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Décisions

CA Aix-en-Provence, ch. 4-3, 27 février 2025, n° 24/00269

AIX-EN-PROVENCE

Arrêt

Autre

CA Aix-en-Provence n° 24/00269

27 février 2025

COUR D'APPEL D'AIX-EN-PROVENCE

Chambre 4-3

ARRÊT AU FOND

DU 27 FEVRIER 2025

N°2025/ 16

RG 24/00269

N° Portalis DBVB-V-B7I-BMMGB

[I] [N]

C/

[YO] [V] épouse [D]

[A] [V]

[E] [U]

Copie exécutoire délivrée

le 27 Février 2024 à :

- Me Dominique FERRATA, avocat au barreau de MARSEILLE

- Me Pierre OBER, avocat au barreau de TOULON

Décision déférée à la Cour :

Jugement du Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de MARSEILLE en date du 13 Décembre 2023

APPELANT

Monsieur [I] [N], demeurant [Adresse 4] - [Localité 2]

représenté par Me Dominique FERRATA de l'ASSOCIATION AVENARD-FERRATA AVOCATS ASSOCIES, avocat au barreau de MARSEILLE

INTIMEES

Madame [YO] [V] épouse [D], ayant droit de M. [H] [V], demeurant [Adresse 3] - [Localité 5]

représentée par Me Pierre OBER, avocat au barreau de TOULON

Madame [A] [V], ayant droit de M. [H] [V], demeurant [Adresse 1] - [Localité 6]

représentée par Me Pierre OBER, avocat au barreau de TOULON

Monsieur [E] [U], légataire universel de M. [H] [V], demeurant [Adresse 1] - [Localité 6]

représentée par Me Pierre OBER, avocat au barreau de TOULON

*-*-*-*-*

COMPOSITION DE LA COUR

L'affaire a été débattue le 10 Décembre 2024 en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant Madame Pascale MARTIN, Présidente de Chambre, et Madame Agnès BISCH, Présidente de Chambre, chargées du rapport.

Madame Pascale MARTIN, Présidente de Chambre, a fait un rapport oral à l'audience, avant les plaidoiries.

Ces magistrats ont rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :

Madame Pascale MARTIN, Présidente de Chambre

Madame Véronique SOULIER, Présidente de chambre

Madame Agnès BISCH, Présidente de Chambre

Greffier lors des débats : Madame Florence ALLEMANN-FAGNI.

Les parties ont été avisées que le prononcé de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 27 Février 2025.

ARRÊT

CONTRADICTOIRE

Prononcé par mise à disposition au greffe le 27 Février 2025.

Signé par Madame Pascale MARTIN, Présidente de Chambre et Madame Florence ALLEMANN-FAGNI, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

* * * * * * * * * *

FAITS- PROCEDURE-PRETENTIONS DES PARTIES

Affirmant avoir été engagé par M.[H] [V] en qualité de secrétaire particulier et de chauffeur, suivant contrat de travail à durée indéterminée à temps partiel du 1er mars 2016, avoir été victime d'un grave accident du travail le 22 septembre 2017 et licencié par l'employeur par courrier recommandé du 14 octobre 2021 sans respecter la procédure, M.[I] [N] a saisi la formation de référé du conseil de prud'hommes de Marseille le 26 janvier 2022 sollicitant la condamnation de M.[V] à lui payer diverses sommes à titre d'indemnité spéciale de licenciement, d'indemnité de préavis, de dommages-intérêts ainsi que la remise de documents sociaux.

Par ordonnance du 17 mars 2022, la formation de référé du conseil de prud'hommes de Marseille a :

- ordonné à M.[V] de remettre à M.[N] :

- les bulletins de salaire moyen à hauteur de 1 455,71 euros,

- l'attestation Pôle Emploi établie en concordance à l'ordonnance rendue,

- le certificat de travail établi en concordance avec cette même ordonnance, pour la période du 1er mars 2016 au 18 octobre 2021,

- le solde de tout compte ainsi qu'un bulletin de salaire afférent,

le tout sous astreinte de 50 euros par jour de retard,

- sur le surplus des demandes, dit n'y avoir lieu à référé et renvoyé les parties à se pourvoir au fond,

- condamné M.[V] aux dépens.

Sur appel de M.[V], par arrêt du 4 novembre 2022, la cour d'appel d'Aix-en-Provence a :

- confirmé l'ordonnance déférée en ce qu'elle a :

ordonné à M.[V] de remettre à M.[N] :

- les bulletins de salaire moyen à hauteur de 1 455,71 euros,

- l'attestation Pôle Emploi établie en concordance à l'ordonnance rendue,

- le certificat de travail établi en concordance avec cette même ordonnance du 1er mars 2016 au 18 octobre 2021,

- le solde de tout compte ainsi qu'un bulletin de salaire afférent sous astreinte de 50,00 euros par jour de retard à compter du 30ème jour suivant la notification de cette ordonnance, le conseil se réservant le droit de liquider l'astreinte en sa formation des référés,

condamné Monsieur [V] aux dépens,

l'a infirmé pour le surplus,

statuant à nouveau et y ajoutant :

- condamné M.[V] à payer à M.[N], à titre provisionnel :

- une somme de 6 190,18 euros à titre d'indemnité spéciale de licenciement,

- une somme de 4 395,42 euros à titre d'indemnité de préavis,

avec intérêts au taux légal à compter du 26 janvier 2022,

- condamné M.[V] aux dépens et à payer à M.[N] une somme de 1 000,00 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

M.[N] a saisi une nouvelle fois, par requête réceptionnée au greffe le 12 janvier 2023, la formation de référé du conseil de prud'hommes de Marseille pour solliciter la liquidation de l'astreinte provisoire prononcée contre M.[V], la condamnation de ce dernier à lui payer la somme de 15200 euros au 16 février 2023, à lui verser une astreinte définitive de 500 euros par jour pour une durée de un an à compter de son prononcé, et se réserver compétence pour la liquidation de l'astreinte définitive, condamner M.[V] au paiement de la somme de 1 500,00 euros sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile et aux entiers dépens de 1'instance.

Par ordonnance de référé du 9 mars 2023, la formation de référé du conseil de prud'hommes de Marseille a notamment :

- dit que la formation de référé est compétente au vu de l'évidence, de l'urgence et de l'absence de contestation sérieuse,

- liquidé à titre définitif l'astreinte prononcée par l'ordonnance de référé du 17 mars 2022, notifiée le 18 mars 2022 à l'encontre de M.[V] ,

- condamné à titre provisionnel M.[V] à verser à M.[N] la somme de 15 200 euros au titre de la liquidation définitive de l'astreinte,

- condamné M.[V] à verser à M.[N] la somme de 1 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- débouté la partie demanderesse du surplus de ces demandes,

- condamné M.[V] aux entiers dépens.

Saisie d'un appel par M.[V], la présente cour a, par arrêt du 15 septembre 2023, confirmé l'ordonnance déférée et condamné M.[V] à payer à M.[N] la somme de 800 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile pour les frais irrépétibles exposés en appel.

Le 19 août 2022, M.[N] avait saisi au fond le conseil de prud'hommes de Marseille et dans ses dernières écritures, sollicitait outre la remise d'un certificat de travail rectifié, diverses sommes à titre indemnitaire pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, licenciement dans des conditions brutales et vexatoires, harcèlement moral et harcèlement sexuel.

Selon jugement du 13 décembre 2023, le conseil de prud'hommes a statué ainsi :

«Ordonne à Monsieur [H] [V] de régler une somme provisionnelle de 15 200 € au titre de la liquidation d'astreinte et la remise sous astreinte de 50 € par jour de retard depuis le 23 janvier 2023 et la rectification du certificat de travail de Monsieur [I] [N] en mentionnant niveau quatre de la CCN des salariés de particulier employeur avec la rectification de l'adresse de Monsieur [I] [N].

Ordonne l'exécution provisoire en vertu de l'article 515 du code de procédure civile.

Condamne Monsieur [H] [V] à payer la somme de 2 300 € au titre de l'article 700 du Code de procédure civile.

Condamne Monsieur [H] [V] aux entiers dépens.

Déboute Monsieur [I] [N] du surplus de ses demandes.

Déboute les parties de leurs demandes plus amples et contraires au présent dispositif.»

Le conseil de M.[N] a interjeté appel par déclaration du 9 janvier 2024 et celui de M.[V] le 12 janvier. Par ordonnance du conseiller de la mise en état du 26 janvier 2024, les appels ont été joints.

Le 8 mai 2024, M.[V] est décédé et ses deux filles ont été assignées par M.[N] aux fins de reprise d'instance.

Aux termes de ses dernières conclusions transmises au greffe par voie électronique le 21 novembre 2024, M.[N] demande à la cour de :

«IN LIMINE LITIS

JUGER irrecevable la demande de renvoi de Monsieur [E] [U] sur la base de l'article 47 du Code de Procédure Civile.

AU FOND

CONFIRMER le jugement entrepris en ce qu'il a :

CONDAMNER Monsieur [H] [V] au paiement de la somme de 2300 € au titre de l'article 700 du Code de Procédure Civile.

INFIRMER la décision du Conseil des Prud'hommes de Marseille du 13 Décembre 2023, en ce qu'il a débouté par omission de statuer Monsieur [N] de ses demandes,

Et statuant à nouveau :

JUGER qu'il existait un contrat de travail entre Monsieur [N] et Monsieur [H] [V].

CONDAMNER en deniers et quittance conjointement et solidairement Madame [YO] [V] épouse [D], Madame [A] [V], Monsieur [E] [U], constituant l'Hoirie du défunt [H] [V] au paiement de la somme de 6190,18 € à titre d'indemnité spéciale de licenciement.

CONDAMNER en deniers et quittance conjointement et solidairement Madame [YO] [V] épouse [D], Madame [A] [V], Monsieur [E] [U], constituant l'Hoirie du défunt [H] [V] au paiement de la somme de 4395,42 € à titre d'indemnité de préavis.

CONDAMNER en deniers et quittance conjointement et solidairement Madame [YO] [V] épouse [D], Madame [A] [V], Monsieur [E] [U], constituant l'Hoirie du défunt [H] [V] la somme de 15.200 € au titre de la liquidation définitive de l'astreinte.

JUGER que le licenciement de Monsieur [N] est sans cause réelle et sérieuse.

CONDAMNER conjointement et solidairement Madame [YO] [V] épouse [D], Madame [A] [V], Monsieur [E] [U], constituant L'Hoirie du défunt [H] [V] à payer à Monsieur [I] [N], la somme de 13186,26 € (6 mois de salaire) d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, avec intérêts légaux depuis la saisine au fond au 19 Août 2022.

CONDAMNER conjointement et solidairement Madame [YO] [V] épouse [D], Madame [A] [V], Monsieur [E] [U], constituant L'Hoirie du défunt [H] [V] à payer à Monsieur [I] [N], la somme de 15.000 € pour licenciement prononcé dans des conditions brutales et vexatoires et résistance abusive au paiement des indemnités légales, avec intérêts légaux depuis le 18 Octobre 2021, date du licenciement.

CONDAMNER conjointement et solidairement Madame [YO] [V] épouse [D], Madame [A] [V], Monsieur [E] [U], constituant L'Hoirie du défunt [H] [V] à payer à Monsieur [I] [N], la somme de 100.000 € de dommages et intérêts pour harcèlement moral, avec intérêts légaux depuis la saisine au fond au19 Août 2022.

CONDAMNER conjointement et solidairement Madame [YO] [V] épouse [D], Madame [A] [V], Monsieur [E] [U], constituant L'Hoirie du défunt [H] [V] à payer à Monsieur [I] [N], la somme de 100.000 € de dommages et intérêts pour harcèlement sexuel avec intérêts légaux depuis la saisine au fond au 19 Août 2022.

Condamner Madame [YO] [V] épouse [D], Madame [A] [V], Monsieur [E] [U], constituant l'Hoirie du défunt [H] [V] au paiement de la somme de 3000 € au titre de l'article 700 du CPC.

JUGER que les sommes susvisées produiront intérêts de droit avec capitalisation en application des articles 1231-7 et 1343-2 du Code Civil.

Condamner Madame [YO] [V] épouse [D], Madame [A] [V], Monsieur [E] [U], constituant l'hoirie du défunt [H] [V] aux entiers dépens de l'instance.»

Dans leurs dernières écritures transmises au greffe par voie électronique le 21 novembre 2024, Mmes [YO] et [A] [V], ayants droits ainsi que M.[E] [U], intervenant volontairement en sa qualité de légataire universel, demandent à la cour de :

«ORDONNER le dépaysement de l'affaire et le renvoi dans une juridiction limitrophe.

Au cas où la Cour rejetterait la demande de dépaysement,

INFIRMER le jugement du 13 décembre 2023 en ce qu'il a condamné Monsieur [H] [V] au paiement d'une somme provisionnelle de 15 200 € au titre d'une liquidation d'astreinte alors que cette liquidation d'astreinte avait déjà été prononcée par la Cour d'Appel d'AIX-EN-PROVENCE dans son arrêt du 4 novembre 2022 et en ce qu'il l'a condamné au paiement de la somme de 2 300 € au titre de l'article 700 du Code de procédure civile,

CONFIRMER le jugement rendu en toutes ses autres dispositions,

ET EN CONSEQUENCE,

DEBOUTER Monsieur [I] [N] de l'ensemble de ses demandes, fins et conclusions,

CONDAMNER Monsieur [I] [N] à payer aux concluants la somme de 3 000 € sur le fondement des dispositions de l'article 700 du Code de Procédure Civile.

CONDAMNER Monsieur [I] [N] aux entiers dépens. »

Pour l'exposé plus détaillé des prétentions et moyens des parties, il sera renvoyé, conformément à l'article 455 du code de procédure civile, aux conclusions des parties sus-visées.

MOTIFS DE L'ARRÊT

Sur l'application de l'article 47 du code de procédure civile

Par lettre du 3 décembre 2024 communiquée par voie du RPVA au conseil de M.[N], Me Ober constitué pour les ayants-droits et le légataire universel a indiqué que son client renonçait à sa demande de dépaysement de l'affaire, de sorte que la cour n'a plus à statuer sur la recevabilité et le mérite de la demande.

Sur le jugement déféré

Il est indiqué par M.[N] qu'il avait abandonné lors des débats de 1ère instance, sa demande de remise sous astreinte du certificat de travail, l'ayant obtenu quelques jours avant l'audience et souligné que le conseil de prud'hommes a omis de statuer sur l'ensemble de ses autres demandes.

De leur côté, les ayants droits de M.[V] contestent le jugement en ce qu'il l'a condamné au titre de la liquidation d'astreinte alors que la cour d'appel d'Aix-en-Provence par arrêt du 15 septembre 2023 avait déjà statué sur cette demande, et qu'il l'a réglée.

La cour constate que l'arrêt du 15 septembre 2023, antérieur au jugement déféré, bénéficie de l'autorité de la chose jugée quant à la liquidation de l'astreinte définitive ordonnée par les décisions précédentes, de sorte que c'est à tort que le conseil de prud'hommes a statué sur ce point et sans demande de la part de M.[N].

Aux termes du dispositif de ses écritures au fond, ce dernier demande la condamnation de l'hoirie, mais sa demande doit être déclarée irrecevable, puisqu'il dispose d'un titre exécutoire portant sur la somme de 15 200 euros, étant précisé que par leur pièce 23, les intimés démontrent le règlement de la somme par chèque.

Dans la mesure où les demandes au fond de M.[N] portant sur l'indemnisation de son licenciement et sur une situation de harcèlement tant moral que sexuel, ont été rejetées sans examen au fond ce qui s'apparente à un déni de justice, il y a lieu d'infirmer le jugement.

Sur l'existence d'un contrat de travail

Il résulte des articles L.1221-1 et suivants du code du travail que le contrat de travail suppose un engagement à travailler pour le compte et sous la subordination d'autrui moyennant rémunération.

L'existence d'un contrat de travail dépend, non pas de la volonté manifestée par les parties ou de la dénomination de la convention, mais des conditions de fait dans lesquelles est exercée l'activité du travailleur.

En présence d'un contrat de travail écrit ou apparent, il appartient à celui qui entend en contester l'existence de rapporter la preuve de son caractère fictif.

En l'absence d'écrit ou d'apparence de contrat, il appartient à celui qui invoque un contrat de travail d'en rapporter la preuve.

Sur la charge de la preuve

L'appelant principal constate que les ayants-droits persistent à invoquer un faux contrat de travail alors que M.[V] n'a jamais déposé plainte pour faux et a été représenté pour toutes les procédures, relevant que la cour d'appel d'Aix-en-Provence a procédé à un examen comparatif des signatures.

Les ayants droits de M.[V] estiment que la cour n'est pas liée par les appréciations faites par les juridictions ayant statué en matière de référé, ajoutant que la décision rendue par le pôle social concernant la faute inexcusable n'est pas définitive.

En l'état de la production notamment d'un contrat de travail écrit, de la délivrance de bulletins de salaire par l'intermédiaire du CESU, de la remise de documents de fin du contrat de travail, outre les pièces concernant l'accident du travail, la charge de la preuve du caractère fictif de la relation de travail incombe aux ayants-droits qui la contestent.

Sur les éléments produits

Les ayants-droits rappellent les trois conditions nécessaires à définir l'existence d'un contrat de travail à savoir : la fourniture d'un travail, le paiement d'une rémunération et l'existence d'un lien de subordination juridique.

Ils indiquent établir par un rapport d'expertise en écriture que M.[V] n'a pas signé le contrat de travail du 01/03/2016, ni certaines lettres, arguant de la condamnation de M.[N] pour des fraudes à l'aide de faux documents.

Ils expliquent que ce dernier s'est progressivement immiscé dans les affaires de M.[V], lequel était alcoolique et avait des problèmes de santé le rendant peu à peu intellectuellement déficient.

Ils soulignent l'absence d'élément concernant le lien de subordination, M.[N] ayant fait tout au plus de la gestion d'affaires au sens des articles 1301 & suivants du code civil.

Ils invoquent à l'appui :

- un rapport d'expertise en écriture du 30/10/2024 concluant que M.[V] n'a pas signé le contrat de travail du 01/03/2016,

- un jugement du tribunal correctionnel du tribunal judiciaire de Marseille du 10/12/2009 ayant condamné M.[N] à une peine de 2 ans d'emprisonnement et 15 000 euros d'amende pour fraude à l'obtention de permis de conduire,

- le témoignage de Mme [P] du 06/11/2024, amie de longue date de M.[V], indiquant notamment «pour soi disant rendre service à [H] [V] n'ayant aucune connaissance en informatique, M.[N] a progressivement dématérialisé tous les documents. Impots, gestion de son patrimoine et les factures d ela maison, compte bancaires. En aucun cas M.[N] était son employé et a décider de tout gérer la gestion de la location ou des studios sur [Localité 7] ...» (pièce 16)

- une inscription SIREN de M.[N] de 2001 au 01/03/2019, ayant pour activité «conseil pour les affaires et aures conseils de gestion», avec un siège social situé au domicile de M.[V],

- une attestation d'une amie de M.[V] (pièce 12)

- le témoignage d'autres amis (pièce 13 & 14)

- l'attestation (pièce 19) de M.[B] du 20/11/2024, déclarant notamment « M.[N] s'est immiscé volontairement et sans que M.[V] le lui demande ou l'y autorise, dans les affaires de M.[V]. Il a parfois fait signer des baux à des locataires sans que M.[V] le sache encaissant directement des loyers en espèces au préjudice de M.[V] et sans lui donner l'argent lui revenant, se présentant, de temps à autre, comme son gestionnaire immobilier à qui voulait l'entendre....»

L'appelant principal fait valoir que M.[V] lui a demandé de l'aider dans la gestion de ses immeubles en 2011 et qu'il est venu résider chez lui en 2013.

Il rappelle l'ensemble des éléments déjà produits en justice, expliquant que sa rémunération payée en espèces a été déclarée aux impôts, que M.[V] a donc payé des charges sociales à l'URSSAF mais a refusé de fournir ses déclarations de revenus où doivent figurer les crédits d'impôts au titre du CESU.

Il indique rapporter la preuve par de nombreuses attestations du lien de subordination, puisqu'il gérait et entretenait une vingtaine d'appartements pour le compte de M.[V].

Il souligne l'absence de plainte pour abus de faiblesse ou faux et de mesure de protection.

Il déclare que son activité libérale portait sur l'auto-école.

Il produit outre les décisions de justice, les pièces suivantes :

- le contrat de travail à effet du 01/03/2016

- les bulletins de salaire délivrés par le CESU pour 46h par mois, passés à 86h en avril 2017

- la déclaration d'accident du travail du 22/09/2017 signée par M.[V], en qualité d'employeur

- le certificat de travail du 14/10/2021 signé par M.[V] indiquant que M.[N] a été son employé de maison-mandataire immobilier du 01/05/2016 au 31/08/2017

- la lettre de rupture du contrat de travail du 14/10/2021 signée par M.[V]

- ses déclarations de revenus 2016 et 2017, avec indication par les services des impôts de M.[V] comme employeur,

- des attestations (pièces 18 à 22-24-25-27-29) notamment des locataires des immeubles appartenant à M.[V], déclarant n'avoir jamais vu ce dernier et vantant les mérites de M.[N] qui s'occupait de l'entretien (réparation, déclarations CAF, récupération des loyers...).

La cour constate que les éléments médicaux produits en pièces 1 et 3 par les ayants-droits datent de février et mai 2023 et ne peuvent venir à l'appui d'une prétendue déficience mentale de M.[V] ou d'un état diminué comme le relate Mme [P], en tous cas sur la période concernée par la relation de travail invoquée.

Pa ailleurs, alors que certaines des attestations sont à charge contre M.[N], il est manifeste que ni la famille ni les «amis» de M.[V] n'ont cru devoir signaler aux autorités compétentes la situation d'emprise telle qu'ils la décrivent plusieurs années après.

Les attestations font état de la générosité du propriétaire de la maison et de sa grande activité mais quant à l'existence d'un contrat de travail, ne font que relater les dires de M.[V], selon lequel M.[N] aurait abusé de la situation, étant précisé que les témoignages émanent de personnes en visites occasionnelles et que l'attestation de M.[B], délivrée très récemment, ne peut relater que des faits antérieurs à la relation de travail, ce dernier indiquant avoir vécu de façon permanente chez M.[V] seulement de 2011 à 2015, à une période où il était d'ailleurs mineur.

La production en cause d'appel d'une expertise en écriture effectuée sur le seul contrat de travail en copie, en comparaison avec peu de documents et après le décès de M.[V], ne saurait venir contredire utilement les éléments déjà présentés et ayant fait l'objet d'un examen approfondi par la présente cour, y compris une comparaison de signatures, dans le cadre d'instances où M.[V] était représenté.

En conséquence, les ayants-droits échouent à démontrer le caractère fictif du contrat de travail.

Sur le harcèlement moral

Selon l'article L1152-1 du code du travail, aucun salarié ne doit subir les agissements répétés de harcèlement moral qui ont pour objet ou pour effet une dégradation de ses conditions de travail susceptible de porter atteinte à ses droits et à sa dignité, d'altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel.

En vertu de l'article L1154-1 du même code, lorsque survient un litige relatif à l'application des articles L. 1152-1 à L. 1152-3 et L. 1153-1 à L. 1153-4, le salarié présente des éléments de fait laissant supposer l'existence d'un harcèlement.

Au vu de ces éléments, il incombe à la partie défenderesse de prouver que ces agissements ne sont pas constitutifs d'un tel harcèlement et que sa décision est justifiée par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement.

Le juge forme sa conviction après avoir ordonné, en cas de besoin, toutes les mesures d'instruction qu'il estime utiles.

Au soutien d'une demande indemnitaire, M.[N] indique qu'il a subi des faits de harcèlement moral et propos discriminatoires, racistes et homophobes de la part de son employeur pendant sa relation de travail et après l'accident du travail, dans le cadre de la suspension du contrat, de pressions incessantes pour poursuivre son activité, l'ayant conduit à se réfugier en janvier 2020 chez une amie, et à la dégradation de son état de santé.

Il produit les éléments suivants :

- des échanges de mails de décembre 2020 à avril 2021 entre M.[N] et M.[V] et les futurs acquéreurs de ses immeubles (pièces 41-42)

- l'attestation de Mme [G] [EK] (pièce 26) indiquant : « En janvier 2020, j'ai récupéré Monsieur [I] [N] dans un tel état de détresse que je me devais d'intervenir.

En effet, Monsieur [I] [N] m'a indiqué avoir subi des abus de faiblesse, du harcèlement moral et verbal de la part de Monsieur [H] [V], son employeur et hébergeur, dans le but d'obtenir de Monsieur [N] [I] la reprise de la gestion des immeubles.

Etant confronté à trop de stress, de nervosité et de chantage, Monsieur [N] a trouvé refuge chez moi durant le mois de janvier 2020.

Les harcèlements sur la reprise de la gestion des immeubles n'ont pas faibli.

Monsieur [N] était constamment en train de gérer les problèmes avec les locataires.

En janvier 2021, il m'a demandé de l'accueillir à nouveau chez moi, chose que j'ai acceptée vu l'état dans lequel il était et pour les mêmes choses et le même constat : abus de faiblesse sur personne vulnérable, harcèlement moral, insultes racistes à son encontre.»

- le témoignage de M.[YG] [W] (pièce 17) : « Au cours de certains repas, j'ai pu constater des propos racistes à l'encontre de Monsieur [I] [N] (arabiche, négresse ') Il se vantait de lui faire manger du porc.

Pendant la période d'accident du travail, il était harcelé par Monsieur [H] [V] afin que celui-ci continue la gestion et l'entretien de ses immeubles ».

- l'attestation de M. [T] [Z], locataire d'un bien appartenant à M.[V] (pièce 18 ): Entre la période de 2017 et 2021, Monsieur [N] était en accident de travail.

L'immeuble était laissé à l'abandon par Monsieur [V] et c'est encore Monsieur [N], malade, qui intervenait en cas d'urgence aux dépens de sa santé.

Il venait traiter la situation d'urgence avec ses béquilles et son corset ».

- le témoignage d'autres locataires dans le même sens (pièces 19 & 22)

- l'attestation de M. [FR] [F], ayant séjourné chez M.[V] (pièce 23):

« En ce qui concerne leurs rapports personnels, il est certain que Monsieur [V] lorsqu'il avait trop bu, utilisait à l'égard de Monsieur [N] un vocabulaire insultant, méprisant et humiliant ».

- le témoignage de Mme [YO] [R] (pièce 28) qui déclare : « Je me suis rendue plusieurs fois entre 2017 et 2020 chez Monsieur [V].

J'ai accompagné Monsieur [I] [N] [Adresse 9] à [Localité 7] où il allait récupérer des loyers des locataires de Monsieur [H] [V].

J'ai attendu Monsieur [N] dans la voiture. Monsieur [N] suivait un traitement par chimiothérapie quotidien à cette époque et je lui ai fait part de mon inquiétude alors qu'il était très fatigué.

Monsieur [H] [V] s'est vanté devant moi d'avoir fait manger du porc à Monsieur [I] [N] en lui disant que c'était du veau.

J'ai été très choquée et je l'ai dit à Monsieur [H] [V].

J'ai suggéré plusieurs fois à Monsieur [I] [N] de déménager ».

- l'attestation de M. [BC] [K] (pièce 29) qui témoigne ainsi :

« J'ai assisté plusieurs fois, lors de repas, à des situations telles que Monsieur [N] [I] s'est énervé et est parti du lieu à cause du manque de respect chronique de Monsieur [H] [V].

En effet, celui-ci le rabaissait par des propos à connotation raciste tels que «le maghrébin», «la maghrébine», «chou noir», «fais chier, on ne peut pas manger de porc», «un bon arabe est un arabe mort».

Je me souviens qu'une fois, il avait fait manger du porc à Monsieur [N], sachant que Monsieur [N] est d'origine musulmane.

De plus, Monsieur [H] [V] prétextait, je cite : « Je vous ai fait manger du porc. Vous voyez. La maghrébine n'est pas morte ».

Monsieur [V] prononçait quelques fois : « Ça mange pas de porc et ça se lève pas le cul pour aller à la mosquée ».

Quand Monsieur [N] [I] a eu son accident du travail, Monsieur [V] ne s'est jamais préoccupé de son état de santé.

Ce qui l'intéressait, c'était la gestion de ses immeubles et comme Monsieur [V] [H] ne mettait jamais les pieds dans ses immeubles, il s'en remettait à Monsieur [N] [I] qui était en accident du travail.

Monsieur [V], au mépris du code du travail, a fait travailler Monsieur [N] pour régler les problèmes, faire des travaux dans les appartements en location.

Tout cela était accentué avec le harcèlement moral que lui mettait son employeur, Monsieur [V].

Tout ce climat anxiogène a conduit à une forte dépression de Monsieur [N] ' »

- le témoignage de M. [L] [ZM] [O] (pièce 88) attestant : « Monsieur [V] disait de Monsieur [N] que c'était « son homme à tout faire », il employait le terme d'arabe et de nègre de service. »

- un sms émanant de «[C]» à une date inconnue, ainsi rédigé : «Je t'ai toujours demandé de ne pas mettre des Magrebhins car je connaissais le risque et tu as fait le contraire tu as pourri les immeubles c'est triste et tu connais bien tes congénères c est pour cela que tu me as fait prendre une assurance pour couvrir les frais de justice et de dégradations chose dont je n'ai jamais eu besoin auparavant tu avoueras que tu es le roi des emmerdes.»

- des bulletins d'hospitalisation du 03/06 au 05/09 puis du 07/09 au 05/11/2020 en hospitalisation de jour (pièces 31 & 32)

- un certificat du Dr [S] psychiatre en clinique (pièce 35) du 03/08/2020 indiquant que M.[N] est «hospitalisé depuis le 03/06/20 pour état pyschopathologique majeur (névrose traumatique)»

- des certificats du même praticien du 19/03/2021(pièces 37 & 39).

- un certificat du médecin traitant du 02/03/2020 (pièce 38) indiquant : «M.[N] a subi une agression sur son lieu de travail le 22/09/2017. Il présentait des cervicalgies avec dorsalgies et lombalgies. Les bilans réalisés ont retrouvé une luxation de la prothèse L4L5 ayant nécessité une ostéosynthèse à [Localité 8] avec greffe osseuse le 04/10/018. Il existe par ailleur une translation de la prothèse due à une subluxation depuis le 01/04/2019. M.[N] est actuellement porteur d'un corset dorso-lombaire. Suite à cette agression et aux complications de l'intervention chirurgicale, M.[N] a développé un syndrome anxio dépressif réactionnel nécessitant un suivi psychiatrique (Dr [S])» puis fait état d'une tumeur au palais ayant nécessité une opération puis un traitement de radio chimiothérapie en mai 2019 et une hospitalisation à domicile, puis en janvier 2020 une nouvelle opération avec un suivi.

Ces éléments pris dans leur ensemble laissent présumer l'existence d'une situation de harcèlement moral.

Les ayants-droits de l'employeur font valoir que les propos relatés par les témoins sont contestés et qu'en tout état de cause, ils ont trait à la vie privée de M.[N] et M.[V], qui entretenaient une relation personnelle, et au cours de soirées alcoolisées.

Ils relèvent que Mme [EK] n'a pas été le témoin direct du harcèlement prétendu et que M.[W] a été en couple avec M.[N] ce qui rend son attestation non probante.

Ils soutiennent que le lien de causalité n'est pas établi entre la dépression et le comportement de M.[V], compte tenu des nombreux problèmes que M.[N] a créés lui-même dans sa vie, établissant des faux dans l'activité de dirigeant d'une auto-école, puis également dans le cadre de son occupation chez M.[V].

Ils indiquent que si tant est que M.[N] se soit présenté auprès de locataires pour résoudre certains problèmes, il n'a pu le faire que sur la base du volontariat et de la gestion d'affaire, même avant 2016 et en aucun cas dans le cadre d'un harcèlement moral.

Ils relèvent des incohérences dans les témoignages produits et au contraire, indiquent que les témoignages recueillis par eux décrivent M.[V] comme bon et généreux, et l'emprise de M.[N] sur la personne de M. [H] [V], très affaibli, ce qui est incompatible avec un harcèlement moral qui suppose une certaine hiérarchie inverse.

Ils produisent les éléments suivants :

- le jugement du tribunal correctionnel (pièce 7) du 10/12/2019, indiquant que M.[N] était propriétaires de plusieurs biens immobiliers dont un au Maroc et a engrangé de nombreux profits en fraudant

- l'attestation de Mme [M] [P] (pièce 21) indiquant que M. [YG] [W] lui avait confié que lui et son ami [Y] [N] avaient trouvé « un gros poisson et qu'ils avaient l'intention de le plumer » se déclarant être elle-même tunisienne et que M.[V], homosexuel, n'a jamais été ni raciste ni homophobe

- le témoignage de Mme [HV] (pièce 12) : « J'ai pu constater que M [V] avait toujours eu un comportement plus que correct à l'égard de M [N] et de son entourage. M [V] n'a jamais tenu de propos racistes envers M [N], à qui il avait ouvert sa maison, ni homophobe, [H] étant par ailleurs lui-aussi homosexuel. »

- l'attestation de M. [X] [J] décrivant M.[V] comme un « hôte bienveillant » à l'égard de M.[N] (pièce 13), lui prêtant sa maison et sa voiture

- une autre attestation de Mme [M] [P] (pièce 16) : « J'ai pu constater les faits, puisque j'étais sur place, jamais vu M.[V] mal parler à son ami », précisant que M.[N], loin d'être harcelé, vaquait à ses occupations personnelles, pratiquant devant elle le jet ski et le kitesurf, utilisant la Jaguar de M.[V], et profitant d'une suite parentale dans la maison - le témoignage de M.[I] [B] (pièce 19) lequel indique : « M [V] n'a jamais harcelé M [N]. En revanche M [N] prenait les clés de la voiture pour son usage personnel, et la conduisait seul et se croyait tout permis. M [N] insultait régulièrement [H] [V], le traiter de « gros », de « vieux cons », il a même insulté le frère de [H] à son décès.

[I] [N] a mal traité [H] [V] pendant des années. Il était là pour son intérêt personnel, il a abusé de la générosité de son hôte.

M [H] [V] était un homme correct et élégant et n'a jamais donné d'ordre ni insulté [I] [N] ni personne dans sa maison. »

Même si certaines attestations produites par le salarié émanent d'anciens compagnons de M.[N] et ne sont pas situées dans le temps, il ressort des témoignages relatés que d'une part, M.[V] a pu devant des tiers utiliser un langage mêlé de racisme et d'homophobie à l'égard de M.[N], son employé et d'autre part, l'a manifestement contraint - ne serait-ce que par sa propre inertie - à continuer à s'occuper de ses immeubles pendant la suspension du contrat de travail pour cause d'accident du travail, ce que M.[V] ne pouvait ignorer eu égard à la déclaration d'accident du travail, au fait que pendant cette période M.[N] portait un corset, et ce, sans avoir d'égard pour sa sécurité, ce qui a eu pour effet de dégrader son état de santé.

L'employeur échoue ainsi à démontrer que les faits matériellement établis par M.[N] sont justifiés par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement. Le harcèlement moral est établi.

Compte tenu des circonstances du harcèlement subi, de sa durée, et des conséquences dommageables qu'il a eu pour M.[N] telles qu'elles ressortent des pièces et des explications fournies, le préjudice en résultant pour le salarié doit être fixé à la somme de 5 000 euros.

Sur le harcèlement sexuel

Aux termes de l'article L.1153-1 du code du travail, les agissements de harcèlement de toute personne dans le but d'obtenir des faveurs de nature sexuelle à son profit ou au profit d'un tiers sont interdits.

L'article L.1154-1 du même code prévoit qu'en cas de litige, le salarié concerné établit des faits qui permettent de présumer l'existence d'un harcèlement et il incombe à l'employeur, au vu de ces éléments, de prouver que ces agissements ne sont pas constitutifs d'un tel harcèlement et que sa décision est justifiée par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement.

En l'espèce, M.[N] invoque des faits qui se seraient déroulés au domicile de M.[V] alors qu'il était sous perfusion à compter du 23 octobre 2019 avec un traitement psychiatrique important.

Il explique que M.[V] était alcoolisé, que lui-même était dans un état de grande faiblesse, qu'il lui proposait de l'aider à monter dans sa chambre et en profitait pour lui poser les mains sur les fesses. Quand il dormait, il revenait tard dans la nuit entre 23h00 et minuit et quelques fois plus tard, il s'installait dans son lit où il sentait qu'il le caressait en lui disant qu'il était là pour

lui et qu'il l'aimait.

M.[N] indique qu'il l'a repoussé comme il pouvait lui demandant de sortir et précise qu'à plusieurs reprises quand il se levait, il avait des nausées et se refermait sur lui-même et qu'il en avait parlé à son infirmier qui lui avait dit qu'il fallait qu'il soit hospitalisé pour quitter la villa, et que ces agressions arrivaient plusieurs fois dans la semaine.

Pour étayer ses affirmations, il produit :

- sa plainte déposée le 24/05/2022 (pièce 65) pour agression sexuelle de juin à décembre 2019, pour harcèlement moral de 2013 à 2022, travail dissimulé, propos racistes..., correspondant aux faits visés ci-dessus

- l'attestation de M. [BC] [K] (pièce 29): « Monsieur [V] parlait ouvertement à tout le monde des attributs sexuels de Monsieur [N] [I] : « [I] a une grosse bite », « il va t'arracher la rondelle », « je n'aimerais pas l'avoir en bouche », « il va me décoller la mâchoire ».

Il n'avait aucun respect envers Monsieur [N] [I].

Ses propos étaient d'une telle violence qu'il était en plus alcoolisé à partir de 11h00 du matin.»

Les faits pris dans leur ensemble permettent de présumer l'existence d'un harcèlement sexuel à son encontre.

Les ayants-droits de l'employeur font valoir que les témoignages qu'ils versent au débat font état du comportement courtois et toujours correct de M.[V] à l'égard de M.[N] et qu'une nouvelle fois ce dernier entend faire état de faits purement allégués qui ne peuvent que concerner la vie qu'il partageait avec M.[V], pour tenter de tromper la religion de la cour, notamment par la production de l'attestation de M. [K], lequel argue avoir assisté et participé à des soirées alcoolisées qui sont sans rapport avec un quelconque lien contractuel de travail entre les parties.

Ils font observer que la plainte pour agression sexuelle a été déposée après la saisine du conseil de prud'hommes et que M.[V] entendu par la police judiciaire, n'a fait l'objet ni d'une convocation en justice ni d'une quelconque mesure et a contesté les faits dénoncés qui sont calomnieux, relevant que le sort inconnu de cette plainte ne saurait sérieusement fonder la demande de M.[N].

Ils font valoir que ce dernier se présente comme une personne vulnérable mais que M.[V] l'était bien davantage que lui, la pathologie du dos dont il souffrait l'ayant conduit pendant quinze ans à utiliser des antalgiques à base d'opiacés qui ne lui octroyaient que quelques heures de lucidité quotidienne avant son décès, comme le confirment les témoins.

Ils indiquent que les mêmes observations peuvent être faites au sujet du harcèlement sexuel que pour le harcèlement moral.

Ils soulignent que la période à analyser ne s'étend que du 1er mars 2016, date du faux contrat de travail, au placement en accident du travail dès le 6 octobre 2017, soit une durée fort courte par rapport au montant farfelu des sommes réclamées.

Ils produisent les éléments suivants :

- l'attestation de M.[B] qui vivait sous le même toit : « Il (M. [N]) était souvent ivre. Il faisait venir des hommes jeunes trouvés sur internet ou sur le réseau téléphonique dans la maison avec lesquels M.[N] avait des relations sexuelles (chem sex) sur place et je les ai vus en pleine action ensemble. Et ce dans le courant des années 2016 et 2017.

M. [N] était en couple avec M. [YG] [W].

Nos chambres communiquaient par une porte au premier étage. M [N] est venu me faire des propositions sexuelles dans la maison. Il a même mis sa bite sur ma bouche. J'ai été choqué par son comportement. »

- les certificats médicaux des 01/02/23 et 03/05/2023 (pièces 1 & 2)

- les témoignages déjà produits décrivant le comportement bienveillant et généreux de M.[V] envers M.[N] (pièces 12-13-14 et 16).

Il ressort des témoignages produits que M.[V] entretenait avec M.[N], une relation allant au-delà de la simple amitié ou du lien de subordination, de sorte que les propos rapportés par M.[K], au demeurant non datés, s'inscrivent davantage dans le cadre d'une relation privée de nature sexuelle, malgré les dénégations de M.[N].

S'agissant des faits invoqués qui se seraient passés sur une période de six mois environ en 2019, la cour constate que :

- aucun document médical contemporain n'est produit, le médecin traitant faisant seulement état d'un traitement pour un cancer pour cette période,

- aucun traitement psychiatrique n'avait été mis en place à ces dates, contrairement aux allégations de M.[N],

- le psychiatre dans son certificat d'une page figurant en pièce 37 du salarié, indique le suivre depuis avril 2018 et attribue clairement le stress et l'état psychique de M.[N] à son agression du 22/09/2017 par un tiers et n'évoque à aucun moment ne serait-ce que la relation par son patient de faits de harcèlement sexuel

- la plainte est intervenue plus de trois ans après les faits invoqués et dans un contexte de litige prud'homal,

- aucune suite n'a manifestement été donnée à la plainte en termes de poursuite, les ayants-droits de M.[V] indiquant sans être contredits que ce dernier a été interrogé par la police.

Dès lors, les ayants-droits de l'employeur démontrent ainsi que les faits évoqués par M.[N] sont justifiés par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement, soit une relation de longue date, au sein de la même maison, entre deux adultes.

En conséquence, la demande indemnitaire faite à ce titre doit être rejetée.

Sur la rupture du contrat de travail

En vertu des dispositions de l'article L.1232-6 du code du travail, la lettre de licenciement, comporte l'énoncé du ou des motifs invoqués par l'employeur ; la motivation de cette lettre fixe les limites du litige.

En l'espèce, la lettre de licenciement du 14 octobre 2021est libellée de la manière suivante:

«Sur les recommandations de l'AIMST 13 qui me signale votre incapacité de reprendre le travail, je vous signifie la fin de votre contrat.

En effet votre état de santé ne vous permet plus de travailler.

En conséquence, votre solde de tout compte se calcule comme suit :

Salaire 1111 € X 15 mois = 138,88 €.

120

Je vous joins donc un chèque de ce montant à la présente.

Vous souhaitant de vous rétablir rapidement, je vous prie de croire Monsieur en mes meilleurs sentiments. »

Les prescriptions de la convention collective des salariés du particulier employeur du 24 novembre 1999 comme celle nouvelle du 15 mars 2021, sont applicables, comme certaines dispositions du code du travail, la liste de l'article L.7221-1 du code du travail n'étant pas limitative.

1- Sur le bien fondé du licenciement

Après avoir décrit les circonstances de son agression et les suites de celle-ci par la reconnaissance d'un accident du travail tant par M.[V] que par la caisse primaire d'assurance maladie, M.[N] indique qu'il a été licencié :

- sans recherche préalable d'un reclassement, l'employeur n'ayant pas daigné répondre à la moindre sollicitation sur ce point de la médecine du travail, et devant l'absence de réponse de l'employeur, la médecine du travail a été contrainte de rendre un avis d'inaptitude définitif

- sans respect de la moindre procédure de licenciement

- sans versement des indemnités légales de licenciement et de préavis auxquelles il avait droit

- sans remise du moindre document relatif à la rupture du contrat de travail,

et demande de juger son licenciement, sans cause réelle et sérieuse.

Les ayants-droits dénient l'existence d'une faute inexcusable et soutiennent que du fait de la mention dans l'avis d'inaptitude du médecin du travail que «tout maintien du salarié dans un emploi serait gravement préjudiciable à sa santé», M.[V] était placé dans un cas de dispense légale à l'obligation de reclassement.

La cour constate que le salarié ne mentionne pas le harcèlement moral, comme cause d'un licenciement nul ou mal fondé.

Il n'appartient pas à la présente juridiction saisie du licenciement de se prononcer sur la faute inexcusable de l'employeur, l'affaire étant par ailleurs pendante devant la cour statuant en matière de sécurité sociale.

L'article 5.2.2 de la nouvelle convention collective, consacré à l'inaptitude, prescrit : « Eu égard à la singularité du secteur de l'emploi entre particuliers, notamment à l'exercice de l'activité au sein du domicile privé ainsi qu'à la multi-activité des salariés du secteur, sauf accord exprès du particulier employeur ou de l'assistant maternel, le médecin ne peut effectuer ni étude du poste, ni étude des conditions de travail au domicile privé au sein duquel l'emploi est exercé.

L'inaptitude d'un salarié à un ou plusieurs des emplois définis dans les accords de mise en 'uvre est constatée selon les règles définies par la loi et les spécificités prévues à l'alinéa précédent.

Le particulier employeur n'étant pas une entreprise, il ne dispose généralement pas de plusieurs emplois à son domicile. Il ne lui est donc pas possible de procéder au reclassement du salarié à un autre emploi que celui pour lequel il l'avait embauché et à l'exercice duquel le salarié est déclaré inapte.

Le particulier employeur doit donc procéder à la rupture du contrat du salarié déclaré inapte dans le délai de 1 mois suivant l'avis définitif d'inaptitude délivré par le médecin.(...)»

C'est donc en vain que M.[N] reproche à son employeur l'absence de recherche de reclassement, étant précisé en outre comme le font valoir les intimés que la mention apposée par le médecin du travail dispensait légalement le particulier employeur de toute recherche.

Le seul fait que M.[V] n'a pas respecté la procedure de licenciement en ne convoquant pas M.[N] à un entretien préalable au licenciement, n'a pas pour effet de le rendre sans cause réelle et sérieuse.

2- Sur les conséquences financières du licenciement

Le salarié indique que la moyenne la plus favorable est celle des trois derniers mois avant l'arrêt de travail, avec intégration des avantages en nature, soit 2 197,71 euros, et sollicite sur cette base, page 20 de ses conclusions, la confirmation des condamnations résultant de l'arrêt de la cour d'appel d'Aix-en-Provence du 4 novembre 2022, et l'allocation d'une indemnité correspondant à six mois de salaire, en application de l'article L.1235-3 du code du travail.

Il considère que toutes les allégations mensongères de M.[V] pour s'évincer de ses obligations au titre de la rupture du contrat de travail, laissant le salarié du jour au lendemain sans indemnités de rupture, sans pouvoir s'inscrire à Pôle Emploi, constituent des circonstances brutales et vexatoires de la rupture du contrat de travail.

Les ayants-droits de M.[V] n'ont pas formulé d'observations sur les sommes réclamées au titre d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse mais indiquent que les faits visés par le salarié, à l'appui d'une indemnisation distincte, ne sont pas concomitants au licenciement et sans rapport avec celui-ci.

Le licenciement étant fondé sur une cause réelle et sérieuse, le salarié doit être débouté de sa demande indemnitaire faite sur le fondement de l'article L.1235-3 du code du travail mais est légitime, compte tenu de l'irrégularité manifeste commise, à obtenir la somme de de 1 000 euros en application de l'article L.1235-2 du même code.

Les dispositions d'ordre public de l'article L.1226-14 du code du travail, selon lesquelles la rupture du contrat de travail, dans les cas prévus au deuxième alinéa de l'article L.1226-12 ouvre droit, pour le salarié, notamment à une indemnité spéciale de licenciement qui, sauf dispositions conventionnelles plus favorables, est égale au double de l'indemnité prévue par l'article L. 1234-9, s'appliquent à tous les salariés y compris les employés de maison.

Dès lors, les sommes allouées en référé tant pour l'indemnité compensatrice de préavis qu'au titre de l'indemnité spéciale de licenciement, conformes à la demande du salarié, l'ont rempli de ses droits et n'ont pas à être confirmées.

Par ailleurs, il résulte de la pièce 63 de M.[N] qui est un décompte d'huissier que ces sommes lui ont été réglées directement.

La délivrance par l'employeur d'un certificat de travail avec une date de fin de contrat erronée (2017), sans remise d'une attestation destinée à l'inscription à Pôle Emploi, comme l'absence de paiement des indemnités de rupture alors que M.[V] ne pouvait ignorer que l'inaptitude avait une cause professionnelle, a causé à M.[N] un préjudice distinct à la fois financier et moral, qu'il convient de réparer par l'allocation d'une somme de 2 000 euros.

Sur la solidarité

Les ayants-droits de M.[V] font valoir que, si par extraordinaire ils devaient être condamnés, ils le seraient sans solidarité, qui ne se présume pas, et à concurrence d'un tiers chacun, selon l'acte notarié de dévolution successorale ( pièce 17).

Outre le fait que l'expression «conjointement et solidairement» est inappropriée comme étant contradictoire, il convient en application des articles 873, 1309 et 1310 du code civil, de dire que les héritiers seront tenus de la dette à l'égard de M.[N], personnellement à raison d'un tiers.

Sur les intérêts

Le salarié n'est pas fondé à solliciter sur les sommes indemnitaires allouées, des intérêts au taux légal à compter de la date de saisine ou à la date du licenciement mais par dérogation à l'article 1237-1 du code civil, les intérêts au taux légal doivent être fixés à compter de la date du jugement.

La capitalisation des intérêts sera ordonnée dans les conditions de l'article 1343-2 du même code.

Sur les frais et dépens

L'hoirie succombant au principal doit s'acquitter des dépens de la procédure, être déboutée de sa demande faite en application de l'article 700 du code de procédure civile et à ce titre, payer à M.[N] la somme globale de 2 500 euros.

PAR CES MOTIFS

La Cour,

Statuant par arrêt contradictoire, par mise à disposition au greffe, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l'article 450 du code de procédure civile, en matière prud'homale,

Constate que M.[E] [U] a renoncé à sa demande fondée sur l'article 47 du code de procédure civile,

Déclare irrecevable M.[N] en sa demande de liquidation d'astreinte,

Infirme en toutes ses dispositions le jugement déféré,

Statuant à nouveau et Y ajoutant,

Dit que M.[H] [V] et M.[I] [N] étaient liés par un contrat de travail à compter du 1er mars 2016,

Dit le licenciement du 14/10/2021, fondé sur une cause réelle et sérieuse,

Dit que M.[N] a été rempli de ses droits au titre de l'indemnité compensatrice de préavis et de l'indemnité spéciale de licenciement, par l'exécution des decisions rendues en référé,

Condamne Mme [YO] [V] épouse [D], Mme [A] [V], M. [E] [U], constituant l'hoirie du défunt [H] [V], chacun pour leur part soit 1/3, à payer à M.[N] les sommes suivantes :

- 5 000 euros à titre de dommages et intérêts pour harcèlement moral

- 1 000 euros à titre de dommages et intérêts pour irrégularité de la procédure de licenciement

- 2 000 euros à titre de dommages et intérêts pour préjudice distinct,

Dit que les sommes allouées porteront intérêts au taux légal à compter du 13/12/2023,

Ordonne la capitalisation de ces intérêts à condition qu'ils soient dûs au moins pour une année entière,

Condamne in solidum Mme [YO] [V] épouse [D], Mme [A] [V], M. [E] [U], constituant l'hoirie du défunt [H] [V] à payer à M.[N] la somme de 2 500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

Rejette les autres demandes de M.[N],

Condamne in solidum Mme [YO] [V] épouse [D], Mme [A] [V], M. [E] [U], constituant l'hoirie du défunt M.[H] [V], aux dépens de première instance et d'appel.

LE GREFFIER LE PRESIDENT

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