CA Poitiers, 2e ch., 4 mars 2025, n° 24/01831
POITIERS
Arrêt
Autre
PARTIES
Défendeur :
Fief des Prises (SCI)
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
Mme Marquer
Vice-président :
M. Pascot
Conseiller :
M. Lecler
Avocats :
Me Vey, Me Billard
EXPOSÉ DU LITIGE
Par acte sous seing privé en date du 29 mars 2000, la société civile immobilière, dénommée Fiefs des Prises, dont le siège social est situé sis [Adresse 4]) et représentée par Monsieur et Madame [D] a donné à bail à la société à responsabilité limitée, dénommée [F], dont le siège social est situé au sis [Adresse 3]), représentée par son co-gérant Monsieur [B] [F]. Le bien faisant l'objet du bail est un immeuble à usage d'hôtel composé de 20 chambres.
Par acte sous seing privé en date du 4 avril 2018, la société Fiefs des prises (le bailleur) a consenti un renouvellement du bail commercial à la société [F] (le preneur) pour une durée de 9 ans, qui doit prendre fin le 31 mars 2027, moyennant un loyer annuel de 29.368,20 euros - soit un loyer mensuel de 2.447,35 euros.
Le contrat de bail stipule une clause d'indexation ainsi qu'une clause résolutoire.
Par acte du 4 janvier 2024, le bailleur a délivré un commandement de payer visant cette clause aux fins d'obtenir le paiement de la somme de 39.570,24 euros en principal, outre le coût de l'acte.
Le 22 février 2024, la société Fiefs des prises a attrait la société [F] devant le président du tribunal judiciaire de La Rochelle aux fins de constater l'acquisition de la clause résolutoire, prononcer la résiliation du bail commercial, ordonner l'expulsion du preneur et de tout occupant, au besoin de l'assistance de la force publique, sous astreinte de 250 euros par jour de retard à compter de la signification de l'ordonnance à intervenir et de condamner celui-ci au paiement provisionnel de la somme de 46.500,87 euros au titre des loyers , charges, travaux et taxe foncière restant dus au 4 février 2024 ainsi que d'une indemnité d'occupation mensuelle de 3.329,71 euros jusqu'au départ effectif des lieux loués et remise des clés.
En défense, la société [F] a demandé, à titre principal, d'annuler le commandement de payer du 4 janvier 2024 et à titre subsidiaire, de le condamner à hauteur des loyers réclamés mais sans expulsion ni astreinte.
Par ordonnance en date du 9 juillet 2024, le juge des référés a statué ainsi :
- constaté la résiliaton du 5 février 2024 du bail commercial renouvelé ;
- ordonné l'expulsion du preneur à bail ainsi que de tout occupant de son chef dans un délai d'un mois suivant la signification de la présente décision et passé ce délai, une astreinte de 150 euros par jour de retard ;
- condamné le preneur à bail à payer au bailleur la somme provisionnelle de 37.842,15 euros ;
- condamné le preneur à bail à payer au bailleur, à compter du 5 février 2024, une indemnité d'occupation mensuelle équivalente au montant du dernier loyer, soit la somme de 3.329,71 euros jusqu'à la libération effecive des locaux avec remise des clés ;
- condamné le preneur à bail à payer au bailleur la somme de 1.500 euros en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ;
- dit que le preneur à bail supportera les entiers dépens de l'instance qui comprendront le coût du commandement de payer du 4 janvier 2024, soit 271,21 euros, et des frais de la délivrancede l'état des inscriptions, soit 68,69 euros ;
- rappelé que l'ordonnance est de droit exécutoire par provision.
Par déclaration en date du 22 juillet 2024, la société [F] a relevé appel de cette décision en visant les chefs expressément critiqués en intimant la société Fiefs des Prises.
Par un jugement en date du 3 septembre 2024, le tribunal de commerce de La Rochelle a ouvert une procédure de redressement judiciaire à l'égard de la société [F] et désigné la société par actions simplifiée CEDIGEP, prise en la personne de Maître [O], en qualité de mandataire judiciaire.
La société [F], par dernières conclusions transmises le 12 septembre 2024, demande à la cour, par réformation de la décision entreprise de :
* annuler le commandement de payer du 4 janvier 2024 ;
* débouter la société Fiefs des Prises de ses demandes de paiement ;
* à titre subsidiaire, juger que cette dernière a engagé sa responsabilité et la condamner à indemniser la société [F] à hauteur du montant des loyers réclamés ;
* débouter la société Fiefs des Prises de toutes ses demandes ;
* juger qu'il n'y a pas lieu à expulsion.
Il prétend que les locaux sont vétustes, ce qui rend l'immeuble impropre à sa destination.
La société Fiefs des Prises, par dernières conclusions transmises le 3 octobre 2024, demande à la cour d'appel de constater que l'appel de l'ordonnance de référé du 9 juillet 2024 est devenue sans objet et statuer ce que droit sur les dépens.
Elle fait valoir, au soutien de ses demandes, qu'à raison de l'appel formé par la société [F] à l'encontre de l'ordonnance de référé, le bail était toujours en cours à la date d'ouverture de la procédure collective et que par conséquent, l'appel est devenu sans objet, la résiliation du bail ne pouvant désormais se poursuivre que suivant les dispositions de l'article L 622-14 code de commerce, le juge des référés n'étant en outre pas compétent pour statuer sur la fixation de la créance que le bailleur a déclaré au redressement judiciaire.
Conformément aux dispositions de l'article 455 du code de procédure civile, la cour renvoie expressément aux dernières conclusions précitées pour plus ample exposé des prétentions et moyens des parties.
L'ordonnance de clôture a été rendue le 7 janvier 2025.
MOTIVATION
En droit, l'article L622-21 du code de commerce dispose :
' I.-Le jugement d'ouverture interrompt ou interdit toute action en justice de la part de tous les créanciers dont la créance n'est pas mentionnée au I de l'article L. 622-17 et tendant :
1° A la condamnation du débiteur au paiement d'une somme d'argent ;
2° A la résolution d'un contrat pour défaut de paiement d'une somme d'argent.
II.-Il arrête ou interdit également toute procédure d'exécution de la part de ces créanciers tant sur les meubles que sur les immeubles ainsi que toute procédure de distribution n'ayant pas produit un effet attributif avant le jugement d'ouverture.
III.-Les délais impartis à peine de déchéance ou de résolution des droits sont en conséquence interrompus.'
L'article 369 du code de procédure civile dispose en outre que ' l'instance est interrompue par (...) l'effet du jugement qui prononce la sauvegarde, le redressement judiciaire ou la liquidation judiciaires dans les causes où il emporte assistance ou dessaisissement du débiteur.'
L'article 372 du code de procédure civile ajoute que les actes accomplis, obtenus après l'interruption de l'instance, sont réputés non avenus.
En l'espèce, une procédure de redressement judiciaire a été ouverte à l'égard de la société [F] par jugement du tribunal de commerce de La Rochelle rendu le 3 septembre 2024. La société par actions simplifiée CEDIGEP, prise en la personne de Maître [O], a été désignée en qualité de mandataire judiciaire de la société [F].
Le mandataire judiciaire de la société [F] n'est pas intervenu à l'instance.
En conséquence, l'instance est interrompue depuis le 3 septembre 2024 et les conclusions des parties, transmises postérieurement à cette date, sont réputées non avenues.
Dès lors, il convient de constater le défaut de diligence des parties et de prononcer la radiation de la présente affaire.
Compte tenu de la radiation qui sera prononcée, l'instance est toujours susceptible d'être reprise et il convient dès lors de réserver les dépens.
PAR CES MOTIFS
La cour d'appel, statuant publiquement, par arrêt contradictoire après en avoir délibéré conformément à la loi,
Constate l'interruption de l'instance ;
Ordonne la radiation de l'affaire ;
Réserve les dépens.