CA Aix-en-Provence, ch. 1-2, 27 février 2025, n° 24/05394
AIX-EN-PROVENCE
Arrêt
Infirmation
PARTIES
Demandeur :
Immo Laloui (Sté)
Défendeur :
Pompes Funebres Clary (SARL)
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
M. Pacaud
Conseillers :
Mme Mogilka, Mme Neto
Avocats :
Me Simon-Thibaud, Me Puvenel, SCP Badie, Simon-Thibaud, Juston
EXPOSE DU LITIGE:
Par acte sous seing privé en date du 28 avril 2015, avec prise d'effet au 1er mai suivant, la SCI Immo Laloui a donné à bail commercial précaire, pour une durée d' un an, à la SARL Pompes Funèbres [Adresse 4] des locaux commerciaux sis [Adresse 3], moyennant le paiement d`un loyer annuel de 12 000 euros, payable par mois, outre 80 euros de provision mensuelle sur charges.
Par acte de commissaire de justice en date du 22 mars 2023, la SCI Immo Laloui a fait délivrer à la SARL Pompes Funèbres [Adresse 4] un commandement de payer et d'avoir à justifier de la souscription d'une assurance contre les risques locatifs, visant la clause résolutoire.
Par acte de commissaire de justice en date du 23 mai 2023, la SCI Immo Laloui a fait assigner la SARL Pompes Funèbres [Adresse 4] , devant le Président du Tribunal Judiciaire de Marseille statuant en référé, aux fins de voir constater la résiliation du contrat de bail et ordonner 1'expulsion de la société, outre sa condamnation au paiement d'une provision au titre des loyers impayés et d'une indemnité d'occupation mensuelle.
Par ordonnance contradictoire en date du 7 février 2024, le Juge des Référés du Tribunal Judiciaire de MARSEILLE a :
- rejeté toutes les demandes présentées par la SCI Immo Laloui ;
- condamné la SCI Immo Laloui à payer à la SARL Pompes Funèbres Clary , la somme de 1 000 euros sur le fondement de l'artiele 700 du code de procédure civile ;
- condamné la SCI Immo Laloui aux dépens ;
- rappelé que la ordonnance est, de plein droit, exécutoire par provision.
Ce magistrat a, notamment, considéré qu'il existait des contestations sérieuses en raison de la poursuite du bail initial dérogatoire au delà de son terme, de l'absence de décompte permettant d'identifier la date éventuelle de cessation du paiement des loyers et de l'imputation à la locataire de taxes foncières et pénalités de retard fondées sur des clauses du contrat de bail initial qui n'est plus en vigueur entre les parties.
Par déclaration en date du 24 avril 2024, la SCI Immo Laloui a interjeté appel de cette décision, l'appel portant sur toutes ses dispositions dûment reprises.
Par conclusions transmises le 13 décembre 2024, auxquelles il est renvoyé pour plus ample exposé des prétentions et moyens, la SCI Immo Laloui demande à la Cour d'infirmer l'ordonnance entreprise et statuant à nouveau de :
- constater l'acquisition de la clause résolutoire et la résolution du bail qui la liait à la société Pompes Funèbres [Adresse 4] sur des locaux situés au rez- de-chaussée à gauche de la porte d'entrée de l'immeuble sis à [Localité 1] ;
- ordonner, en conséquence, l'expulsion immédiate et sans délai de la société Pompes Funèbres [Adresse 4] , ainsi que celle de tous occupants de son chef, des lieux précités par toutes voies de droit, y compris avec l'assistance de la force publique et d'un serrurier ;
- condamner la société Pompes Funèbres [Adresse 4] , à titre provisionnel, à l'indemnité d'occupation dont elle sera débitrice, jusqu'à la date de restitution effective et complète à la SCI Immo Laloui des locaux précités, soit la somme de 1 080 euros par mois ;
- condamner la société Pompes Funèbres [Adresse 4] , à payer à la SCI Immo Laloui la somme de 23 454,09 euros à titre de provision à valoir sur le montant de sa créance, comptes arrêtés au 11 décembre 2024 ;
- débouter la société Pompes Funèbres [Adresse 4] de ses demandes ;
- condamner la société Pompes Funèbres [Adresse 4] à la somme de 1 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu' aux entiers dépens de première instance et d'appel, y compris le coût du commandement signifié le 22 mars 2023.
Au soutien de ses prétentions, la SCI Immo Laloui expose que :
- au terme du bail initial dérogatoire, la société Pompes Funèbres [Adresse 4] s'est maintenue dans les locaux de telle sorte qu'elle a bénéficié d'un nouveau contrat de bail commercial obéissant aux mêmes clauses et conditions que le contrat initial, à l'exception de sa durée de neuf ans et de son attachement au statut des baux commerciaux ;
- la société Pompes Funèbres [Adresse 4] a cessé de régler les loyers dus et n'a pas justifié de la souscription d'une assurance contre les risques locatifs ;
- malgré la délivrance d'un commandement de payer et d'avoir à justifier de la souscription d'une assurance, la société locataire n'a pas régularisé sa situation de telle sorte que le contrat de bail est résilié de plein droit ;
- la société Pompes Funèbres [Adresse 4] est redevable des loyers impayés et taxes foncières.
La société Pompes Funèbres [Adresse 4] , régulièrement intimée à étude, n'a pas constitué avocat.
L'instruction de l'affaire a été close par ordonnance en date du 6 janvier 2025.
MOTIFS DE LA DECISION:
Aux termes de l'article 472 du code de procédure civile, si le défendeur ne comparaît pas, il est néanmoins statué sur le fond; le juge ne fait droit à la demande que dans la mesure où il l'estime régulière, recevable et bien fondée.
En vertu de l'article 954 alinéa 6 du même code, la partie qui ne conclut pas ou qui, sans énoncer de nouveaux moyens, demande la confirmation du jugement est réputée s'en approprier les motifs.
- Sur le constat de l'acquisition de la clause résolutoire, la résolution du bail et l'expulsion:
En vertu des dispositions de l'article L 145-5 du code du commerce, les parties peuvent, lors de l'entrée dans les lieux du preneur, déroger aux dispositions du présent chapitre à la condition que la durée totale du bail ou des baux successifs ne soit pas supérieure à trois ans ; à l'expiration de cette durée, les parties ne peuvent plus conclure un nouveau bail dérogeant aux dispositions du présent chapitre pour exploiter le même fonds dans les mêmes locaux ; si, à l'expiration de cette durée, et au plus tard à l'issue d'un délai d'un mois à compter de l'échéance, le preneur reste et est laissé en possession, il s'opère un nouveau bail dont l'effet est réglé par les dispositions du présent chapitre.
L'article L. 145-41 du code de commerce prévoit que toute clause insérée dans le bail prévoyant la résiliation de plein droit ne produit effet qu'un mois après un commandement demeuré infructueux. Le commandement doit, à peine de nullité, mentionner ce délai.
En application des dispositions de l'article 1356 du code civil, celui qui réclame l'exécution d'une obligation doit la prouver ; réciproquement, celui qui se prétend libérer doit justifier le paiement ou le fait qui a produit l'extinction de son obligation.
En l'espèce, le bail liant la société Immo Laloui à la société Pompes Funèbres [Adresse 4] est un bail dérogatoire d'une durée d'un an qui a débuté le 1er mai 2015 et pris fin le 30 avril 2016.
La société Pompes Funèbres [Adresse 4] étant resté dans les locaux loués et laissé en possesion des lieux, la relation contractuelle s'est poursuivie, à compter du 1er mai 2016, en bail commercial statutaire aux conditions du bail initial à l'exception des stipulations contractuelles contraires aux dispositions d'ordre public du statut des baux commerciaux.
Le contrat de bail initial comporte une clause résolutoire aux termes de laquelle 'faute de paiement d'un terme de loyer ou de charges, et un mois après un commandemant resté infructueux, le présent bail sera de plein droit résilié sans aucune formalité de justice, à la volonté du bailleur, le terme en cours et le suivant acquis au bailleur à titre d'indemnité et le locataire principal et les éventuels sous-occupants, expulsés par voie de référé, sans qu'aucun délai ne puisse leur être accordé'.
Par acte de commissaire de justice en date du 22 mars 2023, la société Immo Laloui a fait déliver à la société Pompes Funèbres [Adresse 4] un commandement d'avoir à payer le loyer du mois de mars 2023 avec l'acompte sur charges, les taxes foncières dues pour les années 2018 à 2022 et une pénalité de 5%, soit une somme globale de 3 134,79 euros, commandement visant la clause résolutoire contenue au contrat de bail.
Or, à l'issue du délai d'un mois à compter de la signification du commandement, la société Pompes Funèbres [Adresse 4] n'a pas réglé les causes du commandement. N'étant pas représentée en cause d'appel, elle ne produit aucun élément justifiant d'un paiement.
Ainsi, la clause résolutoire est acquise et le contrat de bail commercial liant la société Immo Laloui à la société Pompes Funèbres [Adresse 4] est résilié à compter du 23 mars 2024.
La société Pompes Funèbres [Adresse 4] étant ocupante sans droit ni titre depuis cette date, son explusion doit être ordonnée, au besoin avec le concours de la force publique et l'assistance d'un serrurier.
Par conséquent, l'ordonnance déférée doit être infirmée en ce qu'elle a rejeté les demandes relatives à la résiliation du contrat de bail.
- Sur les demandes de provisions:
Par application de l'article 835 du code de procédure civile, dans les cas où l'existence de l'obligation n'est pas sérieusement contestable, le président du tribunal judiciaire ou le juge du contentieux de la protection dans les limites de sa compétence peuvent toujours accorder une provision au créancier, ou ordonner l'exécution de l'obligation même s'il s'agit d'une obligation de faire.
Il appartient au demandeur d'établir l'existence de l'obligation qui fonde sa demande de provision tant en son principe qu'en son montant et la condamnation provisionnelle, que peut prononcer le juge des référés sans excéder ses pouvoirs, n'a d'autre limite que le montant non sérieusement constestable de la créance alléguée.
Aux termes de l'article 1103 du code civil, les contrats légalement formés tiennent lieu de loi à ceux qui les ont faits.
En l'espèce, la société Pompes Funèbres [Adresse 4] étant occupante sans droit ni titre doit verser à la société Immo Laloui une indemnité d'occupation, à titre provisionnel, d'un montant égal à celui du loyer et des provisions sur charges, à titre de réparation du préjudice subi par le bailleur, à compter de la résiliation du contrat de bail et jusqu'à la libération effective des lieux.
En outre, la société Immo Laloui a établi, dans ses conclusions, un décompte de la provision sollicitée à hauteur de 23 454,09 euros correspondant à des loyers, provisions sur charges, indemnités d'occupation et taxes foncières
En application du contrat de bail initial, dont les conditions ont été maintenues comme précédemment explicité, la société Pompes Funèbres [Adresse 4] était tenue au paiement d'un loyer de 1.000 euros par mois et d'une provision sur charges mensuelles de 80 euros.
Suivant le décompte, les loyers et provisions sur charges sont impayés depuis le mois de juin 2023, ce qui correspond à une somme globale de 20 520 euros, arrêtée au mois de décembre 2024, loyer et provisions de ce mois inclus.
Par ailleurs, en application du paragraphe relatif aux charges du contrat de bail initial, le preneur doit rembourser au propriétaire bailleur les taxes foncières.
Suivant le décompte, les taxes foncières des années 2018 à 2022 n'ont pas été remboursées à la société IMMO LALOUI, ce qui correspond à une somme globale de 2 934,09 euros, eu égard les avis de taxes foncières et les relevés de propriété produits et étant souligné que les provisions sur charges perçues au cours de la période considérée sont déduites.
Ainsi, le montant de la provision sollicitée par la société Immo Laloui n'est pas sérieusement contestable.
Par conséquent, l'ordonnance déferrée doit être infirmée en ce qu'elle a débouté la société Immo Laloui de sa demande de provisions et la société Pompes Funèbres Clary doit être condamnée à payer à la société Immo Laloui :
- la somme de 23 454,09 euros à titre de provision à valoir sur les loyers, provisions sur charges et indemnités d'occupation arrêtés au mois de décembre 2024 et taxes foncières des années 2018 à 2022 ;
- une indemnité d'occupation mensuelle, à titre provisionnel, de 1 080 euros à compter du mois de janvier 2025 et jusqu'à libération effective des lieux.
- Sur l'article 700 du code de procédure civile et les dépens:
Il convient d'infirmer l'ordonnance déférée en ce qu'elle a condamné la SCI Immo Laloui à verser à la société Pompes Funèbres [Adresse 4] la somme de 1 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile, outre les entiers dépens.
La société Pompes Funèbres [Adresse 4], qui succombe au litige, doit être condamnée aux dépens de première instance et d'appel.
Par ailleurs, il serait inéquitable de laisser à la charge de l'appelante les frais non compris dans les dépens, qu'elle a exposés pour sa défense. Il lui sera donc alloué une somme de 1 200 euros en cause d'appel ;
PAR CES MOTIFS,
La cour,
Infirme l'ordonnance déférée en toutes ses dispositions ;
Statuant à nouveau,
Constate l'acquisition de la clause résolutoire et la résiliation du contrat de bail liant la SCI Immo Laloui à la SARL Pompes Funèbres [Adresse 4] , à la date du 23 mars 2023 ;
Ordonne, en conséquence, l'expulsion de la SARL Pompes Funèbres [Adresse 4] , ainsi que celle de tous occupants de son chef, des lieux sis [Adresse 3], par toutes voies de droit, y compris avec le concours de la force publique et l'assistance d'un serrurier ;
Rappelle que le sort du mobilier garnissant le logement est prévu par les articles L.433-1 et suivants du code des procédures civiles d'exécution ;
Condamne la SARL Pompes Funèbres [Adresse 4] à payer à la SCI Immo Laloui :
- la somme de 23 454,09 euros à titre de provision à valoir sur les loyers, provisions sur charges et indemnités d'occupation arrêtés au mois de décembre 2024 et taxes foncières des années 2018 à 2022 ;
- une indemnité d'occupation mensuelle provisionnelle de 1 080 euros à compter du mois de janvier 2025 et jusqu'à libération effective des lieux ;
Condamne la SARL Pompes Funèbres [Adresse 4] à payer à la SCI Immo Laloui la somme de 1 200 euros sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ;
Condamne la SARL Pompes Funèbres [Adresse 4] aux dépens de première instance et d'appel, en ceux compris le coût du commandement de payer en date du 22 mars 2023.