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Décisions

CA Bordeaux, ch. soc. B, 27 février 2025, n° 23/02058

BORDEAUX

Arrêt

Autre

CA Bordeaux n° 23/02058

27 février 2025

COUR D'APPEL DE BORDEAUX

CHAMBRE SOCIALE - SECTION B

--------------------------

ARRÊT DU : 27 FEVRIER 2025

PRUD'HOMMES

N° RG 23/02058 - N° Portalis DBVJ-V-B7H-NHVZ

Monsieur [C] [Z]

c/

S.A.R.L. CHAUDRONNERIE COGNACAISE

Nature de la décision : AU FOND

Grosse délivrée aux avocats le :

à :

Me Patrick HOEPFFNER de la SELARL HOEPFFNER, avocat au barreau de CHARENTE

Me Frédéric CUIF de la SELARL LX BORDEAUX, avocat au barreau de BORDEAUX

Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 03 avril 2023 (R.G. n°F 21/00154) par le Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire d'ANGOULEME, Section Encadrement, suivant déclaration d'appel du 28 avril 2023,

APPELANT :

[C] [Z]

né le 29 Janvier 1965 à [Localité 2] (16)

de nationalité Française, demeurant [Adresse 1]

Représenté et assisté par Me Patrick HOEPFFNER de la SELARL HOEPFFNER, avocat au barreau de CHARENTE

INTIMÉE :

S.A.R.L. CHAUDRONNERIE COGNACAISE pris en la personne, de son représeentant légal, demeurant en cette qualité au siége social [Adresse 3]

Représentée par Me Frédéric CUIF de la SELARL LX BORDEAUX, avocat au barreau de BORDEAUX

Assisté de Me SCHITTECATTE avocat au barreau de CHARENTE

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions des articles 907 et 805 du Code de Procédure Civile, l'affaire a été débattue le 09 janvier 2025 en audience publique, devant Madame Sophie Lésineau, conseillère chargée d'instruire l'affaire et de Monsieur Jean Rovinski, magistrat honoraire, qui ont entendu les plaidoiries, les avocats ne s'y étant pas opposés.

Ces magistrats ont rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :

Madame Marie-Paule Menu, présidente,

Madame Sophie Lésineau, conseillère,

Monsieur Jean Rovinski, magistrat honoraire,

greffière lors des débats : Sylvaine Déchamps,

ARRÊT :

- contradictoire

- prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l'article 450 alinéa 2 du Code de Procédure Civile.

EXPOSE DU LITIGE

A compter du 14 avril 2003, M. [C] [Z] a été engagé en qualité d'automaticien, statut cadre, par la SARL Chaudronnerie Cognacaise dont il était également un des actionnaires en tant que membre fondateur.

Aucun contrat de travail écrit n'a été formalisé entre les parties qui ont soumis leurs relations à la convention collective nationale des ingénieurs et cadres de la métallurgie.

Le 30 mars 2012, le salarié a signé un document appelé « Intitulé du poste ».

Le 30 juin 2014, M. [Z] et ses associés, tous salariés de la société, ont cédé l'intégralité des actions qu'ils détenaient dans le capital de la société Chaudronnerie Cognacaise à la SAS 2C Distillation et ont signé un contrat de garantie d'actif et de passif dans lequel un engagement de non-concurrence a été stipulé au titre de la garantie du fait personnel.

Le 12 février 2021, le contrat de travail de M. [Z] a pris fin après la signature d'une rupture conventionnelle le 5 janvier 2021, homologuée par la DIRECCTE le 22 janvier 2021.

Par courrier du 20 juillet 2021, réceptionné le 21 suivant, le conseil de M.[Z] a mis en demeure la société de payer à ce dernier la contrepartie financière à la clause de non - concurrence mise à sa charge par la convention de garantie de passif du 30 juin 2014 et prévue par la convention collective nationale des ingénieurs et cadres de la métallurgie.

Par lettre du 27 juillet 2021, la société Chaudronnerie Cognacaise a refusé de procéder à ce paiement en expliquant qu'en sa qualité de salarié, M. [Z] n'était pas tenu par une clause contractuelle de non - concurrence et qu'en sa qualité d'associé, son engagement de non - concurrence n'était assorti d'aucune contrepartie.

Par requête reçue le 14 septembre 2021, M. [Z] a saisi le conseil de prud'hommes d'Angoulême aux fins d'obtenir la condamnation de la société Chaudronnerie Cognacaise à lui verser la contrepartie financière de l'obligation de non - concurrence.

Par jugement du 3 avril 2023, le conseil de prud'hommes a :

- débouté M. [Z] de sa demande de contrepartie financière de l'obligation de non-concurrence pour la période du 12 février au 12 octobre 2022 pour un montant de 40.927,50 euros ;

- débouté M. [Z] de sa demande de versement tous les mois jusqu'au '12 février ' ( sic ) de la somme de 2046,88 euros ;

- débouté M. [Z] de sa demande de dommages et intérêts causé par le non-paiement de la contrepartie financière de l'obligation de non-concurrence pour un montant de 15.000 euros ;

- débouté M. [Z] de sa demande fondée sur l'article 700 du code de procédure civile pour un montant de 3000 euros ;

- mis la totalité des dépens à la charge de M. [Z] ;

- rappelé que sur présentation d'une copie exécutoire de la présente décision, les frais éventuels d'exécution forcée seront à la charge du débiteur dans la limite des dispositions de l'article L. 118 alinéa 1 du code des procédures civiles d'exécution ;

- débouté la société Chaudronnerie Cognacaise de sa demande fondée sur l'article 700 du code de procédure civile pour un montant de 3000 euros ;

- rappelé que le conseil de prud'hommes n'est pas compétent concernant la demande de M. [Z] visant à faire appliquer le contrat de non-concurrence inclus dans le contrat de garantie d'actif et du passif et invité les parties à mieux se pourvoir.

Par déclaration électronique du 28 avril 2023, M. [Z] a relevé appel de cette décision, en ce qu'elle l'a débouté de ses demandes :

- de contrepartie financière de l'obligation de non-concurrence pour la période du 12 février au 12 octobre 2022 pour un montant de 40.927,50 euros ;

- de versement tous les mois jusqu'au '12 février' ( sic) la somme de 2046,88 euros;

- de dommages et intérêts causés par le non-paiement de la contrepartie financière de l'obligation de non-concurrence pour un montant de 15.000 euros ;

- d'application de l'article 700 du code de procédure civile pour un montant de 3000 euros et a mis la totalité des dépens à sa charge.

L'ordonnance de clôture a été rendue le 10 décembre 2024 et l'affaire a été fixée à l'audience du 9 janvier 2025 pour être plaidée.

PRETENTIONS ET MOYENS

Dans ses dernières conclusions notifiées par voie électronique au greffe de la cour d'appel le 12 novembre 2024, M. [Z] demande à la cour de :

- dire recevable et bien fondé son appel,

- infirmer le jugement attaqué en ce qu'il l'a débouté de ses demandes :

* de contrepartie financière de l'obligation de non-concurrence pour la période du 12 février au 12 octobre 2022 pour un montant de 40.927,50 euros ;

* de versement tous les mois jusqu'au 12 février 2024 de la somme de 2046,88 euros;

* de dommages et intérêts causés par le non-paiement de la contrepartie financière de l'obligation de non-concurrence pour un montant de 15.000 euros ;

* d'application de l'article 700 du code de procédure civile pour un montant de 3000 euros ;

* mis la totalité des dépens à sa charge ;

- statuant à nouveau,

- condamner la société Chaudronnerie Cognacaise à lui régler la somme de 73.687,68 euros au titre de la contrepartie financière de l'obligation de non-concurrence pour la période du 12 février 2021 au 12 février 2024 avec intérêts au taux légal à compter de la mise en demeure, soit le 20 juillet 2021 et à titre subsidiaire, à compter de la saisine du conseil de prud'hommes d'Angoulême, soit le 14 septembre 2021 ;

- subsidiairement, condamner la société Chaudronnerie Cognacaise à lui verser la somme de 24.562,56 euros (soit 2046,88 x 12) avec intérêts au taux légal à compter de la mise en demeure, soit le 20 juillet 2021 et à titre subsidiaire, à compter de la saisine du conseil de prud'hommes d'Angoulême, soit le 14 septembre 2021 ;

- condamner la société Chaudronnerie Cognacaise à lui verser tous les 1ers du mois la somme de 2046,98 euros jusqu'au 12 février 2024 ;

- condamner la société Chaudronnerie Cognacaise à lui verser la somme de 15.000 euros à titre de dommages et intérêts ;

- débouter la société Chaudronnerie Cognacaise de l'ensemble de ses prétentions ;

- condamner la société Chaudronnerie Cognacaise à lui verser la somme de 4000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile ;

- condamner la société Chaudronnerie Cognacaise aux dépens.

Dans ses dernières conclusions notifiées par voie électronique au greffe de la cour d'appel le 3 décembre 2024, la SARL Chaudronnerie Cognacaise demande à la cour de :

- confirmer le jugement attaqué en ce qu'il a débouté M. [Z] de ses demandes:

* de paiement de la contrepartie financière de l'obligation de non-concurrence pour la période du 12 février au 12 octobre 2022 pour un montant de 40.927,50 euros ;

* de versement tous les mois jusqu'au 12 février 2024 de la somme de 2046,88 euros; * de dommages et intérêts causés par le non-paiement de la contrepartie financière de l'obligation de non-concurrence pour un montant de 15.000 euros ;

* d'application de l'article 700 du code de procédure civile pour un montant de 3000 euros ;

et mis la totalité des dépens à la charge de M. [Z] ;

- et statuant à nouveau,

- 'juger qu'aucune clause de non-concurrence qu'aurait eu à respecter M. [Z] ne peut être opposée à titre principal à la société Chaudronnerie Cognacaise en sa qualité de salarié titulaire d'un contrat de travail' ( sic);

- en conséquence, à titre principal,

- débouter M. [Z] de sa demande de la voir condamner à lui régler la somme de 73.687,68 euros au titre de la contrepartie financière de l'obligation de non-concurrence pour la période du 12 février 2021 au 12 juillet 2024 avec intérêts au taux légal à compter de la mise en demeure, soit le 20 juillet 2021 et à titre subsidiaire, à compter de la saisine du conseil de prud'hommes d'Angoulême, soit le 14 septembre 2021 ;

- et donc,

- confirmer le jugement du conseil de prud'hommes d'Angoulême sur ce point ;

- débouter M. [Z] de sa demande formée à titre subsidiaire de la voir condamner à devoir lui verser la somme de 24.562,56 euros (soit 2.046,88 euros x 12) avec intérêts au taux légal à compter de la mise en demeure, soit le 20 juillet 2021 et, à titre subsidiaire, à compter de la saisine du conseil de prud'hommes d'Angoulême, soit le 14 septembre 2021 ;

- débouter M. [Z] de sa demande de la voir condamnée à devoir lui verser, tous les premiers du mois, la somme de 2046,88 euros bruts jusqu'au 12 février 2024, cette demande n'ayant plus de sens compte tenu des demandes présentées par M. [Z] au titre de la contrepartie financière à la clause de non-concurrence et des éléments chronologiques en jeu dans ce dossier ;

- à titre subsidiaire, et si la cour devait entrer en voie de condamnation sur le plan de la contrepartie financière à la clause de non-concurrence réclamée par M. [Z],

- limiter sa condamnation sur ce terrain à une somme de 2046,88 euros x 12 mois, soit une somme brute de 24.562,56 euros pour tenir compte strictement de l'article 28 de la Convention collective nationale des ingénieurs et cadres de la métallurgie qui limite l'application de la clause à une durée de 1 an lorsque celle-ci n'est pas renouvelée, et de l'arrêt de la Cour de Cassation du 21 septembre 2022, ce qui est nécessairement le cas en l'espèce ;

- débouter,à titre principal et subsidiaire s'il en était besoin, M. [Z] de sa demande de se voir verser la somme de 15.000 euros en réparation de son préjudice causé par le non-paiement par cette dernière de la contrepartie financière dans la mesure où ladite société n'était aucunement tenue à lui verser cette dernière, aucun préjudice d'aucune sorte n'étant par ailleurs démontré par M. [Z] en la matière;

- et donc,

- confirmer le jugement du conseil de prud'hommes d'Angoulême sur ce point ;

- débouter M. [Z] de sa demande de paiement de la la somme de 4000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile;

- condamner M. [Z] à lui verser la somme de 4000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

Pour un plus ample exposé des faits, de la procédure antérieure, des prétentions et des moyens des parties, la cour se réfère à leurs conclusions écrites conformément aux dispositions de l'article 455 du code de procédure civile ainsi qu'à la décision déférée.

MOTIFS DE LA DÉCISION

I - SUR LA CLAUSE DE NON - CONCURRENCE :

En se fondant sur l'article 28 de la convention collective nationale des ingénieurs et cadres de la métallurgie et sur la clause de non - concurrence figurant à la convention de garantie de passif, M.[Z] soutient en substance :

- qu'il a été salarié de la société jusqu'au 12 février 2021,

- qu'il a été soumis en cette qualité à une clause de non - concurrence contenue dans la convention de garantie de passif,

- que de ce fait, compte - tenu de son respect scrupuleux de ladite clause, la société est tenue de lui en verser la contrepartie financière pendant trois ans ou subsidiairement durant un an, conformément à l'article 28 de la convention collective.

En réponse, la société objecte pour l'essentiel :

- qu'aucun contrat de travail écrit n'a été signé initialement entre M.[Z] et la société,

- que de ce fait, aucune clause de non - concurrence n'a été prévue,

- qu'ainsi, M.[Z] qui n'est soumis à aucune obligation de non - concurrence ne peut prétendre au versement d'aucune somme de ce chef,

- qu'en tout état de cause, la convention de garantie de passif ne vaut qu'entre les associés et n'ouvre pas droit au versement d'une contrepartie financière de la clause de non - concurrence.

Sur ce

Pour être valable, la clause de non - concurrence - insérée dans le contrat de travail ou prévue ultérieurement - doit être écrite et acceptée par le salarié de manière claire et non équivoque.

La convention collective peut contenir des dispositions relatives à l'obligation de non-concurrence qui s'appliquent aux contrats de travail entrant dans son champ d'application, en vertu de l'effet impératif des conventions collectives à l'égard des contrats de travail, sauf stipulations plus favorables aux salariés (C. trav., art. L.2254-1).

Lorsque la convention collective instaure de manière obligatoire une clause de non-concurrence, celle-ci s'impose à l'employeur et au salarié même si le contrat de travail ne mentionne pas une telle clause, dès lors que le salarié a été informé de l'existence d'une convention collective et a été mis en mesure d'en prendre connaissance lors de la conclusion de son contrat.

Au cas particulier :

1 ) - l'article 28 intitulé ' secret professionnel - clause de non - concurrence' de la convention collective nationale des ingénieurs et cadres de la métallurgie' prévoit :

' ..Une collaboration loyale implique évidemment l 'obligation de ne pas faire bénéficier une maison concurrente de renseignements provenant de l'entreprise employeur.

Par extension, un employeur garde la faculté de prévoir qu 'un ingénieur ou cadre qui le quitte, volontairement ou non, ne puisse apporter à une maison concurrente les connaissances qu'il a acquises chez lui, et cela en lui interdisant de se placer dans une dans une maison concurrente.

L 'interdiction de concurrence doit faire l 'objet d 'une clause dans la lettre d'engagement ou d'un accord écrit entre les parties.

Dans ce cas, l 'interdiction ne peut excéder une durée de un an, renouvelable une fois, et a comme contrepartie, pendant la durée de non-concurrence, une indemnité mensuelle égale à cinq dizièmes de la moyenne mensuelle des appointements ainsi que des avant ses douze derniers mois de présence dans l 'établissement....

L 'employeur , en cas de cessation d 'un contrat de travail qui prévoyait une clause de non - concurrence, peut se décharger de l'indemnité prévue ci-dessus en libérant l'ingénieur ou cadre de l 'interdiction de concurrence, mais sous condition de prévenir l 'interessé par écrit dans les 8 jours qui suivent la notification de la rupture du contrat de travail. En cas de rupture conventionnelle du contrat de travail à durée indeterminée, dans les conditions prévues par les articles L. 123 7-11 et suivants du code du travail, l 'emploveur ne peut se décharger de l 'indemnité de non-concurrence, en libérant l 'ingénieur ou cadre de l 'interdiction de concurrence, que par une mention expresse figurant dans la convention de rupture.

L'indemnite mensuelle prévue ci - dessus étant la contrepartie du respect de la clause de non-concurrence, elle cesse d 'être due en cas de violation par l'intéressé, sans préjudice des dommages et interêts qui peuvent lui être réclamés.

Les dispositions du présent article 28 ont un caractére impératif au sens des articles L.2252-1, alinéa 1, et L. 2253~3, alinéa 2, du Code du travail'.

2 ) - l'article 4.3 intitulé ' non - concurrence ' de la convention de garantie d'actif et de passif signée le 30 juin 2014 entre les cédants et le cessionnaire, est ainsi rédigée:

« Chacun des cédants s'interdit, pendant une durée de sept (7) ans à compter de la date de cession, d'entreprendre aucune activité rapportée dans l'objet social de la société, à quelque titre que ce soit ou de s'intéresser sous quelque titre que ce soit à toute entreprise concurrente de la société, à peine de dommages-intérêts et sans préjudice du droit de faire cesser toute infraction à cette interdiction.

Cette obligation de non-concurrence est souscrite pour valoir sur les départements de Charente et Charente Maritime ainsi que sur le territoire de tous les départements limitrophes de ces deux départements.

Par exception à ce qui est exprimé précédemment, les cédants, tous titulaires d'un contrat de travail avec la société, auront la faculté de conclure un contrat de travail au sein d'une entreprise concurrente de celle-ci, dans les limites et circonstances suivantes:

* Dans l'hypothèse d'une rupture du contrat de travail liant un ou plusieurs cédants à la société, à l'initiative du seul salarié ou à l'initiative de la société pour faute grave ou lourde, l'obligation de non-concurrence sus exposée aura une durée identique à celle sus exposée, soit sept (7) années à compter de la date de prise d'effet de la rupture et portera sur la zone géographique sus visée.

* Dans l'hypothèse d'une rupture du contrat de travail les liant à la société, à la seule initiative de la société pour tout autre motif que ceux exposés précédemment, ou sur initiative conjointe du cédant et de la société, l'obligation de non-concurrence sus exposée aura une durée réduite à trois (3) années à compter de la date de prise d'effet de la rupture et portera sur la zone géographique sus visée'.

Il n'est pas contesté :

- que comme aucun contrat de travail écrit à durée indéterminée n'a été conclu le 14 avril 2003 entre M. [Z], associé de la SARL Chaudronnerie Cognacaise et cette dernière, aucune clause de non - concurrence n'a été prévue initialement dans le contrat de travail.

- que la seule clause de non - concurrence qui existe figure à l'article 4.3 de la convention de garantie d'actif et de passif signée le 30 juin 2014.

Il en résulte qu'à compter de la signature de la convention, M.[Z] a été soumis à deux obligations de non - concurrence autonomes :

- l'une attachée à sa qualité d'associé,

- l'autre attachée à sa qualité de salarié de la SARL Chaudronnerie Cognacaise, son nouvel employeur, auquel son contrat de travail avait été transféré par l'acte de cession des parts sociales signé le 30 juin 2014 - comme ne le contestent pas les parties - .

De ce fait, réciproquement, à compter de cette même date, la SARL Chaudronnerie Cognacaise a été tenue par la clause litigieuse au paiement d'une contrepartie financière à l'obligation de non - concurrence en qualité d'employeur de M.[Z], son salarié.

Sur le fondement tout à la fois des principes sus - rappelés relatifs au caractère obligatoire des clauses de non - concurrence prévues aux conventions collectives et de l'article 28 de la convention collective (qui prévoit que l'interdiction de concurrence ne peut excéder une durée d'un an, renouvelable et a comme contrepartie pendant la durée de non - concurrence une indemnité mensuelle égale à 5/10 de la moyenne mensuelle des appointements, des avantages et des gratifications contractuels dont le salarié a bénéficié au cours de ses douze derniers mois d'activité), il convient de fixer à la somme de 24 562, 56€ bruts ( 2046, 88€ x 12 ) la contrepartie financière de la clause de non - concurrence dans la mesure où il n'est pas contesté que ladite clause n'a pas été renouvelée par l'employeur au terme de la première année.

En conséquence, la société doit être condamnée à payer cette somme à M.[Z] qui doit être débouté de sa demande de paiement de la somme de 73 687,68€ au titre de la contrepartie financière de la clause de non - concurrence, calculée sur une interdiction de concurrence de trois ans.

En conséquence, le jugement attaqué doit être infirmé de ce chef.

Par ailleurs, l'appelant doit être débouté de sa demande de paiement de la somme de 2046,98€ par mois jusqu'au 12 février 2024 qui conduirait - s'il y était fait droit - à condamner deux fois au paiement du même chef la SARL Chaudronnerie Cognacaise.

En conséquence, le jugement attaqué doit être confirmé de ce chef.

II - SUR LA REPARATION DU PREJUDICE RESULTANT DU NON PAIEMENT DE LA CONTREPARTIE FINANCIERE DE L'OBLIGATION DE NON CONCURRENCE:

M. [Z] soutient en substance :

- qu'il a respecté scrupuleusement la clause de non - concurrence mise à sa charge,

- qu'il a subi un préjudice en raison du non - paiement de la contrepartie financière par la société.

En réponse, la société objecte pour l'essentiel que M.[Z] doit être débouté de sa demande.

Sur ce

En application de l'article 1240 du code civil : 'Tout fait quelconque de l'homme, qui cause à autrui un dommage, oblige celui par la faute duquel il est arrivé à le réparer'.

Au cas particulier, le refus de la société de payer au salarié la contrepartie de l'obligation de non - concurrence ou de l'en libérer a causé un préjudice au salarié tenant :

- à l'impossibilité de postuler sur des postes proposés par des entreprises concurrentes dans le secteur d'activité inclus dans le périmètre interdit ou de créer une entreprise concurrente, du 30 juin 2021, (date d'expiration de la clause de non - concurrence imposée à M.[Z] en qualité de cédant) jusqu'au 12 février 2022 (date d'expiration de la clause de non - concurrence imposée au salarié par la convention collective).

- au défaut de paiement sur une année du 12 février 2021 ( date de fin du contrat du salarié à compter de laquelle court la clause de non - concurrence du salarié ) au 12 février 2022 ( date de fin de l'interdiction de non - concurrence) d'un complément mensuel de salaire par le versement mensuel de la contrepartie financière de la clause.

De ce fait, au vu de l'ensemble de ces éléments, il convient de fixer à la somme de 3000€ la réparation du préjudice qu'il a subi et de condamner la société à lui payer ce montant.

Le jugement attaqué doit donc être infirmé de ce chef.

III - SUR LES INTERETS, LES DEPENS ET LES FRAIS IRREPETIBLES :

Les sommes allouées à M.[Z] produiront intérêts au taux légal :

- s'agissant des créances indemnitaires à compter de la présente décision,

- s'agissant des créances salariales, à compter du 21 juillet 2021, jour de la réception par la société du courrier que lui avait adressé la veille le conseil de M.[Z] ( AR signé) aux fins d'obtenir le paiement de la contrepartie financière de la clause de non- concurrence et qui contient une interpellation suffisante à cette fin ' à savoir ' Par la présente, M.[Z] vous met en demeure de lui adresser la somme de 12 281, 25€ pour la période du 12 février au 1 er juillet 2021, puis à compter du 1 er août 2021 jusqu'au 12 février 2022, chaque mois la somme de 2046, 88€. A défaut de procéder auxdits réglements dans le délai de huit jours qui suivra la notification de la présente, M.[Z] n'aura pas d'autre alternative que celle d'ester en justice...'' .

La SARL Chaudronneries Cognacaise doit être condamnée aux dépens de première instance et d'appel.

Il n'est pas inéquitable de condamner la SARL Chaudronneries Cognacaise à payer à M.[Z] la somme de 2000€ en application de l'article 700 du code de procédure civile tout en la déboutant de sa propre demande présentée sur le même fondement.

PAR CES MOTIFS

La cour statuant publiquement, contradictoirement et en dernier ressort,

Infirme le jugement prononcé le 17 octobre 2022 par le conseil de prud'hommes d'Angoulême,

Statuant à nouveau,

Déboute M.[Z] de sa demande de paiement de la somme de 73.687,68 euros au titre de la contrepartie financière de l'obligation de non-concurrence pour la période du 12 février 2021 au 12 février 2024

Condamne la SARL Chaudronnerie Cognacaise à payer à M.[Z] la somme de 24.562,56 euros bruts au titre de la contrepartie financière de l'obligation de non - concurrence,

Déboute M.[Z] de sa demande de paiement de la somme de 2046,98 euros tous les 1ers du mois la somme jusqu'au 12 février 2024 ;

Condamne la SARL Chaudronnerie Cognacaise à payer à M.[Z] la somme de 3000€ à titre de dommages intérêts,

Dit que les sommes allouées à M. [Z] produiront intérêts au taux légal :

- s'agissant des créances indemnitaires (par ailleurs exonérées de cotisations sociales dans les conditions légales et réglementaires applicables) à compter de la présente décision,

- s'agissant des créances salariales, à compter du 21 juillet 2021,

Condamne la SARL Chaudronnerie Cognacaise aux dépens,

Condamne la SARL Chaudronnerie Cognacaise à payer à M.[Z] la somme de 2000€ en application de l'article 700 du code de procédure civile,

Déboute la SARL Chaudronnerie Cognacaise de sa demande formée en application de l'article 700 du code de procédure civile.

Signé par Marie-Paule Menu, présidente et par Sylvaine Déchamps, greffière à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

S. Déchamps MP. Menu

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