CA Douai, 8e ch. sect. 1, 27 février 2025, n° 23/00598
DOUAI
Arrêt
Infirmation partielle
PARTIES
Demandeur :
BNP Paribas Personal Finance (SA), SELARL S21Y (Sté)
Défendeur :
BNP Paribas Personal Finance (SA), S21Y (SELARL)
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
M. Benhamou
Vice-président :
M. Vitse
Conseiller :
Mme Ménager
Avocats :
Me Cuisinier, Me Rouland, Me Deffrennes
FAITS, PROCÉDURE, PRÉTENTIONS ET MOYENS DES PARTIES:
Dans le cadre d'un démarchage à domicile selon bon de commande signé le 17 juin 2019, M. [E] [P] a conclu avec la SASU FRANCE PAC ENVIRONNEMENT un contrat portant sur l'achat et l'installation d'une centrale photovoltaïque au prix total de 29.900 euros.
Afin de financer cette installation selon offre de prêt acceptée en date du 17 juin 2019, la SA BNP PARIBAS PERSONAL FINANCE a consenti à M. [E] [P] un crédit pour un montant de 29.900 euros, remboursable en 140 mensualités de 279.62 euros au taux débiteur de 4.84 %.
Une attestation de livraison valant demande de financement a été signée par la société FRANCE PAC ENVIRONNEMENT et M. [E] [P] le 5 juillet 2019.
Une attestation de conformité a été établie le 11 juillet 2019 par le comité national pour la sécurité des usagers de l'électricité.
Les fonds ont été versés le 16 juillet 2019. Le prêt a été remboursé par anticipation le 11 mars 2021.
Une liquidation judiciaire a été ouverte concernant la société FRANCE PAC ENVIRONNEMENT par jugement rendu le 15 septembre 2021 par le tribunal de commerce de Créteil.
Par actes signifiés les 20 et 21 décembre 2021, M. [E] [P] a fait assigner la SA BNP PARIBAS PERSONAL FINANCE et la SELARL S21Y, prise en la personne de Maître [S] [V] en qualité de liquidateur judiciaire de la société FRANCE PAC ENVIRONNEMENT afin d'obtenir le prononcé de la nullité des contrats et la restitution des sommes remboursées.
Par jugement réputé contradictoire en date du 19 janvier 2023, le juge des contentieux de la protection du tribunal de proximité de Lens, a :
- déclaré recevable la demande de M. [E] [P] en nullité du contrat conclu avec la SASU FRANCE PAC ENVIRONNEMENT suivant le bon de commande signé le l7 juin 2019,
- annulé ce contrat,
- dit que la SELARL S21Y prise en la personne de Maître [S] [V] en qualité de liquidateur judiciaire de la SASU FRANCE PAC ENVIRONNEMENT devra reprendre à ses frais le matériel vendu et installé et remettre en état les lieux dans un délai de trois mois à compter de la signification du jugement et que, passé ce délai, M. [E] [P] pourra en disposer librement,
- annulé le contrat de prêt n° l6802724 souscrit le 17 juin 2019 par M. [E] [P] auprès de la SA BNP PARIBAS PERSONAL FINANCE,
- condamné la SA BNP PARIBAS PERSONAL FINANCE à payer à M. [E] [P] les sommes de :
' 3 718,71 euros au titre des restitutions réciproques engendrées par l'annulation du prêt, avec l'intérêt au taux légal à compter du jugement,
' l 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
- rejeté les demandes de M. [E] [P] en exonération de créance de restitution et en diminution de cette créance à un dixième,
- rejeté la demande de la SA BNP PARIBAS PERSONAL FINANCE au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
- condamné la SA BNP PARIBAS PERSONAL FINANCE aux dépens.
Par déclaration enregistrée au greffe de la cour le 6 février 2023, M. [E] [P] a interjeté appel de cette décision en sollicitant son infirmation partielle en ce qu'elle a :
' condamné la SA BNP PARIBAS PERSONAL FINANCE à payer à M. [E] [P] les sommes de 3 718,71 euros au titre des restitutions réciproques engendrées par l'annulation du prêt, avec l'intérêt au taux légal à compter du jugement,
' rejeté les demandes de M. [E] [P] en exonération de créance de restitution et en diminution de cette créance à un dixième.
Vu les dernières conclusions de M. [E] [P] en date du 28 octobre 2024, et tendant à voir :
' Débouter la SA BNP PARIBAS PERSONAL FINANCE de ses demandes fins et conclusions ;
' Confirmer le jugement attaqué en ce qu'il a prononcé l'annulation des contrats de vente et de crédit en date du 17 juin 2019 et dit que la SELARL S21Y, prise en la personne de Me [S] [V], en qualité de liquidateur judiciaire de la SASU FRANCE PAC ENVIRONNEMENT, devra reprendre à ses frais le matériel vendu et installé et remettre en état les lieux dans un délai de trois mois à compter de la signification du jugement et que, passé ce délai, M. [E] [P] pourra en disposer librement ;
' Infirmer le jugement attaqué en ce qu'il a Condamné la SA BNP PARIBAS PERSONAL FINANCE à verser la somme de 3718,71euros au titre des restitutions réciproques engendrées par l'annulation du prêt, avec intérêt légal à compter du jugement et en ce qu'il a rejeté les demandes de M. [E] [P] en exonération de créance de restitution et de diminution de cette créance à un dixième
' Et le réformant condamner la SA BNP PARIBAS PERSONAL FINANCE à restituer à M. [E] [P] la somme de 29.900 euros;
' Condamner la SA BNP PARIBAS PERSONAL FINANCE au paiement de la somme de 3.500 euros au titre de l'article 700 du CPC et aux dépens d'appel au profit de M. [E] [P].
Vu les dernières conclusions de la SA BNP PARIBAS PERSONAL FINANCE en date du 26 juin 2023, et tendant à voir :
- Recevoir la S.A. BNP PARIBAS PERSONAL FINANCE en son appel incident, la déclarer bien fondée.
- Réformer le jugement intervenu devant le Juge des contentieux de la protection du Tribunal de Proximité de LENS en date du 19 janvier 2023 en ce qu'il a annulé le contrat conclu par Monsieur [E] [P] avec la SAS FRANCE PAC ENVIRONNEMENT suivant le bon de commande signé le 17 juin 2019, en ce qu'il a annulé le contrat de prêt n° 16802724 souscrit le 17 juin 2019 par Monsieur [E] [P] auprès de la SA BNP PARIBAS PERSONAL FINANCE, en ce qu'il a condamné la SA BNP PARIBAS PERSONAL FINANCE à payer à M. [E] [P] les sommes de 3 718.71 euros au titre des restitutions réciproques engendrées par l'annulation du prêt, avec l'intérêt légal et de 1 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile, en ce qu'il a rejeté la demande de la SA BNP PARIBAS PERSONAL FINANCE au titre de l'article 700 du code de procédure civile et en ce qu'il a condamné la SA BNP PARIBAS PERSONAL FINANCE aux dépens.
Et statuant à nouveau
Vu les articles L.312-55 et L.312-56 du Code de la Consommation,
Vu les articles 1103 et 1104 du Code Civil,
Vu l'article 1182 du Code Civil,
Vu l'article 1353 du Code Civil,
Vu l'article 9 du Code de Procédure Civile,
Vu la jurisprudence citée,
Vu les pièces versées aux débats,
A titre principal,
- Dire et juger que le bon de commande régularisé par Monsieur [E] [P] le 17 juin 2019 avec la Société FRANCE PAC ENVIRONNEMENT respecte les dispositions des articles L.221-5 et suivants du Code de la Consommation.
- A défaut, constater, dire et juger que Monsieur [E] [P] a amplement manifesté sa volonté de renoncer à invoquer la nullité du contrat au titre des prétendus vices l'affectant sur le fondement des articles L.221-5 et suivants du Code de la Consommation.
- Constater la carence probatoire de Monsieur [E] [P].
- En conséquence, débouter Monsieur [E] [P] de l'intégralité de ses demandes, fins et conclusions formulées à l'encontre de la S.A. BNP PARIBAS PERSONAL FINANCE et notamment de sa demande en remboursement des sommes d'ores et déjà versées dans le cadre de l'exécution du contrat de crédit affecté consenti par la S.A. BNP PARIBAS PERSONAL FINANCE à Monsieur [E] [P], selon offre préalable acceptée le 17 juin 2019.
A titre subsidiaire, si par extraordinaire la Cour d'Appel devait confirmer le jugement entrepris en ce qu'il a annulé le contrat conclu par Monsieur [E] [P] avec la SAS FRANCE PAC ENVIRONNEMENT suivant le bon de commande signé le 17 juin 2019 et en ce qu'il a annulé le contrat de prêt n° 16802724 souscrit le 17 juin 2019 par Monsieur [E] [P] auprès de la SA BNP PARIBAS PERSONAL FINANCE,
- Constater, dire et juger que la S.A. BNP PARIBAS PERSONAL FINANCE n'a commis aucune faute en procédant à la délivrance des fonds ni dans l'octroi du crédit.
- Par conséquent, confirmer le jugement intervenu devant le Juge des contentieux de la protection du Tribunal de Proximité de LENS en date du 19 janvier 2023 en ce qu'il a condamné la SA BNP PARIBAS PERSONAL FINANCE à payer à Monsieur [E] [P] uniquement la somme de 3 718,71 euros au titre des restitutions réciproques engendrées par l'annulation du prêt, correspondant à la différence entre les sommes versées par Monsieur [P] au prêteur et le montant du capital prêté.
- Et débouter Monsieur [E] [P] de l'intégralité de ses prétentions, demandes, fins et conclusions telles que formulées à l'encontre de la S.A. BNP PARIBAS PERSONAL FINANCE et notamment de sa demande de remboursement des sommes d'ores et déjà versées au prêteur dans le cadre de l'exécution du contrat de crédit affecté qui lui a été consenti par la S.A. BNP PARIBAS PERSONAL FINANCE selon offre préalable acceptée le 17 juin 2019, à l'exception des seules sommes versées par Monsieur [P] entre les mains du prêteur au-delà du montant du capital prêté.
A titre infiniment subsidiaire, si par impossible la Cour d'Appel devait considérer que la S.A. BNP PARIBAS PERSONAL FINANCE a commis une faute dans le déblocage de fonds,
- Dire et juger que le préjudice subi du fait de la perte de chance de ne pas contracter le contrat de crédit affecté litigieux ne peut être égal au montant de la créance de la banque.
- Dire et juger que les panneaux solaires photovoltaïques, le ballon thermodynamique, la pompe à chaleur et les autres matériels commandés par Monsieur [P] ont bien été livrés et posés à son domicile par la société FRANCE PAC ENVIRONNEMENT, que lesdits matériels fonctionnent parfaitement puisque Monsieur [E] [P] ne rapporte absolument pas la preuve d'un quelconque dysfonctionnement qui affecterait les matériels installés à son domicile et qui serait de nature à les rendre impropres à leur destination.
- Dire et juger que Monsieur [E] [P] conservera l'installation des panneaux solaires photovoltaïques et des autres matériels qui ont été livrés et posés à son domicile par la société FRANCE PAC ENVIRONNEMENT (puisque ladite société se trouve en liquidation judiciaire de sorte qu'elle ne se présentera jamais au domicile de Monsieur [P] pour récupérer les matériels installés à son domicile) et que l'installation fonctionne parfaitement, à défaut de preuve contraire émanant de la partie adverse.
- Par conséquent, dire et juger que la S.A. BNP PARIBAS PERSONAL FINANCE ne saurait être privée de sa créance de restitution, compte tenu de l'absence de préjudice avéré pour Monsieur [E] [P].
- Par conséquent, confirmer le jugement intervenu devant le Juge des contentieux de la protection du Tribunal de Proximité de LENS en date du 19 janvier 2023 en ce qu'il a condamné la SA BNP PARIBAS PERSONAL FINANCE à payer à Monsieur [E] [P] uniquement la somme de 3 718,71 euros au titre des restitutions réciproques engendrées par l'annulation du prêt, correspondant à la différence entre les sommes versées par Monsieur [P] au prêteur et le montant du capital prêté.
- Et débouter Monsieur [E] [P] de l'intégralité de ses prétentions, demandes, fins et conclusions telles que formulées à l'encontre de la S.A. BNP PARIBAS PERSONAL FINANCE et notamment de sa demande de remboursement des sommes d'ores et déjà versées au prêteur dans le cadre de l'exécution du contrat de crédit affecté qui lui a été consenti par la S.A. BNP PARIBAS PERSONAL FINANCE selon offre préalable acceptée le 17 juin 2019, à l'exception des seules sommes versées par Monsieur [P] entre les mains du prêteur au-delà du montant du capital prêté.
- A défaut, réduire à de bien plus justes proportions le préjudice subi par Monsieur [P] et dire et juger que Monsieur [E] [P] devait à tout le moins restituer au prêteur une fraction du capital prêté, fraction qui ne saurait être inférieure aux deux tiers du capital prêté par la S.A. BNP PARIBAS PERSONAL FINANCE à Monsieur [E] [P].
En tout état de cause,
- Condamner Monsieur [E] [P] à payer à la S.A. BNP PARIBAS PERSONAL FINANCE la somme de 1.500,00 euros en application des dispositions de l'article 700 du Code de Procédure Civile.
- Condamner Monsieur [E] [P] aux entiers frais et dépens, y compris ceux d'appel dont distraction au profit de Maître Francis DEFFRENNES, Avocat aux offres de droit, conformément aux dispositions de l'article 699 du Code de Procédure Civile.
Pour sa part la SELARL S21Y, prise en la personne de Maître [S] [V] en qualité de liquidateur judiciaire de la société FRANCE PAC ENVIRONNEMENT a notamment été assignée devant la cour par M. [E] [P] par acte de commissaire de justice en date du 30 mars 2023 signifié à personne morale étant précisé que cet acte extrajudiciaire a été remis à une personne habilitée à le recevoir. Toutefois subséquemment cette intimée n'a pas constitué avocat ni donc conclu en cause d'appel.
Pour plus ample exposé des prétentions et moyens des parties qui ont constitué avocat et conclu devant la cour, il convient de se référer à leurs écritures respectives.
L'ordonnance de clôture est intervenue le 6 novembre 2024.
- MOTIFS DE LA COUR:
- Sur la nullité du contrat principal de vente:
L'article L221-5-1° du code de la consommation s'agissant des contrats conclus hors établissement prévoit en substance que préalablement à la conclusion d'un contrat de vente ou de fourniture de services, le professionnel communique au consommateur, de manière lisible et compréhensible, les informations prévues à l'article L. 111-1.
L'article L 111-1 du même code quant à lui dans sa version résultant de l'ordonnance n°2016-301 du 14 mars 2016 et applicable au présent litige, dispose:
«Avant que le consommateur ne soit lié par un contrat de vente de biens ou de fourniture de services, le professionnel communique au consommateur, de manière lisible et compréhensible, les informations suivantes:
1° Les caractéristiques essentielles du bien ou du service, compte tenu du support de communication utilisé et du bien ou service concerné;
2° Le prix du bien ou du service, en application des articles L. 112-1 à L. 112-4;
3° En l'absence d'exécution immédiate du contrat, la date ou le délai auquel le professionnel s'engage à livrer le bien ou à exécuter le service ; 4° Les informations relatives à son identité, à ses coordonnées postales, téléphoniques et électroniques et à ses activités, pour autant qu'elles ne ressortent pas du
contexte ;
5° S'il y a lieu, les informations relatives aux garanties légales, aux fonctionnalités du contenu numérique et, le cas échéant, à son interopérabilité, à l'existence et aux modalités de mise en 'uvre des garanties et aux autres conditions contractuelles;
6° La possibilité de recourir à un médiateur de la consommation dans les conditions prévues au titre Ier du livre VI.
La liste et le contenu précis de ces informations sont fixés par décret en Conseil d'État.
Les dispositions du présent article s'appliquent également aux contrats portant sur la fourniture d'eau, de gaz ou d'électricité, lorsqu'ils ne sont pas conditionnés dans un volume délimité ou en quantité déterminée, ainsi que de chauffage urbain et de contenu numérique non fourni sur un support matériel. Ces contrats font également référence à la nécessité d'une consommation sobre et respectueuse de la préservation de l'environnement.»
De plus l'article L111-2 du code de la consommation dans sa version résultant de l'ordonnance n°2016-301 du 14 mars 2016 et qui a vocation à s'appliquer au présent litige, dispose :
'Outre les mentions prévues à l'article L. 111-1, tout professionnel, avant la conclusion d'un contrat de fourniture de services et, lorsqu'il n'y a pas de contrat écrit, avant l'exécution de la prestation de services, met à la disposition du consommateur ou lui communique, de manière lisible et compréhensible, les informations complémentaires relatives à ses coordonnées, à son activité de prestation de services et aux autres conditions contractuelles, dont la liste et le contenu sont fixés par décret en Conseil d'Etat.
Les informations complémentaires qui ne sont communiquées qu'à la demande du consommateur sont également précisées par décret en Conseil d'Etat.'
L'article L 221-9 du dit code dispose quant à lui:
«Le professionnel fournit au consommateur un exemplaire daté du contrat conclu hors établissement, sur papier signé par les parties ou, avec l'accord du consommateur, sur un autre support durable, confirmant l'engagement exprès des parties.
Ce contrat comprend toutes les informations prévues à l'article L. 221-5.
Le contrat mentionne, le cas échéant, l'accord exprès du consommateur pour la fourniture d'un contenu numérique indépendant de tout support matériel avant l'expiration du délai de rétractation et, dans cette hypothèse, le renoncement de ce dernier à l'exercice de son droit de rétractation.
Le contrat est accompagné du formulaire type de rétractation mentionné au 2° de l'article L. 221-5.»
Par ailleurs l'article L 242-1 du même code prévoit en ce qui le concerne que les dispositions de l'article L 221-9 sont prévues à peine de nullité du contrat conclu hors établissement.
Au cas particulier la nature complexe de l'opération contractuelle en question implique impérativement que soit précisées certaines caractéristiques essentielles. Faute de telles précisions le consommateur ne sera pas en mesure de procéder - comme il peut légitimement en ressentir la nécessité - à une comparaison pertinente entre diverses offres de même nature proposées sur le marché afin d' opérer le choix qui lui paraît le plus judicieux.
Au cas particulier le bon de commande n'indique pas avec précision la marque des panneaux photovoltaïques. En effet en première page de ce bon de commande il est mentionné 'Panneaux de marque Francilienne ou SOLUXTEC' (pièce n°1 de l'appelant). Cela signifie que le vendeur peut choisir l'une ou l'autre marque de manière discrétionnaire sans le spécifier par avance de manière certaine à l'intention du vendeur. Or la Cour de cassation dans un arrêt de principe du 24 janvier 2024 a considéré que la marque constituait une caractéristique essentielle de l'installation de panneaux photovoltaïques ( 1ère civ. 24 janvier 2024, n° du pourvoi 21-20.691).
De plus un tel bon de commande rédigé de manière particulièrement sommaire, ne spécifie nullement s'agissant d'une opération complexe la date exacte de livraison et le calendrier précis des travaux concernant la prestation fournie avec notamment la date des démarches administratives visant à obtenir l'autorisation de la mairie et la date du raccordement ERDF qui conditionne le fonctionnement effectif de l'installation.
Il ressort ainsi des observations qui précédent, que le consommateur en question n'a pas été suffisamment informé sur la prestation qu'il entendait obtenir dans le cadre du contrat en cause - étant bien entendu que la marque des panneaux photovoltaïques et le calendrier des travaux apparaissent comme des caractéristiques essentielles et même primordiales de la prestation en cause. Il est ainsi incontestable que le bon de commande en question ne satisfait pas aux exigences protectrices du consommateur résultant des dispositions précitées du code de la consommation sans qu'il soit besoin d'apprécier si ces éléments ont été déterminants du consentement s'agissant d'une nullité d'ordre public.
En outre il ne résulte d'aucun élément objectif du dossier que M. [E] [P] même s'il avait connaissance des irrégularités du bon de commande, ait manifesté la volonté non équivoque de renoncer à la nullité qui en découle, étant entendu que son acceptation de la livraison n'a pu avoir pour effet de couvrir ces irrégularités ainsi que la nullité qui a vocation à les sanctionner. Au regard de sa qualité de simple profane il devait de toute évidence ignorer que le défaut des mentions obligatoires entachant le bon de commande était sanctionné par la nullité de cet acte juridique s'agissant d'une nullité relative dans le cadre protecteur du droit de la consommation. Il ne ressort par ailleurs d'aucun élément objectif du dossier que l'acquéreur ait confirmé cet acte nul en renonçant à la nullité qui en découle notamment en envoyant au vendeur un courrier explicite à ce sujet de renonciation à la nullité du contrat en cause.
Il convient dès lors de confirmer le jugement querellé en ce qu'il a annulé le contrat principal de vente conclu le 17 juin 2019 par M. [E] [P] avec la SASU FRANCE PAC ENVIRONNEMENT.
- Sur la nullité du contrat de crédit affecté:
En application des dispositions de l'article L 312-55 du code de la consommation, le contrat de crédit est résolu ou annulé de plein droit lorsque le contrat en vue duquel il a été conclu, est lui même judiciairement résolu ou annulé.
Il convient dès lors de confirmer le jugement querellé en ce qu'il a annulé le contrat de prêt n° l6802724 souscrit le 17 juin 2019 par M. [E] [P] auprès de la SA BNP PARIBAS PERSONAL FINANCE.
- Sur les conséquences de la nullité du contrat principal de vente et du contrat de crédit:
Dans le cas présent l'annulation du contrat principal de vente et du contrat de crédit qui certes anéantit ces deux conventions ne saurait toutefois conduire au rétablissement mécanique du statu quo ante. En effet il faudra tenir compte aussi le cas échéant, des conséquences de l'éventuelle privation de la banque de sa créance de restitution.
' Sur les conséquences de l'annulation du contrat principal de vente:
Dans les rapports entre le vendeur et son cocontractant consommateur, l'annulation de la vente commande à la SELARL S21Y prise en la personne de Maître [S] [V] es qualité de liquidateur judiciaire de la société FRANCE PAC ENVIRONNEMENT de restituer le prix de vente. Par ailleurs M. [E] [P] ne pourra conserver le matériel installé de telle manière qu'il y a lieu de confirmer le jugement querellé en ce qu'il a dit que la SELARL S21Y prise en la personne de Me [S] [V] en qualité de liquidateur judiciaire de la SASU FRANCE PAC ENVIRONNEMENT devra reprendre à ses frais le matériel vendu et installé et remettre en état les lieux dans un délai de trois mois à compter de la signification du jugement et que, passé ce délai, M. [E] [P] pourra en disposer librement.
' Sur les conséquences de l'annulation du contrat de crédit affecté:
Il résulte d'une jurisprudence bien établie que commet une faute la banque qui verse les fonds prêtés au vendeur de panneaux photovoltaïques sans avoir dûment et préalablement vérifié la conformité du bon de commande aux dispositions du code de la consommation. La banque commet également une faute en ne s'assurant pas au moyen de toutes démarches utiles, de la bonne exécution des travaux par le vendeur des panneaux photovoltaïques conformément à ses engagements contractuels avant de débloquer les fonds prêtés.
Au cas particulier l'objectivité commande de constater que la SA BNP PARIBAS PERSONAL FINANCE a commis une faute en ne vérifiant pas la conformité du bon de commande litigieux aux dispositions d'ordre public du code de la consommation lorsqu'elle a débloqué les fonds du crédit affecté.
La banque est ainsi privée de sa créance de restitution quand l'emprunteur justifie d'un préjudice en lien de causalité avec cette faute.
Au cas particulier force est de constater que la faillite du vendeur survenue peu avant de le début de la présente procédure contentieuse doit être considérée comme générant un préjudice suffisant pour priver le prêteur de sa créance de restitution. En effet du fait de cette déconfiture M. [E] [P] se verra incontestablement dans l'impossibilité de récupérer le prix de vente auprès de la société FRANCE PAC ENVIRONNEMENT placée en liquidation judiciaire - alors même que cette restitution du prix aurait été la conséquence juridique normale et automatique résultant de l'annulation du contrat de vente. Il convient de souligner que cette liquidation judiciaire de la société FRANCE PAC ENVIRONNEMENT rend absolument certaine et non pas seulement probable la non restitution du prix par cette société.
Les fautes de la SA BNP PARIBAS PERSONAL FINANCE en l'espèce ont causé à M. [E] [P] un préjudice incontestable qui doit être justement et exactement arbitré à hauteur du montant intégral de la créance de restitution. Il doit en effet être fait application dans le cas présent du principe fondamental dans la sphère de la responsabilité civile de la réparation intégrale du préjudice qui commande de réparer tout le préjudice mais rien que le préjudice.
Dans un arrêt de principe en date du 10 juillet 2024 la première chambre civile de la Cour de cassation a considéré que lorsque la restitution du prix à laquelle le vendeur est condamné, par suite de l'annulation du contrat de vente ou de prestation de service, est devenue impossible du fait de l'insolvabilité du vendeur ou du prestataire, le consommateur, privé de la contrepartie de la restitution du bien vendu, justifie d'une perte subie équivalente au montant du crédit souscrit pour le financement du prix du contrat de vente ou de prestation de service annulé en lien de causalité avec la faute de la banque qui, avant de verser au vendeur le capital emprunté, n'a pas vérifié la régularité formelle du contrat principal (Cass. Civ, 1ère 10 juillet 2024, n° du pourvoi 23-15.802).
La Cour suprême estime ainsi qu'en libérant le capital emprunté sans vérifier la régularité du contrat principal, la banque a manqué à ses obligations, et que d'autre part, l'emprunteur avait subi un préjudice consistant à ne pas pouvoir obtenir, auprès d'un vendeur placé en liquidation judiciaire, la restitution du prix de vente du matériel. Elle en déduit que la banque dans ce cas doit être condamnée à restituer à l'emprunteur à titre de dommages et intérêts une somme correspondant au capital emprunté.
Il est donc logique au regard des observations qui précédent, que la SA COFIDIS soit privée totalement de sa créance de restitution à hauteur de 29.900 euros.
Il convient dès lors d'infirmer le jugement querellé en ce qu'il a condamné la SA BNP PARIBAS PERSONAL FINANCE à payer à M. [E] [P] la somme de 3 718,71 euros au titre des restitutions réciproques engendrées par l'annulation du prêt, avec l'intérêt au taux légal à compter du jugement et rejeté la demande de M. [E] [P] d'exonération de créance de restitution. Il y a lieu par suite, statuant à nouveau, de condamner la SA BNP PARIBAS PERSONAL FINANCE à restituer à M. [E] [P] la somme de 29.900 euros correspondant au montant exact du capital emprunté.
Par ailleurs s'agissant des autres points du jugement querellé, déférés à la cour dans le cadre de l'effet dévolutif de l'appel, le premier juge dans la décision entreprise par des motifs pertinents que la cour adopte, ayant opéré une exacte application du droit aux faits, il y a lieu les concernant d'entrer en voie de confirmation.
- Sur l'application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile au titre de l'instance d'appel:
Il apparaît inéquitable de laisser à la charge de M. [E] [P] les frais irrépétibles exposés par lui devant la cour et non compris dans les dépens.
Il convient dès lors de condamner la SA BNP PARIBAS PERSONAL FINANCE à payer à M. [E] [P] la somme de 1.500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile au titre de l'instance d'appel.
En revanche il n'apparaît pas inéquitable de laisser à la charge de la SA BNP PARIBAS PERSONAL FINANCE les frais irrépétibles exposés par elle devant la cour et non compris dans les dépens.
Il y a lieu dès lors de débouter la SA BNP PARIBAS PERSONAL FINANCE de sa demande sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile au titre de l'instance d'appel.
- Sur le surplus des demandes:
Au regard des considérations qui précédent il convient de débouter les parties du surplus de leurs demandes.
- Sur les dépens d'appel:
Il y a lieu de condamner la SA BNP PARIBAS PERSONAL FINANCE qui succombe, aux entiers dépens d'appel.
PAR CES MOTIFS,
Statuant par arrêt réputé contradictoire, rendu en dernier ressort, et par mise à disposition au greffe,
- CONFIRME le jugement querellé sauf en ce qu'il a condamné la SA BNP PARIBAS PERSONAL FINANCE à payer à M. [E] [P] la somme de 3 718,71 euros au titre des restitutions réciproques engendrées par l'annulation du prêt, avec l'intérêt au taux légal à compter du jugement et rejeté la demande de M. [E] [P] d'exonération de créance de restitution,
Statuant à nouveau sur les points infirmés et y ajoutant,
- CONDAMNE la SA BNP PARIBAS PERSONAL FINANCE à restituer à M. [E] [P] la somme de 29.900 euros correspondant au montant exact du capital emprunté,
- CONDAMNE la SA BNP PARIBAS PERSONAL FINANCE à payer à M. [E] [P] la somme de 1.500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile au titre de l'instance d'appel,
- LA DEBOUTE de sa demande sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile au titre de l'instance d'appel,
- DÉBOUTE les parties du surplus de leurs demandes,
- CONDAMNE la SA BNP PARIBAS PERSONAL FINANCE aux entiers dépens d'appel.