenait compétence, en application de l'article 5 de la délégation de signature du 30 septembre 2024, pour signer les saisines du juge des libertés et de la détention en matière d'éloignement, en cas d'absence ou d'empêchement de l'ensemble des cadres mentionnés aux articles 1 à 5.
Ces absences ou empêchements sont présumés, et la preuve contraire n'est pas rapportée en l'espèce. L'intéressé avait donc compétence pour signer la requête, qui est par ailleurs motivée, datée et accompagnée de toutes pièces justificatives utiles. Elle est donc recevable.
2. Sur la régularité de la procédure ayant immédiatement précédé le placement en rétention administrative
Sur la consultation du Fichier Automatisé des Empreintes Digitales (FAED), il a été soutenu que l'habilitation de l'agent ayant procédé à cette opération n'était pas établie.
L'article R. 40-38-1 du code de procédure pénale dispose que le ministre de l'intérieur est autorisé à mettre en 'uvre un traitement de données à caractère personnel dénommé « fichier automatisé des empreintes digitales » (FAED), qui a notamment pour finalité de faciliter l'identification d'un étranger dans les conditions prévues à l'article L. 142-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.
L'article R. 53-9 du CESEDA dispose que le ministre de l'intérieur est autorisé à mettre en 'uvre le traitement automatisé de données à caractère personnel mentionné à l'article 706-54, dénommé « fichier national automatisé des empreintes génétiques » (FNAEG), ayant notamment pour finalité de de faciliter la recherche et l'identification des auteurs de crimes et de délits mentionnés à l'article 706-55, y compris par le biais de recherche en parentalité prévue à l'article 706-56-1-1.
L'article R. 40-38-7 du code de procédure pénale dispose que peuvent avoir accès à raison de leurs attributions et dans la limite du besoin d'en connaître, à tout ou partie des données et informations mentionnées aux articles R. 40-38-2 et R. 40-38-3 les personnels de la police nationale et ceux de la gendarmerie nationale individuellement désignés et dûment habilités, affectés dans les services chargés d'une mission de police judiciaire et spécialement chargés de la mise en 'uvre du traitement, aux fins de consultation, d'alimentation et d'identification des personnes.
Il ressort également des dispositions de l'article 15-5 du code de procédure pénale, dans sa rédaction issue de la loi n° 2023-22 du 24 janvier 2023 que « seuls les personnels spécialement et individuellement habilités à cet effet peuvent procéder à la consultation de traitements au cours d'une enquête ou d'une instruction.
La réalité de cette habilitation spéciale et individuelle peut être contrôlée à tout moment par un magistrat, à son initiative ou à la demande d'une personne intéressée. L'absence de la mention de cette habilitation sur les différentes pièces de procédure résultant de la consultation de ces traitements n'emporte pas, par elle-même, nullité de la procédure ».
Si l'absence de la mention de cette habilitation sur les différentes pièces de procédure résultant de la consultation des traitements n'emporte pas, par elle-même, nullité de la procédure, il appartient toujours à la juridiction saisie d'un moyen en ce sens de vérifier la réalité de l'habilitation de l'agent ayant eu accès audit traitement en ordonnant, le cas échéant, un complément d'information (Crim., 28 mai 2024, pourvoi n° 23-86.738).
Il doit également être précisé que la seule mention d'une telle habilitation en procédure suffit à prouver son existence (Crim., 3 avril 2024, pourvoi n° 23-85.513).
En l'espèce, le rapport de consultation décadactylaire du 24 janvier 2025, joint en procédure, tend à démontrer que le FAED a été consulté ce même jour par M. [N] [W]. Ainsi que l'a rappelé le premier juge, la cour n'est compétente que pour apprécier la régularité de la procédure ayant immédiatement précédé le placement en rétention administrative de l'étranger.
La validité de cet acte du 24 janvier 2025 n'a donc pas lieu d'être appréciée dans le cadre d'un placement en rétention administrative débuté le 23 février 2025 à 22h35. Le moyen est donc rejeté.
Sur la consultation du Fichier National Automatisé des Empreintes Génétiques (FNAEG), le moyen tiré du défaut d'habilitation a également été soulevé.
L'article R. 53-18 du code de procédure pénale dispose que les personnels du service national de police scientifique de la police nationale et ceux de la gendarmerie nationale, spécialement affectés dans le service mettant en 'uvre le traitement, et dûment habilités, pourront seuls, à la demande de l'autorité judiciaire ou des officiers de police judiciaire, assurer l'alimentation du fichier, avoir accès aux informations enregistrées et procéder aux opérations de rapprochement.
En outre, en application de l'article 706-56, I, les officiers de police judiciaire peuvent procéder, ou faire procéder sous leur contrôle, à l'égard des personnes à l'encontre desquelles il existe une ou plusieurs raisons plausibles de soupçonner qu'elles ont commis ou tenté de commettre l'une des infractions mentionnées à l'article 706-55 du code de procédure pénale (par renvoi aux dispositions de l'article 706-54, alinéa 3), à un prélèvement biologique destiné à permettre l'analyse d'identification de l'empreinte génétique de la personne mise en cause.
Préalablement à cette opération, ils peuvent vérifier ou faire vérifier par un agent de police judiciaire placé sous leur contrôle ou par un agent spécialisé, technicien ou ingénieur de police technique et scientifique placé sous son contrôle, que l'empreinte génétique de la personne concernée n'est pas déjà enregistrée, au vu de son seul état civil, dans le fichier national automatisé des empreintes génétiques.
Le second alinéa de l'article R. 53-18 du code de procédure pénale dispose que les officiers et les agents de police judiciaire ainsi que les agents spécialisés, techniciens ou ingénieurs de police technique et scientifique agissant dans ce cadre ne peuvent accéder directement au FNAEG que pour vérifier si y figure l'état civil d'une personne susceptible de faire l'objet d'un prélèvement biologique. Ils ne peuvent accéder à aucune autre donnée.
Pour cette seule consultation, dont l'objet est de vérifier l'existence de l'enregistrement de l'état civil de la personne mise en cause dans les données du FNAEG, il n'est pas fait mention de la nécessité de disposer d'une habilitation individuelle et spéciale.
En l'espèce, il a été joint en procédure une pièce intitulée « rapport de signalisation sans prélèvement », datée du 23 février 2025, dont il ressort que l'intéressé est connu de la base de données du FNAEG et que le fichier a donc été mis à jour. Cette opération était une consultation par état civil effectuée par la circonscription de police de [Localité 2], avec une signalisation à la demande de Mme [M] [R], officier de police judiciaire, en date du 23 février 2025.
Ainsi que cela résulte des dispositions précitées, cette consultation, dont le but était de vérifier l'enregistrement de l'état civil de M. X se disant [L] [J] alias [O] dans les données du FNAEG, ne nécessitait pas l'existence d'une habilitation. Le moyen est donc rejeté.
3. Sur le placement en rétention administrative
Sur la signature de l'arrêté de placement en rétention administrative, il convient de rappeler au préalable que le préfet peut accorder en ce sens une délégation de signature.
Dans ce cadre, aucune disposition légale n'oblige l'administration à justifier de l'indisponibilité du délégant ou du subdélégant, et que s'il ne résulte pas des pièces du dossier que ce dernier n'avait pas été absent ou empêché à la date de l'arrêté contesté, il peut en être déduit, en l'absence de preuve contraire, que le signataire délégataire était de permanence (1ère Civ., 13 février 2019, pourvoi n° 18-11.654).
Par ailleurs, la circonstance selon laquelle l'arrêté de placement en rétention administrative ne viserait pas la délégation de signature est sans incidence sur sa légalité (CE, 31 mars 1999, M. [Z] [K], n° 199667).
En l'espèce, la cour constate que l'arrêté de placement en rétention administrative du 23 février 2025 a été signé par M. [V] [T], qui avait effectivement compétence pour ce faire en application de la délégation de signature du 12 novembre 2024. Par ailleurs, le tableau de permanence joint en procédure démontre qu'il était de permanence entre le 21 février 2025 à 18h et le 24 février 2025 à 8h. Le moyen ne peut qu'être rejeté.
Sur l'insuffisance de motivation, il a été soutenu en première instance et devant la cour que le préfet n'avait apporté que peu d'éléments sur la situation personnelle de M. X se disant [L] [J] alias [O], sachant d'autant plus qu'il n'a pas été auditionné au préalable. Il lui a également été reproché de ne pas avoir fourni d'informations sur l'adresse de l'intéressé, alors que ce dernier a pourtant déjà été assigné à résidence.
La déclaration d'appel soulève pour sa part l'erreur manifeste d'appréciation, au visa de l'article L. 741-1 du CESEDA, en raison de l'adresse de M. X se disant [L] [J] alias [O] à [Localité 2] et du respect par ce dernier de la précédente assignation à résidence.
Il convient ainsi d'apprécier le risque de soustraction de l'intéressé à l'exécution de la décision d'éloignement, et la proportionnalité de la décision de placement en rétention administrative au regard des critères fixés par la combinaison des articles L. 741-1 et L. 612-3 du CESEDA. À cet égard, le préfet n'est pas tenu, dans sa décision, de faire état de l'ensemble des éléments de la situation personnelle de l'intéressé, dès lors que les motifs positifs qu'il retient suffisent à justifier le placement en rétention.
L'étranger retenu dispose toutefois du droit indéniable de faire valoir, à bref délai devant le juge judiciaire, les éléments pertinents relatifs à ses garanties de représentation et à sa vie personnelle. Ce droit d'être entendu est garanti par la procédure contradictoire inscrite au CESEDA, qui prévoit la saisine du juge judiciaire dans les quatre jours suivant la notification du placement en rétention administrative (1ère Civ., 15 décembre 2021, pourvoi n° 20-17.628).
En l'espèce, le préfet de la Gironde a notamment motivé sa décision de placement en rétention administrative du 23 février 2025 en relevant l'absence de document d'identité ou de voyage en cours de validité, le défaut de ressources légales, et l'opposition de M. X se disant [L] [J] alias [O] à son éloignement, en tenant compte de sa soustraction à trois obligations de quitter le territoire, en date du 16 janvier 2020, du 22 septembre 2022 et du 6 octobre 2023, du non-respect des obligations de pointage relatives à son assignation à résidence du 31 août 2024, ce qui a été constaté par un procès-verbal de carence en date du 16 octobre 2024, et de l'usage d'alias.
Au regard de l'ensemble de ces éléments, les arguments avancés par M. X se disant [L] [J] alias [O] ne sont pas de nature à caractériser l'existence de garanties de représentation effectives, de sorte que le préfet de la Gironde a motivé sa décision et n'a commis aucune erreur d'appréciation en retenant un risque de fuite rendant ineffective la mesure d'assignation à résidence. Le moyen est rejeté.
Pour ces mêmes motifs, la demande d'assignation à résidence judiciaire sera rejetée : l'existence d'une adresse à [Localité 2] (non justifiée) et le respect d'une précédente assignation à résidence ne suffisent pas à accorder cette mesure sur le fondement de l'article L. 743-13 du CESEDA, alors que la remise préalable de l'original du passeport à un service de police ou de gendarmerie contre un récépissé est une condition obligatoire.
Sur l'incompatibilité de l'état de santé avec un maintien en rétention administrative, M. X se disant [L] [J] alias [O] soutient qu'il a été percuté par une voiture, qu'il souffre d'un syndrome post-traumatique et qu'il a été opéré de la mâchoire et des mains, ce qui nécessite pour lui un suivi psychiatrique, alors qu'il a déjà fait plusieurs tentatives de suicide. À l'audience de ce jour, son conseil a soutenu que le préfet aurait dû procéder à des vérifications avant d'édicter sa décision de placement.
À l'appui de ses allégations, M. X se disant [L] [J] alias [O] ne produit aucune pièce médicale pour apporter des éléments de preuve et éclairer la décision de la cour, qui n'a aucune compétence médicale. Dans ces conditions, le préfet a exactement considéré, dans sa décision de placement, en application de l'article L. 741-4 du CESEDA, que rien ne s'opposait à une telle mesure.
Ainsi, le moyen ne saurait être accueilli, et il sera rappelé à l'intéressé que le centre de rétention administrative d'[Localité 3] dispose d'une unité médicale disponible pour lui en tant que de besoin, et qu'il peut solliciter une évaluation en vue de se prononcer sur la compatibilité de son état de vulnérabilité avec la poursuite de sa rétention administrative. Le moyen est rejeté.
4. Sur la requête en prolongation
Sur les diligences consulaires de l'administration, il résulte des dispositions de l'article L. 741-3 du CESEDA et des termes de l'article 15.1 alinéa 4 de la directive 2008/115/CE du Parlement européen et du Conseil du 16 décembre 2008 qu'un maintien en rétention administrative doit être aussi bref que possible et ne se justifie qu'aussi longtemps que le dispositif d'éloignement est en cours et exécuté avec toute la diligence requise. L'administration est, à ce titre, tenue au respect d'une obligation de moyens.
Pour accueillir une demande de première prolongation, le juge doit contrôler le caractère suffisant des diligences de l'administration en vue d'organiser le départ de l'étranger. Lorsque l'intéressé est dépourvu de document de voyage, les diligences se traduisent par la saisine rapide des autorités consulaires.
Seules des circonstances imprévisibles, insurmontables et extérieures empêchant l'administration d'agir peuvent justifier qu'elle n'ait accompli la première diligence en vue d'obtenir l'éloignement de la personne que plusieurs jours après son placement en rétention (1ère Civ., 9 novembre 2016, pourvoi n° 15-28.793).
Il n'y a cependant pas lieu d'imposer à l'administration de réaliser des démarches consulaires durant la période d'incarcération ayant précédé le placement en rétention (1ère Civ., 17 octobre 2019, pourvoi n° 19-50.002).
En l'espèce, la cour constate que l'intéressé a été placé en rétention administrative le 23 février 2025 à 18h et que les autorités consulaires algériennes ont été saisies d'une demande de laissez-passer par courriel du 24 février 2025 à 11h34.
Ainsi, la préfecture a réalisé, sans accuser le moindre retard, des diligences nécessaires et suffisantes à ce stade de la procédure administrative de rétention, s'agissant d'une première demande de prolongation. Il est également rappelé qu'elle ne détient aucun pouvoir de contrainte ou d'instruction sur les autorités consulaires, de sorte qu'il ne peut lui être reproché le défaut de réponse du consulat. Le moyen est rejeté.
En l'absence de toute illégalité susceptible d'affecter les conditions, découlant du droit de l'Union, de la légalité de la rétention et à défaut d'autres moyens présentés en appel, il y a lieu de confirmer l'ordonnance attaquée.
PAR CES MOTIFS,
DÉCLARONS recevable l'appel de M. X se disant [L] [J] alias [O] ;
CONFIRMONS l'ordonnance du tribunal judiciaire d'Orléans du 28 février 2025 ayant ordonné la prolongation de la rétention administrative de l'intéressé pour une durée de vingt-six jours à compter du 28 février 2025 ;
LAISSONS les dépens à la charge du Trésor ;
ORDONNONS la remise immédiate d'une expédition de la présente ordonnance à M. le préfet de la Gironde, à M. X se disant [L] [J] alias [O] et son conseil, et à M. le procureur général près la cour d'appel d'Orléans ;
Et la présente ordonnance a été signée par Cécile DUGENET, juge placée, et Hermine BILDSTEIN, greffier présent lors du prononcé.
Fait à Orléans le TROIS MARS DEUX MILLE VINGT CINQ, à 15 heures 36
LE GREFFIER, LE PRÉSIDENT,
Hermine BILDSTEIN Cécile DUGENET
Pour information : l'ordonnance n'est pas susceptible d'opposition.
Le pourvoi en cassation est ouvert à l'étranger, à l'autorité administrative qui a prononcé le maintien la rétention et au ministère public. Le délai de pourvoi en cassation est de deux mois à compter de la notification. Le pourvoi est formé par déclaration écrite remise au secrétariat greffe de la Cour de cassation par l'avocat au Conseil d'État et à la Cour de cassation constitué par le demandeur.
NOTIFICATIONS, le 3 mars 2025 :
M. le préfet de la Gironde, par courriel
M. X se disant [L] [J] alias [O], copie remise par transmission au greffe du CRA
Me Bénédicte GREFFARD-POISSON, avocat au barreau d'Orléans, par PLEX
M. le procureur général près la cour d'appel d'Orléans, par courriel
L'interprète
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D'APPEL D'ORLÉANS
Rétention Administrative
des Ressortissants Étrangers
ORDONNANCE du 3 MARS 2025
Minute N° 211/2025
N° RG 25/00678 - N° Portalis DBVN-V-B7J-HFNC
(1 pages)
Décision déférée : ordonnance du tribunal judiciaire d'Orléans en date du 28 février 2025 à 12h48
Nous, Cécile DUGENET, juge placée auprès de la première présidente de la cour d'appel d'Orléans, déléguée à la cour d'appel d'Orléans pour y exercer les fonctions de conseillère affectée à la chambre des urgences par ordonnance n° 439/2024 de Madame la première présidente de la cour d'appel d'Orléans en date du 18 décembre 2024, agissant par délégation de la première présidente de cette cour, assistée de Hermine BILDSTEIN, greffier, aux débats et au prononcé de l'ordonnance,
APPELANT :
M. X se disant [L] [J] alias [O]
né le 29 novembre 1998 à [Localité 1] (Algérie), de nationalité algérienne,
actuellement en rétention administrative au centre de rétention administrative d'[Localité 3] dans des locaux ne dépendant pas de l'administration pénitentiaire,
comparant par visioconférence, assisté de Me Bénédicte GREFFARD-POISSON, avocat au barreau d'Orléans,
assisté de Mme [P] [X], interprète en langue arabe, expert près la cour d'appel d'Orléans, qui a prêté son concours lors de l'audience et du prononcé ;
INTIMÉ :
M. le préfet de la Gironde
non comparant, non représenté ;
MINISTÈRE PUBLIC : avisé de la date et de l'heure de l'audience ;
À notre audience publique tenue en visioconférence au Palais de Justice d'Orléans le 3 mars 2025 à 14h00, conformément à l'article L. 743-7 du Code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile (CESEDA), aucune salle d'audience attribuée au ministère de la justice spécialement aménagée à proximité immédiate du lieu de rétention n'étant disponible pour l'audience de ce jour ;
Statuant en application des articles L. 743-21 à L. 743-23 du Code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile (CESEDA), et des articles R. 743-10 à R. 743-20 du même code ;
Vu l'ordonnance rendue le 28 février 2025 à 12h48 par le tribunal judiciaire d'Orléans ordonnant la jonction des procédures de demande de prolongation par la préfecture et de recours contre l'arrêté de placement en rétention administrative par le retenu, rejetant l'exception de nullité soulevée, rejetant le recours formé contre l'arrêté de placement en rétention administrative et ordonnant la prolongation du maintien de M. X se disant [L] [J] alias [O] dans les locaux non pénitentiaires pour une durée de vingt six jours à compter du 27 février 2025 ;
Vu l'appel de ladite ordonnance interjeté le 1er mars 2025 à 15h31 par M. X se disant [L] [J] alias [O] ;
Après avoir entendu Me Bénédicte GREFFARD-POISSON, en sa plaidoirie, et M. X se disant [L] [J] alias [O], en ses observations, ayant eu la parole en dernier ;
AVONS RENDU ce jour l'ordonnance publique et réputée contradictoire suivante :
FAITS ET PRÉTENTIONS :
M. X se disant [L] [J] alias [O] a, par courriel transmis au greffe de la cour le 1er mars 2025 à 15h51, interjeté appel de la décision du magistrat du siège du tribunal judiciaire d'Orléans, rendue en audience publique le 28 février 2025 à 12h48 et prolongeant sa rétention administrative pour une durée de vingt-six jours à compter du 27 février 2025.
Dans son recours, il indique reprendre en cause d'appel l'intégralité des moyens de nullité et de rejet de la requête soulevés devant le premier juge tels qu'ils ressortent des conclusions déposées, de la décision dont il est interjeté appel, de la note d'audience, des moyens développés oralement lors de l'audience et auxquels il est expressément référé pour un plus ample exposé.
À ce titre, la cour constate qu'ont été soulevés en première instance le défaut d'habilitation des personnes ayant consulté le FAED et le FNAEG, l'incompétence de l'auteur de l'arrêté de placement en rétention administrative, l'insuffisance de motivation de ce même arrêté, l'absence de justificatifs sur la compatibilité de l'état de santé avec la rétention, et le défaut d'actualisation de registre à propos de la visite médicale d'admission au centre.
La motivation propre à l'acte d'appel n'apporte pas d'autres moyens.
MOTIFS :
Il résulte de l'article 66 de la Constitution et de l'article L. 743-9 du CESEDA que le juge doit s'assurer que l'étranger est pleinement informé de ses droits et placé en état de les faire valoir lorsqu'il se trouve placé en rétention administrative.
Aux termes de l'article L. 743-12 du CESEDA, en cas de violation des formes prescrites par la loi à peine de nullité ou d'inobservation des formalités substantielles, le magistrat du siège du tribunal judiciaire saisi d'une demande sur ce motif ou qui relève d'office une telle irrégularité ne peut prononcer la mainlevée du placement ou du maintien en rétention que lorsque celle-ci a eu pour effet de porter substantiellement atteinte aux droits de l'étranger dont l'effectivité n'a pu être rétablie par une régularisation intervenue avant la clôture des débats.
Selon l'article L. 741-3 du CESEDA, « Un étranger ne peut être placé ou maintenu en rétention que pour le temps strictement nécessaire à son départ. L'administration exerce toute diligence à cet effet ».
1. Sur la recevabilité de la requête en prolongation
Le conseil de M. X se disant [L] [J] alias [O] a soulevé le défaut d'actualisation du registre de rétention, en ce que le document produit par l'administration ne mentionne pas l'existence potentielle d'une visite auprès de l'unité médicale du centre de rétention administrative, en vue d'étudier la compatibilité de l'état de santé du retenu avec la rétention.
Vu les articles L. 744-2, L. 743-9 du CESEDA, et l'annexe n° 2 de l'arrêté du 6 mars 2018 portant autorisation du registre de rétention ;
Il résulte de la combinaison des deux premiers textes susvisés qu'il est tenu, dans tous les lieux de rétention, un registre mentionnant l'état civil des personnes retenues ainsi que les conditions de leur placement ou de leur maintien en rétention. Ce document doit permettre au magistrat du siège du tribunal judiciaire, saisi aux fins de prolongation de la rétention, de s'assurer que l'étranger placé en rétention a été pleinement informé de ses droits et placé en état de les faire valoir à compter de son arrivée au lieu de rétention.
Ces droits incluent notamment pour l'étranger, en application des articles L. 744-4 et L. 744-6 du CESEDA, la possibilité de demander l'assistance d'un interprète, d'un conseil et d'un médecin, de communiquer avec le consulat et toute personne de son choix, et de demander l'asile en rétention.
S'agissant de l'annexe n° 2, cette dernière prévoit notamment que doivent être mentionnés au registre le compte-rendu des incidents au centre de rétention, dont les informations concernant les mises à l'écart et les demandes d'examen médical, ainsi que les hospitalisations éventuelles.
À cet égard, le défaut de production d'une copie actualisée du registre permettant un contrôle de l'effectivité des droits reconnus à l'étranger au cours de la mesure de rétention constitue une fin de non-recevoir, sans que celui qui l'invoque ait à justifier d'un grief (1ère Civ., 15 décembre 2021, pourvoi n° 20-50.034 ; 1ère Civ., 5 juin 2024, pourvoi n° 22-23.567).
Par ailleurs, il ne peut être suppléé à l'absence du dépôt de cette pièce par sa seule communication à l'audience, sauf s'il est justifié de l'impossibilité de la joindre à la requête (1ère Civ., 13 février 2019, pourvoi n° 18-11.655).
En l'espèce, il ne ressort d'aucune pièce du dossier transmis par la préfecture, ni des documents produits par M. X se disant [L] [J] alias [O] et son conseil, que ce dernier ait fait l'objet d'une visite médicale au centre de rétention administrative d'[Localité 3]. Il n'y a donc pas lieu d'imposer la retranscription d'un tel événement sur le registre.
Le moyen est rejeté.
Sur la compétence de l'auteur de la requête, la cour constate que la requête en prolongation du 26 février 2025 a été signée par M. [Y] [U], qui détenait compétence, en application de l'article 5 de la délégation de signature du 30 septembre 2024, pour signer les saisines du juge des libertés et de la détention en matière d'éloignement, en cas d'absence ou d'empêchement de l'ensemble des cadres mentionnés aux articles 1 à 5.
Ces absences ou empêchements sont présumés, et la preuve contraire n'est pas rapportée en l'espèce. L'intéressé avait donc compétence pour signer la requête, qui est par ailleurs motivée, datée et accompagnée de toutes pièces justificatives utiles. Elle est donc recevable.
2. Sur la régularité de la procédure ayant immédiatement précédé le placement en rétention administrative
Sur la consultation du Fichier Automatisé des Empreintes Digitales (FAED), il a été soutenu que l'habilitation de l'agent ayant procédé à cette opération n'était pas établie.
L'article R. 40-38-1 du code de procédure pénale dispose que le ministre de l'intérieur est autorisé à mettre en 'uvre un traitement de données à caractère personnel dénommé « fichier automatisé des empreintes digitales » (FAED), qui a notamment pour finalité de faciliter l'identification d'un étranger dans les conditions prévues à l'article L. 142-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.
L'article R. 53-9 du CESEDA dispose que le ministre de l'intérieur est autorisé à mettre en 'uvre le traitement automatisé de données à caractère personnel mentionné à l'article 706-54, dénommé « fichier national automatisé des empreintes génétiques » (FNAEG), ayant notamment pour finalité de de faciliter la recherche et l'identification des auteurs de crimes et de délits mentionnés à l'article 706-55, y compris par le biais de recherche en parentalité prévue à l'article 706-56-1-1.
L'article R. 40-38-7 du code de procédure pénale dispose que peuvent avoir accès à raison de leurs attributions et dans la limite du besoin d'en connaître, à tout ou partie des données et informations mentionnées aux articles R. 40-38-2 et R. 40-38-3 les personnels de la police nationale et ceux de la gendarmerie nationale individuellement désignés et dûment habilités, affectés dans les services chargés d'une mission de police judiciaire et spécialement chargés de la mise en 'uvre du traitement, aux fins de consultation, d'alimentation et d'identification des personnes.
Il ressort également des dispositions de l'article 15-5 du code de procédure pénale, dans sa rédaction issue de la loi n° 2023-22 du 24 janvier 2023 que « seuls les personnels spécialement et individuellement habilités à cet effet peuvent procéder à la consultation de traitements au cours d'une enquête ou d'une instruction.
La réalité de cette habilitation spéciale et individuelle peut être contrôlée à tout moment par un magistrat, à son initiative ou à la demande d'une personne intéressée. L'absence de la mention de cette habilitation sur les différentes pièces de procédure résultant de la consultation de ces traitements n'emporte pas, par elle-même, nullité de la procédure ».
Si l'absence de la mention de cette habilitation sur les différentes pièces de procédure résultant de la consultation des traitements n'emporte pas, par elle-même, nullité de la procédure, il appartient toujours à la juridiction saisie d'un moyen en ce sens de vérifier la réalité de l'habilitation de l'agent ayant eu accès audit traitement en ordonnant, le cas échéant, un complément d'information (Crim., 28 mai 2024, pourvoi n° 23-86.738).
Il doit également être précisé que la seule mention d'une telle habilitation en procédure suffit à prouver son existence (Crim., 3 avril 2024, pourvoi n° 23-85.513).
En l'espèce, le rapport de consultation décadactylaire du 24 janvier 2025, joint en procédure, tend à démontrer que le FAED a été consulté ce même jour par M. [N] [W]. Ainsi que l'a rappelé le premier juge, la cour n'est compétente que pour apprécier la régularité de la procédure ayant immédiatement précédé le placement en rétention administrative de l'étranger.
La validité de cet acte du 24 janvier 2025 n'a donc pas lieu d'être appréciée dans le cadre d'un placement en rétention administrative débuté le 23 février 2025 à 22h35. Le moyen est donc rejeté.
Sur la consultation du Fichier National Automatisé des Empreintes Génétiques (FNAEG), le moyen tiré du défaut d'habilitation a également été soulevé.
L'article R. 53-18 du code de procédure pénale dispose que les personnels du service national de police scientifique de la police nationale et ceux de la gendarmerie nationale, spécialement affectés dans le service mettant en 'uvre le traitement, et dûment habilités, pourront seuls, à la demande de l'autorité judiciaire ou des officiers de police judiciaire, assurer l'alimentation du fichier, avoir accès aux informations enregistrées et procéder aux opérations de rapprochement.
En outre, en application de l'article 706-56, I, les officiers de police judiciaire peuvent procéder, ou faire procéder sous leur contrôle, à l'égard des personnes à l'encontre desquelles il existe une ou plusieurs raisons plausibles de soupçonner qu'elles ont commis ou tenté de commettre l'une des infractions mentionnées à l'article 706-55 du code de procédure pénale (par renvoi aux dispositions de l'article 706-54, alinéa 3), à un prélèvement biologique destiné à permettre l'analyse d'identification de l'empreinte génétique de la personne mise en cause.
Préalablement à cette opération, ils peuvent vérifier ou faire vérifier par un agent de police judiciaire placé sous leur contrôle ou par un agent spécialisé, technicien ou ingénieur de police technique et scientifique placé sous son contrôle, que l'empreinte génétique de la personne concernée n'est pas déjà enregistrée, au vu de son seul état civil, dans le fichier national automatisé des empreintes génétiques.
Le second alinéa de l'article R. 53-18 du code de procédure pénale dispose que les officiers et les agents de police judiciaire ainsi que les agents spécialisés, techniciens ou ingénieurs de police technique et scientifique agissant dans ce cadre ne peuvent accéder directement au FNAEG que pour vérifier si y figure l'état civil d'une personne susceptible de faire l'objet d'un prélèvement biologique. Ils ne peuvent accéder à aucune autre donnée.
Pour cette seule consultation, dont l'objet est de vérifier l'existence de l'enregistrement de l'état civil de la personne mise en cause dans les données du FNAEG, il n'est pas fait mention de la nécessité de disposer d'une habilitation individuelle et spéciale.
En l'espèce, il a été joint en procédure une pièce intitulée « rapport de signalisation sans prélèvement », datée du 23 février 2025, dont il ressort que l'intéressé est connu de la base de données du FNAEG et que le fichier a donc été mis à jour. Cette opération était une consultation par état civil effectuée par la circonscription de police de [Localité 2], avec une signalisation à la demande de Mme [M] [R], officier de police judiciaire, en date du 23 février 2025.
Ainsi que cela résulte des dispositions précitées, cette consultation, dont le but était de vérifier l'enregistrement de l'état civil de M. X se disant [L] [J] alias [O] dans les données du FNAEG, ne nécessitait pas l'existence d'une habilitation. Le moyen est donc rejeté.
3. Sur le placement en rétention administrative
Sur la signature de l'arrêté de placement en rétention administrative, il convient de rappeler au préalable que le préfet peut accorder en ce sens une délégation de signature.
Dans ce cadre, aucune disposition légale n'oblige l'administration à justifier de l'indisponibilité du délégant ou du subdélégant, et que s'il ne résulte pas des pièces du dossier que ce dernier n'avait pas été absent ou empêché à la date de l'arrêté contesté, il peut en être déduit, en l'absence de preuve contraire, que le signataire délégataire était de permanence (1ère Civ., 13 février 2019, pourvoi n° 18-11.654).
Par ailleurs, la circonstance selon laquelle l'arrêté de placement en rétention administrative ne viserait pas la délégation de signature est sans incidence sur sa légalité (CE, 31 mars 1999, M. [Z] [K], n° 199667).
En l'espèce, la cour constate que l'arrêté de placement en rétention administrative du 23 février 2025 a été signé par M. [V] [T], qui avait effectivement compétence pour ce faire en application de la délégation de signature du 12 novembre 2024. Par ailleurs, le tableau de permanence joint en procédure démontre qu'il était de permanence entre le 21 février 2025 à 18h et le 24 février 2025 à 8h. Le moyen ne peut qu'être rejeté.
Sur l'insuffisance de motivation, il a été soutenu en première instance et devant la cour que le préfet n'avait apporté que peu d'éléments sur la situation personnelle de M. X se disant [L] [J] alias [O], sachant d'autant plus qu'il n'a pas été auditionné au préalable. Il lui a également été reproché de ne pas avoir fourni d'informations sur l'adresse de l'intéressé, alors que ce dernier a pourtant déjà été assigné à résidence.
La déclaration d'appel soulève pour sa part l'erreur manifeste d'appréciation, au visa de l'article L. 741-1 du CESEDA, en raison de l'adresse de M. X se disant [L] [J] alias [O] à [Localité 2] et du respect par ce dernier de la précédente assignation à résidence.
Il convient ainsi d'apprécier le risque de soustraction de l'intéressé à l'exécution de la décision d'éloignement, et la proportionnalité de la décision de placement en rétention administrative au regard des critères fixés par la combinaison des articles L. 741-1 et L. 612-3 du CESEDA. À cet égard, le préfet n'est pas tenu, dans sa décision, de faire état de l'ensemble des éléments de la situation personnelle de l'intéressé, dès lors que les motifs positifs qu'il retient suffisent à justifier le placement en rétention.
L'étranger retenu dispose toutefois du droit indéniable de faire valoir, à bref délai devant le juge judiciaire, les éléments pertinents relatifs à ses garanties de représentation et à sa vie personnelle. Ce droit d'être entendu est garanti par la procédure contradictoire inscrite au CESEDA, qui prévoit la saisine du juge judiciaire dans les quatre jours suivant la notification du placement en rétention administrative (1ère Civ., 15 décembre 2021, pourvoi n° 20-17.628).
En l'espèce, le préfet de la Gironde a notamment motivé sa décision de placement en rétention administrative du 23 février 2025 en relevant l'absence de document d'identité ou de voyage en cours de validité, le défaut de ressources légales, et l'opposition de M. X se disant [L] [J] alias [O] à son éloignement, en tenant compte de sa soustraction à trois obligations de quitter le territoire, en date du 16 janvier 2020, du 22 septembre 2022 et du 6 octobre 2023, du non-respect des obligations de pointage relatives à son assignation à résidence du 31 août 2024, ce qui a été constaté par un procès-verbal de carence en date du 16 octobre 2024, et de l'usage d'alias.
Au regard de l'ensemble de ces éléments, les arguments avancés par M. X se disant [L] [J] alias [O] ne sont pas de nature à caractériser l'existence de garanties de représentation effectives, de sorte que le préfet de la Gironde a motivé sa décision et n'a commis aucune erreur d'appréciation en retenant un risque de fuite rendant ineffective la mesure d'assignation à résidence. Le moyen est rejeté.
Pour ces mêmes motifs, la demande d'assignation à résidence judiciaire sera rejetée : l'existence d'une adresse à [Localité 2] (non justifiée) et le respect d'une précédente assignation à résidence ne suffisent pas à accorder cette mesure sur le fondement de l'article L. 743-13 du CESEDA, alors que la remise préalable de l'original du passeport à un service de police ou de gendarmerie contre un récépissé est une condition obligatoire.
Sur l'incompatibilité de l'état de santé avec un maintien en rétention administrative, M. X se disant [L] [J] alias [O] soutient qu'il a été percuté par une voiture, qu'il souffre d'un syndrome post-traumatique et qu'il a été opéré de la mâchoire et des mains, ce qui nécessite pour lui un suivi psychiatrique, alors qu'il a déjà fait plusieurs tentatives de suicide. À l'audience de ce jour, son conseil a soutenu que le préfet aurait dû procéder à des vérifications avant d'édicter sa décision de placement.
À l'appui de ses allégations, M. X se disant [L] [J] alias [O] ne produit aucune pièce médicale pour apporter des éléments de preuve et éclairer la décision de la cour, qui n'a aucune compétence médicale. Dans ces conditions, le préfet a exactement considéré, dans sa décision de placement, en application de l'article L. 741-4 du CESEDA, que rien ne s'opposait à une telle mesure.
Ainsi, le moyen ne saurait être accueilli, et il sera rappelé à l'intéressé que le centre de rétention administrative d'[Localité 3] dispose d'une unité médicale disponible pour lui en tant que de besoin, et qu'il peut solliciter une évaluation en vue de se prononcer sur la compatibilité de son état de vulnérabilité avec la poursuite de sa rétention administrative. Le moyen est rejeté.
4. Sur la requête en prolongation
Sur les diligences consulaires de l'administration, il résulte des dispositions de l'article L. 741-3 du CESEDA et des termes de l'article 15.1 alinéa 4 de la directive 2008/115/CE du Parlement européen et du Conseil du 16 décembre 2008 qu'un maintien en rétention administrative doit être aussi bref que possible et ne se justifie qu'aussi longtemps que le dispositif d'éloignement est en cours et exécuté avec toute la diligence requise. L'administration est, à ce titre, tenue au respect d'une obligation de moyens.
Pour accueillir une demande de première prolongation, le juge doit contrôler le caractère suffisant des diligences de l'administration en vue d'organiser le départ de l'étranger. Lorsque l'intéressé est dépourvu de document de voyage, les diligences se traduisent par la saisine rapide des autorités consulaires.
Seules des circonstances imprévisibles, insurmontables et extérieures empêchant l'administration d'agir peuvent justifier qu'elle n'ait accompli la première diligence en vue d'obtenir l'éloignement de la personne que plusieurs jours après son placement en rétention (1ère Civ., 9 novembre 2016, pourvoi n° 15-28.793).
Il n'y a cependant pas lieu d'imposer à l'administration de réaliser des démarches consulaires durant la période d'incarcération ayant précédé le placement en rétention (1ère Civ., 17 octobre 2019, pourvoi n° 19-50.002).
En l'espèce, la cour constate que l'intéressé a été placé en rétention administrative le 23 février 2025 à 18h et que les autorités consulaires algériennes ont été saisies d'une demande de laissez-passer par courriel du 24 février 2025 à 11h34.
Ainsi, la préfecture a réalisé, sans accuser le moindre retard, des diligences nécessaires et suffisantes à ce stade de la procédure administrative de rétention, s'agissant d'une première demande de prolongation. Il est également rappelé qu'elle ne détient aucun pouvoir de contrainte ou d'instruction sur les autorités consulaires, de sorte qu'il ne peut lui être reproché le défaut de réponse du consulat. Le moyen est rejeté.
En l'absence de toute illégalité susceptible d'affecter les conditions, découlant du droit de l'Union, de la légalité de la rétention et à défaut d'autres moyens présentés en appel, il y a lieu de confirmer l'ordonnance attaquée.
PAR CES MOTIFS,
DÉCLARONS recevable l'appel de M. X se disant [L] [J] alias [O] ;
CONFIRMONS l'ordonnance du tribunal judiciaire d'Orléans du 28 février 2025 ayant ordonné la prolongation de la rétention administrative de l'intéressé pour une durée de vingt-six jours à compter du 28 février 2025 ;
LAISSONS les dépens à la charge du Trésor ;
ORDONNONS la remise immédiate d'une expédition de la présente ordonnance à M. le préfet de la Gironde, à M. X se disant [L] [J] alias [O] et son conseil, et à M. le procureur général près la cour d'appel d'Orléans ;
Et la présente ordonnance a été signée par Cécile DUGENET, juge placée, et Hermine BILDSTEIN, greffier présent lors du prononcé.
Fait à Orléans le TROIS MARS DEUX MILLE VINGT CINQ, à 15 heures 36
LE GREFFIER, LE PRÉSIDENT,
Hermine BILDSTEIN Cécile DUGENET
Pour information : l'ordonnance n'est pas susceptible d'opposition.
Le pourvoi en cassation est ouvert à l'étranger, à l'autorité administrative qui a prononcé le maintien la rétention et au ministère public. Le délai de pourvoi en cassation est de deux mois à compter de la notification. Le pourvoi est formé par déclaration écrite remise au secrétariat greffe de la Cour de cassation par l'avocat au Conseil d'État et à la Cour de cassation constitué par le demandeur.
NOTIFICATIONS, le 3 mars 2025 :
M. le préfet de la Gironde, par courriel
M. X se disant [L] [J] alias [O], copie remise par transmission au greffe du CRA
Me Bénédicte GREFFARD-POISSON, avocat au barreau d'Orléans, par PLEX
M. le procureur général près la cour d'appel d'Orléans, par courriel
L'interprète