CA Basse-Terre, 2e ch., 27 février 2025, n° 23/01232
BASSE-TERRE
Arrêt
Autre
PARTIES
Demandeur :
Ajassocies (SELARL)
Défendeur :
Sem Patrimoniale Region Guadeloupe (SA)
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
M. Robail
Conseillers :
Mme Cledat, Mme Bryl
Avocats :
Me Benmebarek, SCP Morton & Associés
FAITS ET PROCEDURE
Par acte sous seing privé non daté mais à effet du 15 août 2016, la société anonyme d'économie mixte 'SEM PATRIMONIALE REGION GUADELOUPE', ci-après désignée 'la SEM', a donné en location à la S.A.R.L. SEA OF BEAUTY PREMIER, ci-après désignée 'la société SOBP', un local commercial de 55 m2 dépendant du centre commercial 'Hyper Casino' sis à [Localité 4], lieudit '[Localité 7]' et y cadastré pour 20 000 m2 sous le n° [Cadastre 1] de la section AD, ce bail commercial ayant été conclu pour une durée de 9 années se terminant le 15 août 2025 ;
Par acte de commissaire de justice du 1er avril 2019, la SEM, bailleur, a fait délivrer à la société SOBP, preneur, un commandement de payer les loyers arrêtés en principal à 20 258,20 euros, s'y prévalant de l'application de la clause résolutoire insérée au bail en cas de non paiement dans le mois de la délivrance de cet acte ;
Ce commandement a été suivi, par acte de commissaire de justice du 12 septembre 2019, d'une assignation du preneur devant le juge des référés du tribunal de grande instance de BASSE-TERRE à l'effet de voir constater l'acquisition de la clause résolutoire et la résiliation de plein droit du bail et prononcer à la fois l'expulsion de la société SOBP et diverses condamnations pécuniaires ;
Par ordonnance du 7 janvier 2020, confirmée en toutes ses dispositions par arrêt de la cour d'appel de ce siège du 8 mars 2021, le juge des référés a constaté la résiliation de plein droit du bail et ordonné l'expulsion du preneur et a condamné ce dernier au paiement de diverses sommes au titre des loyers et charges échus impayés et des indemnités d'occupation mensuelles à compter du 4 juillet 2019 ;
Par acte de commissaire de justice du 30 mai 2022, la S.A.S. SOBP a fait appeler la SEM devant le tribunal judiciaire de BASSE-TERRE à l'effet de voir, en substance, prononcer la nullité du contrat de bail commercial et condamner le bailleur à lui restituer les loyers, le pas de porte, le dépôt de garantie et le montant des travaux réalisés dans le local, outre des dommages et intérêts ; en ses dernières conclusions, elle demandait subsidiairement l'organisation d'une mesure d'expertise relativement à la superficie réelle du local loué ;
La SEM s'est opposée à ces demandes et, par jugement du 3 mai 2023, le tribunal :
- a rejeté la demande d'expertise,
- a rejeté la demande de nullité du contrat et, plus généralement, l'ensemble des demandes de la société SOBP,
- et l'a condamnée à payer à la SEM la somme de 1 500 euros au titre des frais irrépétibles, tout en écartant l'exécution provisoire de ce jugement ;
Par jugement du 5 janvier 2023, la société SOBP avait été placée en redressement judiciaire par le tribunal mixte de commerce de POINTE-A-PITRE, Me [F] [R], désignée en qualité de mandataire judiciaire et la SELARL AJASSOCIES, en qualité d'administrateur judiciaire avec mission d'assistance ;
Un premier appel contre le jugement du 3 mai 2023 a été diligenté par la société SOBP, seule, par acte remis au greffe par voie électronique (RPVA) le 15 mai 2023 ; cet appel a été enrôlé sous le n° RG 23/492 du répertoire général et la société AJASSOCIES, ès qualités, y est intervenue volontairement faute d'y avoir été attraite, cependant que par ordonnance du conseiller de la mise en état du 17 juin 2024 :
- l'appelante a été déboutée de sa demande de jonction de cet appel à une autre instance d'appel enrôlée sous le n° 23/1232 du même répertoire,
- et ce premier appel RG 23/492 a été déclaré irrecevable ;
Par déclaration remise au greffe par RPVA le 22 décembre 2023, enrôlée sous ce n° RG 23/1232, la SELARL AJASSOCIES, ès qualités d'administrateur judiciaire de la société SOBP, a relevé seule appel du même jugement, y intimant la seule société SEM et y critiquant expressément, en son objet, chacune des dispositions de ce jugement ;
Cet appel a été orienté à la mise en état ;
La SEM a constitué avocat par acte remis au greffe et notifié au conseil de l'appelante par voie électronique le 8 février 2024, mais n'a pas conclu; le présent arrêt sera donc contradictoire ;
L'appelante a conclu au fond par acte remis au greffe et notifié au conseil adverse, par RPVA, le 11 mars 2024 ;
Par ordonnance du 16 septembre 2024, le conseiller de la mise en état a clôturé l'instruction de l'affaire et renvoyé cause et parties à l'audience du conseiller rapporteur du 28 octobre 2024 ;
A l'issue de cette audience, l'affaire a été mise en délibéré au 16 janvier 2025, par mise à disposition au greffe ; les parties ont ensuite été avisées de la prorogation de ce délibéré à ce jour en raison de la surcharge des magistrats ;
EXPOSE DES PRETENTIONS DES PARTIES
Par ses conclusions remises au greffe le 11 mars 2024, la société AJASSOCIES, en la personne de Me [W], ès qualités de 'mandataire administrateur de la société SEA OF BEAUTY PREMIER', appelante, conclut aux fins de voir, au visa des articles 81 et 82 et suivants du code de commerce, 327 et suivants du code de procédure civile, 1108 et suivants, devenus 1130 et suivants, 1235 et suivants, anciens, devenus 1102 et suivants, 1352 et suivants, 1719 et suivants, 1101 et suivants du code civil :
- prononcer la jonction des procédures enregistrées sous les numéros RG 23/492 et RG 23/1232,
- juger recevable son appel à l'encontre du jugement du 3 mai 2023,
- infirmer ce jugement en ce qu'il rejette l'ensemble de ses demandes et en ce qu'il la condamne à payer à la société SEM la somme de 1 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
- rejeter toutes les demandes, fins et conclusions de la SEM,
:
- désigner tel expert avec pour mission, en substance, de mesurer la contenance réelle du local objet du litige,
'Au principal :
- rétracter l'ordonnance confirmée par la cour d'appel de Basse-Terre le 8 mars 2021,
- juger que le présent jugement réformera l'ordonnance rendue par Mme le président du tribunal judiciaire de Pointe-à-Pitre le 7 janvier 2020 confirmée par l'arrête rendu par la cour d'appel de Basse-Terre le 8 mars 2021, de par sa nature provisoire, en ce que ladite juridiction a :
** constaté l'acquisition de la clause résolutoire à compter du 2 mai 2019,
** ordonné l'expulsion de la SARL SEA OF BEAUTY PREMIER du local commercial sis dans le centre 'HYPER CASINO' à [Localité 4] dans le mois de la signification de la présente ordonnance,
- condamné la SARL SEA OF BEAUTY PREMIER à payer à la SEM PATRIMONIALE la somme provisionnelle de 28 329,01 euros correspondant à l'arriéré des loyers et charges restant dus, outre les intérêts au taux légal à compter du 12 septembre 2019,
- condamné la SARL SEA OF BEAUTY PREMIER à payer à la SEM PATRIMONIALE la somme provisionnelle de 3 335,24 euros par mois, toutes taxes comprises à titre d'indemnités d'occupation, à compter du 4 juillet 2019 jusqu'à la libération effective des lieu et la remise des clefs,
- condamné la SARL SEA OF BEAUTY PREMIER à payer à la SEM PATRIMONIALE la somme de 5 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'aux entiers dépens.'
'Statuer en tout état de cause et à nouveau sur ledit litige,
- juger que le bailleur n'a pas effectué sa déclaration de créance dans les livres de la SELARL,
- juger que le consentement de la société SEA OF BEAUTY PREMIER a été vicié par une erreur substantielle sur la chose objet du contrat et sans laquelle celle-ci n'aurait pas donné son consentement,
- juger que le consentement de la société SEA OF BEAUTY PREMIER a été également vicié par des manoeuvres dolosives du bailleur consistant à lui faire croire en une superficie de 55 m2 et à lui faire payer des sommes d'argent de manière indue bouleversant l'équilibre voulu par les parties dans le contrat de bail commercial,
- juger que la société bailleresse a faussement indiqué dans le bail commercial une surface de 55 m2 au lieu de 39,50 m2,
- juger que le loyer et les charges ont été fixés en fonction de la surface louée dans ledit centre commercial entre la SA SEM PATRIMONIALE REGION GUADELOUPE et la société SEA OF BEAUTY PREMIER portant sur un local commercial situé au centre commercial hyper casino sis à [Localité 4] cadastré section AD n° [Cadastre 1] lieudit [Localité 7] d'une superficie de 55 m2,
- juger que le consentement du preneur a été vicié au moment de la signature dudit contrat de bail commercial par les manoeuvres dolosives du bailleur,
- juger que le preneur a subi un préjudice en tentant de vendre son fonds de commerce et en voyant un acheteur se désister de la vente en raison de l'incohérence de surface indiquée sur ledit bail commercial,
- juger que le bailleur a commis une faute en ne communiquant pas les documents exigés par la loi concernant ledit bail commercial,
- prononcer la nullité du contrat de bail signé entre la société bailleresse et la société SEA OF BEAUTY PREMIER le 13 juin 2016 portant sur un local commercial d'une superficie de 55 m2 sis [Adresse 6] à [Localité 4] section AD n° [Cadastre 1],
- condamner la société SEM PATRIMONIALE REGION GUADELOUPE à verser à la société SEA OF BEAUTY PREMIER les sommes de :
** 52 828,21 euros au titre de la restitution des loyers,
** 40 000 euros au titre de la restitution de la somme versée pour le pas de porte,
** 5 000 euros au titre de la garantie versée au jour de la signature du contrat de bail,
** 80 459,26 euros représentant la totalité des travaux entrepris par la société preneuse pour faire du local commercial un somptueux fonds de commerce,
** le tout assorti des intérêts légaux à compter de leur fait générateur,
- condamner la société bailleresse à payer à la société SEA OF BEAUTY PREMIER la somme de 150 000 euros à titre de dommages et intérêts au titre du préjudice moral,
- A défaut, prononcer la nullité du contrat de bail :
- condamner la société SEM PATRIMONIALE REGION GUADELOUPE à verser à la société SEA OF BEAUTY PREMIER les sommes de :
** 5 000 euros au titre de la restitution de la caution,
** 40 000 euros au titre du pas de porte et, à défaut, 12 681,81 euros au titre du surplus versé au titre du pas de porte,
** 80 459,26 euros représentant la totalité des travaux entrepris par la société preneuse pour faire du local commercial un somptueux fonds de commerce,
** 3 514,16 euros au titre du surplus payé de charges,
** 1 738,37 euros au titre du surplus versé en matière de taxes foncières,
** 2 161,16 euros au titre de la TVA,
** le tout assorti des intérêts légaux à compter de leur fait générateur,
- condamner en tout état de cause la société bailleresse à payer à la société SEA OF BEAUTY PREMIER la somme de 150 000 euros à titre de dommages et intérêts au titre du préjudice moral,
- condamner en tout état de cause la société bailleresse à payer à la société preneuse la somme de 5 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile>> ;
S'agissant des moyens proposés par l'appelante au soutien de ces fins, il est expressément renvoyé à ces écritures ;
SUR CE
1°/ Attendu qu'il résulte des éléments figurant au dossier de mise en état de la cause:
- qu'un premier appel à l'encontre du jugement du tribunal judiciaire de BASSE-TERRE du 3 mai 2023, objet de la présente instance n° RG 23/1232, avait été interjeté par la seule société SEA OF BEAUTY PREMIER le 15 mai 2023, qui avait été enrôlé sous le n° RG 23/492 et qui, pour la raison qu'il avait été régularisé hors la présence de l'administrateur judiciaire désigné dans le cadre de son redressement judiciaire, lequel n'y était intervenu que trop tardivement, a été déclaré irrecevable par ordonnance du conseiller de la mise en état du 17 juin 2024,
- que par même ordonnance, le même conseiller de la mise en état a rejeté la demande de la société appelante tendant à la jonction à l'instance d'appel première n° RG 23/492 du second appel diligenté contre le même jugement, mais cette fois par la SELARL AJASSOCIES, ès qualités d'administrateur judiciaire de la société SOBP, le 23 décembre 2023, enrôlé sous le n° RG 23/1232 et objet du présent arrêt,
- que cette ordonnance a été déférée à la cour et y est toujours pendante;
Or, attendu qu'il est manifeste que des décisions contraires et inconciliables pourraient résulter d'une infirmation de l'ordonnance du 17 juin 2024 dans le cadre du déféré en cours, dans l'hypothèse où la cour déciderait que l'appel premier RG 23/492, bien que diligenté par la seule société SOBP, hors tous organes de procédure collective, mandataire et administrateur, serait recevable et en ordonnerait la jonction avec l'appel second RG 23/1232 ; qu'il est donc prématuré pour la cour de ce siège de statuer sur le fond de ce dernier appel avant que la cour n'ait tranché ces questions de recevabilité de l'appel premier et de jonction des deux appels ; qu'il échet en conséquence de rouvrir les débats, avec révocation de l'ordonnance de clôture du 16 septembre 2024 et de renvoyer cause et parties à la mise en état ;
2°/ Mais attendu que cette réouverture des débats autorise la cour à permettre d'ores et déjà aux parties de présenter des observations sur le moyen qu'elle entend soulever d'office, en l'absence de conclusions en ce sens de l'intimé qui n'a pas conclu dans les délais de la loi procédurale, lequel moyen est tiré de l'irrecevabilité de l'appel diligenté par le seul administrateur judiciaire, à l'exclusion de la société SOBP, pourtant bénéficiaire d'une simple procédure de redressement judiciaire, et hors présence du mandataire judiciaire, alors même que l'administrateur n'a reçu qu'une mission d'assistance de la débitrice et non point une mission de représentation et est par suite irrecevable à relever seul appel du jugement querellé ;
Attendu que les observations des parties sont attendues pour la prochaine audience de mise en état virtuelle ci-après fixée ;
3°/ Attendu qu'en l'attente à la fois de la décision de la cour sur le déféré formé à l'encontre de l'ordonnance du conseiller de la mise en état du 17 juin 2024 dans l'instance d'appel enrôlée sous le n° RG 23/492 et des observations éventuelles des parties sur l'irrecevabilité de l'appel du 23 décembre 2023 objet de la présente instance, les dépens et frais irrépétibles de cette dernière seront réservés en fin de cause ;
PAR CES MOTIFS
La cour,
- Rouvre les débats, révoque l'ordonnance de clôture du 16 septembre 2024 et renvoie cause et parties à l'audience de mise en état virtuelle du 07 avril 2025, en l'attente de l'arrêt de la cour d'appel de ce siège sur le déféré formé à l'encontre de l'ordonnance rendue le 17 juin 2024 par le conseiller de la mise en état dans l'instance d'appel ouverte sous le n° RG 23/492 à l'encontre du jugement du tribunal judiciaire de BASSE-TERRE en date du 3 mai 2023,
- Invite pour cette date chacune des parties à présenter des observations, le cas échéant, sur l'irrecevabilité de l'appel formé par le seul administrateur judiciaire au redressement judiciaire de la société SEA OF BEAUTY PREMIER, la SELARL AJASSOCIES, en la personne de Me [W], à l'encontre du même jugement, que la cour entend relever d'office,
- Réserve dépens et frais irrépétibles en fin de cause.