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Décisions

CA Montpellier, ch. com., 4 mars 2025, n° 23/04328

MONTPELLIER

Arrêt

Autre

CA Montpellier n° 23/04328

4 mars 2025

ARRÊT n°

Grosse + copie

délivrées le

à

COUR D'APPEL DE MONTPELLIER

Chambre commerciale

ARRET DU 04 MARS 2025

Numéro d'inscription au répertoire général :

N° RG 23/04328 - N° Portalis DBVK-V-B7H-P57G

Décision déférée à la Cour :

Jugement du 14 DECEMBRE 2022

TRIBUNAL DE COMMERCE DE CARCASSONNE

N° RG 2019 002088

APPELANT :

Monsieur [O] [F]

né le [Date naissance 3] 1970 à [Localité 10] (67)

de nationalité Française

[Adresse 7]

[Localité 2]

Représenté par Me Christine AUCHE HEDOU, avocat au barreau de MONTPELLIER substituant Me Jacques Henri AUCHE de la SCP AUCHE HEDOU, AUCHE - AVOCATS ASSOCIES, avocat au barreau de MONTPELLIER, avocat postulant

Représenté par Me Thibault GANDILLON, avocat au barreau de MONTPELLIER, avocat plaidant

INTIMEE :

SELARL [S] [E] représentée par Maître [S] [E] agissant ès qualités de liquidateur judiciaire de la SARL [9] [T]

[Adresse 4]

[Localité 1]

Représentée par Me Emily APOLLIS de la SELARL SAFRAN AVOCATS, avocat au barreau de MONTPELLIER, avocat postulant

Représentée par Me Gilles BIVER, avocat au barreau de CARCASSONNE, avocat plaidant

Ordonnance de clôture du 31 Décembre 2024

COMPOSITION DE LA COUR :

En application de l'article 907 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 21 JANVIER 2025, en audience publique, le magistrat rapporteur ayant fait le rapport prescrit par l'article 804 du même code, devant la cour composée de :

Mme Danielle DEMONT, présidente de chambre

M. Thibault GRAFFIN, conseiller

M. Fabrice VETU, conseiller

qui en ont délibéré.

Greffier lors des débats : Mme Audrey VALERO

Ministère public :

L'affaire a été communiquée au ministère public, qui n'a pas fait connaître son avis.

ARRET :

- Contradictoire

- prononcé par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile ;

- signé par Mme Danielle DEMONT, présidente de chambre, et par Mme Audrey VALERO, greffière.

FAITS ET PROCÉDURE :

Le 22 mars 2012, M. [A] [T] et Mme [Y] [P] ont signé une promesse de cession des parts de la SARL [9] [T] au profit de M. [G] [L], M. [B] [U], M. [N] [W] et M. [O] [F].

Le 22 juin 2012, les consorts [T] et [P], d'une part, et les consorts [W], [U], [L] et [F] d'autre part, ont signé un avenant au protocole de cession de parts ayant pour objet de constater la substitution aux cessionnaires de la SARL [8] constituée à cet effet, de prévoir d'abord une cession de 95'96 des parts, Mme [Y] [P] demeurant propriétaire de 115 parts sociales qu'elle céderait en cession annuelles de 5 x 23 parts, du 30 juin 2013 au 30 juin 2017, au prix annuel de 20'000 euros payable comptant.

Le 29 juin 2012, M. [A] [T] et Mme [Y] [P] ont cédé à la société [8] les parts sociales de la société [9] [T] pour un prix de 500'000 euros, Mme [Y] [P] restant propriétaire de 215 parts.

Le même jour, par assemblée générale ordinaire, la société a pris acte de la démission de M. [A] [T] de ses fonctions de gérant et nommé en qualité de nouveaux cogérants M. [B] [U], [N] [W], [G] [L] et M. [O] [F].

Par jugement du 12 octobre 2016, la société s'étant déclarée en cessation des paiements le 20 juillet 2016, le tribunal de commerce de Carcassonne a converti le redressement judiciaire en liquidation judiciaire de la SARL [9] [T] et désigné la SELARL [S] [E], en la personne de M. [E], en qualité de liquidateur.

Le passif déclaré est de 6'571'363,89 euros, dont 5'895'374,81 euros à titre définitif.

Par jugement du tribunal de commerce en date 27 janvier 2017, le liquidateur a obtenu l'extension de la procédure collective de la SARL [9] [T] à la société "[9] [T] second 'uvre" ayant bénéficié des moyens en personnel et en matériel de la première pour réaliser certains marchés et encaisser le prix de cession desdits marchés, ledit jugement mentionnant que M. [F] était convenu de la confusion des patrimoines de ces deux sociétés.

Par arrêt du 7 juin 2018, la cour d'appel de Montpellier - infirmant une ordonnance de référé du président du tribunal de commerce de Carcassonne en date du 4 octobre 2017, ayant statué sur assignation du 28 avril 2017 - a ordonné une expertise judiciaire à la requête du liquidateur et commis pour y procéder Mme [I], avec pour mission notamment de relever tous les éléments, notamment comptables, financierss, contractuels, commerciaux permettant de déterminer si des fautes de gestion ont été commises ainsi que les responsabilités encourues.

Par exploit du 11 octobre 2019, le liquidateur a assigné M. [O] [F] et M. [G] [L] et M. [B] [U] aux fins de les voir condamner solidairement à supporter l'insuffisance d'actif au titre de fautes de gestion.

Par jugement réputé contradictoire en date du 14 décembre 2022, le tribunal de commerce de Carcassonne a':

- ordonné la disjonction et l'interruption de l'instance engagée contre M. [G] [L] dont le décès est survenu le [Date décès 5] 2021 et la répartition des dépens concernant [G] [L] comme de droit';

- constaté le désistement d'instance et d'action de la société [S] [E], ès qualités, à l'égard de M. [B] [U]';

- condamné la société [S] [E], ès qualités, à payer à M. [U] la somme de 8'213,84 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux dépens engagés par ce dernier';

- condamné M. [O] [F]'à supporter l'insuffisance d'actif démontrée pour un montant de 5'643'651,59 euros'et l'a condamné à payer à la société [S] [E], ès qualités cette somme à titre de dommages et intérêts';

- ordonné l'exécution provisoire';

- et condamné M. [O] [F] à payer à la société [S] [E], ès qualités, la somme de 3'000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens, en ce compris les frais d'expertise judiciaire.

Par déclaration du 24 août 2023, M. [O] [F] a relevé appel ce jugement.

Par conclusions du 11 avril 2024, il demande à la cour, au visa des articles L.'631-9, L.'651-2 et R.'662-12 du code de commerce :

In limine litis,

- d'infirmer en toutes ses dispositions le jugement entrepris ;

- de déclarer irrecevable devant la juridiction civile l'action en comblement de passif ;

- de rejeter l'ensemble des demandes de la société [S] [E], ès qualités ;

Subsidiairement,

- de prononcer la nullité du jugement entrepris ;

Très subsidiairement,

- d'infirmer en toutes ses dispositions le jugement entrepris ;

- d'écarter une faute de gestion caractérisée qui lui serait imputable ayant contribué à l'insuffisance d'actif et de rejeter l'ensemble des demandes de la société [S] [E], ès qualités ;

À titre infiniment subsidiaire,

- de limiter le montant du comblement de passif mis à sa charge à la somme maximale de 5'000 euros et de rejeter toutes demandes plus amples ou contraires ;

Et en tout état de cause,

- de condamner la société [S] [E], ès qualités, à lui payer la somme de 5'000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens.

Par conclusions du 23 janvier 2024, la SELARL [S] [E], agissant en la personne de M. [S] [E], en sa qualité de liquidateur de la SARL [9] [T], demande à la cour, au visa des articles 563 et suivants du code civil et de l'article L.'651-2 du code de commerce, de':

- de rejeter l'exception d'irrecevabilité soulevée par M. [O] [F]';

- de statuer ce que de droit sur le moyen de nullité du jugement';

- subsidiairement, de confirmer le jugement entrepris en toutes ses dispositions si ce moyen de nullité est rejeté';

- de juger que la nullité du jugement n'affecte pas la validité de l'acte introductif d'instance'; que M. [O] [F] a commis des fautes de gestion'; qu'il existe une insuffisance d'actif de 5'643'651,39 euros'et un lien de causalité direct entre ses fautes de gestion et le montant de l'insuffisance d'actif';

- de le condamner à supporter l'insuffisance d'actif constatée dont le montant est de 5'643'651,59 euros';

- de le condamner à lui payer la somme de 5'643'651,59 euros à titre de dommages et intérêts';

- et de le condamner à lui payer la somme de 3'000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens, en ce compris les frais d'expertise judiciaire, avec distraction.

Il est renvoyé, pour l'exposé exhaustif des moyens des parties, aux conclusions susvisées, conformément aux dispositions de l'article 455 du code de procédure civile.

Le ministère public, auquel le dossier de l'affaire a été communiqué le 24 août 2023 et qui a été informé de la date d'audience, n'a pas conclu.

L'ordonnance de clôture est datée du 31 décembre 2024.

MOTIFS :

En premier lieu, M. [F] soulève l'irrecevabilité du liquidateur à engager l'action en comblement de passif devant la juridiction civile eu égard au jugement du tribunal correctionnel de Carcassonne rendu le 18 octobre 2023; il invoque l'article 5 du code de procédure pénale, soit la règle « electa una via».

Ce jugement fait suite à des poursuites pour fraude fiscale, faits commis entre le 1er janvier 2013 et le 31 décembre 2016 à [Localité 1], « dans le cadre de sa fonction de cogérant de la société [9] [H], en ayant volontairement et frauduleusement soustrait la société à l'établissement et au paiement de la TVA exigible en souscrivant des déclarations de TVA systématiquement minorée au titre de la période considérée et en dissimulant une partie substantielle du chiffre d'affaires imposables, soit une TVA éludée estimée à 531'068 € » ; le tribunal correctionnel a déclaré recevable en la forme la constitution de partie civile de l'administration fiscale et celle du liquidateur, et dit que ce dernier qui sollicitait à titre principal le paiement de la somme de 5'643'000 € correspondant au passif de la société ou subsidiairement la somme de 531'068 € correspondant au montant de la TVA non acquittée, ne démontrait pas le lien de causalité entre sa demande indemnitaire en comblement de passif et l'infraction dont le prévenu était déclaré coupable, et le jugement correctionnel rejette la demande de Me [E] ès qualités « dès lors que la fraude fiscale s'est effectuée au préjudice de l'administration fiscale »,.

Or d'une part, la présente action civile avait été déjà engagée par le liquidateur depuis le 11 octobre 2019, avant sa constitution de partie civile au pénal, de sorte que l'appelant n'est pas fondé à invoquer l'article 5 du code de procédure pénale.

D'autre part, le tribunal correctionnel, a rejeté la demande en paiement du liquidateur comme dépourvue de lien de causalité avec l'infraction fiscale reprochée au prévenu, dans la mesure où précisément la demande tendant à la condamnation de M. [F] au comblement du passif relève d'une sanction commerciale, objet de la présente action du liquidateur dont la cause est distincte de celle de l'instance pénale.

Le moyen tiré de l'autorité de chose jugée au pénal est dès lors inopérant.

Sur la nullité du jugement du tribunal de commerce, le liquidateur ne discute pas la circonstance que tribunal de commerce ait statué sans rapport du juge-commissaire et s'en rapporte à l'appréciation de la cour sur la demande de nullité formée par M. [F].

Il convient dès lors de faire droit à sa demande d'annulation, et la cour étant saisie par l'effet dévolutif de l'appel de M. [F], il y a lieu d'examiner le fond du litige le concernant, étant observé que les dispositions du jugement relatives à M. [B] [U]'sont définitives.

L'article L 651-2 du code de commerce prévoit :

« Lorsque la liquidation judicaire d'une personne morale fait apparaître une insuffisance d'actif, le tribunal peut, en cas de faute de gestion ayant contribué à cette insuffisance d'actif, décider que le montant de cette insuffisance d'actif sera supporté, en tout ou en partie, par tous les dirigeants de droit ou de fait, ou par certains d'entre eux, ayant contribué à la faute de gestion. En cas de pluralité de dirigeants, le tribunal peut, par décision motivée, les déclarer solidairement responsables. Toutefois, en cas de simple négligence du dirigeant de droit ou de fait dans la gestion de la personne morale, sa responsabilité au titre de l'insuffisance d'actif ne peut être engagée.

(')

L'action se prescrit par trois ans à compter du jugement qui prononce la liquidation judiciaire.

Les sommes versées par les dirigeants ou l'entrepreneur individuel à responsabilité limitée entrent dans le patrimoine du débiteur. Elles sont réparties au marc le franc entre tous les créanciers. Les dirigeants ou l'entrepreneur individuel à responsabilité limitée ne peuvent pas participer aux répartitions à concurrence des sommes au versement desquelles ils ont été condamnés. »

Le rapport daté du 5 juillet 2021 de l'expert judiciaire, Mme [I], membre de [11], expert-comptable et commissaire aux comptes, dont les conclusions précises et circonstanciées sont techniquement étayées, retient notamment les éléments suivants :

' La trésorerie était très largement positive au moment du rachat par la société [8] ; la marge sur coûts opérationnels directs qui est à 14 % en 2013 et 2014, tombe à 5 % en 2015 ; l'écart de marge sur coûts variables de plus de 9 point, représente environ 700'000 € de chiffre d'affaires ;

' « La rémunération des prestations de la holding telle qu'elle a été calculée ne permettait pas de générer une capacité d'autofinancement suffisante au remboursement de l'emprunt contracté pour l'acquisition des titres de la SARL [9] [T].

Le rachat du reliquat de titres en décembre 2013 n'a pas non plus pu être autofinancé.

Cela a donc généré un besoin de financement qui n'a pas été négocié auprès des partenaires financiers et le besoin de trésorerie a été comblé par la filiale opérationnelle. Les besoins de financement liés au rachat de la société [9] [T] par la société [8] ont donc été sous-évalués dès la création de la holding.

De plus, la société [8] n'ayant d'autres ressources que ses prestations à sa filiale qui était sous capitalisée et sous financée, n'était pas en mesure de rembourser sa dette à court ou moyen terme. Lorsque la remontée de trésorerie réalisée en 2014 par la SARL [9] [T] pour permettre à sa société mère de faire face à ses besoins, elle n'en a plus la capacité malgré ses capitaux propres encore largement positif, elle a donc été forcé d'accroître son recours aux concours bancaires courants. » ;

' Depuis le rachat de la société en 2012, l'ensemble des indicateurs de gestion se dégrade inexorablement jusqu'en 2014 ; les difficultés ponctuelles subies en 2015 ont précipité la chute ;

' Il est établi une surévaluation manifeste des stocks pour l'exercice 2015 par les dirigeants de la société constatée par le commissaire aux comptes, lequel a refusé de certifier les comptes 2015, la surévaluation volontaire permettant de générer de l'actif et de masquer la situation déjà particulièrement obérée de la société ; la sous-évaluation des créances douteuses au 31 décembre 2015 pour un montant de de l'ordre de 200'000 € TTC a permis de diminuer artificiellement le passif de la société, cette diminution virtuelle a entrainé la non certification des comptes par le commissaire aux comptes pour l'exercice 2015 ;

' Le Commissaire aux comptes a également refusé de certifier les comptes de l'exercice clôt le 31 décembre 2015 en raison d'un écart sur TVA collectée de 561'473,70 € : le montant de la TVA collectée passe de 282'000 € en 2013 (montant cohérent puisqu'il correspond à un taux moyen de TVA collectée de 15 %) à 839'000 € en 2015 alors que le total des clients dus est stable et même légèrement inférieur ;

' Il existe une dissimulation volontaire de la part des dirigeants de la société concernant les bases imposables de la TVA, non déclarée de 190 000 € pour l'exercice 2014 et 370 000 € pour l'exercice 2015, soit un retard cumulé fin 2015 de 560'000 € ; cette irrégularité fiscale compte tenu de son importance (30% du chiffre d'affaires de la société pour l'exercice 2015) établit la volonté de dissimuler les bases imposables à la TVA ;

' Les comptes de l'exercice clos au 31 décembre 2015 dissimulent ainsi une situation déjà compromise par la dissimulation d'une dette immédiatement exigible (TVA) ou une surévaluation d'une trésorerie pourtant déjà très basse;

' « dès la fin 2014, l'état de cessation des paiements aurait dû être anticipé. Malgré cette situation une avance de trésorerie a été consentie à la société mère [le montant avancé au 31 décembre 2015 s'élevant à 237'107,33 €] qui n'a d'autres ressources que ses prestations à sa filiale, qui sous-capitalisée et sous- financée et qui n'a donc objectivement pas les moyens de rembourser cette avance ».

L'experte observe que le ratio de main-d''uvre est incohérent ; que la question d'un possible chiffre d'affaires occulte reste en suspens, en l'absence de production de pièces comptables et de suivi de gestion des chantiers et de suivi mensuel de l'activité ; et que « si ce n'est pas le chiffre d'affaires qui est transféré à une autre entité, les charges auraient dû baisser.

Il était devenu impossible de répondre aux appels d'offres, en l'absence d'attestation de régularité fiscale et sociale, ce qui aurait dû entraîner une réduction du recours aux sous-traitants, intérim, CDD et des mesures de licenciement pour motif économique, alors qu'au contraire la masse salariale et sous-traitée a augmenté significativement ».

Mme [I], s'agissant de la recherche de responsabilité, observe que sur les quatre co-gérants ayant racheté l'entreprise :

- M. [W], ex-directeur financier est décédé en [Date décès 6] 2013 ;

- M. [U], ex-responsable méthode et bureau d'études, un technicien, est totalement sorti de la société le 1er septembre 2014,

tous deux donc, avant la dégradation réelle de l'activité ;

- M. [L], ex-directeur technique a démissionné le 5 septembre 2016, il est décédé le [Date décès 5] 2021 et n'a jamais produit le moindre document durant l'expertise ;

- quant à M. [F], ex-conducteur de travaux, « il est resté seul gérant de la société jusqu'à sa liquidation en 2019 ; il ne s'est pas présenté à l'expertise et n'a répondu à aucune convocation et n'a produit aucun document.

MM'. [L] et [F] ont été seuls associés- gérants de la SARL depuis fin 2014.

Ont-ils été simplement de très mauvais gestionnaires, ont-ils détourné de la richesse de la société ' Aucun élément ne nous permet de trancher la question.

En leur qualité de gérants ils étaient responsables de l'arrêté des comptes 2014 et 2015 ainsi que les diverses fraudes à la TVA et la réglementation du travail relevés. »

Les agissements sus-décrits constituent des fautes de gestion caractérisées de la part des dirigeants durant leur mandat, exclusifs d'une simple négligence et de toute imputabilité à l'ancienne gérance, étant rappelé que ce changement de gérance date du mois de juin 2012.

Ces fautes ont contribué à l'aggravation de l'insuffisance d'actif empêchant les co-gérants, à tout le moins, d'avoir une vision claire de la comptabilité et de la trésorerie réelles de la société dont les difficultés étaient masquées, et de prendre des mesures de redressement nécessaires.

Il existe ainsi un lien de causalité direct et certain entre les fautes de gestion qui ont été commises par MM. [F] et [L], dirigeants de la société [9] [T], et le montant massif, à hauteur de 5 643 651,59 euros de l'insuffisance d'actif.

Le tribunal, pour condamner M. [O] [F] à supporter la totalité de l'insuffisance d'actif constatée déplorait déjà ne pas disposer d'éléments permettant de connaître la véritable situation financière, et notamment patrimoniale actuelle de M. [O] [F], qui aurait permis le cas échéant de réduire le montant de cette condamnation, ou de lui accorder quelque délai de grâce.

La cour relève que les seules pièces versées aux débats sur ce point en cause d'appel au soutien du moyen de disproportion invoqué par M. [F] sont ses avis d'imposition et la décision l'ayant admis à déposer un dossier de surendettement, sans aucunes précisions sur les suites qui lui furent données.

La cour estime toutefois que M. [F] ne devant pas devant subir l'absence à la présente procédure du co-dirigeant ayant tout autant participé à l'insuffisance d'actif relevée, le montant de sa condamnation sera ramené à 1'500'000 € au titre de la sanction prononcée L. 651-2 du code de commerce.

PAR CES MOTIFS

La cour,

Rejette la fin de non- recevoir soulevée ;

Prononce la nullité du jugement du tribunal de commerce de Carcassonne en date du 14 décembre 2022 en ce qu'il a condamné M. [O] [F]'à supporter l'insuffisance d'actif démontrée pour un montant de 5'643'651,59 euros'et l'a condamné à payer à la société [S] [E] ès qualités cette somme à titre de dommages et intérêts, et celle de 3'000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens, en ce compris les frais d'expertise judiciaire.

Statuant à nouveau par suite de l'effet dévolutif de l'appel,

Condamne M. [O] [F]' à payer à la société [S] [E], en la personne de [S] [E], pris en sa qualité de liquidateur à la liquidation judiciaire de la société SARL [9] [T] la somme de 1'500'000 € au titre de l'insuffisance d'actif de cette société ;

Condamne M. [O] [F] à payer à la société [S] [E], ès qualités, la somme de 3'000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens, en ce compris les frais d'expertise judiciaire de Mme [I].

Le greffier, La présidente,

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