CA Reims, ch.-1 civ. et com., 4 mars 2025, n° 23/01737
REIMS
Arrêt
Autre
ARRET N°
du 04 mars 2025
R.G : 23/01737
N° Portalis DBVQ-V-B7H-FNA3
SARL TCA ASSURANCES
c/
SARL VILLA CARREE
Formule exécutoire le :
à :
la SCP HERMINE AVOCATS ASSOCIES
COUR D'APPEL DE REIMS
CHAMBRE CIVILE ET COMMERCIALE
ARRET DU 04 MARS 2025
APPELANTE :
d'un jugement rendu le 10 octobre 2023 par le tribunal de commerce de REIMS,
la SARL TCA Assurances, anciennement dénommée la société TRANSCONSEIL ASSURANCES, société à responsabilité limitée au capital de 152 449 euros, immatriculée au Registre du commerce et des sociétés de PARIS sous le numéro 343.243.721, ayant établissement principal [Adresse 1], à [Localité 5], agissant poursuites et diligences de son président en exercice, domicilié de droit au siège :
[Adresse 4]
[Localité 3],
Représentée par Me Nicolas HÜBSCH, avocat au barreau de REIMS (SELARL HBS),
INTIMEE :
la SARL VILLA CARREE, société à responsabilité limitée au capital de 5 000 euros, immatriculée au Registre du commerce et des sociétés de STRASBOURG sous le numéro 803.064.518, prise en la personne de ses représentants légaux, domiciliés de droit au siège :
[Adresse 2]
[Localité 6],
Représentée par Me Florence SIX, avocat au barreau de REIMS (SCP HERMINE AVOCATS ASSOCIES), avocat postulant, et par Me Jennifer GUIGUI, avocat au barreau de GRASSE, avocat plaidant,
COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DEBATS :
Madame Sandrine PILON conseillère, a entendu les plaidoiries, les parties ne s'y étant pas opposées. Elle en a rendu compte à la cour lors de son délibéré.
COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DELIBERE :
Madame Christina DIAS DA SILVA, présidente de chambre,
Madame Sandrine PILON, conseillère,
Monsieur Kevin LECLERE-VUE, conseiller,
GREFFIER LORS DES DEBATS ET DE LA MISE A DISPOSITION :
Madame Jocelyne DRAPIER, greffier,
DEBATS :
A l'audience publique du 20 janvier 2025, où l'affaire a été mise en délibéré au 4 mars 2025,
ARRET :
Contradictoire, prononcé par mise à disposition au greffe le 4 mars 2025 et signé par Madame Sandrine PILON, conseillère, en remplacement de la présidente de chambre régulièrement empêchée, et Madame Jocelyne DRAPIER, greffier, auquel la minute a été remise par le magistrat signataire.
* * *
Le 12 février 2015, la SARL Villa Carrée, qui exploite des locaux à usage de discothèque à [Localité 6] (Bas-Rhin), a transmis à la société Trans Conseil Assurances, courtier d'assurance, à présent dénommée SARL TCA Assurances, l'ordre ferme exclusif de souscrire un contrat d'assurance pour la garantie de son établissement.
Le 10 décembre 2015, la SARL Villa Carrée a signé un certificat d'assurance auprès de la société Gefion Insurance A/S, société d'assurance de droit danois.
Par acte du 19 décembre 2019, la société TCA Assurances a fait assigner la SARL Villa Carrée devant le tribunal de commerce de Reims afin de l'entendre condamner à lui payer la somme de 15 918.38 euros au titre de primes non réglées.
La société Villa Carrée a sollicité la condamnation du courtier à lui verser 8 000 euros à titre de dommages intérêts du fait de ses manquements contractuels dans la prise en charge d'un sinistre, ainsi que 5 000 euros en réparation de son préjudice moral.
Par jugement du 10 octobre 2023, le tribunal a :
- reçu la société TCA Assurances en ses demandes, mais l'a déclarée mal fondée,
- condamné la société TCA Assurances à payer à la SARL Villa Carrée la somme de 5 000 euros à titre de dommages intérêts du fait de la non-indemnisation du sinistre en application de l'article 1231-1 du code civil,
- débouté la SARL Villa Carrée de sa demande de dommages intérêts pour préjudice moral,
- condamné la société TCA Assurances à payer à la SARL Villa Carrée la somme de 2 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
- rejeté toutes autres demandes, fins et conclusions des parties,
- ordonné l'exécution provisoire,
- condamné la société TCA Assurances aux entiers dépens dont frais de greffe liquidés à la somme de 73.22 euros TTC.
La SARL TCA Assurances a interjeté appel de ce jugement par déclaration du 2 novembre 2023.
Par conclusions notifiées par voie électronique le 22 juillet 2024, elle demande à la cour de :
- infirmer le jugement, sauf en ce qu'il a débouté la société Villa Carrée de sa demande de dommages intérêts pour préjudice moral,
Et statuant de nouveau,
- condamner la société Villa Carrée à lui régler la somme de 15 918.38 euros avec intérêts au taux légal à compter du 13 mai 2019, date de réception de la mise en demeure,
- condamner la société Villa Carrée à lui payer la somme de 5 000 euros à titre de dommages intérêts pour résistance abusive et injustifiée et atteinte à son image,
- débouter la société Villa Carrée de l'ensemble de ses demandes, fins et conclusions,
- condamner la société Villa Carrée à lui régler la somme de 3 000 euros au titre des frais irrépétibles exposés en première instance sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,
- condamner la société Villa Carrée à lui régler la somme de 4 500 euros au titre des frais irrépétibles exposés à hauteur d'appel sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,
- condamner la société Villa Carrée aux entiers dépens de première instance et d'appel dont distraction au profit de Me Nicolas Hübsch, avocat membre de la SELARL HBS, conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.
La société TCA Assurances expose qu'elle a reçu mandat de la société Gefion Insurance, qui lui donne l'habilitation nécessaire pour gérer les contrats d'assurance et solliciter le règlement des primes.
Elle précise que la société Gefion Insurance a fait l'objet d'un retrait d'agrément puis d'une liquidation postérieurement à l'émission de la facture dont elle demande le paiement, mais que ces événements n'ont pas mis un terme à son mandat, qu'elle continue de gérer les sinistres pour le compte de la société Gefion Insurance et que la liquidation n'a pas éteint les obligations des assurés, ni les siennes.
Elle explique que la société Villa Carrée a subi un sinistre le 23 juillet 2017, soit antérieurement au retrait d'agrément de la société Gefion Insurance et qu'après expertise, un refus de garantie lui a été opposé, sans lien avec la situation financière de cette dernière, mais parce que les biens endommagés sont hors champ de l'assurance. Elle précise que ces faits et la question de la mise en 'uvre du contrat d'assurance font l'objet d'une procédure actuellement pendante devant le tribunal judiciaire de Strasbourg. Elle estime que la question de l'indemnisation de ce sinistre est sans lien avec la présente affaire et qu'elle ne saurait justifier l'exception d'inexécution invoquée par la société Villa Carrée, outre le fait que le tribunal de commerce de Reims ne pouvait se prononcer sur la mise en 'uvre du contrat d'assurance.
Elle conteste avoir modifié unilatéralement le contrat et affirme qu'aucun avenant n'a été mis en 'uvre, le contrat s'étant poursuivi et renouvelé sur la base des conditions initiales à défaut de résiliation de la part de la société Villa Carrée ou d'acceptation de sa part de la proposition d'offre de renouvellement.
Elle réfute tout manquement de sa part à ses obligations de conseil et d'information quant à l'étendue des garanties et soutient qu'aucune faute de sa part, ni aucun préjudice pour la société Villa Carrée ne sont démontrés tant que le tribunal de Strasbourg ne s'est pas prononcé sur la mise en 'uvre du contrat d'assurance.
Elle ajoute qu'il ne peut lui être reproché de ne pas avoir avisé la société Villa Carrée des difficultés financières de la société Gefion Insurance alors qu'elle n'en avait pas elle-même connaissance, les alertes des autorités de contrôle étant postérieures à la date de souscription du contrat, puis de son renouvellement. Elle ajoute que la situation financière de l'assureur n'a jamais eu d'incidence sur la gestion des sinistres.
Par conclusions notifiées par voie électronique le 17 octobre 2024, la SARL Villa Carrée demande de :
- confirmer le jugement en ce qu'il déboute la société TCA Assurances de ses demandes, fins et conclusions,
- débouter la société TCA Assurances de l'ensemble de ses demandes reconventionnelles formées en cause d'appel à son encontre,
A titre incident,
- infirmer le jugement en ce qu'il la déboute de sa demande d'indemnisation de son préjudice moral découlant de la particulière mauvaise foi et de l'attitude déloyale adoptée par la société TCA Assurances dans l'exécution de ses obligations contractuelles,
- infirmer le jugement entrepris en ce qu'il condamne la société TCA Assurances à lui verser la somme de 5 000 euros à titre de dommages intérêt du fait du refus d'indemnisation du sinistre en application de l'article 1231-1 du code civil,
Statuant à nouveau,
- condamner la société TCA Assurances au paiement de la somme de 5 000 euros à titre de dommages intérêts en réparation de son préjudice moral,
- condamner la société TCA Assurances au paiement de la somme de 8 000 euros à titre de dommages intérêts du fait du refus d'indemnisation du sinistre en application de l'article 1231-1 du code civil,
Et reconventionnellement,
- condamner la société TCA Assurances à lui régler la somme de 4 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens de l'instance en cause d'appel.
La société Villa Carrée conteste l'intérêt à agir de la société TCA Assurances, faute d'un pouvoir de la société Gefion Insurance. Elle estime, en outre, que la société appelante ne peut réclamer le règlement de primes d'assurance en vue d'exécuter un contrat dont l'assureur est en état de cessation des paiements et qui est manifestement incapable de respecter ses obligations contractuelles. Elle estime que la société TCA Assurances tente désormais de se voir attribuer les primes à son seul profit.
Sur le fond, elle s'oppose au paiement des primes en invoquant l'exception d'inexécution, compte tenu du refus de la société Gefion Insurance de l'indemniser à la suite du sinistre qu'elle a subi le 23 juillet 2017, qu'elle considère comme une inexécution contractuelle de la part de cette dernière.
Elle estime que la société TCA Assurances a manqué à son devoir d'information et de conseil, lui faisant reproche de ne pas l'avoir informée de ce qu'elle ne serait certainement pas indemnisée par son assureur au vu de sa situation financière et d'avoir continué de s'assurer du renouvellement tacite du contrat d'assurance.
Elle affirme qu'elle n'a pas accepté la proposition d'avenant que la société TCA Assurances lui a fait parvenir après le sinistre et qu'elle a légitimement cru que le contrat était résilié, ce pour quoi elle s'est assurée auprès d'une autre compagnie d'assurance ; elle conteste, dès lors, le fait que ce contrat ait pu être tacitement reconduit et estime que les sommes qui lui sont réclamées sont donc indues.
L'ordonnance de clôture a été rendue le 17 décembre 2024, l'affaire étant renvoyée à l'audience du 20 janvier 2025 pour être plaidée.
MOTIFS
Sur la demande en paiement des primes d'assurance :
La fiche ORIAS de la société TCA Assurances mentionne que celle-ci est courtier d'assurances.
Cette société produit une « attestation de mandat » par laquelle la société Gefion Insurance atteste qu'elle est son mandataire.
La société Villa Carrée fait valoir que cet acte est très succinct et ne donne pas d'informations sur l'objet des missions du mandataire, ni leur durée.
Il convient, en tout état de cause, de relever que la société TCA Assurances figure à la présente instance en son nom personnel et non en qualité de mandataire de la société Gefion Insurance, seule créancière des primes d'assurance, dont la liquidation judiciaire en cours suppose en outre que ce mandat soit donné par son liquidateur.
La société TCA Assurances doit donc être déboutée de sa demande en paiement des primes d'assurance, le jugement étant confirmé de ce chef.
Sur les demandes de la société Villa Carrée en paiement de dommages intérêts :
Le contrat d'assurance a été renouvelé tacitement les 10 février 2018 et 10 février 2019, aux conditions initiales. Le montant des primes réclamées au titre de ces deux reconductions correspond d'ailleurs à celui des primes réclamées pour l'année 2017. Il ne peut donc être reproché à la société TCA Assurances d'avoir modifié le contrat initial en cours et inséré un avenant sans en avertir la SARL Villa Carrée et sans obtenir l'accord de cette dernière.
La société Villa Carrée estime que la société TCA Assurances a tenté de lui faire du chantage en lui proposant une indemnisation du sinistre subi le 23 juillet 2017 à hauteur de 20 000 euros à condition que la prime augmente de 7 000 euros à 15 916 euros. Cependant, elle n'a pas donné suite à cette proposition et ne justifie pas du préjudice qui résulterait pour elle de ces faits.
Elle reproche en outre à la société TCA Assurances un manquement à son devoir de conseil et d'information en expliquant qu'elle pensait être légitimement assurée pour les dommages concernant sa piscine et son mobilier extérieur mais elle fait également reproche à la société Gefion Insurance de lui refuser sa garantie, qu'elle estime lui être acquise, et une instance est pendante à ce sujet devant le tribunal judiciaire de Strasbourg.
Elle estime encore que la société TCA Assurances a manqué à ses obligations en ne l'informant pas volontairement de la mauvaise situation financière de la société Gefion Insurance.
Le retrait de l'autorisation de cette dernière comme compagnie d'assurance, sa liquidation et le jugement de déclaration de faillite sont cependant postérieurs au dernier renouvellement tacite du contrat d'assurance de la société Villa Carrée, le 10 février 2019. Il ne peut être reproché à l'intermédiaire de ne pas avoir eu connaissance du bilan déficitaire de l'assureur en 2016 et en 2018 ou de ne pas avoir tiré de conclusions quant à la santé financière de ce dernier d'augmentations de son capital, alors que les décisions du régulateur danois, qui ont abouti au retrait de son agrément sont intervenues entre juillet 2019 et juin 2020.
Comme la société TCA Assurances le fait valoir, il n'est en outre pas établi que le refus de garantie du sinistre du 23 juillet 2017 soit lié à la situation financière de la société Gefion Insurance, de sorte qu'il n'est pas justifié d'un préjudice pour la société Villa Carrée en lien avec l'absence d'informations sur ladite situation.
En conséquence, la société Villa Carrée doit être déboutée de sa demande en paiement d'une indemnité fondée sur le refus de garantie du sinistre du 23 juillet 2017, le jugement étant infirmé de ce chef.
Elle ne justifie pas du préjudice moral dont elle demande réparation en invoquant la particulière mauvaise foi et l'attitude particulièrement déloyale de la société TCA Assurances. Cette demande doit donc être rejetée, le jugement étant confirmé de ce chef.
Sur la demande de la société TCA Assurances en paiement de dommages intérêts pour résistance abusive et injustifiée et atteinte à son image :
La société TCA Assurances est déboutée de sa demande principale en paiement des primes d'assurance. Elle ne démontre pas l'existence d'une faute de la société Villa Carrée justifiant l'octroi de dommages intérêts pour résistance abusive et injustifiée, ni d'une volonté de celle-ci de porter atteinte à son image au-delà du droit dont elle dispose d'agir et de se défendre en justice.
Sa demande en paiement d'une indemnité est donc rejetée, le jugement étant confirmé de ce chef.
Sur les dépens et frais irrépétibles :
Le jugement est confirmé du chef des dépens et frais irrépétibles de première instance.
La société TCA Assurances, qui succombe en ses demandes, doit supporter les dépens de la procédure d'appel et sa demande fondée sur l'article 700 du code de procédure civile est rejetée.
Il est équitable d'allouer à la société Villa Carrée la somme de 2 000 euros pour ses frais irrépétibles d'appel.
PAR CES MOTIFS :
La cour, statuant contradictoirement,
Confirme le jugement rendu le 10 octobre 2023 par le tribunal de commerce de Reims, sauf en ce qu'il condamne la société TCA Assurances à payer à la SARL Villa Carrée la somme de 5 000 euros à titre de dommages intérêts du fait de la non indemnisation du sinistre,
Statuant à nouveau de ce chef et y ajoutant,
Déboute la SARL Villa Carrée de sa demande en paiement de dommages intérêts du fait de la non indemnisation du sinistre,
Condamne la société TCA Assurances aux dépens d'appel,
Condamne la société TCA Assurances à payer à la SARL Villa Carrée la somme de 2 000 euros pour ses frais irrépétibles d'appel,
Déboute la société TCA Assurances de sa demande fondée sur l'article 700 du code de procédure civile.
Le greffier, La conseillère en remplacement
de la présidente de chambre
régulièrement empêchée,
du 04 mars 2025
R.G : 23/01737
N° Portalis DBVQ-V-B7H-FNA3
SARL TCA ASSURANCES
c/
SARL VILLA CARREE
Formule exécutoire le :
à :
la SCP HERMINE AVOCATS ASSOCIES
COUR D'APPEL DE REIMS
CHAMBRE CIVILE ET COMMERCIALE
ARRET DU 04 MARS 2025
APPELANTE :
d'un jugement rendu le 10 octobre 2023 par le tribunal de commerce de REIMS,
la SARL TCA Assurances, anciennement dénommée la société TRANSCONSEIL ASSURANCES, société à responsabilité limitée au capital de 152 449 euros, immatriculée au Registre du commerce et des sociétés de PARIS sous le numéro 343.243.721, ayant établissement principal [Adresse 1], à [Localité 5], agissant poursuites et diligences de son président en exercice, domicilié de droit au siège :
[Adresse 4]
[Localité 3],
Représentée par Me Nicolas HÜBSCH, avocat au barreau de REIMS (SELARL HBS),
INTIMEE :
la SARL VILLA CARREE, société à responsabilité limitée au capital de 5 000 euros, immatriculée au Registre du commerce et des sociétés de STRASBOURG sous le numéro 803.064.518, prise en la personne de ses représentants légaux, domiciliés de droit au siège :
[Adresse 2]
[Localité 6],
Représentée par Me Florence SIX, avocat au barreau de REIMS (SCP HERMINE AVOCATS ASSOCIES), avocat postulant, et par Me Jennifer GUIGUI, avocat au barreau de GRASSE, avocat plaidant,
COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DEBATS :
Madame Sandrine PILON conseillère, a entendu les plaidoiries, les parties ne s'y étant pas opposées. Elle en a rendu compte à la cour lors de son délibéré.
COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DELIBERE :
Madame Christina DIAS DA SILVA, présidente de chambre,
Madame Sandrine PILON, conseillère,
Monsieur Kevin LECLERE-VUE, conseiller,
GREFFIER LORS DES DEBATS ET DE LA MISE A DISPOSITION :
Madame Jocelyne DRAPIER, greffier,
DEBATS :
A l'audience publique du 20 janvier 2025, où l'affaire a été mise en délibéré au 4 mars 2025,
ARRET :
Contradictoire, prononcé par mise à disposition au greffe le 4 mars 2025 et signé par Madame Sandrine PILON, conseillère, en remplacement de la présidente de chambre régulièrement empêchée, et Madame Jocelyne DRAPIER, greffier, auquel la minute a été remise par le magistrat signataire.
* * *
Le 12 février 2015, la SARL Villa Carrée, qui exploite des locaux à usage de discothèque à [Localité 6] (Bas-Rhin), a transmis à la société Trans Conseil Assurances, courtier d'assurance, à présent dénommée SARL TCA Assurances, l'ordre ferme exclusif de souscrire un contrat d'assurance pour la garantie de son établissement.
Le 10 décembre 2015, la SARL Villa Carrée a signé un certificat d'assurance auprès de la société Gefion Insurance A/S, société d'assurance de droit danois.
Par acte du 19 décembre 2019, la société TCA Assurances a fait assigner la SARL Villa Carrée devant le tribunal de commerce de Reims afin de l'entendre condamner à lui payer la somme de 15 918.38 euros au titre de primes non réglées.
La société Villa Carrée a sollicité la condamnation du courtier à lui verser 8 000 euros à titre de dommages intérêts du fait de ses manquements contractuels dans la prise en charge d'un sinistre, ainsi que 5 000 euros en réparation de son préjudice moral.
Par jugement du 10 octobre 2023, le tribunal a :
- reçu la société TCA Assurances en ses demandes, mais l'a déclarée mal fondée,
- condamné la société TCA Assurances à payer à la SARL Villa Carrée la somme de 5 000 euros à titre de dommages intérêts du fait de la non-indemnisation du sinistre en application de l'article 1231-1 du code civil,
- débouté la SARL Villa Carrée de sa demande de dommages intérêts pour préjudice moral,
- condamné la société TCA Assurances à payer à la SARL Villa Carrée la somme de 2 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
- rejeté toutes autres demandes, fins et conclusions des parties,
- ordonné l'exécution provisoire,
- condamné la société TCA Assurances aux entiers dépens dont frais de greffe liquidés à la somme de 73.22 euros TTC.
La SARL TCA Assurances a interjeté appel de ce jugement par déclaration du 2 novembre 2023.
Par conclusions notifiées par voie électronique le 22 juillet 2024, elle demande à la cour de :
- infirmer le jugement, sauf en ce qu'il a débouté la société Villa Carrée de sa demande de dommages intérêts pour préjudice moral,
Et statuant de nouveau,
- condamner la société Villa Carrée à lui régler la somme de 15 918.38 euros avec intérêts au taux légal à compter du 13 mai 2019, date de réception de la mise en demeure,
- condamner la société Villa Carrée à lui payer la somme de 5 000 euros à titre de dommages intérêts pour résistance abusive et injustifiée et atteinte à son image,
- débouter la société Villa Carrée de l'ensemble de ses demandes, fins et conclusions,
- condamner la société Villa Carrée à lui régler la somme de 3 000 euros au titre des frais irrépétibles exposés en première instance sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,
- condamner la société Villa Carrée à lui régler la somme de 4 500 euros au titre des frais irrépétibles exposés à hauteur d'appel sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,
- condamner la société Villa Carrée aux entiers dépens de première instance et d'appel dont distraction au profit de Me Nicolas Hübsch, avocat membre de la SELARL HBS, conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.
La société TCA Assurances expose qu'elle a reçu mandat de la société Gefion Insurance, qui lui donne l'habilitation nécessaire pour gérer les contrats d'assurance et solliciter le règlement des primes.
Elle précise que la société Gefion Insurance a fait l'objet d'un retrait d'agrément puis d'une liquidation postérieurement à l'émission de la facture dont elle demande le paiement, mais que ces événements n'ont pas mis un terme à son mandat, qu'elle continue de gérer les sinistres pour le compte de la société Gefion Insurance et que la liquidation n'a pas éteint les obligations des assurés, ni les siennes.
Elle explique que la société Villa Carrée a subi un sinistre le 23 juillet 2017, soit antérieurement au retrait d'agrément de la société Gefion Insurance et qu'après expertise, un refus de garantie lui a été opposé, sans lien avec la situation financière de cette dernière, mais parce que les biens endommagés sont hors champ de l'assurance. Elle précise que ces faits et la question de la mise en 'uvre du contrat d'assurance font l'objet d'une procédure actuellement pendante devant le tribunal judiciaire de Strasbourg. Elle estime que la question de l'indemnisation de ce sinistre est sans lien avec la présente affaire et qu'elle ne saurait justifier l'exception d'inexécution invoquée par la société Villa Carrée, outre le fait que le tribunal de commerce de Reims ne pouvait se prononcer sur la mise en 'uvre du contrat d'assurance.
Elle conteste avoir modifié unilatéralement le contrat et affirme qu'aucun avenant n'a été mis en 'uvre, le contrat s'étant poursuivi et renouvelé sur la base des conditions initiales à défaut de résiliation de la part de la société Villa Carrée ou d'acceptation de sa part de la proposition d'offre de renouvellement.
Elle réfute tout manquement de sa part à ses obligations de conseil et d'information quant à l'étendue des garanties et soutient qu'aucune faute de sa part, ni aucun préjudice pour la société Villa Carrée ne sont démontrés tant que le tribunal de Strasbourg ne s'est pas prononcé sur la mise en 'uvre du contrat d'assurance.
Elle ajoute qu'il ne peut lui être reproché de ne pas avoir avisé la société Villa Carrée des difficultés financières de la société Gefion Insurance alors qu'elle n'en avait pas elle-même connaissance, les alertes des autorités de contrôle étant postérieures à la date de souscription du contrat, puis de son renouvellement. Elle ajoute que la situation financière de l'assureur n'a jamais eu d'incidence sur la gestion des sinistres.
Par conclusions notifiées par voie électronique le 17 octobre 2024, la SARL Villa Carrée demande de :
- confirmer le jugement en ce qu'il déboute la société TCA Assurances de ses demandes, fins et conclusions,
- débouter la société TCA Assurances de l'ensemble de ses demandes reconventionnelles formées en cause d'appel à son encontre,
A titre incident,
- infirmer le jugement en ce qu'il la déboute de sa demande d'indemnisation de son préjudice moral découlant de la particulière mauvaise foi et de l'attitude déloyale adoptée par la société TCA Assurances dans l'exécution de ses obligations contractuelles,
- infirmer le jugement entrepris en ce qu'il condamne la société TCA Assurances à lui verser la somme de 5 000 euros à titre de dommages intérêt du fait du refus d'indemnisation du sinistre en application de l'article 1231-1 du code civil,
Statuant à nouveau,
- condamner la société TCA Assurances au paiement de la somme de 5 000 euros à titre de dommages intérêts en réparation de son préjudice moral,
- condamner la société TCA Assurances au paiement de la somme de 8 000 euros à titre de dommages intérêts du fait du refus d'indemnisation du sinistre en application de l'article 1231-1 du code civil,
Et reconventionnellement,
- condamner la société TCA Assurances à lui régler la somme de 4 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens de l'instance en cause d'appel.
La société Villa Carrée conteste l'intérêt à agir de la société TCA Assurances, faute d'un pouvoir de la société Gefion Insurance. Elle estime, en outre, que la société appelante ne peut réclamer le règlement de primes d'assurance en vue d'exécuter un contrat dont l'assureur est en état de cessation des paiements et qui est manifestement incapable de respecter ses obligations contractuelles. Elle estime que la société TCA Assurances tente désormais de se voir attribuer les primes à son seul profit.
Sur le fond, elle s'oppose au paiement des primes en invoquant l'exception d'inexécution, compte tenu du refus de la société Gefion Insurance de l'indemniser à la suite du sinistre qu'elle a subi le 23 juillet 2017, qu'elle considère comme une inexécution contractuelle de la part de cette dernière.
Elle estime que la société TCA Assurances a manqué à son devoir d'information et de conseil, lui faisant reproche de ne pas l'avoir informée de ce qu'elle ne serait certainement pas indemnisée par son assureur au vu de sa situation financière et d'avoir continué de s'assurer du renouvellement tacite du contrat d'assurance.
Elle affirme qu'elle n'a pas accepté la proposition d'avenant que la société TCA Assurances lui a fait parvenir après le sinistre et qu'elle a légitimement cru que le contrat était résilié, ce pour quoi elle s'est assurée auprès d'une autre compagnie d'assurance ; elle conteste, dès lors, le fait que ce contrat ait pu être tacitement reconduit et estime que les sommes qui lui sont réclamées sont donc indues.
L'ordonnance de clôture a été rendue le 17 décembre 2024, l'affaire étant renvoyée à l'audience du 20 janvier 2025 pour être plaidée.
MOTIFS
Sur la demande en paiement des primes d'assurance :
La fiche ORIAS de la société TCA Assurances mentionne que celle-ci est courtier d'assurances.
Cette société produit une « attestation de mandat » par laquelle la société Gefion Insurance atteste qu'elle est son mandataire.
La société Villa Carrée fait valoir que cet acte est très succinct et ne donne pas d'informations sur l'objet des missions du mandataire, ni leur durée.
Il convient, en tout état de cause, de relever que la société TCA Assurances figure à la présente instance en son nom personnel et non en qualité de mandataire de la société Gefion Insurance, seule créancière des primes d'assurance, dont la liquidation judiciaire en cours suppose en outre que ce mandat soit donné par son liquidateur.
La société TCA Assurances doit donc être déboutée de sa demande en paiement des primes d'assurance, le jugement étant confirmé de ce chef.
Sur les demandes de la société Villa Carrée en paiement de dommages intérêts :
Le contrat d'assurance a été renouvelé tacitement les 10 février 2018 et 10 février 2019, aux conditions initiales. Le montant des primes réclamées au titre de ces deux reconductions correspond d'ailleurs à celui des primes réclamées pour l'année 2017. Il ne peut donc être reproché à la société TCA Assurances d'avoir modifié le contrat initial en cours et inséré un avenant sans en avertir la SARL Villa Carrée et sans obtenir l'accord de cette dernière.
La société Villa Carrée estime que la société TCA Assurances a tenté de lui faire du chantage en lui proposant une indemnisation du sinistre subi le 23 juillet 2017 à hauteur de 20 000 euros à condition que la prime augmente de 7 000 euros à 15 916 euros. Cependant, elle n'a pas donné suite à cette proposition et ne justifie pas du préjudice qui résulterait pour elle de ces faits.
Elle reproche en outre à la société TCA Assurances un manquement à son devoir de conseil et d'information en expliquant qu'elle pensait être légitimement assurée pour les dommages concernant sa piscine et son mobilier extérieur mais elle fait également reproche à la société Gefion Insurance de lui refuser sa garantie, qu'elle estime lui être acquise, et une instance est pendante à ce sujet devant le tribunal judiciaire de Strasbourg.
Elle estime encore que la société TCA Assurances a manqué à ses obligations en ne l'informant pas volontairement de la mauvaise situation financière de la société Gefion Insurance.
Le retrait de l'autorisation de cette dernière comme compagnie d'assurance, sa liquidation et le jugement de déclaration de faillite sont cependant postérieurs au dernier renouvellement tacite du contrat d'assurance de la société Villa Carrée, le 10 février 2019. Il ne peut être reproché à l'intermédiaire de ne pas avoir eu connaissance du bilan déficitaire de l'assureur en 2016 et en 2018 ou de ne pas avoir tiré de conclusions quant à la santé financière de ce dernier d'augmentations de son capital, alors que les décisions du régulateur danois, qui ont abouti au retrait de son agrément sont intervenues entre juillet 2019 et juin 2020.
Comme la société TCA Assurances le fait valoir, il n'est en outre pas établi que le refus de garantie du sinistre du 23 juillet 2017 soit lié à la situation financière de la société Gefion Insurance, de sorte qu'il n'est pas justifié d'un préjudice pour la société Villa Carrée en lien avec l'absence d'informations sur ladite situation.
En conséquence, la société Villa Carrée doit être déboutée de sa demande en paiement d'une indemnité fondée sur le refus de garantie du sinistre du 23 juillet 2017, le jugement étant infirmé de ce chef.
Elle ne justifie pas du préjudice moral dont elle demande réparation en invoquant la particulière mauvaise foi et l'attitude particulièrement déloyale de la société TCA Assurances. Cette demande doit donc être rejetée, le jugement étant confirmé de ce chef.
Sur la demande de la société TCA Assurances en paiement de dommages intérêts pour résistance abusive et injustifiée et atteinte à son image :
La société TCA Assurances est déboutée de sa demande principale en paiement des primes d'assurance. Elle ne démontre pas l'existence d'une faute de la société Villa Carrée justifiant l'octroi de dommages intérêts pour résistance abusive et injustifiée, ni d'une volonté de celle-ci de porter atteinte à son image au-delà du droit dont elle dispose d'agir et de se défendre en justice.
Sa demande en paiement d'une indemnité est donc rejetée, le jugement étant confirmé de ce chef.
Sur les dépens et frais irrépétibles :
Le jugement est confirmé du chef des dépens et frais irrépétibles de première instance.
La société TCA Assurances, qui succombe en ses demandes, doit supporter les dépens de la procédure d'appel et sa demande fondée sur l'article 700 du code de procédure civile est rejetée.
Il est équitable d'allouer à la société Villa Carrée la somme de 2 000 euros pour ses frais irrépétibles d'appel.
PAR CES MOTIFS :
La cour, statuant contradictoirement,
Confirme le jugement rendu le 10 octobre 2023 par le tribunal de commerce de Reims, sauf en ce qu'il condamne la société TCA Assurances à payer à la SARL Villa Carrée la somme de 5 000 euros à titre de dommages intérêts du fait de la non indemnisation du sinistre,
Statuant à nouveau de ce chef et y ajoutant,
Déboute la SARL Villa Carrée de sa demande en paiement de dommages intérêts du fait de la non indemnisation du sinistre,
Condamne la société TCA Assurances aux dépens d'appel,
Condamne la société TCA Assurances à payer à la SARL Villa Carrée la somme de 2 000 euros pour ses frais irrépétibles d'appel,
Déboute la société TCA Assurances de sa demande fondée sur l'article 700 du code de procédure civile.
Le greffier, La conseillère en remplacement
de la présidente de chambre
régulièrement empêchée,