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Décisions

CA Nîmes, 1re ch., 27 février 2025, n° 23/03181

NÎMES

Arrêt

Confirmation

PARTIES

Demandeur :

Cofidis (SA)

Défendeur :

Cofidis (SA)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

Mme Defarge

Conseillers :

Mme Berger, Mme Gentilini

Avocats :

Me Laplane, Me Mansat Jaffre, SCP Abbal - Ceccotti, Selarl Mansat Jaffre

Jur. prox. Orange, du 6 juin 2023, n° 11…

6 juin 2023

EXPOSÉ DES FAITS ET DE LA PROCÉDURE

M. et Mme [O] ont acquis une installation photovoltaïque auprès de la société FHNE, au prix de 23 500 euros totalement financé par un prêt remboursable en 180 mensualités, au taux nominal fixe de 6,11% souscrit auprès de la société Groupe Sofemo aux droits de laquelle vient la société Cofidis.

M. [O] a signé le 4 juin 2010 une attestation de livraison et sollicité du prêteur le déblocage des fonds et leur versement au crédit de la société FHNE.

Exposant que l'installation ne donnait pas les résultats prévus et alléguant de manquements imputables à l'établissement bancaire, M. et Mme [O] ont par acte du 27 octobre 2022 assigné la société Cofidis aux fins de voir prononcer la nullité du contrat principal et du contrat de crédit affecté et en indemnisation de leurs préjudices devant le juge des contentieux de la protection de la juridiction de proximité d'Orange qui par jugement contradictoire du 6 juin 2023

- a déclaré leur action irrecevable,

- les a condamnés solidairement aux dépens d'instance et au paiement d'une somme de 1 500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile

- a rappelé que l'exécution provisoire est de droit.

M. et Mme [O] ont interjeté appel de ce jugement par déclaration du 10 octobre 2023.

Par ordonnance du 23 septembre 2024, la procédure a été clôturée le 6 janvier 2025 et l'affaire fixée à l'audience du 20 janvier 2025.

EXPOSÉ DES PRÉTENTIONS ET DES MOYENS

Au terme de leurs dernières conclusions régulièrement notifiées le 14 décembre 2023, M. et Mme [O] demandent à la cour':

- d'infirmer le jugement dont appel en toutes ses dispositions,

Statuant à nouveau

- de recevoir leurs actions

- en nullité du contrat de vente à l'encontre des sociétés FHNE et Cofidis pour dol et en raison des irrégularités affectant le bon de commande

- en responsabilité à l'encontre de la société Cofidis,

- de prononcer la nullité du contrat de vente en raison des irrégularités affectant le bon de commande ou, à titre subsidiaire, sur le fondement du dol,

- de prononcer en conséquence la nullité du contrat de crédit affecté,

En tout état de cause

- de condamner la société Cofidis à leur verser la somme correspondant à l'intégralité du prix de vente de l'installation,

- de la condamner à leur verser les sommes de

- 10 000 euros au titre du coût de l'enlèvement de l'installation et de la remise en état de l'immeuble, et tous les intérêts conventionnels et frais payés provisoirement arrêtés,

- 5 000 euros au titre du préjudice moral subi,

- 3 000 euros au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,

- de la condamner aux entiers dépens de l'instance

Au terme de ses dernières conclusions régulièrement notifiées le 6 décembre 2024, la société Cofidis demande à la cour':

A titre principal

- de confirmer le jugement dont appel en toutes ses dispositions,

A titre subsidiaire

- de débouter les époux [O] de l'ensemble de leurs demandes,

A titre plus subsidiaire

- de limiter sa condamnation au remboursement des seuls intérêts, le capital remboursé lui demeurant définitivement acquis,

A titre infiniment subsidiaire

- de limiter sa condamnation au remboursement des seuls intérêts, le capital remboursé lui demeurant définitivement acquis,

- de fixer à un euro symbolique le montant des dommages et intérêts revenants aux époux [O] en réparation du préjudice lié à l'insolvabilité du vendeur,

En tout état de cause

- de condamner solidairement les époux [O] lui payer la somme de 3 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

- de les condamner solidairement aux entiers dépens.

Il est fait renvoi aux écritures susvisées pour un plus ample exposé des éléments de la cause, des moyens et prétentions des parties, conformément aux dispositions des articles 455 et 954 du code de procédure civile.

MOTIVATION

* recevabilité de l'action en nullité du contrat de vente

**action en nullité pour dol

Pour déclarer irrecevable l'action en nullité du contrat de vente pour dol le premier juge, se fondant sur l'allégation des demandeurs selon laquelle un délai de 3 ans était nécessaire pour avoir connaissance de la rentabilité de l'installation acquise en 2010, a jugé prescrite leur action engagée en 2022.

Les appelants soutiennent que le point de départ du délai de prescription est le jour où le consommateur a eu connaissance des faits lui permettant d'agir ; qu'ils n'ont eu connaissance du défaut de rentabilité de l'installation qu'après avoir consulté un professionnel en mathématiques et analyse financière, et qu'il incombe à l'établissement bancaire de rapporter la preuve de la date à laquelle ils ont eu connaissance des vices invoqués ; que la présentation avantageuse de la rentabilité de l'installation alors que venderesse ne pouvait ignorer que la production de l'installation ne permettrait pas de rembourser le crédit constitue un dol et que l'erreur provoquée par les manoeuvres dolosives de la société venderesse a été déterminante de leur consentement,

L'intimée réplique que les appelants ont eu connaissance des faits leur permettant d'agir sur le fondement du dol dès le 6 janvier 2012, date de la première facture d'électricité établie caractérisant l'absence de rentabilité de l'installation ; que le seul rapport d'expertise extrajudiciaire non contradictoire produit ne permet de caractériser cette absence de rentabilité ; que le délai pour agir expirait ainsi au 6 janvier 2017 de sorte que leur action introduite le 27 octobre 2022 est prescrite ; qu'en tout état de cause, les emprunteurs qui ne mettent pas en cause la société venderesse sont irrecevables en leurs actions.

Aux termes de l'article 1116 du code civil en vigueur du 21 mars 1804 au 01 octobre 2016 ici applicable le dol est une cause de nullité de la convention lorsque les manoeuvres pratiquées par l'une des parties sont telles, qu'il est évident que, sans ces manoeuvres, l'autre partie n'aurait pas contracté.

Il ne se présume pas et doit être prouvé.

Il incombe ici aux appelants de démontrer le dol du vendeur et en conséquence le caractère déterminant de leur consentement de la rentabilité de l'installation photovoltaïque.

Or le bon de commande du 26 mai 2010 qui décrit l'acquisition de 16 panneaux en mono cristal d'une puissance de 2 960 Wc, d'un onduleur, du câblage et des accessoires, avec une garantie 25 ans des panneaux 'jusqu'à 80% de rendement' ne précise pas celui-ci qui n'est donc pas entré dans le champ contractuel. Aucun dol n'est donc caractérisé.

De plus aux termes de l'article 2224 du code civil en vigueur depuis le 19 juin 2008 les actions personnelles ou mobilières se prescrivent par cinq ans à compter du jour où le titulaire d'un droit a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant de l'exercer.

Engagée plus de douze ans après la conclusion du contrat à l'encontre du seul prêteur l'action en nullité du contrat est non seulement prescrite mais irrecevable à l'encontre de celui-ci et le jugement est confirmé de ce chef.

**action en nullité pour manquements aux dispositions du code de la consommation

Pour déclarer cette action irrecevable le premier juge a relevé que le vendeur n'avait pas été mis en cause.

Les appelants soutiennent que l'intimée ne démontre pas qu'ils ont eu connaissance des dispositions de l'article L. 121-23, les conditions générales du contrat n'ayant été ni signées ni ratifiées, et que le contrat de vente conclu à la suite d'un démarchage téléphonique et dépourvu des mentions obligatoires prévues par le code de la consommation est nul.

L'intimée soutient que le point de départ du délai de prescription de l'action est le jour de la signature du bon de commande, date à laquelle les emprunteurs étaient en mesure de déceler les erreurs alléguées ; qu'ils disposaient ainsi d'un délai expirant au 26 mai 2015 pour agir et que leur action est prescrite : qu'en tout état de cause, ils sont irrecevables en leur action n'ayant pas mis en cause la société venderesse.

Engagée à l'encontre du seul prêteur l'action en nullité du contrat pour violation par le vendeur des dispositions du code de la consommation est en effet irrecevable et en tout état de cause également prescrite en vertu des dispositions de l'article 2224 du code civil précitées.

Le jugement est encore confirmé de ce chef.

* nullité du contrat de prêt subséquente à la nullité du contrat de vente

Le premier juge a déclaré cette action prescrite et également irrecevable faute de mise en cause de l'installateur ou du vendeur de l'installation.

Les appelants soutiennent que la nullité du contrat de vente principal emporte annulation de plein droit du contrat de crédit accessoire.

L'intimée soutient que le bon de commande est conforme aux dispositions du code de la consommation et que les appelants ont réitéré leur consentement en parfaite connaissance de cause puisqu'ils ont volontairement exécuté le contrat.

Aux termes de l'article L311-32 du code de la consommation en vigueur du 01 mai 2011 au 01 juillet 2016 ici applicable en cas de contestation sur l'exécution du contrat principal, le tribunal pourra, jusqu'à la solution du litige, suspendre l'exécution du contrat de crédit. Celui-ci est résolu ou annulé de plein droit lorsque le contrat en vue duquel il a été conclu est lui-même judiciairement résolu ou annulé.

Les dispositions de l'alinéa précédent ne seront applicables que si le prêteur est intervenu à l'instance ou s'il a été mis en cause par le vendeur ou l'emprunteur.

Ces dispositions n'imposent pas la mise en cause du vendeur mais celle du prêteur.

Selon l'article L.121-23 du code de la consommation ici appicable les opérations visées à l'article L. 121-21 doivent faire l'objet d'un contrat dont un exemplaire doit être remis au client au moment de la conclusion de ce contrat et comporter, à peine de nullité, les mentions suivantes:

1° Noms du fournisseur et du démarcheur;

2° Adresse du fournisseur;

3° Adresse du lieu de conclusion du contrat;

4° Désignation précise de la nature et des caractéristiques des biens offerts ou des services proposés;

5° Conditions d'exécution du contrat, notamment les modalités et le délai de livraison des biens, ou d'exécution de la prestation de services;

6° Prix global à payer et modalités de paiement; en cas de vente à tempérament ou de vente à crédit, les formes exigées par la réglementation sur la vente à crédit, ainsi que le taux nominal de l'intérêt et le taux effectif global de l'intérêt déterminé dans les conditions prévues à l'article L. 313-1;

7° Faculté de renonciation prévue à l'article L. 121-25, ainsi que les conditions d'exercice de cette faculté et, de façon apparente, le texte intégral des articles L. 121-23, L. 121-24, L. 121-25 et L. 121-26.

Selon l'article L. 121-24 du même code le contrat visé à l'article L. 121-23 doit comprendre un formulaire détachable destiné à faciliter l'exercice de la faculté de renonciation dans les conditions prévues à l'article L. 121-25. Ce contrat ne peut comporter aucune clause attributive de compétence. Tous les exemplaires du contrat doivent être signés et datés de la main même du client.

Le bon de commande produit comporte le nom et l'adresse du fournisseur (société France Habitat Nouvelles Energies [Adresse 2] tél [XXXXXXXX01] E-mail : [Courriel 8] Site www.fhne.fr Siret 512 677 881 00017), le lieu de conclusion du contrat ([Localité 9]), la désignation précise de la nature et des caractéristiques des biens (16 panneaux en mono-cristal d'une puissance de 1960 Wc au prix TTC de 19 174,88 euros TTC, deux protections HC/DC avec structure d'étanchéité au prix de 650 euros TTC, un onduleur SMA Sunny Boy garanti 20 ans au prix de 1950 euros TTC, le câblage et les accessoires pour 500 euros TTC, les panneaux étant garantis 20 ans jusqu'à 80% de rendement), le prix global à payer ( 23 500 euros), le taux nominal de l'intérêt ( 6,11%), le tauc effectig global ( 6,57%), le coût global du crédit ( 27 422 euros) et le nom du technicien conseil.

Les conditions générales au dos sont censées avoir été portées à la connaissance des acquéreurs selon mention figurant au recto en ce sens. Elles se terminent par la mention du droit de rétractation dans le délai de 7 jours et le formulaire à utiliser pour ce faire.

La seule mention légale qui ne figure pas sur ce bon de commande est celle relative au délai de livraison de l'installation photovoltaïque qui en est l'objet, mais les conditions générales mentionnent à cet égard

'3. LA LIVRAISON la livraison s'effectue au domicile de l'acheteur ou tout autre lieu indiqué par lui sur le bon de commande. Les frais et les risques liés à l'opération de livrasion des produits sont à la charge exclusive de la société France Habitat Nouvelles Energies. A compter de la livrasion les risques des produits sont transférés à l'acheteur. 4.RECEPTION DES PRODUITS L'acheteur doit s'assurer au moment de la livraison des produits de la conformité de ceux-ci avec sa commande. Si les produits livrés ne sont pas conformes en nature ou en quantité aux spécifications indiquées sur le bon de livraison joint à l'envoi ou ont subit (des) avaries durant leur transport l'acheteur doit inscritre lisiblement ses réserves sur le bordereau de livraison et sign(al)er également les commanges causés durant le transport à la société par lettre recommander (sic) avec accuser (sic) de réception durantes les 72 heures de la livraison. A défaut la société considère que les produits sont conformes à la commande'.

Et la société Cofidis verse aux débats l'attestation de livraison signée le 4 juin 2010 par M. [C] [O] y certifiant également avoir disposé du délai normal de rétractation.

Aucune nullité du contrat de vente n'est donc ici susceptible d'entraîner subséquemment la nullité du contrat de crédit affecté.

Les appelants n'articulent par ailleurs aucun moyen de nullité intrinsèque du contrat de crédit souscrit le 26 mai 2010, et leur action sur ce fondement serait en tout état de cause également prescrite en vertu des dispositions de l'article 2224 du code civil précidté.

Le jugement est encore confirmé de ce chef.

* action en responsabilité de la banque

Pour déclarer cette action prescrite le premier juge a dit que les emprunteurs avaient été mis en mesure de l'exercer dès l'acceptation de l'offre et au plus tard à la date de prélèvement de la première échéance.

Les appelants prétendent qu'en s'abstenant de vérifier la régularité du bon de commande et en procédant à la libération des fonds, l'intimée a commis une faute la privant de son droit à restitution des sommes prêtées ; que cette faute leur a également causé un préjudice indemnisable correspondant aux frais d'enlèvement des panneaux photovoltaïques litigieux et de remise en état de la toiture, ainsi qu'un préjudice moral né notamment de l'absence de rentabilité de l'installation et de l'insolvabilité du vendeur.

L'intimée prétend que l'action en responsabilité dirigée à son encontre fondée sur la prétendue libération fautive des fonds est également prescrite, la première mensualité ayant été payée le 5 mars 2011.

Aux termes de l'article 2224 du code civil en vigueur depuis le 19 juin 2008 les actions personnelles ou mobilières se prescrivent par cinq ans à compter du jour où le titulaire d'un droit a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant de l'exercer.

Le contrat de crédit ayant été souscrit le 26 mai 2010 et la première échéance payée le 5 mars 2011 l'action en responsabilité des emprunteurs était prescrite en 2022 au moment de l'introduction de leur instance.

Le jugement est donc encore confirmé de ce chef.

* dépens et article 700

Les appelants qui succombent sont condamnés aux dépens de l'entière instance et doivent payer outre les frais irrépétibles déjà prononcés par le jugement la somme de 3 000 euros au même titre pour la procédure d'appel

PAR CES MOTIFS

La cour

Confirme le jugement du juge des contentieux de la protection du tribunal de proximité d'Orange du tribunal judiciaire de Capentras en toutes ses dispositions,

Y ajoutant

Condamne M.[C] [O] et Mme [Y] [D] épouse [O] aux dépens de la présente instance,

Les condamne à payer à la société Cofidis la somme de 3 000 euros en cause d'appel sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

Arrêt signé par la présidente et par la greffière.

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