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Décisions

CA Pau, 1re ch., 4 mars 2025, n° 22/00363

PAU

Arrêt

Confirmation

PARTIES

Défendeur :

Agent judiciaire de l'État, État

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

Mme Faure

Conseillers :

Mme de Framond, Mme Blanchard

Avocats :

Me Chartier, SELURL Lexatlantic, Me Ledain, SELARL ABL Associes, Me Duale, SELARL Duale-Ligney-Bourdalle

TJ Pau, du 11 janv. 2022, n° 19/01893

11 janvier 2022

EXPOSE DU LITIGE :

Suivant acte authentique du 16 mars 2011, Monsieur [C] [A] et son épouse, Madame [O] [P], ont vendu à Monsieur [S] [U] un appartement constituant le lot n°7 d'un immeuble situé à [Localité 7], d'une superficie mentionnée dans l'acte de vente de 23,92 m², au prix de 60 000 euros, alors donné à bail.

Selon un rapport d'enquête du 22 avril 2015 établi par Mme [W], inspectrice de salubrité de la ville de [Localité 7], le logement a été déclaré impropre à l'usage d'habitation.

Le 28 juillet 2015, le Préfet des Pyrénées-Atlantiques a notifié à M. [U] un arrêté de fin de mise à disposition de son appartement, du fait du non respect du règlement sanitaire départemental concernant la superficie, la hauteur sous plafond et les dispositifs de ventilation.

M. [U] a mis un terme au bail en cours le 11 juillet 2015.

Par ordonnance du 20 avril 2016, le juge des référés du tribunal de grande instance de Pau, faisant droit à la demande de M. [U], a ordonné une expertise judiciaire aux fins notamment de déterminer les superficie et volume habitables du logement, et de formuler toutes observations permettant de vérifier si l'appartement vendu répondait aux prescriptions de l'article 4 du décret n°2002-120 du 30 janvier 2002, et des articles 40-3 et 40-4 du règlement sanitaire départemental relatifs aux surfaces minimales d'habitabilité des logements, ainsi qu'aux règles d'aération intérieure et d'évacuation en cas d'incendie.

Par ordonnance du 26 octobre 2016, les opérations d'expertise ont été rendues communes et opposables à l'Etat.

L'expert judiciaire a déposé son rapport le 9 avril 2018.

Par actes du 3 octobre 2019, M. [U] a fait assigner les époux [A] et l'Etat, pris en la personne de son représentant dans le département, le préfet des Pyrénées-Atlantiques, devant le tribunal de grande instance de Pau, en nullité de la vente et en indemnisation de ses préjudices.

Suivant jugement réputé contradictoire du 11 janvier 2022 (RG n°19/01893), le tribunal a :

débouté M. [U] de l'intégralité de ses demandes,

condamné M. [U] à payer aux époux [A] la somme de 4 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi que les dépens, qui comprendront les frais d'expertise,

débouté les parties de leurs autres demandes,

dit n'y voir lieu à écarter l'exécution provisoire.

Pour motiver sa décision, le tribunal a retenu :

- que la surface du studio litigieux est à tout le moins de 13,80 m² comme l'a relevé l'expert, dès lors que l'espace situé sous les chiens-assis n'a pas à être déduit, et que son volume est supérieur à 20 m³, de sorte qu'il s'agit d'un logement décent au regard du décret n°2002-120 du 30 janvier 2002, et des articles 40-3 et 40-4 du règlement sanitaire départemental imposant un logement de superficie supérieure à 9 m²,

- que ni les services de l'Etat ni M. [U] ne démontrent que le logement souffrirait d'une mauvaise aération, alors qu'il n'a été constaté aucun stigmate d'humidité dans le logement, et qu'il ne peut être considéré qu'il présente une configuration de nature à porter atteinte à la santé de ses habitants, alors qu'il a été mis en location sans discontinuer depuis son achat par M. [U], sans que soit justifié d'une plainte des locataires concernant sa salubrité,

- que ni les services de l'Etat ni M. [U] ne caractérisent des conditions d'évacuation notamment en cas d'incendie du logement le rendant inhabitable, l'expert ayant retenu que la configuration du bâtiment correspondait à une situation courante dans le bâti ancien du centre-ville de [Localité 7].

M. [S] [U] a relevé appel par déclaration du 4 février 2022 (RG n°22/00363), intimant les époux [A] et l'agent judiciaire de l'Etat, et critiquant le jugement dans l'ensemble de ses dispositions.

Par déclaration du 2 octobre 2023 (RG n°23/02645), M. [S] [U] a relevé appel du jugement, intimant l'Etat, pris en la personne de son représentant dans le département, le préfet des Pyrénées Atlantiques.

Par ordonnance du 3 avril 2024, le conseiller de la mise en état a prononcé la jonction des deux affaires sous le numéro RG 22/00363.

Aux termes de ses dernières conclusions notifiées le 2 juillet 2024, auxquelles il est expressément fait référence, M. [S] [U], appelant, entend voir la cour :

infirmer le jugement en toutes ses dispositions,

En conséquence,

Vu les dispositions de l'article 4 du décret 2002-120 du 30 janvier 2002 et des articles 40-1-a et 40-3 du règlement sanitaire départemental des Pyrénées-Atlantiques,

Vu l'article R. 111-2 du code de la construction et de l'habitation et les articles 1109 et 1110 du code civil devenus 1130 et 1133 du même code,

Vu l'article 1304 du code civil dans sa version applicable aux faits,

débouter les époux [A] de l'intégralité de leurs demandes,

Vu les articles 117 et 910-4 du code de procédure civile,

déclarer irrecevable la demande de l'Agent judiciaire de l'Etat portant sur la confirmation de la décision de première instance et juger que sa demande subsidiaire ayant pour objet le rapport à justice est également irrecevable,

A défaut,

débouter l'Agent judiciaire de l'Etat de l'intégralité de ses demandes formées à son encontre,

annuler la vente reçue par Maître [G] [R], notaire associé à [Localité 14], avec la participation de Maître [L] [X], Notaire à [Localité 12], le 16 mars 2011 entre Monsieur [U] [S] et Monsieur [A] [C] et Madame [P] épouse [A] [O] dont l'objet est un appartement T1 constituant le lot n°7 d'un ensemble immobilier cadastré Section CO, n°[Cadastre 5], sis [Adresse 2] à [Localité 7], représentant 545/10000èmes de la propriété du sol et des parties communes générales,

ordonner la publication de l'arrêt à intervenir aux services de la publicité foncière de [Localité 7],

condamner in solidum les époux [A] à lui verser les sommes de :

- 60 000 euros au titre du prix de vente,

- 5 629 euros au titre des frais de la vente,

dire et juger que cette somme de 65 629 euros constituant le prix de vente sera augmentée des intérêts au taux légal à compter du 16 mars 2011,

condamner in solidum les époux [A] à lui verser les sommes suivantes :

- 2 779,09 euros au titre des travaux exécutés dans le studio,

- 6 202,16 euros au titre des charges de copropriété réglées, somme à parfaire au jour de la décision à intervenir,

- 2 306 euros au titre des taxes foncières payées,

- 33 020 euros au titre de la perte locative arrêtée au 30 septembre 2022, somme à parfaire au jour de la décision à intervenir,

Vu l'article 1382 devenu 1240 du code civil,

condamner in solidum les époux [A] à lui verser une somme de 3 000 euros à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice moral subi,

condamner in solidum les époux [A] à lui verser une somme de 10 000 euros en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile, outre les entiers dépens de première instance intégrant le coût de l'expertise judiciaire menée par Mme [V] [K] et les dépens d'appel qui seront recouvrés par Maître Chartier William, membre de la SELURL Lexatlantic, conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile,

juger que l'arrêt à intervenir sera opposable à l'Etat, pris en la personne de son représentant légal dans le département, le préfet des Pyrénées-Atlantiques en exercice, au vu de l'arrêté préfectoral pris le 28 juillet 2015.

Au soutien de ses demandes, il fait valoir :

- que la fin de non-recevoir soulevée par l'agent judiciaire de l'Etat tendant à voir déclarer l'appel irrecevable à son encontre est elle-même irrecevable pour n'avoir été soulevée que dans ses conclusions d'intimé n°2, violant ainsi le principe de concentration des moyens, de même que ses demandes de confirmation du jugement, et à titre subsidiaire de rapport à justice,

- qu'en tout état de cause, cette fin de non-recevoir n'est pas fondée juridiquement puisque la partie intimée devant la cour est bien l'Etat, en tant que personne morale de droit public, soit la même partie que celle figurant dans le jugement, et qu'il s'agit en réalité d'une exception de procédure (défaut de pouvoir du représentant d'une personne morale) sanctionnée par la nullité de la déclaration d'appel qui doit être soulevée in limine litis,

- que l'agent judiciaire de l'Etat a bien qualité pour représenter l'Etat dans le litige, dès lors que l'appel s'inscrit dans le cadre d'une action préalable dont la finalité tendrait le cas échéant à faire déclarer l'Etat débiteur à son égard, que l'Etat est intervenu volontairement dans le cadre de la mesure d'expertise, et que le fait générateur de la nullité qu'il invoque et du dommage qu'il subit réside dans l'arrêté pris par le préfet des Pyrénées-Atlantiques,

- que son action en nullité pour erreur sur les qualités substantielles de la chose est recevable, dès lors qu'il a eu connaissance de l'impropriété du bien à l'usage d'habitation par la notification de l'arrêté préfectoral du 28 juillet 2015,

- que seule la norme en vigueur la plus contraignante trouve à s'appliquer, de sorte que le logement doit respecter l'article 40-3 alinéa 3 du règlement sanitaire départemental, imposant une surface minimale de 9 m² en cas de logement comportant une seule pièce principale ; que le logement acquis a une surface habitable de 8,50 m², puisque certaines parties du logement sont à exclure de la surface habitable, telles que l'embrasure des chiens-assis, et le palier permettant l'accès vers l'extérieur,

- qu'il ne lui appartient pas de réaliser des travaux pour rendre le logement habitable, quel qu'en soit le coût,

- que l'habitabilité et la superficie minimale du logement constituent une qualité substantielle du bien et une condition déterminante du consentement, entrée dans le champ contractuel, dès lors que l'acte de vente précisait que le bien était vendu loué,

- qu'il n'a commis aucune erreur inexcusable, dès lors qu'il ne disposait d'aucun élément laissant penser que le logement aurait pu ne pas répondre aux conditions de décence dès lors que le bien était loué, et qu'a été produite une attestation de superficie de 23,92 m² avant la vente,

- que l'expert judiciaire et les intimés ne contestent pas l'absence d'orifice d'évacuation d'air vicié en partie haute des velux, l'absence d'amenée d'air frais en partie basse dans le coin cuisine, et d'une VMC présentant un débit minimal dans la salle d'eau, de sorte que le logement n'est pas décent au vu de la norme réglementaire applicable en matière d'aération, à laquelle renvoie le règlement sanitaire départemental, peu important l'absence de trace d'humidité ou de plainte d'un locataire,

- que les conditions d'évacuation de l'immeuble ne sont pas respectées, et qu'il ne peut être retenu qu'en tant qu'acquéreur profane, il se devait de connaître l'ensemble de la législation applicable au logement destiné à la location ; que le logement ne peut rester dans sa configuration initiale et doit s'adapter à l'évolution de la législation applicable,

- que les époux [A] ne fixent pas le montant de leur demande de voir ramener à de plus justes proportions les indemnités sollicitées,

- que l'annulation du contrat de vente pour erreur entraîne la restitution du prix versé, des frais de notaire afférents, le remboursement des travaux engagés dans le logement, des charges de copropriété non récupérables sur le locataire, et des taxes foncières,

- qu'il a subi une perte locative du fait de l'impossibilité de louer le bien acquis, ainsi qu'un préjudice moral, du fait des désagréments supportés depuis l'acquisition du bien.

Dans leurs dernières conclusions notifiées le 1er juillet 2024, auxquelles il est expressément fait référence, M. [C] [A] et son épouse, Mme [P], intimés, demandent à la cour de :

confirmer le jugement,

débouter M. [U] de l'intégralité de ses demandes, fins et prétentions,

A titre subsidiaire,

ramener les demandes indemnitaires de M. [U] à de plus justes proportions notamment au regard des loyers perçus et de sa propre responsabilité dans la survenance des préjudices dont il sollicite réparation,

En tout état de cause,

condamner M. [U] à leur payer une indemnité complémentaire de 4 000 euros par application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile au titre des frais irrépétibles exposés en cause d'appel,

condamner M. [U] aux entiers dépens en ce compris les dépens de la procédure d'appel et les frais d'expertise judiciaire.

Au soutien de leurs prétentions, ils font valoir :

- que l'expert a retenu que le studio vendu remplissait toutes les conditions réglementaires de décence permettant sa mise en location, de sorte que l'arrêté préfectoral interdisant sa mise en location est infondé, de même que la demande de nullité de la vente,

- qu'en effet, le logement respecte les conditions de surface et de volume minimum posées par le décret du 30 janvier 2002 (9 m² sous 2,20 m de hauteur sous plafond et 20 m³), l'expert ayant retenu que les surfaces du coin cuisine, du palier et au droit des chiens-assis ne devaient pas être déduites, et par les articles 40-3 et 40-4 du règlement sanitaire départemental, sans qu'il y ait lieu de déduire de la surface définie les embrasures de fenêtres, la surface habitable du studio s'établissant à 13,80 m² sous 2,20 m de hauteur, conformément aux règles de calcul du règlement sanitaire départemental,

- qu'il en résulte l'absence d'erreur dans le consentement à la vente de M. [U], puisque ses qualités intrinsèques lui permettent d'être offert à la location,

- que les exigences du règlement sanitaire départemental et de l'arrêté du 24 mars 1982 sont satisfaites s'agissant des dimensions des ouvertures, qui atteignent 2,41 m², pour 1,25 m² exigés, de sorte que l'aération du logement est conforme ; que le règlement ne prévoit aucune autre obligation en matière d'aération s'agissant d'un studio, et que la salle d'eau est pourvue d'une VMC dont il n'est pas démontré qu'elle aurait été défectueuse au moment de la vente, ou qu'elle aurait constitué un élément substantiel de l'engagement de l'acquéreur,

- que l'arrêté interdisant de louer le logement résulte principalement de la condition de surface, et que les observations relatives à la ventilation ou à l'absence de main courante n'ont pas en elles-mêmes justifié l'interdiction de location,

- que M. [U] n'a pas contesté l'arrêté préfectoral devant le tribunal administratif, alors que les mesurages et les constatations de l'expert permettaient de rapporter la preuve des erreurs de droit et de fait de l'arrêté, de sorte qu'il a une part de responsabilité dans le trouble qu'il dénonce,

- que l'absence de main courante sur l'escalier ne peut être considérée comme justifiant l'interdiction de mise à disposition à usage d'habitation du studio et être invoquée par M. [U] pour alléguer d'une erreur ayant vicié son consentement quant aux caractéristiques essentielles du logement, dès lors qu'elle était visible lors de la vente,

- que l'erreur invoquée par M. [U] comme vice du consentement est en tout état de cause inexcusable, dès lors qu'il lui appartenait de vérifier que le bien était conforme à la destination qu'il entendait lui donner, d'autant que son attention avait été attirée dans l'acte sur les conditions de surface et de hauteur pour sa mise en location,

- que M. [U] ne peut prétendre au remboursement de frais, impôts et charges antérieurement à l'interdiction de louer son bien, ceux-ci ayant été compensés par la perception des loyers qui ne seront pas restitués.

Dans ses dernières conclusions notifiées le 1er août 2023, l'Agent judiciaire de l'Etat demande à la cour de :

confirmer la décision de première instance,

En tout état de cause,

déclarer irrecevable l'action à son encontre et le mettre hors de cause,

A titre subsidiaire,

lui donner acte de ce qu'il s'en rapporte purement et simplement à justice sur les mérites de l'appel interjeté par M. [U],

condamner tous succombants solidairement à lui payer une somme de 800 euros sur la base de l'article 700 du code de procédure civile,

condamner tous succombants solidairement aux entiers dépens de première instance comme d'appel et octroyer à la SELARL Duale Ligney Bourdalle le bénéfice des dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.

Au soutien de ses prétentions, il fait valoir :

- qu'il a un mandat exclusif pour représenter l'Etat dans le cadre des procédures judiciaires visant à sa condamnation pécuniaire, ce à peine de nullité de l'assignation ; qu'aucune demande n'est pourtant formée à son encontre et qu'il n'est pas concerné par la procédure, de sorte que l'action dirigée à son encontre est irrecevable,

- qu'il n'était pas partie à la première instance, l'assignation ayant été délivrée à l'Etat pris en la personne de l'un de ses représentants dans le département, le préfet des Pyrénées-Atlantiques en exercice,

- qu'il a soulevé l'irrecevabilité de l'action à son égard dès son premier jeu de conclusions, puis a seulement développé dans son deuxième jeu de conclusions un nouveau moyen au soutien de cette demande, basé sur son absence en première instance,

- qu'il s'agit bien d'une fin de non-recevoir et non une exception de procédure.

L'Etat représenté par le préfet des Pyrénées-Atlantiques n'a pas constitué avocat.

Par ordonnance du 31 janvier 2024, le magistrat chargé de la mise en état a déclaré irrecevable l'appel formé par M. [U] à l'encontre de l'Agent judiciaire de l'Etat, aux motifs que celui-ci n'était pas partie à la première instance, l'Etat étant alors représenté par le préfet des Pyrénées-Atlantiques.

L'ordonnance de clôture a été rendue le 11 décembre 2024.

MOTIFS :

M. [U] demande à la cour dans ses dernières conclusions du 2 juillet 2024 de déclarer irrecevable la demande de l'Agent judiciaire de l'Etat portant sur la confirmation de la décision de première instance et juger que sa demande subsidiaire ayant pour objet le rapport à justice est également irrecevable ; à défaut, de débouter l'Agent judiciaire de l'Etat de l'intégralité de ses demandes formées à son encontre.

Or, le conseiller chargé de la mise en état a déjà déclaré irrecevable l'appel formé par M. [U] à l'encontre de l'Agent judiciaire de l'Etat, de sorte que la cour n'est plus saisie de ces demandes.

Sur la demande d'annulation de la vente pour erreur sur les qualités essentielles du bien immobilier vendu :

Il résulte des dispositions de l'article 1130 du code civil que :

'L'erreur, le dol et la violence vicient le consentement lorsqu'ils sont de telle nature que, sans eux, l'une des parties n'aurait pas contracté ou aurait contracté à des conditions substantiellement différentes.

Leur caractère déterminant s'apprécie eu égard aux personnes et aux circonstances dans lesquelles le consentement a été donné.'

L'article 1132 prévoit :

'L'erreur de droit ou de fait, à moins qu'elle ne soit inexcusable, est une cause de nullité du contrat lorsqu'elle porte sur les qualités essentielles de la prestation due ou sur celles du cocontractant.'

Enfin l'article 1133 dispose que :

'Les qualités essentielles de la prestation sont celles qui ont été expressément ou tacitement convenues et en considération desquelles les parties ont contracté.

L'erreur est une cause de nullité qu'elle porte sur la prestation de l'une ou de l'autre partie.

L'acceptation d'un aléa sur une qualité de la prestation exclut l'erreur relative à cette qualité'.

En l'espèce, M. [U] soutient avoir commis une erreur sur les qualités essentielles de l'immeuble qu'il a acquis, à savoir son habitabilité et la possibilité de donner le bien en location, dans la mesure où il s'est vu notifier le 28 juillet 2015 par le Préfet des Pyrénées-Atlantiques un arrêté de fin de mise à disposition de son appartement, du fait du non respect du règlement sanitaire départemental concernant la superficie, la hauteur sous plafond et les dispositifs de ventilation.

M. et Mme [A] s'opposent à l'annulation de la vente au motif que l'expertise judiciaire ordonnée en référé ne met pas en évidence l'inhabitabilité du bien, et que les services de l'Etat ont commis une erreur sur ce point, erreur qu'il appartenait à M. [U] de contester.

En premier lieu, la question de la surface et du volume à prendre en compte pour déterminer l'habitabilité des locaux litigieux doit être examinée en lecture des conclusions du rapport d'expertise, mais également à la lumière :

- du décret n°2002-120 du 30 janvier 2002 relatif aux caractéristiques du logement décent,

- des articles 40-3 et 40-4 du règlement sanitaire départemental.

L'article 4 du décret n°2002-120 du 30 janvier 2002 prévoit que :

« Le logement dispose au moins d'une pièce principale ayant soit une surface habitable au moins égale à 9 mètres carrés et une hauteur sous plafond au moins égale à 2,20 mètres, soit un volume habitable au moins égal à 20 mètres cubes.

La surface habitable et le volume habitable sont déterminés conformément aux dispositions des deuxième et troisième alinéas de l'article R.111-2 du code de la construction et de l'habitation ».

L'article R.111-2 du code de la construction et de l'habitation fixe à 1,80 mètres la hauteur minimale sous plafond nécessaire au calcul de la surface habitable (Loi Carrez) et écarte du calcul de la surface de plancher les « surfaces occupées par les murs, cloisons, marches et cages d'escaliers, gaines, embrasures de portes et de fenêtres ».

Au regard de l'article 4 du décret précité, le logement doit, pour être considéré comme logement décent, soit respecter la condition de surface (9 m² pour la pièce principale sous 2,20 m de plafond) soit la condition de volume (20 m3), ces conditions n'étant pas cumulatives.

En l'espèce, il résulte du rapport d'expertise que :

- le bien est constitué d'une pièce principale et une salle d'eau (comprenant un lavabo, une douche et un WC), outre l'escalier privatif qui conduit au palier commun du 2ème étage,

- ce lot est compris entre la toiture et le plancher haut du bâtiment, et constitue des combles aménagées,

- d'après le plan du géomètre expert, le studio a une surface au sol de 33,90 m², la surface des espaces dont la hauteur sous plafond est supérieure à 2,20 m est au total de 16,55 m², dont la salle d'eau pour 2,75 m².

- La pièce principale se compose :

d'un palier de 0,73 m²,

d'une partie le long du mur nord de 8,50 m² où la hauteur sous plafond est supérieure à 2,20 m,

de 3 espaces de chiens assis où la hauteur sous plafond oscille de 2,38 m à 2,39 m et dont la surface totale représente 5,30 m²,

d'une partie de 7,02 m² où la hauteur sous plafond est supérieure à 1,80 m mais inférieure à 2,20 m,

d'une partie de 9,60 m² où la hauteur sous plafond est inférieure à 1,80 m.

L'expert indique par conséquent que la surface de la pièce principale - hors palier - avec une hauteur sous plafond d'au moins 2,20 m est au moins de 8,50 m² si l'on exclut les espaces sous les chiens assis, et au plus de 13,80 m² (à savoir 8,50 m² + 5,30 m²), si l'on inclut ces espaces, et que le volume habitable est de 23,80 m3.

Il conclut donc que l'une au moins des conditions non cumulatives posées par l'article 4 du décret du 30 janvier 2002 'paraît donc assurément remplie'.

Le premier juge a estimé que la surface à retenir est 13,80 m² car il n'y a pas lieu de déduire l'espace situé sous les chiens-assis, qui ne peut être qualifié 'd'embrasure de fenêtre'.

La cour partage cette analyse, dans la mesure où une embrasure se définit comme un 'espace évidé dans l'épaisseur d'un mur par l'établissement d'une baie ; partie interne de cet espace, par rapport au dispositif de fermeture, porte ou fenêtre.'

L'espace libre situé sous un chien-assis ne correspond pas à cette définition, l'examen des photographies des lieux permet d'ailleurs de constater que l'occupant peut librement circuler dans cet espace sous les chiens-assis, alors qu'une embrasure ne le permet pas.

En conséquence, le logement vendu à M. [U] respecte bien les conditions de surface et de volume posées par l'article 4 du décret n°2002-120 du 30 janvier 2002.

Mais ce logement doit également respecter les conditions posées par le règlement sanitaire départemental applicable au lieu de l'immeuble, soit le RSD des Pyrénées-Atlantiques, qui peut prévoir des conditions d'habitabilité plus restrictives que le 'socle de base' constitué par les dispositions du décret n°2002-120 du 30 janvier 2002 relatif aux caractéristiques du logement décent.

En l'espèce, le RSD des Pyrénées-Atlantiques résulte d'un arrêté préfectoral du 17 janvier 1979 modifié en dernier lieu par arrêté du 3 mai 1994.

L'article 40-3 du RSD sur la 'superficie des pièces' prévoit :

'L'une au moins des pièces principales du logement doit avoir une surface au sens du décret du 14 juin 1969 supérieure à 9 m². Les autres pièces d'habitation ne peuvent avoir une surface inférieure à 7 m². Dans le cas d'un logement comportant une seule pièce principale ou constituée par une chambre isolée la surface de ladite pièce doit être au moins égale à 9 m². Pour l'évaluation de la surface de chaque pièce, les parties formant dégagement ou cul-de-sac d'une largeur inférieure à 2 m ne sont pas prises en compte ».

L'article 40-4 précise que « la hauteur sous plafond ne doit pas être inférieure à 2,20 m ».

Les conditions des articles 40-3 et 40-4 sont cumulatives.

L'article 2 du décret du 14 juin 1969 auquel se réfère le RSD, dans sa version applicable lors de la rédaction de ce dernier soit au 3 mai 1994, prévoit que 'la surface habitable d'un logement est la surface de plancher construite, après déduction des surfaces occupées par les murs, cloisons, marches et cages d'escaliers, gaines, ébrasements de portes et de fenêtres ; le volume habitable correspond au total des surfaces habitables ainsi définies multipliées par les hauteurs sous plafond.

Il n'est pas tenu compte de la superficie des combles non aménagées, caves, sous-sols, remises, garages, terrasses, loggias, balcons, séchoirs extérieurs au logement, vérandas, locaux communs et autres dépendances des logements, ni des parties de locaux d'une hauteur inférieure à 1,80 mètre.'

En application de ces textes, le logement litigieux, constitué d'une seule pièce principale, doit présenter une surface d'au moins 9 m² en excluant :

- les dégagements ou culs-de-sac d'une largeur inférieure à 2 m : or, la cour relève à la lecture du rapport d'expertise que l'espace cuisine situé le long d'un mur ne peut être considéré comme un dégagement contrairement à ce que soutient M. [U] ; le seul dégagement est le palier de 0,73 m², déjà déduit de ses calculs par l'expert,

- les surfaces ne présentant pas une hauteur sous plafond minimale de 2,20 m (article 40-4 du RSD).

D'après les mesurages repris dans le rapport d'expertise, la surface des espaces, dont la hauteur sous plafond est supérieure à 2,20 m, est au total de 16,55 m² incluant la salle d'eau de 2,75 m², s'agissant de la pièce principale il est retenu par la cour une surface de 13,80 m² car le RSD, pas plus que le décret de 2002, n'imposent de déduire la surface située à l'aplomb des chiens-assis.

Par conséquent, la cour constate comme le premier juge que le logement respecte les normes de surface et de volume habitables tels que définies par le RSD.

C'est de manière erronée que l'arrêté préfectoral du 28 juillet 2015 a retenu que les locaux litigieux 'ne sont pas correctement aménagés en raison de leurs caractéristiques concernant notamment la superficie, la hauteur sous plafond de la pièce principale' sur la base d'une enquête de l'inspectrice de salubrité du 22 avril 2015 exigeant que la pièce principale mesure 9 m² sous une hauteur de plafond de 2,20 m et sur une largeur de plus de 2 mètres, alors que tout espace de moins de 2 mètres de large ne saurait de fait être considéré comme un dégagement ou un cul de sac.

En effet, comme l'a rappelé le premier juge, un « dégagement » est défini comme la partie d'un appartement qui sert de passage, de communication d'une pièce à l'autre, et un « cul-de-sac » est défini comme une rue, un chemin, un passage sans issue, une impasse.

Le plan et les photographies du studio litigieux montrent qu'il n'y existe aucun endroit servant à passer d'une pièce à l'autre, puisqu'il s'agit d'une pièce unique, hormis la salle d'eau à laquelle l'accès est direct, et qu'il n'y existe aucun cul-de-sac.

Il s'évince de ces constatations que le logement litigieux respecte bien le RSD en termes de surface et de volume habitables.

Par ailleurs, pour déterminer le caractère habitable du logement, il convient également d'examiner la question de l'aération de ce logement, à la lumière de l'article 2 du décret du 30 janvier 2002 et de l'article 40-1 du règlement sanitaire départemental.

L'article 2 du décret du 30 janvier 2002 indique que les dispositifs d'ouverture et les éventuels dispositifs de ventilation des logements doivent être en bon état et permettre un renouvellement de l'air et une évacuation de l'humidité adaptée aux besoins d'une occupation normale du logement et au fonctionnement des équipements.

L'article 40-1 du RSD relatif aux 'ouvertures et ventilations' dispose que :

'Les pièces principales les chambres isolées doivent être munies d'ouvertures donnant à l'air libre et présentant une section ouvrante permettant une aération suffisante'.

L'expert estime que les trois ouvrants figurant dans le logement, des Velux, assurent une aération suffisante des lieux au regard des textes précités (un quatrième Velux étant présent dans la cage d'escalier privative et ouverte sur la pièce principale, du côté cuisine). Par ailleurs l'expert a constaté que la salle d'eau comprenait une ventilation mécanique contrôlée (VMC).

Il est précisé que la cuisine se trouve dans la pièce principale, et non dans une pièce séparée, de sorte que les développements de M. [U] sur l'absence d'arrivée d'air en partie basse dans la cuisine sont inopérants puisqu'ils concernent, au sens de l'arrêté du 24 mars 1982 visé par l'article 40-1 du RSD, les pièces de service séparées de la pièce principale.

Ainsi, c'est de manière impropre que les services de l'État ont estimé que la ventilation du logement était incomplète, en notant dans l'enquête de salubrité que la ventilation mécanique était absente dans la pièce de vie, alors qu'elle n'est pas nécessaire au regard des textes précités et de l'existence de trois ouvrants, et que celle présente dans la salle d'eau ne « semble pas fonctionner correctement » alors qu'aucune mesure n'a été réalisée ; l'expert précise pour sa part que cette VMC dans la salle de bains fonctionne conjointement à l'éclairage, et qu'il n'a pu en vérifier le fonctionnement, l'électricité étant coupée.

La cour estime comme le premier juge que les conditions de ventilation et d'aération du logement permettent de considérer celui-ci comme décent.

Enfin, M. [U] évoque les conditions d'évacuation du logement en cas d'incendie, que les services préfectoraux estimeraient insuffisantes.

Si la difficulté a été relevée lors de l'enquête de salubrité, force est de constater que l'arrêté préfectoral portant mise en demeure de mettre fin à la mise à disposition aux fins d'habitation des locaux ne vise nullement une difficulté quant à l'évacuation des lieux ; de plus l'expert a considéré qu'il suffisait d'installer une main courante sur l'escalier, ces travaux étant chiffrés au coût de 563,60 €.

En tout état de cause, cet élément ne remet pas en question le caractère habitable du logement ni la possibilité de le donner à bail.

L'erreur sur les qualités essentielles du bien vendu ne peut donc être retenue.

En conséquence, le jugement entrepris sera confirmé en ce qu'il a rejeté les demandes de M. [U].

Sur le surplus des demandes :

M. [U], succombant, sera condamné aux dépens de première instance par confirmation du jugement déféré ainsi qu'aux dépens d'appel, et à payer à M. et Mme [A] la somme de 2 000 € au titre des frais irrépétibles exposés en appel, cette somme s'ajoutant à celle allouée à M. et Mme [A] en première instance.

PAR CES MOTIFS :

La cour, après en avoir délibéré,

Statuant publiquement, par arrêt réputé contradictoire et en dernier ressort,

Confirme le jugement entrepris en toutes ses dispositions,

Y ajoutant,

Condamne M. [S] [U] à payer à M. [C] [A] et Mme [O] [A] la somme totale de 2 000 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile au titre des frais irrépétibles exposés en appel,

Condamne M. [S] [U] aux dépens d'appel.

Le présent arrêt a été signé par Madame FAURE, Présidente, et par Monsieur VIGNASSE, Greffier, auquel la minute de la décision a été remise par la magistrate signataire.

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