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Décisions

CA Douai, ch. 2 sect. 1, 27 février 2025, n° 24/00598

DOUAI

Arrêt

Autre

CA Douai n° 24/00598

27 février 2025

République Française

Au nom du Peuple Français

COUR D'APPEL DE DOUAI

CHAMBRE 2 SECTION 1

ARRÊT DU 27/02/2025

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N° de MINUTE :

N° RG 24/00598 - N° Portalis DBVT-V-B7I-VLCQ

Jugement (N°2015001467 ) rendu le 5 juillet 2016 par le tribunal de commerce de Douai

Arrêt (N°16/5096 ) rendu le 13 septembre 2018 par la cour d'appel de Douai

Arrêt (N°20/4683 ) rendu le 24 juin 2021 par la cour d'appel de Douai

Arrêt (N°1182 FS-D ) rendu le 23 novembre 2023 par la Cour de cassation

SUR RENVOI APRES CASSATION

DEMANDERESSE à la saisine

SELARL Perspectives prise en la personne de Me [K] [N] en sa qualité de liquidateur judiciaire de la SAS ESN, domicilié en cette qualité audit siège

ayant son siège social [Adresse 1]

représentée par Me Eric Laforce, avocat au barreau de Douai, avocat constitué

assistée de Me Stéphane Campagne, avocat au barreau de Béthune, avocat plaidant

DÉFENDEUR à la saisine

Monsieur [D] [B]

né le 05 juin 1952 à [Localité 3] (62)

de nationalité française

demeurant [Adresse 2]

représenté par Me Stanislas Duhamel, avocat au barreau de Boulogne-sur-Mer, avocat constitué

COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DÉBATS ET DU DÉLIBÉRÉ

Pauline Mimiague, conseiller faisant fonction de président de chambre, désignée par ordonnance du premier président en date du 24 octobre 2024

Aude Bubbe, conseiller

Nathalie Richez-Saule, conseiller

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GREFFIER LORS DES DÉBATS : Valérie Roelofs

DÉBATS à l'audience publique du 28 novembre 2024 après rapport oral de l'affaire par Pauline Mimiague

Les parties ont été avisées à l'issue des débats que l'arrêt serait prononcé par sa mise à disposition au greffe.

ARRÊT CONTRADICTOIRE prononcé publiquement par mise à disposition au greffe le 27 février 2025 (date indiquée à l'issue des débats) et signé par Pauline Mimiague, conseiller faisant fonction de président et Béatrice Capliez, adjoint administratif faisant fonction de greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

ORDONNANCE DE CLÔTURE DU : 6 novembre 2024

****

EXPOSÉ DU LITIGE

Le 31 mars 2015, la société ESN et Me [N], ès qualités de commissaire à l'exécution du plan de la société ESN, ont assigné devant le tribunal de commerce de Boulogne-sur-Mer M. [G] [B], qui a exercé les fonctions de directeur général et de directeur administratif et financier de cette société jusqu'en 2014, aux fins de le voir condamner en paiement de sommes au titre de commandes passées et de travaux réalisés par la société au profit de celui-ci.

Par jugement contradictoire du 5 juillet 2016 le tribunal de commerce a :

- dit n'y avoir lieu à surseoir à statuer,

- rejeté l'exception de prescription,

- condamné M. [B] au paiement de la somme de 33 369 euros avec intérêts légaux, majorés de cinq points à l'expiration d'un délai de deux mois à compter du jour où la décision sera devenue exécutoire,

- ordonné la capitalisation annuelle des intérêts au visa de l'article 1154 du code civil, à la date anniversaire de la présente décision,

- débouté la société ESN et Me [N] ès qualités du surplus de leurs demandes,

- ordonné l'exécution provisoire.

M. [B] a relevé appel de ce jugement devant cette cour.

En appel, la société ESN et Me [N], ès qualités de liquidateur judiciaire, ont demandé, notamment, la confirmation du jugement et la condamnation de M. [B] au paiement de la somme de 33 696 euros, avec intérêts légaux majorés de cinq points à compter de la mise en demeure au titre de la 'restitution desdites sommes et indemnisation du préjudice subi par la société ESN au titre des travaux réalisé non facturés', sur le fondement des articles L. 225-251 et L. 225-254 du code de commerce, et relevaient en outre qu'ils étaient recevables à agir en répétition de l'indu.

Par arrêt du 13 septembre 2018 la cour a :

- infirmé le jugement sauf en ce qu'il a dit n'y avoir lieu de surseoir à statuer et en ce qui concerne les dispositions relatives aux dépens et à l'article 700 du code de procédure civile,

et, statuant à nouveau sur les chefs infirmés et y ajoutant,

- déclaré Me [N], en sa qualité de liquidateur judiciaire de la société ESN, irrecevable en ses conclusions,

- déclaré la société ESN irrecevable en ses demandes reconventionnelles,

- déclaré l'action en responsabilité contre M. [B] prescrite pour tous les faits antérieurs au 31 mars 2012,

- statuant sur l'appel de M. [B], l'a condamné à régler à Me [N], ès qualités, la somme de 4 511 euros en réparation du préjudice subi par la société ESN du fait de sa faute de gestion, outre les intérêts au taux légal à compter du 5 juillet 2016,

- débouté M. [B] du surplus de ses demandes en ce compris celle faite au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamné M. [B] aux dépens d'appel qui pourront être recouvrés conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.

Le pourvoi formé contre cet arrêt a fait l'objet d'une décision de rejet non spécialement motivé de la Cour de cassation rendue le 30 septembre 2020.

Le 10 novembre 2020, la SELARL [N] & Associés a déposé une requête en omission de statuer devant cette cour, aux fins de voir statuer sur 'la demande de condamnation de M. [B] au paiement de la somme de 33 369 euros avec intérêts au taux légal majoré de cinq points à compter de la mise en demeure du 9 décembre 2014 au titre de la répétition de l'indu'.

Par arrêt du 24 juin 2021, la cour d'appel a déclaré irrecevable la requête en omission de statuer et condamné la SELARL [N], ès qualités, à payer à M. [B] la somme de 4 500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile et aux dépens de l'instance.

Sur pourvoi du mandataire judiciaire, la Cour de cassation a, par arrêt du 23 novembre 2023, annulé cet arrêt en toutes ses dispositions, renvoyant les parties devant la cour d'appel de Douai autrement composée.

Par acte remis au greffe le 8 février 2024 la SELAS Perspectives, prise en la personne de Me [K] [N], ès qualités de liquidateur judiciaire de la SAS ESN, a procédé à une 'déclaration de saisine tendant à la rectification de la décision entreprise en ce qu'elle a omis de statuer sur la demande de condamnation de M. [B] sur le fondement juridique de la répétition de l'indu soumis au délai de prescription de droit commun à compter de la connaissance des faits permettant d'exercer l'action'.

Aux termes ses dernières conclusions remises au greffe et notifiées par voie électronique le 4 novembre 2024 la SELARL Perspectives ès qualités de liquidateur judiciaire de la société ESN demande à la cour de :

- la juger recevable et bien fondée en sa demande relative à une omission de statuer,

- juger qu'il n'a pas été statué sur la demande de condamnation de M. [B] sur le fondement juridique de la répétition de l'indu soumis au délai de prescription de droit commun à compter de la connaissance des faits permettant d'exercer l'action,

- condamner M. [B] au paiement de la somme de 33 369,00 euros avec intérêts légaux, majorés de cinq points à compter de la mise en demeure du 9 décembre 2014 au titre de la répétition de l'indu,

- juger que la décision rectificative sera mentionnée sur la minute et sur les expéditions de la décision modifiée,

- laisser les dépens à la charge du Trésor public.

Le liquidateur judiciaire fait valoir en premier lieu que les mandats de la SELAS Perspectives ont été transmis à la SELARL Perspectives à compter du 1er janvier 2024 de sorte que la SELARL est recevable en sa procédure. En second lieu, il soutient que dans son premier arrêt rendu en 2018, la cour d'appel n'a pas répondu au moyen développé subsidiairement sur la répétition de l'indu, relevant qu'il ressort du rapport établi dans le cadre du premier pourvoi que le grief formulé de défaut de réponse à conclusions consistait en réalité en une omission de statuer pouvant être réparée par la procédure de l'article 463 du code de procédure civile. Il demande qu'il soit statué sur cette prétention, relevant que l'action sur ce fondement se prescrit par cinq ans, et non trois ans, à compter du jour de la connaissance des faits.

Aux termes de ses dernières conclusions remises au greffe et notifiées par voie électronique le 6 novembre 2024 M. [B] demande à la cour de :

- débouter la SELARL Perspectives, ès qualités de liquidateur de la société ESN, de ses demandes, fins et conclusions, tant en son nom que pour la SELARL [N] & Associés, et/ou la SELAS Perspectives,

- condamner la SELARL Perspectives ès qualités à lui verser la somme de 7 500 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile,

- la condamner à supporter la charge des dépens afférents à la présente instance, dont distraction au profit de la SELARL Opal'juris, au visa des articles 696 et 699 du code de procédure civile.

Il soulève le défaut d'intérêt et de qualité à agir de la SELAS Perspectives qui, au jour de la déclaration de saisine, avait fait l'objet d'une dissolution avec transfert des mandats judiciaires à la SELARL, relevant en outre des contradictions dans ses premières conclusions établies pour la SELAS, au profit de la SELARL. Subsidiairement, il soutient qu'il n'y a pas d'omission de statuer puisque la cour d'appel a déclaré irrecevables les conclusions de Me [N]. Subsidiairement, il soulève l'irrecevabilité de l'action à raison de la prescription ou au motif qu'il existe un régime de responsabilité spécifique des dirigeants des sociétés, l'absence de demande formulée dans les conclusions du mandataire judiciaire et l'absence de preuve de la créance alléguée.

En application de l'article 455 du code de procédure civile, il est renvoyé aux écritures des parties pour l'exposé du surplus de leurs moyens.

La clôture de l'instruction est intervenue le 6 novembre 2024 et l'affaire a été renvoyée à l'audience de plaidoiries du 26 novembre suivant.

MOTIFS

Sur la recevabilité de la saisine

Selon l'article 122 du code de procédure civile, constitue une fin de non-recevoir tout moyen qui tend à faire déclarer l'adversaire irrecevable en sa demande, sans examen au fond, pour défaut de droit d'agir, tel le défaut de qualité ou le défaut d'intérêt.

M. [B] soulève le défaut d'intérêt et de qualité à agir de la SELARL Perspectives, agissant pour la SELAS Perspectives ou la SELARL [N] & Associés, sans toutefois en tirer de conséquence en terme de demande dans le dispositif de ses conclusions, mais la cour peut, en application de l'article 125 alinéa 2 du code de procédure civile, relever d'office la fin de non-recevoir tirée du défaut d'intérê ou du défaut de qualité.

Il ressort des pièces versées aux débats que :

- par ordonnance du président du tribunal de commerce de Boulogne-sur-Mer du 30 mars 2021 les mandats confiés à la SELARL [N] & Associés, parmi lesquels celui de liquidateur judiciaire de la société ESN, ont été confiés à la SELAS Perspectives à compter du 1er avril 2021,

- il a été procédé à la dissolution de la SELAS Perspectives par transmission universelle de patrimoine à la société [N] & Associés, à effet au 1er janvier 2024,

- suivant décision des associés du 22 décembre 2023, la SELARL [N] & Associés a changé de dénomination pour devenir à partir du 1er janvier la SELARL Perspectives,

- par ordonnance du 4 janvier 2024 le président du tribunal de commerce de Boulogne-sur-Mer a dit que les mandats confiés à la SELAS Perspectives seront conduits par la SELARL Perspectives.

Ainsi à la date de la déclaration de saisine la 'SELAS' Perspective, mentionnée dans l'acte, n'existait plus, toutefois il ne peut s'agir que d'une erreur dans la désignation de la forme de la société (SELAS au lieu de SELARL), constituant un vice de forme, mais il ne s'agit pas de la désignation d'une personne n'ayant pas le pouvoir de représenter la société ESN. Il en est de même s'agissant des premières conclusions du mandataire judiciaire émise au nom de la 'SELAS', comme du dispositif de ces conclusions qui présente des demandes au profit de la SELARL [N] & Associés, alors que celle-ci avait déjà changé de dénomination. Enfin, si besoin, les deuxièmes conclusions du mandataire ont permis de régulariser la situation, comme le permet l'article 126 du code de procédure civile.

Il en résulte qu'il ne peut être retenu un défaut de capacité à agir de la personne auteur de l'acte de saisine de la cour et des premières conclusions, ou un défaut d'intérêt à raison de demandes qui seraient présentées pour le compte d'une autre société.

Sur l'omission de statuer

Selon l'article 463 du code de procédure civile, la juridiction qui a omis de statuer sur un chef de demande peut également compléter son jugement sans porter atteinte à la chose jugée quant aux autres chefs, sauf à rétablir, s'il y a lieu, le véritable exposé des prétentions respectives des parties et de leurs moyens ; la demande doit être présentée un an au plus tard que la décision est passée en force de chose jugée ou, en cas de pourvoi en cassation de ce chef, à compter de l'arrêt d'irrecevabilité.

L'arrêt de la Cour de cassation du 30 septembre 2020 ne contient pas de motifs, en application de l'article 1014 alinéa 1er du code de procédure civile. Si dans son rapport, le conseiller rapporteur suggère, au sujet du premier moyen soulevé par l'auteur du pourvoi, pris en sa quatrième branche (concernant la prescription de l'action en répétition de l'indu), que sous le couvert d'un grief de défaut de réponse à conclusions il est dénoncé une omission de statuer, l'arrêt ne se prononce nullement sur cette question ni sur le bien fondé d'une éventuelle requête en ce sens.

Dans son arrêt du 23 novembre 2023 la Cour de cassation s'est prononcée uniquement sur la recevabilité de la requête en omission de statuer au regard des délais fixés à l'article 463, considérant qu'il y avait lieu d'écarter l'application stricte de ce texte afin d'assurer le respect des garanties consacrées à l'article 6, § 1 de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.

Dans l'arrêt du 13 septembre 2018 la cour d'appel a déclaré Me [I] [N], en sa qualité de liquidateur judiciaire de la société ESN, irrecevable en ses conclusions. Elle n'était donc saisie d'aucune demande ni moyen de sa part, de sorte que, même si elle a statué sur sa demande initiale du fait de l'appel formé par M. [B], la cour ne pouvait répondre au moyen tiré de la répétition de l'indu soulevé dans des conclusions irrecevables et il ne peut y avoir aucune omission de statuer sur une quelconque demande présentée à titre subsidiaire, sur un autre fondement juridique, et sur laquelle il n'avait pas été statué en première instance.

Il convient dès lors de rejeter la requête en omission de statuer.

Sur les demandes accessoires

Vu les articles 696 et 700 du code de procédure civile, le sens de l'arrêt conduit à mettre les dépens de l'instance en omission de statuer à la charge du requérant et d'allouer à M. [B] la somme de 7 000 euros sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS

La cour,

Ecarte les moyens tirés du défaut de qualité ou d'intérêt à agir de la SELARL Perspectives, ès qualités de liquidateur judiciaire de la société ESN ;

Rejette la requête en omission de statuer ;

Condamne la SELARL Perspectives, prise en la personne de Me [K] [N], ès qualités de liquidateur judiciaire de la société SEN, à payer à M. [D] [B] la somme de 7 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

Condamne la SELARL Perspectives, prise en la personne de Me [K] [N], ès qualités de liquidateur judiciaire de la société SEN, aux dépens de l'instance en omission de statuer, qui pourront être recouvrés dans les conditions de l'article 699 du code de procédure civile.

Le greffier

Béatrice Capliez

Le président

Pauline Mimiague

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